Le Dit des Mots fait l’éloge du « Pompéi » de Michèle Makki – Merci à Francois Cardinali

L’amour et le feu dans la Rome antique

Dans Pompei. Le sang et la cendre (*), Michèle Makki signe un roman à géométrie variable où, derrière l’histoire d’amour impossible entre une patricienne et un gladiateur, elle décrit avec une grande finesse la vie romaine au quotidien, les querelles de castes… Un tableau vivant et prenant.

Entre la ville détruite par l’éruption du Vésuve et Rome, Pompéi. Le sang et la cendre confie le lecteur au cœur de la vie des Romains à travers l’histoire d’un amour impossible. Celui d’une jeune femme de la haute société de Pompéi, Vera, et d’un gladiateur, Albanus, au premier siècle après Jésus-Christ. Peuvent-ils vivre leur passion au grand jour ou faut-il les cacher nuit après nuit ? Vera découvre l’amour et la sensualité avec un homme que la société lui défend d’aimer.  À travers les grandes vagues de l’histoire surgissent, dans la mosaïque de la vie quotidienne, les passions et les espoirs de ceux qui habitaient Pompéi,  disparue sous des coulées de lave et une pluie de cendres.

Titulaire d’un master en philosophie et d’un master en littérature française ainsi que d’un bachelor en italien, Michèle Makki  a enseigné le latin et le français comme professeur avant de devenir journaliste puis auteure. Dans ce roman très documenté et très précis,  la romancière déroule son histoire en multipliant les personnages secondaires qui donnent un indéniable relief à ce récit d’un amour consommé, mais que l’on sent impossible. D’autant plus qu’Albanus n’a jamais oublié la famille qu’il a dû abandonner après avoir été réduit en esclavage. L’auteure décrit ainsi ses réflexions nocturnes : « De cette faille avaient surgi sa femme et ses enfants plus nettement que jamais ses souvenirs ne les lui avaient montrés.  Sa pensée s’était mise à leur parler et il entendait leurs voix lui répondre. »

Traversant les règnes de Vespasien et de Titus ou, au gré des moments, la violence est plus ou moins présente, ou l’on sent monter la persécution contre les Chrétiens qui se cachent, comme un des riches patriciens, ce Marcus de l’histoire, le roman de Michèle Makki décrit de manière minutieuse et très vivante la vie sous la Rome antique, montrant aussi bien les fractures entre classes sociales que la vie quotidienne au cœur des marchés, la beauté de la capitale romaine ou la douceur de vivre dans les « villae », les riches résidences secondaires dans la campagne entourant Pompéi.

De gladiateurs, il est, bien sûr, question dans ce récit où la romancière sait nous faire partager le quotidien de ces combattants qui sont comme des champions sportifs du monde moderne, des figures qui prennent bien des risques, sans pour autant être condamnés à mourir automatiquement  en cas de défaite (Albanus en est la preuve dès le début), et qui fascinent certaines femmes de la bonne société romaine. Un « métier » qui a même pu être ouvert, durant une courte période, aux femmes.

Montrant la fascination que ces jeux du cirque pouvait exercer auprès d’une large partie de la population et qui étaient aussi l’occasion pour ses organisateurs d’afficher leur puissance financière, Pompéi. Le sang et la cendredépasse une simple histoire de gladiateurs. Avec une grande curiosité s’appuyant sur la vulgarisation d’une belle érudition, Michèle Makki fait revivre tout un moment de l’histoire de Rome, décrivant aussi bien l’éruption du volcan qui détruisit la ville antique, plongeant dans la misère quelques patriciens qui y survécurent, que la magnificence de Rome marquée elle-aussi par des drames : son incendie comme l’épidémie de peste.

Sous sa plume (ou plutôt sa souris), la romancière fait revivre avec brio ce quotidien antique. Ainsi quand elle décrit la découverte par l’entrepreneur Mercilius du forum romain : « Ses abords étaient encombrés de mulets, d’ânes, de chevaux attachés à un anneau planté dans le sol. Le forum réservait aux seuls humains son dallage de marbre brillant. Les animaux attendaient leurs propriétaires qui baguenaudaient, quêtant les premiers ragots. Hors du forum, point de salut ! On y apprenait les nouvelles officielles, on assistait à un sacrifice devant le temple de Jupiter, les amateurs de poésie s’extasiaient à écouter les déclamations du poète Paulus, célébrité désargentée; le portique offrait à la population un abri contre le soleil tapant ou les intempéries. »

Un roman historique aussi prenant que vivant – les pages sur l’éruption du Vésuve sont très réussies – que vivant et respectant la vérité historique.

(*) Ed. Baudelaire

 
 
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