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« Martin Amalda, un héros de la démocratie en Amérique latine » dans Les Echos

Martin Amalda, un héros de la démocratie en Amérique latine

Un livre témoignage passionnant, qui se penche sur le destin de Martin Almada, victime du régime du général Stroessner.

Publié le 16 oct. 2020 à 06:07

Haletant comme un roman policier, ce livre témoignage raconte l’incroyable histoire de Martin Almada, professeur et avocat au Paraguay, victime du terrible régime du général Stroessner, qui soumettait à la torture ses opposants, avant de mettre la main sur les archives du « plan Condor », dans les années 1990. D’origine modeste, le petit Martin avait réussi, après guerre, à faire des études dans le prestigieux lycée militaire, devenant par la suite un professeur « engagé ». Avec son épouse Celestina, il crée à San Lorenzo une école, l’institut Alberdi, destinée aux enfants dans le besoin. Mal vu par les autorités, il doit partir en Argentine où il entreprend un doctorat en science de l’éducation mais sa vie bascule avec la mort de sa femme, succombant aux mauvais traitements de la police paraguayenne. En exil à Paris, où il trouve un poste à l’Unesco, Almada n’aura de cesse de faire émerger les preuves de ces crimes d’Etat. Il découvre alors qu’ils s’inscrivent dans une opération plus large, lancée par le Chili d’Augusto Pinochet, consistant à mettre en place une coopération sous l’égide de l’anticommunisme entre les nombreuses dictatures sud-américaines des années 1980 : outre le Chili, l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, l’Urugay et le Paraguay. C’est le tristement célèbre « plan Condor ».

A la manoeuvre avec la CIA, le chef d’orchestre de ce vaste complot contre la démocratie semble avoir été Henry Kissinger. Après le renversement de Stroessner, de retour dans son pays, Martin met la main sur les archives de la Terreur révélant au grand jour l’ampleur du scandale. « Martin réclame un procès de Nuremberg pour l’opération Condor mais, sur l’ensemble des forces de police, ils ne seront que trois à écoper de peines de prison pour crimes contre l’humanité. » rapporte l’auteur de l’ouvrage, et son confident, le journaliste Pablo Daniel Magee. Menacé de représailles, c’est la force de l’opinion internationale qui lui vaudra protection : Jacques Chirac le fait décorer, début d’une longue série de médailles, le prix Nobel de la paix lui échappe de peu, l’Unesco en fait en 1998 son ambassadeur pour l’anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Amère victoire pour cet ancêtre des lanceurs d’alerte, son tortionnaire Stroessner est mort en toute impunité, dans son exil doré brésilien, à l’âge de 93 ans, le 16 août 2006. De tous les pays complices de Condor, un seul, à ses yeux, a fait un ménage efficace dans sa politique : il s’agit de l’Argentine.

Opération Condor, par Pablo Daniel Magee, Un homme face à la terreur en Amérique latine, préface de Costa-Gavras, éditions Saint-Simon 374 pages, 22 euros

« un premier roman original et personnel qui sort du nombrilisme pour accéder à une quête universelle. » (Argoul)

Emmanuel de Landtsheer, Le petit roi

Le petit roi c’est moi, dit le narrateur qui semble un double de l’auteur. Il conte son enfance en à peine un chapitre, son adolescence sans marquer l’évolution de la pré à la post en passant par la prime. C’est que ce roman est moins autobiographique que réflexion personnelle sur le rapport à soi et aux autres.

Solitaire car fils unique, le petit Jami (diminutif francisé de l’anglais James – Jacques) a décidé à 5 ans de ne plus parler car les adultes, à commencer par ses deux parents, lui paraissent égoïstes et sadiques : ils ne s’intéressent pas aux autres et lui apprendre à nager se résume à lui tenir la tête sous l’eau ! Lorsqu’on est tout amour, il est cruel de découvrir que c’est trop rarement réciproque. Le petit garçon se met en retrait et devient alors observateur : de ces autres en drôles d’animaux avec quelques gentils, comme Rose sa copine pour qui le silence est d’or ; de lui-même en petit être confronté à l’humanité hostile ou indifférente.

