Colette Portelance, Au cœur de l’intelligence
Enseignante en secondaire puis éducatrice, l’autrice a développé une expérience pratique qu’elle a approfondi avec passion par des études théoriques. L’échec scolaire n’est pas une fatalité mais un manque de motivation. Lequel est lié intimement à l’affectif. Jamais un enseignement purement rationnel ne suffit pour apprendre ; il lui faut l’intelligence du cœur pour adhérer à celui qui enseigne, donc à sa matière.
Il existe de multiples formes d’appréhender le monde pour le comprendre et s’y adapter, ce que l’on appelle « l’intelligence ». Notre approche occidentale, venue des Romains via l’Eglise, est hiérarchique et autoritaire : le sachant est l’intermédiaire qui « délivre » la vérité issue de Dieu même. Avec ça, si vous ne comprenez rien, c’est que vous êtes une bête, pas à l’image du Créateur. Le rationnel comprend, l’ambitieux fait des efforts, l’affectif cherche ailleurs, dans les amitiés particulières au lieu des leçons – en bref très peu suivent.
Portelance synthétise en première partie les types d’intelligence en trois formes pratiques : les esthètes, les pragmatiques et les rationnels. Chacun a en soi un peu des trois tempéraments mais l’un domine en général. Eduquer veut d’abord dire aimer et respecter avant d’encadrer pour que l’élève puisse se réaliser.
Les esthètes sont des artistes qui fonctionnent aux sentiments et à l’imagination ; ils ont de l’intuition et des idéaux. Les éducateurs devront respecter leur monde imaginaire et l’aider à apprivoiser leurs peurs ; toutes les méthodes d’expression créatrices sont utiles (dessin, sculpture, poésie).
Les pragmatiques ont une intelligence orientée vers la pratique, le faire ; ils sont visuels et ont le sens de l’orientation comme du bricolage ; comme ils ne savent pas quoi faire de leurs émotions, ils agissent avec des solutions concrètes plus ou moins appropriées. Très sociables, ils auront intérêt à travailler en groupe et à réaliser des exercices concrets.
Les rationnels sont les « bons élèves » de l’institution scolaire héritée des scolastiques. Cérébraux et matheux, ils ont le don d’abstraction tout en étant à peu près inaptes en émotions. D’où cette propension des « grandes » écoles à croire tout calculable, y compris les risques humains, et à négliger les affects de ceux qui en subissent les conséquences. L’éducation consistera à leur faire ressentir ce qui se passe en eux pour qu’ils ne soient pas menés sans le savoir par leurs émotions.
Quant aux intelligences irrationnelles, qui font l’objet de la seconde partie, elles se distinguent en : émotionnelle, motivationnelle, intrapersonnelle, spirituelle.
L’émotionnelle fait collaborer tête et cœur de façon à contrôler les émotions et les faire servir aux pensées et aux actes. Elle permet les relations et la faculté de rassembler les autres.
La motivationnelle est une énergie interne qui pousse à agir. Elle est liée aux émotions (la passion) mais aussi aux besoins, aux valeurs, aux pensées, aux relations. C’est ainsi que l’attachement permet l’apprentissage, le lien social de se sentir intégré et reconnu, la compétence d’approfondir sa passion.
L’intrapersonnelle est la faculté de se comprendre soi-même, de mettre des mots sur les émotions éprouvées ici et maintenant pour découvrir les ressources personnelles dans la raison, la spiritualité et la création. Être conscient, c’est être « éveillé ». Quand la tête n’est pas en relation avec le cœur, se répètent les mécanismes défensifs qui font souffrir et tourner en rond. D’où dépression, burn out et sentiment d’abandon. Les expériences déjà vécues permettent les réponses à la situation à condition d’accepter ce qui est, notamment sa propre part de responsabilité dans la situation. Pour cela, il est nécessaire de faire attention au ressenti et d’en prendre conscience afin de s’adapter aux changements.
La spirituelle est plus vague, faculté de connexion à soi, aux autres et à l’univers, Dieu ou pas. Elle permet de vivre en étant pleinement soi et d’en comprendre le sens. Ouverture d’esprit, empathie, éthique, sincérité, créativité et générosité sont associées à cette forme d’intelligence. Elle permet d’aller plus loin.
Un chapitre particulier est consacré à l’intelligence irrationnelle à l’école : vaste programme en France tant « l’esprit » même du prof est orienté vers la délivrance intellectuelle du savoir au détriment de son affective acquisition ! Or il ne saurait y avoir éducation sans relation personnelle.
Ce livre est un manuel de développement personnel à l’américaine, orienté vers la pratique. Il sera utile aux parents et aux enseignants avant tout, mais aussi à soi et aux rapports humains en entreprise, en association, dans les bureaux. Le diplôme n’est pas tout, ni la position sociale ; les qualités humaines sont de plus en plus sollicitées et reconnues dans les CV. Pour bien travailler, bien créer et bien diriger, il faut être soi et se connaître tout en développant des qualités d’ouverture et d’empathie qui permettent de comprendre les autres afin de mieux se faire comprendre.
Colette Portelance, Au cœur de l’intelligence, 2021, Editions du CRAM (Canada), 294 pages, €20.00
Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com