Fulgurances, drôlerie, lucidité : dans « L’agonie de Gutenberg » de François COUPRY

Par Emile COUGUT sur WUKALI

L’Agonie de Gutemberg, les fulgurances de François Coupry

couvcoupry.jpgGloire ou défaite du Livre ?

Do they read, don’t they read… that is the question !

François Coupry est écrivain, et comme bon nombre d’entre eux, il craint (il prédit ?) la fin du livre papier au profit du livre numérique, en quelque sorte la fin de Gutenberg. Soit il n’est pas seul, et la catégorie des tristes prophètes n’en finit pas de nous asséner leurs vérités. On dirait qu’ils vivent en autiste, dans leur monde, sans prendre connaissance des données de la réalité : jamais en France (mais pas que), il n’y a eu tant de nouveaux livres mis sur le marché chaque année. Toutes les études le montrent, le temps moyen passé à la lecture du livre papier augmente depuis 10 ans. Et que dire du secteur de la bande dessinée qui connait une progression vertigineuse. Les éditions pour la jeunesse explosent. Et oui, n’en déplaise à certains, les jeunes lisent beaucoup plus de livres-papier que les jeunes de l’époque où l’auteur était… jeune. Mais là n’est pas le problème. A moins que… A moins que ces livres ne trouve grâce à ses yeux. A la lecture de ces chroniques, il semble que François Coupry fasse partie de cette catégorie de personnages qui existent depuis le jour où l’homo sapiens sapiens a décidé de vivre en société : avec les jeunes d’aujourd’hui, l’avenir est un désastre. Alors si je lui prouve chiffres à la main que les jeunes lisent plus qu’avant, je sais ce qu’il risque de me répondre : « soit, ils lisent plus, mais ils lisent mal, ils lisent pour se distraire et non pour apprendre, pour se cultiver. » On connait la musique, il y a des bons et des mauvais livres (pourquoi a-ton supprimer l’Index ?) et il faut obliger les jeunes à lire ce qui va les instruire c’est à dire ce que lui a lu dans son enfance. François Coupry regrette à longueur de page la méconnaissance des jeunes par rapport à l’histoire et donc leur absence de clés pour comprendre le présent voire l’avenir. Soit, mais je pense qu’il se leurre pas mal, je ne suis pas certain que les gens de sa génération avaient une aussi grande culture générale que ça. Il suffit d’ouïr son entourage, ou pire d’aller au café du commerce (ou regarder son relais médiatique avec les « micros-trottoirs » à la télévision) pour avoir des doutes. Et je ne suis pas certain qu’à l’époque de sa jeunesse beaucoup de personnes pouvaient discourir sur la légitimité de Raoul à être sacré roi des francs à la mort de Robert I ou sur les conséquence du traité de Paris de 1815 par rapport à celui de 1814, et dieu sait que l’histoire de l’Europe en général et de la France en particulier aurait était différente si Napoléon n’était pas revenu de l’île d’Elbe. Et puis, je suis à peu prés certain que les jeunes si décriés par François Coupry ont une culture dans certains domaines comme l’informatique nettement plus importante que la sienne.

Cette position, et bien d’autres, peut paraître quelque peu paradoxal de la part d’un auteur qui s’interroge, souvent avec une vraie finesse d’esprit sur la réalité et la vérité. N’a-t-il pas écrit : « Ce n’est pas le Réel qui engendre la Fiction afin de se donner un sens ; c’est la Fiction qui crée le réel, afin de se donner une Vérité ». Voilà un très beau sujet d’examen voire même de culture générale, et il est certain que les réflexions de François Coupry sont des pierres particulièrement intéressantes à l’approfondissement de cette réflexion.

Mais revenons à L’agonie de Gutenberg. On a compris que François Coupry craint une fin plus ou moins programmée du livre-papier au profit des moyens numériques de lecture. Mais il n’est pas a un paradoxe prés ! Il a commis des chroniques surnommées «  vilaines pensées » de 2013 à 2017 sur la toile et il les a réuni dans un livre papier !
Qu’en penser ? Beaucoup d’ironie, beaucoup de confidences, quelques analyses, quelques personnages récurrents dont Monsieur Piano, des références littéraires comme Les Lettres persanes de Montesquieu. Il en ressort une pensée que Diogène et les cyniques, voire les pessimistes ne renieraient pas. M Piano ne fait rien d’autre que de « chercher un homme ». Et ce avec une pointe bien dosée de misogynie. François Coupry dénonce à mots à peine voilés le progrès et la déshumanisation qu’il engendre. Ces chroniques sont loin de transpirer d’optimisme.

Pour autant, le lecteur de temps en temps s’arrête pour apprécier une fulgurance, pour tourner en lui une évidence qu’il n’avait pas perçue mais que l’auteur décrit dans toute sa nudité. Et oui, grâce aux médias, on ne mange plus (très bonnes charges dignes de la cavalerie lourde contre la nouvelle cuisine et les plats « revisités » (Ah les plaisirs du couscous à la choucroute !)), on déguste. Plus d’un tiers de l’humanité est sous-alimenté, mais nous on déguste (manger étant devenu vulgaire) même le plat le plus simple. Snobisme de l’époque ou les mots à force de se banaliser perdent tout leur sens.

