Le Confinement ou « Qu’est-ce qui rend la vie humaine possible ? » par Eric-Louis Henri

Le Confinement ou « Qu’est-ce qui rend la vie humaine possible ? »

Par Eric-Louis Henri

Le Confinement ou « Qu’est-ce qui rend la vie humaine possible ? »

Pascal nous l’a appris : l’homme se fait injustement le centre du monde. Et maintenant encore, il oublie que c’est toujours du sien qu’il se soucie en premier lieu. Moins par narcissisme novateur, nullement par égocentrisme ni avarice d’être ; plutôt par une simple et insidieuse nécessité ; un réflexe de sauvegarde somme toute, porté par son regard sur le monde ; borné par le regard tout court, égoïste, inscrit dans ses gênes.

On célèbre aujourd’hui la solidarité prétendument retrouvée et les héros oubliés du front applaudis au « 20 heures » de notre humble conscience quotidienne. Mais au fond de nous, finalement, notre moi haïssable pense : « Plutôt eux que nous ! » ou, parce qu’optimiste dans l’âme, « La chance est de notre côté » !  Mais quelle chance ? La chance de quoi ? Celle de rester chez soi ?

Une chance imposée a toujours quelque mal à trouver le chemin de la pleine conscience.

J’étais revenu de justesse des Etats-Unis et aussitôt les circonstances m’ont signifié une assignation à résidence. Adieu Kiev. Adieu Milan. Adieu Barcelone, Mumbai et Dublin. La farandole de mes déplacements affairés mise au ban ! Jusqu’à quand ? Plus que l’inaction soudaine, c’est cet entre-deux confus qui fut d’emblée exaspérant, une sorte de vide de parcours, nébuleux, agaçant, quand la volonté d’entreprendre se voit « injustement » opposer une fin de non-recevoir, parce que « moi, vous comprenez, je n’ai pas que cela à (ne pas) faire… » ! Quand, en bref, aller de l’avant consiste en une mise hors service et laisse pressentir confusément un aboutissement de quelque chose dont on ne perçoit guère le terme ni ne préfigure le début de quoi que ce soit.

L’humanisme nous a enseigné que la curiosité est source d’inspiration. Mais quand celle-là ne peut plus se nourrir d’échappées lointaines, de rencontres inopinées, de voyages épiques ou de découvertes artistiques ? Que son seul art consiste en celui de réapprendre à vivre chez soi, claquemuré dans un univers qu’on ne voit même plus tant on pense le connaître ? Alors, dans cet « ici et maintenant » confiné, agaçant, importun, resurgit étriquée du fond de la conscience, une question oubliée : qu’est-ce qui rend la vie humaine possible ?

Cette question, d’autres que moi se la sont posées. Avant. Portés par une angoisse existentielle de bon aloi. Dans le confort que leur offrait une époque où tout était encore possible, une période où la perspective d’une fin ne se posait pas, où l’urgence était en fait absente ! A moins que ce ne fut, radicalement, au sortir d’un séisme sans nom, d’une catastrophe innommable, celle d’un tsunami, d’un génocide, d’un deuil inacceptable à l’échelle humaine, d’un holocauste. Lyotard, pour ne citer que lui, écrivait alors, par exemple, qu’on ne pouvait plus penser après comme avant, sauf à faire preuve de cynisme…

Mais en sommes-nous arrivés là ? A devoir choisir entre vivre cyniquement ou survivre malgré tout ?

Qu’est-ce qui rend la vie humaine possible aujourd’hui ?

Cette question est celle de l’ennui, de l’embarras, de l’empêchement, de l’importunité. Elle ne m’a pas épargné non plus.

Le confinement que nous vivons a ceci de particulier qu’il est à la fois radical et cependant, osons cet outrage, confortable ! Le questionnement qu’il suscite comporte une voie sans retour certes mais pas sans issue. Du moins le pensons-nous.

Pour ma part, j’ai honte de le reconnaître au vu des sacrifices de certains, il y a du soulagement à vivre cette période. Comme si la pandémie était un aboutissement, comme s’il fallait que cela fût et se passât, comme si j’étais arrivé au bout de quelque chose, et la société au terme d’un affairisme quotidien sans nom, d’une fuite en avant sans réserve… Comme si le monde s’éparpillait en vain à ne plus rien inventer d’humain, si ce n’est une nième version d’un théâtre où tout, ou presque, fut déjà dit, joué, … Et qu’il fallait arrêter là ce jeu stupide, cette ambition de dupes, cette course folle au néant ; pour pouvoir recouvrer du sens comme on recouvre la vue, le sens du nécessaire et de l’essentiel.

Confronté au confinement, il y eut d’emblée ce soulagement-là. Pour moi. Et également celui-ci, à la lisière de l’entendement : rien ne pourrait plus être comme avant… si seulement on le voulait.

Et après ? Et l’après ?

Chacun d’entre nous – et j’en suis- est aujourd’hui convié à sa propre table, bien obligé de réinventer son quotidien. De près ou de loin, de manière claire ou désordonnée, en se raccrochant (ou non) aux textos amicaux, religieux, philosophiques, loufoques ou romanesques, … Pour se donner bonne consistance, avec la mauvaise foi tenace, en creux, de ceux qui n’osent pas encore avouer leur faiblesse.