Cette construction de soi est longue et ardue, passant par deux fois en hôpital psychiatrique – du fait des autres – pour s’être roulé tout nu de nuit sur la pelouse dans l’exubérance irrationnelle de la puberté, puis pour avoir oublié de respirer au grand dam de sa mère. Les parents, quelle énigme ! Sorti d’eux, Jami ne leur ressemble en rien. Il en souffre et se réfugie dans l’imaginaire puis dans la création. Il commence par la peinture puisqu’il n’a pas les mots, puis la sculpture pour acquérir la troisième dimension.

Mais cette recherche obstinée de la pureté est une illusion… Nul être humain ne peut vivre seul, isolé, hostile. Lorsqu’il va chercher à communiquer, ce sera par le sifflement sur le modèle des oiseaux, puis par le regard, jusqu’à accéder enfin aux mots qui civilisent, disent la mémoire et prouvent l’amour. Une danseuse en fin de vie lui ouvre sa mémoire tandis qu’une fille trop grande à l’hôpital lui ouvre son cerveau tout entier.

Je regrette que l’auteur ait cette manie de revenir à la ligne à chaque phrase comme s’il énonçait une suite de sentences définitives. Un roman n’est pas une bible que l’on écrit en versets ; plus de fluidité s’impose pour éviter l’excès de gravité du propos et l’agacement du lecteur. Reste que Le petit roi est un premier roman original et personnel qui sort du nombrilisme pour accéder à une quête universelle.

Emmanuel de Landtsheer, Le petit roi, 2020, éditions St Honoré, 159 pages, €16.90

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Lise Bloch-Morhange livre une superbe lecture de « Opération Condor » de Pablo Daniel Magee

Pablo et les « archives de la Terreur »

Comment se retrouve-t-on à 26 ans à Asuncion, capitale du Paraguay, pour mener une enquête sans fin sur les quatre tonnes et demi de ces «archives de la Terreur» découvertes en 1992 par Doctor Martin Amalda ?
Peut-être parce deux jours avant sa naissance, sa mère, qui souhaitait une petite fille, avait rêvé qu’elle allait avoir un petit garçon prénommé Pablo ?
Peut-être parce que lors de ses années à l’université londoniennes de Greenwich, Pablo recueillit un jour les confidences d’une professeure ayant travaillé au cabinet de Kissinger? Peut-être parce que sa professeure évoqua à demi-mot, devant quelques élèves, une certaine réunion de diplomates US déterminant leur stratégie d’appui à la dictature chilienne de Pinochet, et prononça ces mots mystérieux «Opération Condor» ?

Peut-être parce qu’ensuite, tout en vantant les vins de Bourgogne pour la société «Made in mouth», Pablo s’engagea parmi les volontaires de l’ONG avignonnaise «Graines d’énergies», et qu’il fit pour cette dernière une première incursion au Paraguay ?
Peut-être parce que lors de ce premier séjour, sa rencontre fortuite au domicile du Doctor Amalda s’était soldé par des heures de conversation sur les rapaces andins et le vol du condor, scellant une fascination mutuelle ?
En tout cas, de retour au pays, Pablo Daniel Magee passa les deux années suivantes à amasser un petit pécule afin de retourner au Paraguay.

Le voilà donc à pied d’œuvre en 2012. Avec près de cinq tonnes d’archives devant lui, et une relation complexe à établir avec cet homme qui a passé mille jours dans les geôles du dictateur local, le général Stroessner. Un jour, raconte Pablo, lorsque leur relation sera bien établie, il osera poser la question à l’ami Amalda, qui lui avouera avoir dénoncé des opposants (plus ou moins imaginaires) pour parvenir à s’échapper vers le Panama et demander l’asile en France. Mais pendant ses dix années à l’UNESCO comme expert international, il n’oubliera ni ses trois années de tortures ni ses frères de combat. C’est ainsi que revenu au pays, il découvrira un jour de 1992, in extremis, ces «archives de la Terreur» enfouies dans un bâtiment périphérique de la police, que cette dernière s’apprêtait à détruire.
Année après année, Pablo s’immerge, s’enfonce dans l’histoire de ce pays et dans cette incroyable accumulation de rapports de police top secret. Chaque opposant, réel ou supposé, chaque arrestation, chaque acte de torture est répertorié. Comment résister à cette immersion, à cette accumulation d’horreurs ? Sans doute en épousant une Uruguayenne avocate à la Cour Suprême, qui devra démissionner. Tous deux seront mis sur écoutes et surveillés, mais ils refuseront la protection policière offerte par l’ambassade de France. Même quand leur fils naîtra.

