Simplement compliqué (1986)
Thomas Bernhard
Office 20/04/2007
Seul dans sa chambre en désordre, un vieillard monologue en clouant une plinthe. Ancien acteur shakespearien, nostalgique d’un grand théâtre perdu, le personnage s’autorise une fois par mois à porter la couronne de Richard III, le rôle de sa vie. Souvenirs de théâtre, préoccupations matérielles et considérations misanthropes rythment le discours de celui qui s’est définitivement séparé de ses contemporains : seule lui rend visite une petite fille, Catherine, qui vient lui apporter du lait tous les mardis et vendredis, et dont la présence perturbe à peine le flot de paroles du vieil homme.
On assiste alors à un divorce effrayant entre les mots et la vie : les paroles éloignent la vie, prennent sa place. La simplicité du quotidien devient le prétexte d’un discours des plus compliqués. Le personnage, à la fois triste et grotesque, se perd dans une représentation de lui-même : à la fin de la pièce, on le voit appuyer sur la touche d’un magnétophone, et écouter les paroles qu’il vient de prononcer. Thomas Bernhard représente un théâtre fasciné par lui-même au point d’être entièrement coupé du monde : cet acteur qui ne joue plus est désormais le spectateur d’une vie qui s’est arrêtée.
Thomas Bernhard (1931-1989) passe son enfance à Salzbourg auprès de son grand-père maternel. Après des expériences dans le journalisme et la critique, il écrit son premier roman, Gel en 1962, mais se concentre de plus en plus sur des œuvres théâtrales. La vie de Thomas Bernhard est marquée par la succession de scandales que ses livres provoquent : très sévère à l’égard de l’Autriche, son œuvre critique très fortement la culture autrichienne et les Autrichiens.