A quoi bon ? A quoi bon se lever tous les jours aux aurores et ne rentrer qu’aux heures sombres ? A quoi bon courir sans cesse aux quatre coins de son monde ? Pour obtenir quoi ? Pour conquérir quoi, vaincre quel enjeu ? Quel temps pour soi ? A quoi bon ces vacances exotiques, ces départs au loin ? A quoi bon… ?

Être confiné, c’est, à contrario, faire l’expérience de la fuite de soi et, entre ses quatre murs, se confronter à sa vérité. A celle des autres. A l’oubli. Incidemment ? Si l’on veut. Accidentellement ? Peut-être. Durement, radicalement ? Avec certitude. Le confinement n’est pas une pause entre un début et une fin. Ni même l’inverse, finalement. Le confinement est un marais à peine asséché, touffu, embroussaillé. C’est un déni qui nous met à l’épreuve de nous-mêmes et de notre humanité.

Et renvoie à la question « Qu’est-ce qui rend notre vie humaine encore possible aujourd’hui ? »

 

Parution de « Carnet de route – De l’Oronte à l’Euphrate, les marches de la résurrection » par Anne-Lise Blanchard

Eté 2020 : Parution aux éditions Via Romana du nouveau livre d’Anne-Lise Blanchard « Carnet de route – De l’Oronte à l’Euphrate, les marches de la résurrection ».

Ce récit est préfacé par Gregorios III, patriarche émérite.

Pour le recevoir en service de presse / interviewer l’auteur très engagée aux côtés de SOS Chrétiens d’Orient, merci de contacter guilaine_depis@yahoo.com 06 84 36 31 85

Ce carnet de route retrace une année de pérégrination (août 2017-août 2018) au Proche-Orient à la rencontre de sa mosaïque de peuples, leurs difficultés, leurs espoirs, leur volonté de vivre malgré les guerres qui se succèdent, une année à la découverte d’un patrimoine qu’ils veulent préserver. J’ai voulu témoigner de la douceur de vivre de ces populations côtoyant l’horreur des attaques islamistes. Dire également la Foi, l’Espérance et la Charité incarnées par ces héros au quotidien face à la folie destructrice du terrorisme. Proclamer mon amour pour ce Proche-Orient martyr et ma fraternité à ses femmes, ses hommes et ses enfants au regard libre et fier. Anne-Lise Blanchard

« Dès le début de la guerre en Syrie, nous avons été obligés de porter les armes afin de défendre nos femmes, nos enfants, notre terre et nos églises. Nous avons bien conscience que notre foi en Jésus-Christ ne nous permet pas de vivre dans une logique de guerre. Cependant nous avons dû rester fermes face aux terroristes djihadistes qui menacent nos vies et dont les effets pourraient assombrir l’Europe.

   « C’est un honneur pour nous de mourir martyrs en défendant notre existence. Nous en avons déjà donné beaucoup, sans compter les blessés et les innombrables pertes matérielles et infrastructurelles durant ces sept années de guerre. Nous souhaitons que cette fermeté, cette résistance soient soutenues de votre part à tous, en tant que frères en Jésus-Christ. Et j’invite chaque chrétien dans le monde à apprécier les sacrifices des chrétiens d’Orient et à ne pas croire aux propagandes des médias.

   « J’adresse au peuple français les salutations de chaque homme, chaque femme, chaque enfant de Mhardeh, peuple français incarné ici en Syrie par la présence de SOS Chrétiens d’Orient qui renvoie la belle image d’une France encore humaine et chrétienne… Encore merci. »
Simon al-Wakil, chef de la Défense nationale de Mhardeh, ville chrétienne de 23 000 habitants.

   « Je voudrais témoigner à travers ce carnet de route en Proche-Orient de la douceur de vivre de ces populations côtoyant l’horreur des tirs islamistes. Je voudrais dire la Foi, l’Espérance et la Charité incarnées par ces héros du quotidien face à la folie destructrice du wahhabisme. Je voudrais enfin proclamer mon amour pour ce Proche-Orient martyr et ma fraternité à ses femmes, ses hommes et ses enfants au regard libre et fier ». Anne-Lise Blanchard

Native d’Alger, Anne-Lise Blanchard qui fut danseuse, chorégraphe avant d’être thérapeute, aime à parcourir les Alpes, un espace qui traverse son écriture.  aime à parcourir les Alpes, un espace qui traverse son écriture. Thérapeute, elle s’est familiarisée depuis 2014 avec la problématique des chrétiens d’Orient en se rendant régulièrement au Proche-Orient et depuis ne cesse de porter leur voix par l’écriture ou en conférence. Née au bord d’une mer violette, elle a longtemps vécu dans une ville entre deux fleuves. Elle réside depuis peu au pied de la Chartreuse.

Longtemps collaboratrice critique de plusieurs revues de création littéraire et artistique (Verso, IHV, Lieux d’Etre, Diérèse, Mag’Ada), publiée dans de nombreuses revues : Arpa, Lieux d’Être, Diérèse, Propos2campagne, Bacchanales, Décharge,Bleu d’encre, La Passe, N4728, Thauma,Diptyque, Souffles, La moitié du fourbi, Le Journal des Poètes, Vents alizés, Terres de Femmes, Recours au poème, Les Carnets d’Eucharis, Les Cahiers du sens,elle est l’auteur de quelques vingt livres – poèmes, haïkus, récits.  Présente dans plusieurs anthologies.Finaliste du Prix de Poésie de la revue Nunc 2018, lauréate du Prix Aimé Césaire de la SPF. Elle crée en 2020 la première édition du Printemps des Poètes dans sa vallée.

