Les émeutes récentes ont été d’une intensité inédite et ont stupéfié l’ensemble de la société. Loin d’être un phénomène isolé, ces rébellions urbaines sont le miroir d’une problématique complexe, alimentant des polarisations extrêmes. Les sentiments de peur et d’urgence poussent à des réactions impulsives, souvent dictées par un besoin instinctif de protection ou d’intérêt pour ceux qui les utilisent. Plus que jamais, le besoin d’analyse se fait sentir, pour éviter de céder à l’immédiateté et aux fausses solutions. Se restreindre aux causes ne suffit pas et la situation exige une mise en perspective systématique, afin de clarifier le tableau, d’apporter une certaine sagesse et, surtout, de redonner du champ aux possibilités inaperçues.
Quatre modes de pensée face à une situation complexe
Notre cerveau oscille entre quatre modes de résolution de problèmes, pas toujours adaptés :
Causalité : Il est tentant d’attribuer ces émeutes à l’échec des politiques de la ville, à l’abandon des banlieues. Cette approche permet de comprendre certains facteurs déclenchants.
Effectuation : Cette approche cherche à comprendre les effets produits par les émeutes. Par exemple, elles peuvent engendrer de la xénophobie, un repli sur sa communauté, une compétition médiatisée entre quartiers, une récupération politique par des partis extrémistes, ou encore un renforcement du sentiment d’insécurité avec la recherche d’un « sauveur ».
Similitude : Les émeutes actuelles peuvent rappeler celles de 2005, et pousser à reproduire les mêmes solutions, comme la réforme de la formation des forces de l’ordre pour faire face aux violences urbaines.
Appartenance : Enfin, la situation peut être analysée à travers différents ensembles concentriques, comme le maintien de l’ordre dans les banlieues ou la violence des mineurs déscolarisés de ces mêmes banlieues. Cette approche peut aider à cibler les interventions.
Avantages et inconvénients des quatre modes d’associations
Chaque mode de pensée a ses avantages et inconvénients :
Causalité : Cette approche offre une compréhension des événements, mais les causes se situent dans le passé, ce qui fait que les solutions peuvent être difficiles à mettre en œuvre. Par exemple, le manque de citoyenneté de certains quartiers ne date pas d’hier et il faut du temps pour éduquer une population. De plus, les causes sont souvent imbriquées et difficilement dissociables, au risque de rendre l’action partielle voire anecdotique.
Similitude : Si elle permet de capitaliser sur des solutions ayant fait leurs preuves, elle n’est pas toujours adaptée aux nouveaux contextes. Les lois et règles de maintien de l’ordre ont évolué depuis 2005, notamment avec la loi de 2017 sur l’usage des armes par les forces de l’ordre. Toute différence du contexte historique peut rendre certaines stratégies obsolètes.
Effectuation : Cette méthode se concentre sur les conséquences immédiates de la situation. Elle offre ainsi des points d’intervention directs au présent sans une débauche de moyens pour changer le passé. Bien que très efficace, ce mode de raisonnement peut laisser penser de ne traiter que les symptômes.
Appartenance : Si elle permet d’adapter la taille du problème en l’analysant par ensemble ou sous-ensemble, elle peut aussi mener à une vision fragmentée, ne traitant qu’une partie du problème et négligeant les interactions entre ces sous-ensembles.
Face à une situation aussi complexe que les émeutes urbaines, la mise en perspective à travers quatre angles de vue devient essentielle. Elle offre une meilleure capacité d’analyse du problème et permet de comparer des solutions. Elle favorise une prise de recul salutaire et permet d’entrevoir des solutions qui auraient pu rester invisibles.
En situation complexe et incertaine, penser selon la logique effectuale s’avère très efficace. En retenant un des effets directs de la situation qui est le développement d’une compétition entre les quartiers via les réseaux sociaux, on pourrait ainsi imaginer organiser un concours entre banlieues lancé par une figure d’autorité comme Mbappé, impliquant les parents dans des actions produisant des bénéfices collectifs. Ces actions, en agissant directement grâce aux effets générés par la situation, pourraient contribuer à apaiser les tensions, favoriser l’entraide et recréer du lien social.
Finalement, loin de céder à l’immédiateté et à l’impulsivité, prenons le temps de l’analyse. En travaillant selon quatre choix de résolution de problème, apprenons que ces événements peuvent être des opportunités pour bâtir des solutions pérennes originales et justes pour notre société.
Dominique Vian et Quentin Tousart, auteurs de « Partir de soi pour changer le monde à son échelle avec les méthodes effectuales »
Dominique Vian et Quentin Tousart, auteurs de « Effectual impact, Partir de soi pour changer le monde »
Dominique Vian, professeur associé en cognition entrepreneuriale à SKEMA Business School. Docteur en sciences de gestion de Telecom ParisTech, Dominique Vian est l’auteur de six méthodes effectuales déjà utilisées dans une soixantaine d’incubateurs, pépinières, technopoles, mais aussi par des consultants en stratégie d’entreprise, des directions générales et d’innovation (notamment ISMA360, qui permet de choisir rationnellement un marché accessible pour une invention, et FOCAL, qui permet d’envisager des actions originales et pertinentes).
Quentin Tousart, entrepreneur passionné dans l’innovation numérique – Quentin Tousart a créé à l’âge de 22 ans, la startup e-commerce Webdistrib qu’il a pu revendre prospère en 2006. Avec un esprit créatif et novateur, il a alors créé Webpulser, une agence e-commerce qui connaît également un joli succès. Ses valeurs principales sont la coopération, l’espoir et la liberté.