Il y avait tant de choses à analyser et à connaître, tant de gens, de pays et de continents étaient impliqués. Le moment venu de raconter, Pablo prendra comme fil conducteur, au sens le plus littéral, l’odyssée de l’ami Amalda, adoptant une approche littéraire plutôt surprenante.
Nous allons tout savoir sur Doctor Amalda, depuis son enfance à Puerto Sastre, petite ville industrielle du nord du pays, dans la région du Chaco, le long du fleuve Paraguay. Nous allons tout savoir sur ce petit pays que nous connaissons mal en Europe, à commencer par le fait que plus d’un siècle plus tôt, le premier président de la République, Carlos Antonio Lopez, transmit le pouvoir à son fils :
«Ceux dont la parole créent l’Histoire racontent que ledit fils, le célèbre maréchal Lopez, refusa héroïquement de se soumettre aux exigences économiques de la couronne britannique et que le 1er mars 1870, sur la plaine de Cerro Cora, il hurla «Je meurs avec ma patrie !», juste avant d’être assassiné par les troupes de Louis Philippe Gaston d’Orléans, comte d’Eu, gendre de Pedro II du Brésil, au terme de la guerre de la Triple Alliance».

Plus d’un siècle plus tard, pour Pablo dans les pas de Martin, l’histoire de tous les jours continue à se vivre sur fond d’Histoire et d’incessants coups d’État dans l’ensemble de l’Amérique latine : coup d’État portant au pouvoir au Paraguay, en 1954, le général Stroessner s’appuyant sur le parti Colorado (lors de sa visite d’État, Nixon le baptisera «Our man in Paraguay») ; révolution cubaine assurant le régime de Castro en 1959 ; dictature militaire en Bolivie depuis 1964 ; dictature militaire au Brésil à partir de 1967 ; dictature militaire en Uruguay depuis le coup d’État du 27 juin 1973 ; bientôt le général Pinochet renversera Allende au Chili en septembre 1973.
Le régime du dictateur paraguayen ne voit pas d’un bon œil l’institut d’études Alberdi, fondé en 1959 par Martin Amalda et sa femme Celestina à San Lorenzo, à une dizaine de kilomètres de la capitale. Il y règne une atmosphère un peu trop progressiste, et le séjour de deux ans du directeur dans une université argentine n’a rien arrangé. Car son doctorat inclut des informations sur une certaine «opération Camelot» à l’initiative de l’armée américaine en 1964.

Le ton du livre change, et se fait plus sobre et factuel, pour raconter l’arrestation du Doctor Amalda en décembre 1974, et le début de mille jours de torture. Comment survit-on à mille jours de torture ? Quelques jours après le début de son martyr, sa femme Celestina, son âme sœur, mourra d’une crise cardiaque, le médecin ayant refusé de la soigner (Créée par son mari, «La Fondation Celestina» œuvre pour la mémoire de la justice.).
L’opération Condor fait son apparition dans le livre page 201. Amalda est prisonnier depuis plus d’un an lorsqu’un compagnon de cellule occasionnel, le colonel déchu Corrales, prononce ces deux mots, évoquant «Une opération top secrète imaginée par le général Pinochet et le général Contreras, le chef de la Dina, les services secrets chiliens.»Le colonel déchu explique à voix basse : «Au Panama, Doctor Amalda, il y a ce qu’on appelle l’École des Amériques. Les Yankees l’ont ouverte après la seconde guerre mondiale, à l’aube de la Guerre froide, pour former la police et les militaires d’élite de notre continent à leurs méthodes et, ainsi, nous intégrer au bloc idéologique américain dans le cadre de leur logique de guerre froide.»
Tout cela, poursuit le colonel, remonte à une vingtaine d’années, et implique la collaboration des services secrets, dont celle de la CIA, mais «le colonel Contreras est devenu fou ! En somme, l’opération Condor détourne les armes que les Yankees nous ont données pour renforcer par la terreur les régimes de la région, y compris contre les Etats-Unis». Le mystérieux colonel a encore le temps d’ajouter que le renseignement extérieur de la France et de l’Allemagne sont impliqués, avant d’être emmené hors de la cellule.