Derniers livres parus Carnet de route de l’Oronte à l’Euphrate, les marches de la résurrection(récit), Via Romana, 2020 ; Epitomé du mort et du vif, Jacques André éditeur, 2019 Les jours suffisent à son émerveillement, Unicité, 2018 ;Le soleil s’est réfugié dans les cailloux,Ad Solem, 2017 ; Ascèse des corps, Encre et lumière2012 ; Au près, Les Aresquiers (livre d’artiste) 2012 ; Copeaux des saisons, Corps Puce 2011.

Anthologies : Donne poeti di Francia e oltre dal Romanticismo a oggi, 2017 ;Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines « Pas d’ici, pas d’ailleurs, 2012 ; 111 poètes d’aujourd’hui en Rhône-Alpes, 2005.

Dossier dans Diérèse n°45, été 2009

Dossier dans Diptyque n°3, Entre-deux, février 2014.

Dossier dans Poésie 1èren°74, La poésie et ses environs, septembre 2019

https://anne-lise-blanchard-poesie.com/

Jacques Benillouche évoque l’essai de Daniel Horowitz sur « Temps et Contretemps »

LEIBOWITZ OU L’ABSENCE DE DIEU
Un essai de Daniel HOROWITZ
Daniel Horowitz, né en Suisse mais ayant grandi à Anvers, est un ancien de l’industrie diamantaire. Au lendemain de sa retraite, il s’est installé en Israël pour se consacrer à l’écriture en tant que philosophe autodidacte. Le dernier ouvrage qu’il vient de publier, «Leibowitz ou l’absence de Dieu», est un véritable défi car il a décidé d’aborder les idées de l’une des personnalités les plus controversées pour ses avis tranchés sur la morale, l’éthique, la politique, et la religion. 
Leibowitz
 
            Yeshayahou Leibowitz, né le 29 janvier 1903 à Riga en Lettonie, alors dans l’Empire russe, était un chimiste, historien de la science, philosophe et moraliste israélien, considéré comme l’un des intellectuels les plus marquants de la société israélienne. Plusieurs fois docteur, il fut rédacteur en chef de l’Encyclopédie hébraïque. Scientifique et philosophe, il maitrisait plusieurs langues et son savoir s’étendait à la physique quantique. 
          Il a émigré en Palestine en 1934, où il devint professeur de chimie organique à l’Université hébraïque de Jérusalem. Nommé professeur de biochimie en 1941, il est promu en 1952 doyen de la chaire de chimie organique et de neurologie. Il y enseigne également la biologie et la neuropsychologie jusqu’à sa retraite en 1973. Il avait donc une double casquette de scientifique et de penseur juif.

          Surnommé «le Prophète de la colère», il fut également une figure marquante dans le domaine de la pensée juive. Sa vision du judaïsme, très marquée par Maïmonide dont il était un grand admirateur, exprime non seulement un grand attachement à la pratique des mitzvots (les commandements requis par la Torah), mais aussi un puissant engagement envers le service de Dieu «désintéressé». Pour lui, la Kabbale et les mouvements religieux qui soumettent l’application de la Mitzvah à l’attachement émotif sont fallacieux et s’apparentent à l’idolâtrie.
            Il s’est distingué avec ses positions anticonformistes et son franc-parler sur le judaïsme au point de se faire de nombreuses inimitiés à cause de ses positions sur l’armée et sur la politique d’Israël. Il avait critiqué la politique israélienne et son système de gouvernement à base de coalitions de partis, ainsi que l’occupation de territoires arabes, arguant que «l’occupation détruit la moralité du conquérant». Il soutenait d’ailleurs les objecteurs de conscience qui refusaient de servir dans les territoires. A ce titre il a été adoubé par l’extrême-gauche qui en a fait son porte-drapeau parce qu’il accusait la classe politique de corruption, et militait contre la prolifération de l’arsenal nucléaire. Après l’invasion du Liban en 1982, il avait accusé les soldats d’avoir une mentalité «judéo-nazie».
 
            Mais il ne cessa de réaffirmer jusqu’à la fin de sa vie, par ses écrits et dans ses entretiens, sa foi dans la légitimité du sionisme. Devant ce paradoxe, Daniel Horowitz a donc essayé de comprendre le cheminement vers les extrêmes de celui qui ne se considérait pas comme pacifiste puisqu’il avait été officier de la Haganah pendant la guerre d’Indépendance d’Israël. L’étude de la pensée juive de Leibowitz était un bon moyen d’expliquer sans justifier ses dérives extrémistes.  
            Dès le prologue, Daniel Horowitz ne cache pas son parti pris puisqu’il «n’a jamais éprouvé de sentiment religieux»mettant dans le même sac superstition et religion mais le judaïsme fait partie de ses racines. En voulant cerner à fond la pensée de Leibowitz, il finit par s’identifier à lui au point «qu’il ne soit pas aisé pour le lecteur de déterminer qui parle».
            Parce qu’il n’est pas philosophe universitaire ni philosophe de «métier», Horowitz capte l’attention de celui qui n’ose pas ouvrir un livre de philosophie par complexe d’être ridicule, ou par crainte de ne pas comprendre le langage savant utilisé. Or l’auteur est clair dans ses démonstrations à la portée de tout lecteur profane en philosophie. Le livre reste sérieux car toutes ses affirmations sont étayées par des références aux textes sacrés. Et c’est là l’intérêt de l’ouvrage. Chacun peut faire de la philosophie comme monsieur Jourdain. Des thèses pointues deviennent de la vulgarisation pour ceux qui veulent comprendre comment ce grand philosophe, portant la kippa, fut en rupture avec la religion. Pour mener à bien la démonstration, Horowitz s’appuie sur les grands penseurs juifs pour faire de son livre une source de base sur le judaïsme et pas seulement à l’intention des Juifs.
Rav Kook
 
