Antoinette Fouque par Amandine Cauchy (Femmes Plus) 08.01.08

http://www.femmesplus.fr/mag-femme-feminisme-antoinette-fouque.18901.fr.html

[Par Amandine Cauchy, 08 janvier 2008]

Nous aimerions qu’il y ait un lieu où,
singulières, cependant-nous aurions dépassé l’état d’urgence,
-l’état de siège –occupation et résistance,
l’état de guerre et de violence,
l’amour de la haine parmi nous. (…)
Gravidanza (2007)*

Pour Aung San Suu Kyi et Taslima Nasreen…
Ah, Antoinette. Toujours là dans sa lutte. Toujours vigilante aux femmes, à leurs détresses, à leurs appels au secours.
Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix, chef du parti démocrate birman, toujours assignée à résidence depuis 1988, soutient les manifestations du peuple birman durement réprimées par la dictature ? Elle se démène, ne décroche pas de son téléphone : actions, pétitions, manifestations !
Taslima Nasreen, l’écrivaine bangladeshi, est de nouveau menacée pour son combat pour l’émancipation des femmes ? Vite, elle agit, toujours guidée par la sécurité physique et la liberté d’expression de son amie de lutte.

Pour la force créatrice des femmes…
Antoinette est une femme impatiente. Elle est une femme de pensée, une femme de rassemblement.
En 1968, après mai, et après avoir écouté les slogans machistes et autoritaires, Le pouvoir est au bout du phallus, Le pouvoir est au bout du fusil, c’est la naissance du Mouvement de Libération des Femmes, avec Monique Wittig et Josiane Chanel. « En pleine époque de décolonisation, nous avons essayé de nous décoloniser, pour que les femmes libèrent leurs paroles ! C’était l’époque du « notre corps nous appartient » », se souvient-elle.

Femmes, pas féministes
« En 68, Avec Monique Wittig, nous étions en désaccord avec « le Deuxième Sexe » de S. de Beauvoir. Pour Wittig, c’était par rapport au lesbianisme, pour moi, par rapport à la maternité, au fait d’être mère et de le vouloir -je venais d’avoir ma fille 4 ans plus tôt ».
Mais très vite, pour Antoinette, avec l’instance « Psychanalyse et Politique » il s’agissait de positiver le terme « femme », et de savoir « si cet esclavage maternel des femmes n’était justement pas causé par cette immense richesse ou compétence constituée par la procréation ».
Parce que pour elle, « en faisant le MLF, je visais à donner une dimension politique à cette expérience de la grossesse propre aux femmes, à donner une traduction politique à l’expérience psychique et physique qu’est la grossesse ». Alors que Wittig rejetait le terme « femme » : « Monique Wittig en était même arrivée à la conclusion que « Le mot femme est un terme d’oppression ». Moi pas du tout ! »

Une création libérée
Dans la lignée, en 1974, Antoinette fonde sa maison d’édition, les Editions des Femmes où aujourd’hui encore elle rêve de « donner lieu, tracer des voies positives en mettant l’accent sur la force créatrice des femmes ».
S’ensuit un passage au Parlement européen de 1994 à 1999. Et surtout, depuis quelques semaines, la création de l’Espace des Femmes, où elle a déménagé sa Maison, l’Alliance des femmes, avec ses amies artistes, écrivaines.

« Phallocentrée »
« Phallocentrées », les sciences humaines maintes et maintes fois décortiquées dans deux essais de féminologie -terme qu’elle a inventé, (Il y a deux sexes, 1995 réédité en 2004) et Gravidanza (2007), mêlant histoire, philosophie, anthropologie….
On l’a compris, Antoinette n’aime pas ces « ismes » qui fixent les choses, ni les « é », qui assoient les généralités.
Antoinette n’aime pas que l’on parle de « la » femme, et préfère parler « des femmes », et de « leur entrée dans l’Histoire ».

« L’envie de l’utérus »
Pour Antoinette, il y a « deux sexes », deux corps, deux libidos, l’une ne prenant pas le pas sur l’autre, n’en déplaise à Freud et à son « envie du pénis », dictat d’une libido unique d’essence mâle.
Pour Antoinette, la procréation et la possibilité de donner vie constituent la force des femmes. C’est quelque chose qui échappe aux hommes et qu’ils nous envient. C’est « l’envie de l’utérus », qui se traduit notamment par la tentative de maîtriser et de contrôler cet utérus.
Pour Antoinette enfin, « la perte de cette expérience (celle de la grossesse) appauvrirait l’humanité, démographiquement bien sûr, mais la priverait aussi d’une richesse ».