Pablo Daniel Magee, photo: Yasmine Ferhat

Doctor Amalda se jure de tout révéler s’il parvient à survivre, miracle rendu possible avec l’aide matérielle et les incessantes campagnes menées par le Comité inter-Églises, la Croix Rouge et Amnesty international en faveur de ce célèbre intellectuel. Il est libéré le 3 décembre 1977. Il arrive donc en France via le Panama et devient expert international à l’UNESCO. Il pourra enfin revenir chez lui en 1992, le terrible Stroessner ayant été renversé par un coup d’État le 3 février 1989, après 35 ans de dictature. Et l’année de son retour, raconte Pablo suivant pas à pas Amalda dans Asuncion, l’ancien prisonnier découvrira dans une annexe éloignée de la police quatre tonnes et demi de cartons, ces «archives de la Terreur» liées à l’opération Condor, en passe d’être détruites.
En 2002, le docteur Martin Amalda sera nommé lauréat du prix Nobel alternatif de la paix. «En 2009, conclut Pablo, ce que les journalistes surnomment les archives de la Terreur seront inscrites au programme « Mémoire du monde » de l’UNESCO en tant qu’elles sont les seules archives intégrales au monde d’une dictature, assurant à jamais la préservation du fruit de sa lutte pour la justice.»

 

Lise Bloch-Morhange

« Opération Condor »
« Un homme face à la terreur en Amérique Latine » Pablo Daniel Magee, éditions Saint-Simon, 22 euros

« Avis de tempête » par François de Coincy (sur la crise sanitaire et sa gestion)

Avis de tempête

Quand une tempête autrefois causait des dommages sur la grange ou l’étable d’un agriculteur, ce dernier sans attendre décuplait ses efforts pour compenser par un travail supplémentaire de réparation les effets de ce mauvais sort, tout en continuant à assurer le travail quotidien.

Lorsque la crise financière a éclaté en 2008 les gouvernements et les autorités monétaires, qui avaient la responsabilité du système monétaire, ont pris des mesures plutôt efficaces pour donner de la liquidité et en éviter le tarissement qui aurait généré un effondrement des échanges. Bien menée en France par Nicolas Sarkozy, cette politique réglait les mouvements financiers mais ne pouvait avoir d’effet sur les pertes de l’économie réelle. Face à cette difficulté, il y avait une réelle opportunité, un « momentum », pour demander aux Français de faire un effort de travail pour compenser cette catastrophe, on aurait pu ainsi obtenir une adhésion populaire à la suppression des 35 heures. C’est quasiment le contraire qui a été décidé en organisant une quasi relance financée par l’emprunt et non par le travail, ce qui a permis aux Français de mieux préserver leur pouvoir d’achat en comparaison de ce qui se passait dans d’autres pays. Mauvais calcul : on doit rembourser les emprunts ce qui pénalise nécessairement la consommation future alors que le produit du travail est définitivement acquis. On a fait comme si les gens ne pouvaient payer que ce dont ils sont directement  responsables et que l’Etat doit les prémunir contre l’imprévu.

Lorsque la crise sanitaire est survenue le gouvernement a activement pris en charge sa résolution. Afin d’éviter le blocage de l’économie, il a mis en place quelques mesures fortes plutôt bien pensées.  Face à cette crise, pourquoi n’a-t-il pas demandé aux Français de faire un effort de travail complémentaire pour compenser le chômage forcé dû aux mesures sanitaires, pourquoi a-t-il préféré recourir massivement au déficit budgétaire c’est à dire à l’emprunt remboursé par l’impôt  qui va pénaliser notre pouvoir d’achat dans l’avenir?

Il y a deux réponses à cette question :

La première tient à la méconnaissance profonde des ressorts économiques. L’opinion, y compris celle de nos responsables,  pense que l’argent est le moteur de l’économie alors que seul le travail produit de la richesse. Les opérations monétaires sont utiles à court terme pour gérer les échanges mais elles ne sont pas créatrices de valeur.

Si on est obligé d’emprunter pour absorber les crises, l’emprunt ne pourra se solder que par un travail futur. Si nous avions accumulé suffisamment de richesses alors nous pourrions absorber les aléas. Nous sommes démunis et plutôt que de faire des efforts aujourd’hui, nous continuons à brader notre patrimoine net en augmentant nos dettes. Quand il ne restera plus rien, personne ne voudra prêter  à nos petits-enfants.

La deuxième est politique. On a peur de déplaire à la majorité de la population, on évite de lui demander des efforts.  Il y a là une erreur de jugement : C’est dans les périodes de crises que les Français sont prêts à apporter leur solidarité pour que le pays s’en sorte, encore faut-il le leur demander.