            En fait, Leibowitz est mal connu, ou du moins connu par une petite frange gauchiste israélienne, parce qu’il n’a jamais cherché à créer sa propre école de pensée à l’image du Rav Abraham Isaac haCohen Kook, lui aussi né en Lettonie, kabbaliste et penseur, figure éminente du sionisme religieux, notamment après la guerre de 1967 à partir de laquelle il inspira le mouvement de retour en Judée et en Samarie. Ou bien à l’image du Rav Menahem Mendel Schneerson, leader du mouvement Habad, qui fut à la tête de 4.600 institutions à travers le monde.
 
 
            Leibowitz a donc toujours vécu en solitaire, sans relais auprès des Juifs religieux ou laïcs et sans chercher à essaimer autour de lui à telle enseigne qu’il a peu publié sauf des textes puisés à partir de ses cours universitaires : «sa pensée relève d’un puzzle qu’il appartient à chacun de reconstituer pour en comprendre la cohérence». En revanche, il continua à enseigner jusqu’au jour de sa mort à 91 ans. 
            Dans un souci pédagogique, l’auteur pose d’abord les bases de sa démonstration en rappelant pour les néophytes quelques principes du judaïsme, de la Torah. Il a fait le choix de quelques noms illustres de philosophes juifs, Maïmonide (alias Rambam), Yéhouda Halévy et Baruch Spinoza, représentatifs du monde juif, pour mieux cerner son personnage principal et pour mettre en relief les différentes thèses de la pensée juive depuis l’orthodoxie en passant même par l’athéisme. 
Rambam-Maïmonide
 
            Leibowitz est «un commentateur pertinent et un disciple de Maïmonide malgré les siècles qui les séparent». Ce dernier, figure importante et incontournable du judaïsme religieux avec sa compilation monumentale de la loi orale, le «Michné Torah», «est un rationaliste qui réfute le surnaturel et la superstition». Maïmonide se retrouve avec Leibowitz quand il affirme que «l’idée d’une présence divine dans le monde relève de la superstition» ; presque un blasphème pour certains, d’autant plus qu’il brise un tabou religieux en affirmant «que la lecture attentive de la Torah révèle que chaque fois où il est question de dialogue avec Dieu, il s’agit de rêves ou d’hallucinations».  Dieu ne parle donc pas avec les humains.
            Mais «autant Leibowitz se situe dans le courant de pensée de Maïmonide, autant il est éloigné de Yéhouda Halévy, penseur et poète juif contemporain de Maïmonide». Malgré leurs différences, le rationalisme de Rambam et la mystique de Halévy n’ont jamais conduit à un schisme parce que les deux géants pratiquaient les Commandements. Mais le courant d’Halévy aux antipodes de celui de Leibowitz, est le courant spirituel le plus répandu aujourd’hui et il a été repris par les sionistes religieux incarné par le Rav Kook. Cela explique l’opposition politique de Leibowitz avec l’extrême-droite nationaliste et religieuse. Comment pouvait-il accepter que selon Kook «la différence entre un Juif et un Goy est plus grande que celle qui distingue l’être humain de la bête». Leibowitz a immédiatement qualifié ce point de vue «d’élucubration raciste» ce qui lui fait ranger «le mysticisme dans la catégorie des troubles mentaux». 
 
            Horowitz estime que Baruch Spinoza est fasciné par Maïmonide tout en critiquant sa pensée. Il y voit un mélange de raison et de compromission. Le philosophe hollandais estime que Dieu et Nature sont synonymes alors que pour Leibowitz si«Dieu a créé le monde, cela signifie par définition qu’il n’en fait pas partie». Il va jusqu’à avancer l’idée que la religion est aux mains du pouvoir pour «abuser le peuple et le mener au malheur en lui promettant le salut éternel». Il a été le premier philosophe à prôner la séparation de la religion et de l’État. Il estime que les interprétations de la Bible doivent tenir compte des époques où les textes qui la composent ont été écrits. Il reproche aux religieux de s’approprier les Écritures comme si elles reflétaient la parole divine. Dieu est une «escroquerie intellectuelle qui n’est qu’une tentative de préserver une religion qui ne résiste pas à la raison». On comprend mieux pourquoi Spinoza a été excommunié par d’obscurs rabbins hollandais.  
Baruch Spinoza
 
