Littérature
Yannick URRIEN
Mortelle petite annonce.
La chronique de cette semaine est un coup de pouce au livre d’Hélène Rumer, car elle sait très bien jouer avec le suspense, mais c’est surtout l’occasion d’évoquer le drame des violences conjugales. Hélène avait abordé ce sujet dans un précédent ouvrage, « Profil bas », à travers son témoignage personnel. Son livre est sombre et l’on retrouve souvent cela dans ses œuvres : « L’actualité est sombre, mais j’ai aussi un penchant pour les choses sombres. J’ai grandi dans une famille où il y avait pas mal de choses difficiles. Or, écrire, cela permet d’exorciser. Mais le côté noir des gens est souvent balancé par quelque chose de plus clair, car tout n’est pas noir. Il y a toujours une note d’espoir. J’ai connu la violence conjugale, c’est pour cela que j’en parle. C’est un thème récurrent dans l’actualité. C’est un problème qui affecte toutes les couches de la population et il ne faut pas s’imaginer que cela touche uniquement les personnes de milieux défavorisés. Il faut savoir qu’il y a une mécanique, c’est toujours la même chose : à partir du moment où vous êtes déjà dans la sidération, vous ne réagissez pas. Or, le fait de ne pas réagir montre à l’agresseur que vous approuvez. Il y a des temps de pause. C’est comme une sorte de vagues. Après une agression, il y a un temps d’accalmie et, pour n’importe quel prétexte, cela ressort et c’est toujours plus fort. C’est un enchaînement, une spirale, et cela peut aller jusqu’au décès. »
D’ailleurs, on observe que l’on retrouve souvent ce même mécanisme : « Au début, c’est nouveau, c’est beau. Mais un jour cela vous tombe dessus. Il n’y a pas forcément de raisons. Tout existe et il y a aussi des couples où c’est l’homme qui est agressé. Il y a des violences physiques, des violences financières, comme interdire l’accès à des comptes, mais également des violences psychiques et des menaces. Tout cela est bien répertorié maintenant et on est en train de comprendre qu’il y a un vaste champ de violences. Il peut y avoir des signes, mais on ne veut pas les voir. Au début, on se dit que ce n’est rien, et puis cela ressurgit. C’est bien plus tard que l’on se dit que cet événement isolé était un signe avant-coureur. Au départ, il ne faut pas oublier que si l’on est en couple, c’est par amour et l’amour vous fait toujours fermer les yeux. »
Pourtant, il y a des disputes dans tous les couples. Hélène Rumer souligne que « le dialogue reste la clé de beaucoup de choses. Souvent, ce genre de choses, est un coup de colère. Mais si, ensuite, il y a un grand silence dans le couple, il y a déjà des nœuds qui vont se créer. Il faut donc arriver à dépasser la colère et le ressentiment pour arriver à se parler. Dans les couples qui ne se parlent pas, il peut y avoir des ressentiments et de la haine, c’est pour cela qu’il faut dialoguer. Malheureusement, tout le monde n’a pas cette faculté de revenir vers l’autre pour faire son mea culpa. Il faut être capable de tendre la main vers l’autre en s’excusant. »
Cependant, Hélène Rumer constate que les couples dialoguent aussi beaucoup moins : « Les outils numériques sont censés favoriser la communication, mais il n’y a plus de communication en face-à-face. Même se regarder les yeux dans les yeux, c’est de moins en moins le cas. Aujourd’hui, les jeunes mettent fin à leur relation par SMS et je trouve que c’est violent, terrible même ! Nous sommes dans une société où tout devient assez violent, mais je ne suis pas la seule à observer cela. C’est la même chose pour la maltraitance des enfants. C’est quelque chose d’absolument terrible. »
Certains disent qu’il existe des femmes attirées par des hommes qui les maltraitent. Hélène Rumer explique que « c’est du domaine de l’inconscient, mais au départ cela ne se voit jamais. On ne peut pas avoir une idée de la nature profonde de l’être qui est en face de nous. Tout n’est pas blanc ou noir. Quand je vois des gens, j’essaye d’imaginer plein de choses. On entend aussi beaucoup de choses qui sont parfois surréalistes et, comme j’ai coutume de le dire, la réalité dépasse souvent la fiction. Rien n’est plus vrai que la réalité. »
Enfin, nous abordons le thème de cet ouvrage : une baby-sitter dans une famille bourgeoise de l’Ouest parisien tente de se reconstruire et de comprendre ce qui s’est passé au cours de cette tragique nuit d’été 2020. Grâce à l’aide d’un psychologue, sa parole se libère peu à peu et les pièces du puzzle trouvent leur juste place. Hélène Rumer s’est inspirée de faits réels : « On entend souvent parler de ce genre de faits divers dans la presse. Dans mon livre, j’évoque un membre de la famille qui assassine ses proches. C’est absolument terrible. J’ai essayé de me mettre dans la tête de celui qui commet ce geste irréparable. À partir de là, j’ai brodé. Le titre du livre revient sur cette affaire de la petite annonce : c’est un fait divers réel, avec l’histoire d’une baby-sitter qui s’introduit dans une famille et qui observe ce qui s’y passe. C’est de plus en plus le cas, car il arrive souvent que des gens proposent un logement en échange de services. »
« Mortelle petite annonce » d’Hélène Rumer est publié chez Pearl Books Édition.