C’est dans ces moments difficiles que l’on peut trouver le momentum gaullien ; encore faut-il avoir le politique qui ait le courage de l’assumer.

Quel capitaine ne rêve pas de la tempête où il va rencontrer son destin ?

On a l’impression que plutôt d’affronter son équipage en lui demandant de ramer plus fort, le capitaine a préféré alléger le bateau en jetant une partie de la cargaison par-dessus bord.

Ce n’est pas en niant l’évènement qu’on va souder l’équipage. Les circonstances exceptionnelles sont l’occasion de changer les choses.

Emmanuel Macron, avez-vous lu Lord Jim ?

Christophe Alvarez donne quelques tuyaux de la méthode Alpha and You pour bien gérer sa période de chômage

En Quête de Sens

Réécoutez l’émission avec Christophe Alvarez ici : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/14-10-2020/

Émission du 14 octobre 2020 : Comment bien gérer sa période de chômage ?

Christophe Alvarez, financier diplômé d’un Master 2 de l’institut d’Administration des entreprises de Nancy, il est l’un des meilleurs experts en négociation et un chef d’entreprise reconnu. Créateur de la Méthode Alpha and You. Il dévoile dans « Libérez votre futur » (Solfia) son savoir et son expérience conduisant inexorablement à votre succès

Marguerite Chevreul, a travaillé 20 ans dans les Ressources humaines de grands groupes internationaux. Elle est aujourd’hui coach spécialisée dans le développement des talents individuels et collectifs et maître de conférences à Sciences Po Paris. Elle publie « Ta vie est une mission – Connaître ses talents pour trouver sa vocation personnelle » (Emmanuel)

 

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CONSTITUTION EN ALGÉRIE : RENCONTRE AVEC LACHEMI BELHOCINE ET REZA GUEMMAR

CONSTITUTION EN ALGÉRIE : RENCONTRE AVEC LACHEMI BELHOCINE ET REZA GUEMMAR

Rencontre avec Lachemi Belhocine et Reza Guemmar. Ils publient un « Projet de Constitution de l’ALGERIE NOUVELLE » aux Editions de La Route de la Soie. Réécouter l’émission : https://www.radioorient.com/podcasts/constitution-en-algerie-rencontre-avec-lachemi-belhocine-et-reza-guemmar-25265

Le Journal du Dimanche a interviewé Martin Almada, le héros de « Opération Condor », le roman vrai de Pablo Daniel Magee aux éditions Saint-Simon

Par François Clemenceau

Au milieu des années 1970, six pays d’Amérique du sud – Chili, Uruguay, Paraguay, Argentine, Brésil et Bolivie – ont coordonné leurs services de renseignements dans le but de traquer, jusqu’en Europe ou aux Etats-Unis, les opposants aux dictatures militaires. Nom de ce plan secret : opération Condor. Une campagne de répression qui s’est jouée avec la complicité tacite des Etats-Unis et de la CIA. Un livre à paraître cette semaine raconte le parcours d’un rescapé, Martin Almada.

A 83 ans, Martin Almada est convaincu que les services américains, 50 ans après l’arrivée au pouvoir de Salvador Allende au Chili, sont toujours actifs pour limiter les mouvements populaires et les gouvernements de gauche en Amérique latine.

Pourquoi avez-vous été arrêté et torturé au Paraguay dans les années 1970?

A l’époque j’étais le directeur d’une école primaire et secondaire à Asunción. Nous appliquions la méthode de Paulo Freire, une alphabétisation militante au service de l’émancipation sociale. Paulo était un éducateur catholique de gauche considéré dans son pays comme subversif. J’étais également syndicaliste et mon syndicat menait une lutte pour faire augmenter les salaires des enseignants. La dictature du général Stroessner me considérait donc comme dangereux. En 1972, j’ai passé ma thèse sur l’enseignement et l’indépendance à Buenos Aires. A mon retour d’Argentine, j’ai été arrêté.

« La police politique qui me torturait a appelé ma femme au téléphone pour lui faire écouter. Elle a fait une crise cardiaque

  « 

Combien de temps avez-vous été détenu?

J’ai passé mille jours en prison. D’abord au commissariat central d’Asunción puis dans un camp de détention. La police politique voulait que je dénonce Paulo Freire et tous ceux qui suivaient sa méthode. Je devais donner tous les contacts des gens qui lui étaient liés de près ou de loin car ils le considéraient comme un terroriste intellectuel.