            Horowitz consacre ensuite plusieurs pages à l’idolâtrie «une obsession  ou une attention tellement excessive  qu’elle finit par obnubiler  la pensée et jugement critique».
            Une fois ces fondements historiques et théologiques posés, l’auteur aborde alors la pensée de Leibowitz et son cheminement pour s’éloigner du postulat que Moïse, ayant reçu la Torah de Dieu lui-même, toute tentative de l’abroger ou de l’amender est d’office proscrite. Sa pensée s’articule autour du concept de valeurs qui relèvent du psychique propre à l’être humain et qui font que l’homme dispose du libre arbitre : «Sans valeurs il n’y a pas d’humanité et sans humanité il n’y a pas de valeurs».
            Il est difficile de comprendre la foi de Leibowitz quand il pratique la Halakha avec rigueur tout en réfutant cependant l’idée d’une intervention divine. Dieu ne donne ni de récompenses et ni de punitions. Alors pourquoi est-il considéré comme pratiquant ? Pour lui il pratique les Commandements comme un art de vivre sans attendre de contrepartie, et la Halakha, la Loi juive, n’est rien d’autre qu’un mode de vie juif. Il ne connait aucune réalité sur l’au-delà et préfère accéder au salut de l’âme de son vivant sur terre. Leibowitz n’est pas enseigné dans les écoles talmudiques car sa foi est aux antipodes de la croyance populaire. C’est un renégat de la religion, un Juif qui a renoncé à «l’illusion de démontrer l’existence de dieu».
            Les Commandements ont aidé les rédacteurs du Talmud à éradiquer l’idolâtrie et la superstition en créant un Dieu insaisissable. Pour Leibowitz, suivi d’ailleurs par de nombreux intellectuels, la Torah n’a pas une grande valeur littéraire. Contrairement au judaïsme orthodoxe, il prône la participation des femmes à la lecture et à l’étude de la Torah et estime qu’elle doit faire partie de leur vie intellectuelle, scientifique et sociale.
            Puisque la Halakha a été élaborée en l’absence d’État ou de patrie, la religion et l’État doivent être séparés pour éviter que le judaïsme ne soit instrumentalisé par des dirigeants et finisse par muter en nationalisme. Il ne s’est pas beaucoup trompé puisqu’après sa mort sa théorie nationaliste est confortée en Cisjordanie sur ce point.
            Il trouve très cohérente l’analyse de Maïmonide et foncièrement cohérente avec son attitude personnelle : Juif très orthodoxe, extrêmement pointilleux sur la pratique des commandements : «Le problème, c’est le peuple juif. Le peuple juif, qui est-il aujourd’hui ? Je vous le répète, je ne sais pas répondre empiriquement à cette question, et il n’existe ni personne, ni instance autorisée, capable de la poser et d’y répondre sur une base normative».
Ouvrage traduit en hébreu
 
            Cet ouvrage est à conseiller à ceux qui n’ont jamais osé aborder la religion parce qu’elle est compliquée à appréhender, difficile à critiquer sans être traité de mécréant, unique alors qu’il existe différentes écoles de pensée contradictoires, figée dans ses dogmes datant du premier temple. Dieu n’est pas complice des humains et Leibowitz «était horripilé par cette manie qui pousse de nombreux croyants à dire à tout bout de champ et à tort et à travers B’’H avec l’aide de Dieu». Les religieux autant que les laïcs trouveront leur intérêt dans l’ouvrage quitte à ébranler certaines de leurs certitudes. Ce n’est pas un ouvrage contre la religion mais pour toutes ses interprétations par des grands philosophes qui ont souvent été bannis. Il explique ainsi les dérives de ceux qui s’appuient sur des textes vieux de deux mille ans pour justifier des décisions politiques actuelles. 
                        
Éditions de l’Harmattan
5-7 rue de l’École Polytechnique
75005 PARIS 19€
TEMPS et CONTRETEMPS. Ce site publie des analyses concernant Israël, le judaïsme, la politique franco-israélienne et le Proche-Orient sur la base d’articles exclusifs. =============> Mon passe-temps favori, c’est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre son temps, perdre son temps, vivre à contretemps. Françoise Sagan

Le Journal des Deux Rives diffuse les nouvelles des auteurs de Balustrade

Alain Llense, auteur du roman jubilatoire Emmanuel, Brigitte et moi  inspiré par l’histoire des Macron transposée dans l’univers de la haute gastronomie Nouvelle Louise et Louis

Si la lumière est là c’est que bientôt ils seront là aussi, Paul, Virginie, les jumeaux, ils ne sont pas de ceux qui se rendent aux nuages fussent-ils noirs, aux épidémies fussent-elles mortelles, aux locataires provisoires fussent-ils armés d’amour et d’insouciance. Ils vont rentrer bientôt retrouver leurs vies de carte postale, leur appartement de magazine déco, rentrer pour reprendre leur vie et fabriquer des souvenirs qui rempliront ensuite leurs foutus cadres photos. D’ici là, il faudra être partis, retrouver les rives opposées de la Seine et une vie où Louise et Louis n’auront plus rien à se dire puisqu’il n’y avait qu’une fois, que c’était celle-là, que c’était cette nuit et qu’à cette aube tout s’achève.
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Alain Schmoll, auteur du roman politique et sentimental La Tentation de la vague Nouvelle La coronotentation d’un vague vaccin

Il faut dire que j’avais été bien inspiré, le mois dernier, de téléphoner à Camilo, à La Havane. Nous avions été très copains, une quinzaine d’années plus tôt, lorsque nous combattions côte à côte pour la révolution mondiale voulue par Fidel Castro. Les temps avaient changé. Fidel avait disparu, mais son esprit planait encore sur la mémoire des jeunes guérilleros de l’époque. (…) Mon vrai nom est Werner, pas Romain… 
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Christian de Moliner, auteur de Jasmine Catou détective Nouvelle Jasmine Catou et le Covid 19

