Décryptage de « Inde : Taslima Nasreen toujours menacée », par Yves Izard, diffusé le 10 octobre 2007 sur France Info.
On connaît Taslima Nasreen depuis la publication de son roman Lajja – La Honte – dans lequel elle décrit les persécutions des musulmans du Bangla Desh contre la communauté hindoue. C’était en 1994, cela lui avait valu des menaces de mort de la part des islamistes.
Depuis, elle a vécu en exil en Occident, puis elle s’est installée en Inde, à Calcutta. Mais l’été dernier, ce sont des activistes musulmans indiens qui l’ont agressée publiquement, Depuis, elle se sent menacée, c’est ce qu’elle écrit à Antoinette Fouque, présidente de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie.
(Voix d’Antoinette) « J’ai été molestée dans le Sud de l’Inde, dans l’Andhra Pradesh, par un fondamentaliste, et cela a rendu très problématique mon existence au Bengale, à Calcutta. Si je suis expulsée, dit-elle, d’un pays laïque et démocratique comme l’Inde, je ne pourrai plus jamais de ma vie aller dans un pays du sous-continent indien. Elle dit même : c’est ma seconde maison, c’est sa langue que je parle, sa culture que je partage. En tant qu’écrivain engagé je ne peux survivre que si je vis dans une région du monde où je me sens chez moi ».
Taslima Nasreen est désormais poursuivie en justice en Inde, pour incitation à la haine entre les communautés et aux termes du Code pénal elle risque jusqu’à trois ans de prison. C’est vrai que, sans la nationalité indienne, elle peut aussi être expulsée, et le contexte politique ne lui est guère favorable.
ChristopheJaffrelot, directeur du département Asie à Sciences Po :
« Les musulmans en Inde représentent quelque chose comme 13% de la population. Ils constituent une banque de votes très courtisée par les différents partis. En particulier par le parti du Congrès, qui est aujourd’hui au pouvoir, mais en situation fragile. C’est sur cette toile de fond qu’il faut lire les hésitations du pouvoir à donner la nationalité indienne à Nasreen. C’est un signal qui pourrait être instrumentalisé ».
Des démarches ont été entreprises auprès des autorités indiennes, selon l’Alliance des Femmes, pour l’instant elles sont restées sans réponse.