Comment votre femme est-elle morte pendant que vous étiez en prison?

Un jour, la police politique qui me torturait a appelé ma femme au téléphone pour lui faire écouter la séance que je venais de subir. Elle ne l’a pas supporté, elle a fait une crise cardiaque. On m’a dit plus tard que le général Stroessner était là pour suivre mes interrogatoires.

Quand avez-vous su que votre détention était liée au fameux plan Condor?

Je l’ai appris en 1974 par la voix d’un commissaire de police dont le propre fils avait disparu. Il faisait partie avec moi d’un groupe de 43 prisonniers politiques et un jour, il m’a dit que nous étions tous victimes de Condor. Il m’a expliqué que c’était un plan initié par le général Pinochet au Chili pour lutter contre la subversion communiste. Condor a connu une existence officielle en novembre 1975 mais, en fait, il existait en germes depuis que la CIA en avait fait un instrument de coopération des armées et des polices dans six dictatures militaires d’Amérique latine, depuis le coup d’état militaire au Brésil en 1964. Ce n’est qu’à partir de la présidence Nixon qu’Henry Kissinger en est devenu le cerveau.

« En décembre 1992, j’ai réussi à retrouver une cache du régime Stroessner dans laquelle se trouvaient trois tonnes de documentation

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Votre détention a pris fin et vous avez dû quitter le Paraguay…

J’ai pu obtenir le statut réfugié politique au Panama. Là-bas, le général Torrillos et Amnesty International m’ont aidé à me rendre en France où l’on m’a trouvé un poste à l’Unesco. J’y ai travaillé pendant dix ans dans un bureau mais tous les week-ends, mes recherches portaient sur la récupération des archives du plan Condor.

Et vous avez réussi…

En décembre 1992, grâce à de nombreux renseignements, notamment au sein de l’église, j’ai réussi à retrouver une cache du régime Stroessner dans laquelle se trouvaient trois tonnes de documentation sur l’opération Condor. C’est là que j’ai découvert l’ampleur de cette machine qui avait coordonné la répression au Brésil, en Argentine, en Bolivie, au Paraguay, en Uruguay et au Chili. Une machine qui avait fait plus de 100.000 morts dont beaucoup étaient des catholiques adeptes de la théologie de la libération, des enseignants, des intellectuels et des militants démocrates.

« Je ne suis pas convaincu que le Venezuela soit devenu une dictature

  « 

Avez-vous conscience que vos mouvements de libération étaient également instrumentalisés par Cuba et l’Union soviétique?

Disons qu’à l’Université de Buenos Aires, à l’époque, il y avait un engouement pour la révolution cubaine, un enthousiasme que j’ai mesuré des années plus tard en me rendant à Cuba. Le président Fidel Castro m’a invité et écouté. Il faut se remettre dans le contexte. L’ambiance dans les médias internationaux était plutôt favorable à Cuba. Alors est-ce que Cuba est devenue une dictature? Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne suis ni communiste ni anti-communiste. Je me considère comme un démocrate et je suis avocat aussi. Pour moi, le document le plus important est la déclaration universelle des droits de l’homme.

Pourtant Amnesty International condamne les atteintes aux droits de l’homme à Cuba ou au Venezuela aujourd’hui…

Je ne suis pas convaincu que le Venezuela soit devenu une dictature. Je m’y suis rendu cinq fois pour l’Unesco à l’époque d’Hugo Chavez. Le véritable ennemi n’était pas la droite ou la gauche mais la corruption. Quant à l’opposant de Maduro aujourd’hui, Juan Guaido, comment peut-il s’autoproclamer président du Venezuela? C’est ça la démocratie? Je suis étonné que les grandes démocraties européennes le soutiennent.

« Ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela n’a rien à voir avec ce que nous avons connu sous Pinochet, Stroessner ou Videla

  « 

Autrement dit, les dictatures en Amérique latine ne peuvent être que de droite?

C’est une bonne question. Mais ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela n’a rien à voir avec ce que nous avons connu sous Pinochet, Stroessner ou Videla en Argentine.

Et au Brésil, avec le président Bolsonaro, diriez-vous qu’il y a dans sa façon de gouverner une nostalgie de la dictature militaire?

Non, pour moi Bolsonaro est un fou. Ce n’est pas possible de gouverner ce pays riche et démocratique avec si peu de respect pour les gens.

