Carte blanche à Anne Bouillon dans le Journal du Yoga (numéro 211- décembre 2019)

Les noces du yoga et de la philosophie :

La gymnosophie – pour une sagesse de la gymnastique

Le yoga et la philosophie sont nés dans les mêmes circonstances : le constat d’une ignorance métaphysique accompagnée de douleur. Il semblerait pourtant qu’aujourd’hui, le yoga ne rime plus qu’avec « asanas » (les postures), qu’il soit devenu une mode qui se consomme dans leculte du corps – culte de la surface, du narcissisme, du « selfie mon beau selfie », qui est en son fond l’exact contraire du yoga.

C’est que le yoga ne se limite pas à la pratique des postures. Il englobe ce qui n’est rien moins qu’une philosophie de la connaissance (sâmkhya), et qui n’est pas si éloignée du fameux « connais-toi toi-même ! » socratique, lui-même provenant d’une ancienne inscription sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes et dans lequel on a pris l’habitude de voir la naissance de la philosophie.

Se connaître, c’est-à-dire non seulement saisir ce que l’on est, mais remonter à l’être lui-même, celui de Parménide, immuable, muet, au-delà de la parole (et qui, évidemment, aura fait couler des hectolitres d’encre et suscité des milliers de disputatio), mais qui, moins que susciter une exégèse savante, se pose d’abord commeexpérience initiatique du « repos en soi », de l’immobilité, de « l’enstase » – terme forgé par Mircea Eliade signifiant « expérience de mystique naturelle »–, tout à fait comparable à celle du samadhi des yogis, et qui constitue le but du yoga tel que Patanjali le définit dans les Yoga Sutras. Parménide, dont Platon dit qu’il est le véritable père de la philosophie et que le jeune Socrate aurait rencontré, est d’ailleurs décrit par la tradition comme sage et guérisseur à la fois, qui nous donne la vérité de l’être  – véritable « gymnosophe » avant la lettre !

La démarche de Socrate ne sera pas si différente : grâce à la « maïeutique » (accouchement), il fait naître l’esprit de son interlocuteur à lui-même, lui révélant le monde invisible de la vérité et selon une méthode qui est une sorte de « connais-toi toi-même » jusqu’au-boutiste, satsanggrec s’il en est.Encore une fois, il s’agit de nous retrouver en accédant à l’être pur. Et ce que la philosophie grecque théorise, le yoga le réalise. En effet, le yoga converge avec la réminiscence platonicienne : le yoga, c’est retrouver qui nous sommes mais que nous avions oublié.

Docteur en philosophie et professeur de yoga, ma méthode consiste à intégrer pensée occidentale et pratique orientale et aller ainsi à la découverte de la pensée corporelle, et ce faisant, dans un espace joyeux et décomplexé ne demandant aucune connaissance ou expérience particulière préétablie.L’idée est simplement de poser une question, de présenter un problème ou un paradoxe, à travers un court texte (d’un grand auteur ou de soi-même !), d’en discuter, de l’incarner dans les postures et de le laisser filer pendant la relaxation. Toute problématique est bienvenue, les questions bêtes n’existant pas (contrairement aux réponses inappropriées !). À la fin, nous clôturons la « classe de yoga » par un « satsang maïeutique », questions et réponses constituant le bilan la séance et synthèse résolue des problèmes. La vie active, sociale, peut alors reprendre dans la détente et le renouveau.

Voilà donc la gymnosophie, expérience physique et spirituelle à laquelle je vous invite,par laquelle chacun de nous peut se retrouver, puiser en son être initial et effleurer en lui ce qu’il y a de sacré.

Anne Bouillon

Pour me contacter : www.lagymnosophe.com

annegymnosophe@gmail.com

instagram : la_gymnosophe

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