Alain Schmoll, La tentation de la vague
Un thriller affairiste sur fond de philosophie raisonnable de l’existence. Ce premier roman est captivant, bien écrit et sans fautes d’orthographe ni de français, ce qui est assez rare pour être souligné chez un auteur novice. En deux parties et douze chapitres, le lecteur fait la connaissance de Werner, jeune adulte français fils d’industriel du fromage installé en Suisse, et de Romain, jeune révolutionnaire idéaliste parisien qui a créé un parti pour changer la société. Mais ni l’un ni l’autre ne sont bien ajustés à la vie qu’ils mènent ; toute l’histoire consistera à faire une bonne fin de ces contradictions.
Il est difficile de parler de l’intrigue sans dévoiler le pot aux roses, et je n’en ferai rien. Toujours est-il que la leçon de ces péripéties nombreuses des affaires, des groupuscules, des parents, des maitresses et amies, est qu’on ne nage pas contre le courant. D’où le titre. Tenter de braver la vague est orgueilleux, rageur et vain. C’est rester adolescent et refuser de grandir, croire qu’à soi tout seul on peut changer le monde et faire l’histoire, se faire plaisir par un activisme aussi futile que sans effet.
Le monde, les nations, les sociétés, les familles, les individus, sont régis par des tendances profondes qui n’autorisent que peu de liberté. La meilleure façon d’avancer est encore de suivre le courant pour surfer sur la vague, tels ces glisseurs de Biarritz sur la célèbre plage. Ce qui signifie ne pas aller contre son destin : reprendre les affaires de son père plutôt que rester dans la consultance, entrer en politique plutôt qu’en violence subversive ou terrorisme zadiste.
Le monde sans pitié des affaires, que l’auteur a abordé à des postes de dirigeant est, pour ce que j’en peux connaître comme analyste financier et investisseur opérationnel à la direction des banques, plutôt bien brossé. La page 66 donne notamment en une demi-page l’évolution saisissante du capitalisme contemporain, passé en une génération de l’anglo-saxon pur financier au durable rhénan soucieux d’environnement global et social, soucieux de ce qu’on appelle « les parties prenantes » à l’activité de l’entreprise. De même, page 164, la « violence révolutionnaire » est exécutée en quelques phrases rigoureuses ; elle ne vaut rien en soi et ne change rien au système, discréditant ses auteurs sans appel (ce que pensaient Dostoïevski et Camus). Elle ne vaut que si elle poursuit des objectifs concrets : éliminer un ennemi (Poutine, sur l’exemple de Staline qui copiait Hitler, en est un grand exemple), prendre le pouvoir lorsque la situation est mûre (comme Lénine tergiversait à le faire en 1917 mais que Hitler n’a pas hésité à accomplir).
Le roman peine à démarrer, ce qui aurait pu être résolu par un découpage différent. Mettre le crime en premier chapitre aurait par exemple captivé le lecteur avant de le faire entrer dans l’histoire et le caractère des personnages. Mais, une fois le rythme pris, le thriller va à grand élan et se lit avec bonheur. L’intrigue est originale, les personnages attachants et les situations comportent leur lot d’action et de rebondissement. Une belle réussite !
Alain Schmoll, La tentation de la vague, 2019, L’Harmattan collection Rue des Ecoles 2020, 263 pages, €23.00 e-book Kindle €16.99
Attachée de presse Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com