Michèle Makki, Pompéi, le sang et la cendre.
« Peu de gens devineront combien il a fallu être triste pour entreprendre de ressusciter Carthage ! C’est là une Thébaïde où le dégoût de la vie moderne m’a poussé. », écrivait Flaubert, à propos de Salammbô, dans une lettre à Feydeau. Qu’en est-il des larmes versées pour faire renaître Pompéi de ses cendres ?
Car ce qui frappe, de prime abord, à la lecture de Pompéi, le sang et la cendre, c’est le travail de construction du roman, solidement bâti, en trois parties, soutenues chacune par six chapitres, eux-mêmes subdivisés : une parfaite architecture et un parfait équilibre, comme en ces demeures patriciennes où le lecteur est invité à pénétrer, pour y contempler les fresques et prendre du repos dans la fraîcheur de l’atrium :« …on recevait lumière et fraîcheur de l’atriumaux dalles refroidies par de fréquentes aspersions d’eau et du jardin abondamment arrosé. On respirait en paix, dans le recueillement des chambres obscures. »
Naturellement, l’auteur nous ouvre les portes de l’Histoire, la grande, celle du règne bref de Titus, marqué par trois catastrophes que rappelle la citation de Suétone en exergue : l’éruption du Vésuve, l’incendie de Rome et la peste. Quelques analepses évoquent le règne de Vespasien, de Néron, et le martyre des premiers chrétiens. Mais c’est par la petite histoire que Michèle Makki nous captive, en nous décrivant le mode de vie des Pompéiens et des Romains, leurs moeurs, leurs cultes, leurs jeux, en nous faisant goûter, en imagination, des « cailles farcies de raisins et de pruneaux », des « dattes sèches farcies de noix et passées au miel », le vin de Falerne, et le fameux garum qui aromatisait les plats.
Le lecteur est invité à devenir passant, promeneur, piéton des rues de Pompéi et de Rome, à longer les murs noircis par les graffitis, des latrines au lupanar et des thermes à l’amphithéâtre. Car Michèle Makki sait combien « … le réel est de loin supérieur au rêve qui nous mène où nous le désirons dans son vol diapré mais jamais dans ce qui peut se voir, se toucher, se respirer ». Aussi fait-elle en sorte que son lecteur découvre, par les sens, ces deux villes prestigieuses, telles qu’elles furent dans l’antiquité. Elle nous restitue les saveurs, les odeurs ; de part en part son roman est traversé par le souffle du vent et le passage de la lumière, et ce qu’il offre de plus beau, ce sont ces moments suspendus : « Un coup de vent traversa l’amphithéâtre, le velumondula », « L’heure du prandiumpassa, les ombres de l’après-midi rampèrent sur le sol. »
Ce roman permet au lecteur de vivre doublement le drame de la destruction de Pompéi, car le feu qui couve, au creux du Vésuve, c’est aussi cette passion, contenue dans le cœur de Véra, l’héroïne, amoureuse d’un gladiateur – passion qui étouffe tout autant que la poussière chaude, qui colle au corps tout autant que les « floches » de cendre.
Michèle Makki, dans cette vaste entreprise de reconstruction de Pompéi, pousse le mimétisme jusque dans le style, qui a cette concision, cette sobriété de la langue latine, cet aspect lapidaire, sensible notamment dans les maximes, frappées comme des médailles : « …la mort est éternelle mais la curiosité boit à la coupe de la satisfaction immédiate ».
Ce roman n’est pas une leçon d’Histoire, c’est une évocation. Plus qu’une évocation, c’est un voyage… Réserver dans une agence un séjour à Rome ou à Naples ? Inutile… Lisez le roman de Michèle Makki. Ou, mieux, partez en Italie, avec, pour viatique, Pompéi, le sang et la cendre.