Alors, est-ce que François Coupry n’est qu’un ronchon, un nostalgique « du vert paradis des amours enfantines » si cher à Baudelaire, cette époque que tout un chacun fantasme plus ou moins, mais qui n’a jamais existé réellement, ou alors un grand comique qu’il faut lire au second degré. Car L’agonie de Gutenbergpeut être très drôle (un peu lassant toutefois car, et c’est le problème des journaux, l’auteur a tendance à se répéter), mais à condition de ne pas le lire au premier degré. Si vous ne le faites pas, alors vous risquez de rechercher en vitesse une île déserte où vous ne serez plus en contact avec l’humanité et surtout avec ce « progrès » qui est en train de la détruire. Diogène est loin d’être mort.

Émile Cougut

« L’agonie de Gutenberg » de François Coupry : ses « Vilaines pensées » plébiscitées sur le net réunies dans un livre jubilatoire (Parution le 22 mars 2018)

couvcoupry.jpgL’agonie de Gutenberg de François COUPRY

Parution le 22 mars 2018

aux éditions Pierre-Guilaume de Roux

Pour recevoir le livre et/ou interviewer l’auteur, merci de contacter l’attachée de presse guilaine_depis@yahoo.com / 06 84 36 31 85

« François Coupry, avant tout, est léger, drôle, aérien.(…) C’est une libellule, un papillon, un phasme.  Il a un style vivace, primesautier, taquin, qui emporte l’adhésion. (…)  L’air de Coupry est frais : impudemment, il aide à respirer. »Bertrand du Chambon, Le Salon littéraire

« L’Agonie de Gutenberg – titre terrible, terriblement contemporain, mais exempt de toute nostalgie – est à lire comme une fiction globale, dans notre monde (village) global. Les intitulés des pages 80-81 sont, à cet égard, assez significatifs : « L’Imaginaire précède l’existence » et « Quand la réalité embête la fiction ». Incorrigible François Coupry qui, sous couvert d’observation du monde, en revient à ses (merveilleux) démons – oui, nous nous répétons : Fiction, que diable ! » Christine Bini

Gutenberg agonise : ces courtes chroniques, ces réflexions paradoxales, ces regards ironiques sur l’actualité, ces fables cocasses, ces contes iconoclastes, ces saynètes farfelues et ces confidences ont d’abord paru sous forme numérique et sous le titre de Vilaines Pensées, sur des blogs relayés sur Facebook, de 2013 à 2017, avant d’être imprimés sous une couverture, soulignant ainsi une évolution des habitudes de l’édition. 

Gutenberg agonise : une ancienne civilisation s’étiole, un nouveau monde  balbutie. Les valeurs se renversent, les cultures se bousculent, s’opposent. Entre les identités perdues et le vertige de devenir mondial, l’Histoire se raconte dans un autre sens, où la fiction l’emporte. Ce bouleversement se lit avec humour en ce journal écrit dans le chaos du moment et l’écho immédiat de ces années : les attentats, le souci de transparence, de république et de laïcité, la précarité, les drames climatiques, l’exploration de l’univers, les élections présidentielles françaises de 2017 décrites comme des contes de Perrault ou à la manière des Lettres persanes. 

Gutenberg agonise : sous cette vision mélodramatique se construit peu à peu un roman satirique et drôle, avec des personnages récurrents, tel cet excentrique monsieur Piano, des points de vue variés, comme ceux d’une souris ou d’une balle de révolver, à l’image du somptueux ridicule, du dérisoire de cet univers brisé du début du vingt-et-unième siècle.

Par l’auteur du Rire du Pharaon, du Fils du Concierge de l’Opéra, des Souterrains de l’Histoire, de La Femme du Futur et autres contes paradoxaux, du Fou Rire de Jésus — où, dans le registre du Merveilleux, les lois ordinaires ont été recréées, où l’imaginaire bâtit la réalité de l’univers : L’Agonie de Gutenberg est comme la synthèse de cette oeuvre. 

coupry.jpgFrançois Coupry a publié une quarantaine de récits dans le registre du Merveilleux, où le monde est raconté d’un point de vue anormal, inhumain, et où les lois ordinaires et les principes physiques ont été recréés. 

« L’oeuvre romanesque de François Coupry se répartit en deux grands ensembles : l’un, baptisé Contes paradoxaux, est composé de romans assez courts, souvent centrés autour d’un héros en devenir, dont le destin est lié à un élément insolite qui lui donne tout son sens ; l’autre, un cycle romanesque intitulé Les Souterrains de l’Histoire, est une délirante cosmogonie historique. Nombre de ses héros sont des enfants qui, croyant en une fiction, finissent par changer celle-ci en réalité. » (Francis Berthelot, Bibliothèque de l’Entre-Mondes, les Transfictions, Gallimard, 2005) 

Dans Notre Société de Fiction (Editions du Rocher, 1996), François Coupry définit le cadre de son approche de la littérature : « Ce n’est pas le Réel qui engendre la fiction, afin de se donner un sens ; c’est la Fiction qui crée le réel, afin de se donner une Vérité. »