Je m’étire voluptueusement sur notre canapé, en m’efforçant de reproduire au mieux une posture présentée dans l’émission de télévision, le chat, son maître et le yoga. Je me sens bien, détendue. Je savoure pleinement l’instant présent et le rayon de soleil qui réchauffe mon ventre. Ah ! Maman s’approche de moi en souriant. Ma récréation est terminée, je crois ; elle me saisit et m’affuble d’un drôle de masque, un cône blanc, avant de me porter jusqu’à ma cage de transport. Je savais que je devais sortir ce matin, mais ce déguisement ridicule me surprend et m’exaspère. Ma mère m’a avertie hier que nous étions attendues aujourd’hui dans un studio d’une radio parisienne pour présenter Les enquêtes de Jasmine Catou, le livre dont je suis l’héroïne.  (…) Le philosophe antique aurait été incapable d’interpréter les aboiements de Griffouille même s’il est aussi intelligent que moi. Le vétérinaire aurait eu raison de souligner que le présentateur confond allégrement humains et animaux. Mais il se tient coi pourtant, il est devenu prudent. Jasmine Catou tu as encore triomphé ! 
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Oula Kelbocha, Mascotte des Editions des Coussinets  Nouvelle d’Oula Kelbocha

La sédentarité de Maman a quand même un bon côté pour nous. Jamais je n’ai vu à la maison autant de réserves de pâtée et de croquettes. J’ai même trouvé où elle range le stock important de friandises et je me suis enfilé en douce ce matin quelques délicieuses bouchées au canard. Elle a aussi un stock important de notre jouet préféré, le papier toilette, qu’elle a hélas mis sous clé. Il paraît que c’est très difficile d’en trouver en ce moment. Pourquoi nos humains n’utilisent-ils pas notre litière ? Maman vient d’ailleurs d’en stocker des kilos dans le garage… est-ce pour cela ? 
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Gérard Muller, auteur du roman écologique Daintree, la forêt intelligente(link is external) Nouvelle Un voyage avec retour

Cela me revient. J’ai été testé positif au corona virus. Cette saloperie. D’abord de la fièvre, des courbatures, un essoufflement qui accompagne le moindre mouvement. Et puis la toux, une toux sèche qui déchire les poumons. Le lendemain matin, d’horribles douleurs dans la poitrine. 40 °C. Tout va alors très vite : le SAMU, l’ambulance, l’hôpital où des soignants déguisés en cosmonautes m’accueillent, s’affairent autour de moi. Ils me branchent à de l’oxygène. Augmentent la pression et le débit toutes les heures. Prennent mon pouls. La quantité d’oxygène dans mon sang diminue comme le niveau d’eau dans un oued après la pluie. Soudain, c’est la panique. Six personnes autour de moi. Elles me soulèvent, me retournent, me perfusent, me parlent, mais je n’entends plus rien. Ma tête se vide. Et puis plus rien. Plus aucun souvenir. Ma vie s’est arrêtée là. 
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Michèle Makki, auteure d’un roman historique sur Pompéi Pompéi, Le Sang et la cendreNouvelle Mon coronavirus au quotidien

Je m’absorbe, vexée, dans le documentaire qui passe à la télévision, tourné avant la pandémie, censé donner du courage aux téléspectateurs ou, plus modestement, censé leur changer les idées. Il y est question de femmes qui accomplissent des exploits en solitaire. En vrac, l’une a traversé le désert à moto, l’autre a vécu au fond d’une grotte souterraine pendant trois mois, la troisième, qui est chamane, jeûne deux jours sur trois et apprend aux gens à marcher pieds nus. Voyant cela, je me dis que je ne serai jamais célèbre et que je ne serai jamais invitée à une émission tv. Le seul risque que je prends, c’est de sortir le chien en période de pandémie. 
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« des nouvelles qui se lisent avec bonheur » selon Argoul

Christian de Moliner, Les exploits de Jasmine Catou

La chatte détective poursuit ses enquêtes dans l’actualité la plus immédiate, le salon des mathématiques qui se tient chaque année en juin à Paris et le confinement Covid.

Pas sûr que le salon, cette fois-ci, soit physique – mais les mathématiciens concurrents se livrent une lutte à mort pour gagner le prix. Et celui qui l’emporte ne l’emporte pas en paradis. Quoique : Who done it ? comme disent les vieilles anglaises, expertes en intrigues mortelles : Qui l’a fait ? Malgré ses talents d’observation aiguë pour tout ce qui bouge, Jasmine la chatte n’est pas sûre – mais après tout, si c’était vrai ? Si son hypothèse audacieuse était la bonne ? Reste le problème fondamental de tout chat : comment communiquer ce qu’elle sait à un humain ?

Quiconque côtoie de près ces petits félins adaptés à l’homme depuis des millénaires sait très bien que le chat communique. Mais pas avec les instruments humains. Si son miaulement se module selon ce qu’il ressent et ce qu’il veut, c’est surtout par son attitude et sa mimique faciale qu’il s’exprime. Mais ce ne sont que des réactions simples de plaisir, de requête et d’amour – rien de sophistiqué. Dès lors, comment « dire » ce que l’on a compris d’une question qu’il faudrait poser ou d’un indice à examiner ?