Vous avez été voir le Pape François pour lui réclamer l’ouverture des archives du Vatican sur l’opération Condor. Qu’a-t-il répondu?

Ce pape argentin a vécu cette époque. Je l’aime et je l’admire beaucoup. Il m’a promis de faire de son mieux. Mais aujourd’hui, bien qu’il ait commencé à rendre publiques les archives de cette époque au Chili et en Argentine, je n’ai toujours pas de réponse sur ce qui s’est passé au Paraguay et globalement à l’échelle du continent.

« Pour moi, l’éviction du président Evo Morales en Bolivie, c’est Condor. Le coup d’Etat qui a consisté à se débarrasser de Lula qui était si aimé de son peuple et de Dilma Roussef, c’est Condor

  « 

Pourquoi dites-vous dans le livre que Condor vole toujours?

Le président du Paraguay aujourd’hui, c’est le fils de l’ancien bras droit de Stroessner. C’est un homme très proche de Juan Guaido au Venzuela. Mon pays n’est toujours pas une démocratie, on y fait semblant. La pauvreté et la corruption y restent considérables. Pour moi, l’éviction du président Evo Morales en Bolivie, c’est Condor. Le coup d’Etat qui a consisté à se débarrasser de Lula qui était si aimé de son peuple et de Dilma Roussef, c’est Condor. Rendez-vous compte que le président actuel du Chili essaie de préserver la Constitution écrite pour Pinochet. C’est Condor également. Je constate que Condor était au départ une alliance militaire en Amérique latine, mais qu’aujourd’hui les régimes politiques de droite continuent de s’entraider avec leurs polices et leurs magistrats.

Et vous êtes convaincu que la CIA est derrière tout cela? Sérieusement?

Oui. Même si je n’ai pas de preuves. La situation a évidemment changé et les Etats-Unis ont beaucoup perdu de leur puissance dans le monde mais la CIA reste très influente en Amérique latine. Et puis je n’oublie pas que j’ai été torturé et que ma femme et beaucoup de mes proches sont morts ou disparus à cause de la CIA. Donc, je reste très méfiant.

* Opération Condor, un homme face à la terreur en Amérique latine, Pablo Daniel Magee, préface de Costa-Gavras (Ed. Saint-Simon, 2020), 377 p., 22 euros.

« Un style clair avec des descriptions de grande beauté » (sur Eric-Louis Henri chez Wukali)

La Souciance, premier livre d’Eric-Louis Henri, le titre peut surprendre. Court récit ? Nouvelle ? Essai philosophique ? Ou plutôt, variation, adaptation à notre époque de Candide de Voltaire ? La Souciance est tout cela à la fois.

Le narrateur, avec sa nouvelle compagne, partent en vacances dans un pays étranger, indéniablement sur le pourtour méditerranéen, dans un lieu montagneux. On pense à la Croatie, au sud de l’Italie, à l’Albanie, enfin peu importe le lieu réel, seul celui créé par l’auteur importe.
Au cours de leurs pérégrinations, ils arrivent dans un hameau, loin de toutes routes historiques, plus ou moins abandonné par la modernité. Et, eux, qui ne devaient rester qu’une nuit, restent et achètent même une maison.
Ainsi, s’intégrant parfaitement dans leur nouvel univers, grâce à la culture de l’accueil des étrangers des autochtones, ils décident de faire revivre ce lieu. Ils ne veulent pas en faire une sorte de réserve des vestiges d’une façon de vivre du passé pour des touristes de passage, mais un lieu où d’autres personnes aient la même démarche qu’eux : rester, vivre, s’épanouir. Avoir une vision à long terme et non immédiate. Bâtir et non consommer. Et quel meilleur moyen que la toile pour parvenir à ce but. C’est à dire savoir se servir des moyens modernes de communication, basées sur la vitesse et le superficiel, pour vanter le temps long, la réflexion, la contemplation intérieure.

Eric-Louis Henri dans un style clair, avec des descriptions de grande beauté, nous fait suivre la démarche, le cheminement intellectuel de son « héros » à travers des « allers-retours » entre le présent et son passé.

Il dessine certaines personnalités d’une grande humanité, ces rencontres, qui, sans le vouloir, sans le savoir, l’ont aidé ou continue à l’aider dans sa quête personnelle. On pense à Jeanne, l’immigrée polonaise, ou au notaire, l’érudit local.