C’est pourquoi l’auteur qui fait agir la chatte est ingénieux. Le lecteur est surpris à chaque fois a de constater que dire ce qu’on sait est possible, même quand on est une chatte devant des humains raisonneurs. La logique fait-elle partie de l’organisation mentale d’un chat ? En tout cas, la relation directe de cause à effet est indispensable aux prédateurs, dont les félins sont les plus affûtés.

Un seul mort dans ces trois nouvelles qui renouvellent les exploits de Jasmine la chatte. L’auteur se sert de la vie de sa maitresse, l’attachée de presse parisienne Agathe, pour mettre en scène des intrigues. Une recette de cuisine d’une autrice qui va sortir un second tome de son best-seller se retrouve malencontreusement livrée à la presse concurrente. Par qui ? l’amant d’Agathe qui a utilisé son ordinateur à son insu soi-disant pour envoyer un mél ? Par un stagiaire de la chaîne de production de l’article prévu pour dans quelques jours ?

Covid-19 relate une émission de radio qui a réellement eu lieu… avec Jasmine Catou en vedette. Mais elle est transposée aujourd’hui, sous le confinement pandémique. Un vieux professeur arrive avec son chien philosophe, Agathe avec sa chatte fourrée détective ; leur sont confronté un vétérinaire rationaliste que l’anthropomorphisme systématique appliqué aux bêtes agace. Un test : il a perdu son portable, Jasmine sera-t-elle capable de le retrouver ?

D’un ton léger, d’un style agréable, ces nouvelles policières à la manière de dame Agatha, se lisent avec bonheur. De quoi en faire tout un recueil pour éditeur policier.

Christian de Moliner, Les exploits de Jasmine Catou, 2020, Les éditions du Val, 97 pages, €6.50 e-book Kindle €3.00

Les exploits précédents de Jasmine Catou sur ce blog

« Un bon roman d’entreprise qui sonne comme une vérité vécue » selon Argoul

Paula Marchioni, N’en fais pas une affaire personnelle

Publié le 2 juin 2020 par argoul

Ecrit au présent par une autrice qui l’a vécu, ce roman « vrai » un brin arrangé pour les besoins de la clause drastique de non-concurrence après séparation, donne le ton du management dans les sociétés multinationales. Notamment les françaises qui imitent servilement le modèle américain sans bénéficier du même écosystème de liberté d’entreprise. Au lieu de faciliter l’innovation et l’efficacité par le meilleur, le management de la peur conduit les egos surdimensionnés à révéler leur perversité narcissique pour manipuler à leur profit (et non à celui de la firme) inférieurs et sous-traitants.

Ce n’est pas nouveau, ayant débuté dans les années 1990 avec l’ouverture à la mondialisation yankee, mais l’apprentissage du « modèle » est difficile car il doit entrer de force dans le carcan mental, bureaucratique et juridique français pour avoir la possibilité de se mesurer aux grands du monde. Nous ne sommes pas formatés pour ça comme aux Etats-Unis depuis l’enfance. La formation par les maths ou le droit n’a rien à voir avec le laisser-faire sportif yankee selon lequel le (ou la) meilleur gagne. L’université américaine est moins un lieu où l’on apprend qu’un lieu où l’on révèle ses instincts, alors que les écoles de commerce en France sont un lieu de diversité où l’on cumule les expériences – mais seulement après une sélection sur les connaissances.

La narratrice, qui se surnomme Bobette, se retrouve en fin de carrière dans la même agence de pub, appelée Chabadabada qui a pour client principal une sorte de L’Oréal ou de Clarins appelée la National Cosmectic Company (en abrégé NCC). Le danger d’avoir un gros client fait qu’on en devient dépendant et, au lieu de stratégiquement tenter d’en acquérir un autre comme contrepouvoir, on en vient à désirer se soumettre totalement à tous ses désirs. D’où le stress, les changements par caprice, les engueulades perpétuelles, les exigences folles, le burnout. L’autrice abuse des mots anglomaniaques car telle est la loi de la pub : la soumission au modèle ultime qui est américain. La France n’est pourtant pas trop mal placée dans le luxe et les cosmétiques, pourtant ! Mais comme devant Allah, il faut effectuer la grande prosternation cinq fois par jour devant le Maître du monde, en abdiquant sa propre personne humaine…

Rien d’étonnant à ce que se perde le sens du travail, que la saine émulation devienne harcèlement et que l’effort devienne paranoïa égoïste. Ladite Super Power, qui représente NCC auprès de l’agence de pub, presse le citron – qui se laisse faire. Elle manifeste sa toute-puissance par des demandes impossibles et contradictoires, des changements de cap in extremis, des hésitations sans fin, une inflation de l’absurde… Le lecteur se dira avec bon sens : à métier inepte, pratiques ineptes d’un modèle inepte. Car il s’agit d’exploiter la nature pour crémer belles et bellâtres, de profiter de l’image du naturel pour faire vendre ce qui ne sert à rien, de manipuler le mythe de la pureté originelle comme une vulgaire religion au service du fric. Pourquoi donc se lancer dans la pub, cette activité inutile à l’existence, nocive à ceux qui y travaillent, mauvaise pour la planète ? Paula Marchioni n’analyse pas le pourquoi de ce choix, ou très peu. Elle donne pourtant en contre-modèle son père, Guy Marchioni, décédé à 86 ans, qui était ingénieur, donc dans le concret, et qui a vécu une carrière en humaniste, n’hésitant pas à dénoncer les egos nocifs lorsqu’il n’était encore que stagiaire. Mais il était d’une autre génération.

Ni la rentabilité, ni l’exigence d’efficacité n’exigent la perversion : ce sont bien les hommes qui gouvernent, pas les choses. La gestion de la pandémie Covid-19 le confirme à l’envi : les incapables sont au pouvoir depuis Hollande, malgré les mesures prises par les gouvernements qui précédaient après le premier SRAS en 2003. Nous étions pourtant bien dans la même « idéologie néo-libérale » comme on le dit un peu vite pour évacuer toute analyse sérieuse. Il est contreproductif d’accuser on ne sait quel « capitalisme » ou « néolibéralisme » des maux auxquelles on se soumet trop volontiers, évitant ainsi notre propre implication. Les jeunes le montrent, qui évitent soigneusement les entreprises toxiques dont l’image se dégrade : ils souhaitent rejoindre une société où ils contribuent à rendre le monde meilleur. Les plus de 50 ans croient ne pas avoir le choix, mais aux Etats-Unis ils le prennent. La mentalité fonctionnaire d’Etat-providence, qui nous a été inculquée depuis tout-petit dès la génération Mitterrand (née vers 1980), n’encourage pas à se prendre en main, hélas, contrairement à la génération précédente (née vers 1960) et la quête boucs émissaires est commode pour se dédouaner de toute responsabilité… La bourse le montre pourtant : les sociétés familiales sont les mieux gérées, les plus durables et font le plus de profits dans le temps. C’est qu’elles tiennent à l’humain et pas aux mots fumeux à la mode comme c-llectif, co-entreprise, co-décision, co-développement – en bref conneries du green washing – pour rester dans le ton américano soumis !

Le récit romancé de Paula Marchioni, tiré de son expérience professionnelle de pub dans l’agroalimentaire, la cosmétique ou le service, reste à ras du présent, se développe en histoire – ô combien classique – de la Brune qui remplace la Rousse, éjectée à la demande de la Cliente pour reprendre une équipe épuisée et désorientée de « chatons » tout juste pubards (entre 20 et 30 ans) et tenter d’avancer dans le flou. Avec humour et un recul salutaire, la narratrice sait s’entourer : Petit Papa décédé qui lui parle au-delà, Nounours son mari chéri (qui se fera virer lui aussi), Psychiatre préféré qui l’aide à se connaître, la Coach qui la motive, Retors la Belle son avocate, « la » médecin du travail, l’atelier d’écriture. Il ne faut en effet pas se laisser bouffer, ni par le boulot qui boulotte la personne, ni par les exigences paranoïaques des clients exigeants (au moindre coût) qui ne veulent pas reconnaître le travail de qualité. Il faut résister : les pervers narcissiques en sont tout étonnés (j’en parle d’expérience). Bobette réussira à livrer ses contrats et certains seront plébiscités ; elle sera remise en concurrence par pur plaisir pervers de rabaisser les talents de l’équipe mais, pour une fois, son patron ne se laissera pas faire malgré les conséquences ; son agence perdra son gros client et elle sera virée mais non sans avoir pu recaser ses « chatons » sans dommage.

Cette fiction réelle est prenante et se lit agréablement. Ecrite en style très familier au ras du terrain et du vocabulaire branché de la pub (un vrai dépaysement), elle parlera à beaucoup de ma génération qui a vécu cela depuis les années 1990 (l’affairisme servilement imitateur des Yankees sous Mitterrand II) et il faudra probablement que celle qui arrive aujourd’hui se débarrasse de tous ces inadaptés au management moderne qui trustent les places au sommet malgré leur incompétence avérée, donc leur peur que cela se sache, donc leurs exigences sans bornes et leur mépris anxieux pour tous ceux qui pourraient leur faire de l’ombre dans les étages immédiatement inférieurs. Un bon roman d’entreprise qui sonne comme une vérité vécue.

Paula Marchioni, N’en fais pas une affaire personnelle, Eyrolles collection Roman, 2020, 319 pages, €16.00 e-book Kindle €7.99 

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Guy Vallancien, invité à parler de l’intelligence artificielle sur Radio Notre Dame

Du lundi au vendredi de 9h à 10h, émission animée par Marie Ange de Montesquieu

La vie, l’amour, la foi, le monde, les autres, la société,  l’argent, l’homme, ses paradoxes, la mort, etc…

Marie Ange de Montesquieu et ses invités (professionnels, médecins, psychothérapeute, sociologues, experts, prêtres, témoins…) vous emmènent chaque  jour pour 1 heure d’enquête sur… le sens des choses dans ce monde si complexe ! Et  Dieu sait qu’il en faut des clés pour comprendre ce drôle de siècle qui est le nôtre !

Guy Vallancien, chirurgien, membre de l’académie nationale de médecine et auteur de « J’aime donc je suis » (L’Harmattan)

Rasmus Michau, professeur associé à Sciences Po et auteur des « Robots n’auront pas notre peau ! » (Dunod)

Réécoutez l’émission ici https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/01-06-2020/