Une permanence historique
« Depuis 40 ans, il y a une permanence historique des femmes, un mouvement continu. Aujourd’hui, être une femme n’est ni un privilège, ni une damnation. Et si l’on vit encore dans une phase phallique, on finira par la dépasser, l’humanité va grandir, pour atteindre enfin sa maturité, son stade géni(t)al pour l’un et l’autre sexe. »

« Un autre temps viendra »
Bel exemple que celui de Ségolène ! « Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, elle a rempli un vrai contrat humain. Avec ses quatre enfants et sa carrière, elle a donné l’exemple ! Elle s’est heurtée au machisme ; elle a été battue : je savais que le temps n’était pas venu. Mais il viendra, un autre temps viendra… »
Alors ?
Encore se risquer, entre gestes et mots ; à la béance ;
à la relance entre dires et pas ; et dégager la tête, et les mains et les voix ;
les langues et les yeux, les oreilles, le cœur ; énoncer, de plein chant, nos revivances, toutes.
Gravidanza (2007)

Plus d’infos !
* Extrait de « Des femmes en mouvements », décembre 1977

Espace des Femmes, 35, rue Jacob, Paris 6ème
Renseignements : 01 42 22 60 74

L’Espace des Femmes
Gravidanza, Féminologie II, par Antoinette Fouque, aux Editions des Femmes, 2007, 15 euros

Il y a 2 sexes, essai de féminologie, par Antoinette Fouque, chez Gallimard, le Débat, 1995 (édition revue et augmentée en 2004)

Gravidanza

Michèle Ramond, sa féconde rencontre avec Antoinette Fouque

Texte recopié du catalogue des trente ans des Editions Des femmes :
mr1.jpgMichèle Ramond
La rencontre avec Antoinette Fouque et les Editions Des femmes fut un grand moment de ma vie. Si j’en prends rétrospectivement la mesure je dirai que ce fut un événement et je ne saurais le définir sans avoir recours à des termes qui fassent intervenir la notion d’Histoire. Il s’est agi pour moi en effet d’un choc historique qui s’est propagé en ondes successives, me sortant peu à peu d’un état d’absence au monde dont je n’avais même pas conscience. Faire entrer l’Histoire dans sa vie n’est pas forcément un mouvement naturel et spontané si les circonstances ne l’exigent pas de la façon la plus pressante. Mais si l’on est appelé à regarder autour de soi, les circonstances l’exigent toujours. (…)Par ses entretiens vivifiants et l’exemple d’une activité sans relâche dans les domaines de la pensée analytique et de l’action politique et sociale, Antoinette Fouque, entourée du collectif Des femmes, a sorti le regard de son inertie oculaire. J’entrevis, parce qu’elles devenaient subitement accessibles, les sphères où s’élaborait la pensée de mon époque, où les idéologies mûrissaient et se confrontaient, où les actions utiles au progrès social se décidaient, puis se préparaient avant de se manifester en plein jour et d’inspirer des lois qui se voteraient au Parlement, qui entraîneraient des changements de société, des mutations dfans la pensée, dans l’imaginaire et dans la langue. Sans doute suis-je devenue à partir de là plus consciente du monde qui m’entoure, et que pour une très mince part je constitue, de ce monde beaucoup plus fragile et périlleux qu’on ne pourrait le croire en restant à l’abri de sa « maison » et de ses fantasmes. (…) Aujourd’hui où tant de guerres de poursuivent et se rallument nous sommes aussi menacés par la guerre des générations et la guerre des sexes. Tout projet de transmission risque alors d’être anéanti. Puissent les Editions Des femmes continuer encore longtemps à transmettre le désir de perpétuer l’héritage, fait d’attentes, de projets et d’espérances, des femmes et des hommes de cette terre. Et puissé-je disposer encore d’un peu de temps pour faire oeuvre, même modeste, de leur don.
M.R.

Eva Forest publie aux éditions Des femmes et conte le soutien qu’elle a reçu jusqu’à sa cellule d’isolement (1974)

forest.jpg

Quand en 1974, totalement enfermée dans une cellule d’isolement d’une prison franquiste, la nouvelle de votre solidarité m’est arrivée par des chemins clandestins, ce fut comme si le soleil était entré dans le cachot et comme si une énergie puissante me donnait des forces pour continuer à vivre. Je n’ai jamais oublié ce moment. Et je n’ai jamais su vous l’exprimer. Des femmes fut ensuite ma maison d’édition, mais elle fut toujours plus que mon éditrice, elle fut une main tendue qui me transmettait la chaleur de milliers de femmes qui dans le monde se mobilisaient pour une cause juste, non pas ma cause, mais la cause commune qui nous faisait lutter pour un monde meilleur et plus libre.
Aujourd’hui, tant d’années plus tard, des choses terribles continuent à avoir lieu dans le monde, j’ai vécu de très près l’agression génocidaire de l’Irak, la violence sous forme de tortures qui se pratiquent dans mon pays, et je sais que la lutte est longue et que nous n’en verrons pas la fin. Mais nous ne comptons pas, ce qui est important c’est qu’un jour se réalise le désir tant désiré. Je dois vous confesser que quand je regarde en arrière et que je vois le ciel sous lequel je me suis déplacée au fil des années, vous êtes un point lumineux, un souvenir magnifique, une des choses prodigieuses qui m’est arrivée, qui encouragent les espérances jamais perdues.
E.F.

forest.jpgEva Forest
Journal et Lettres de prison
Diario y cartas desde la carcel
Édition bilingue français-espagnol
Traduit de l’espagnol par le collectif de traduction des éditions des femmes

450 p. – 7

1976

De Yeserias, la prison de Madrid où elle est détenue depuis son arrestation arbitraire par la police franquiste en septembre 74, Eva Forest écrit à ses enfants…

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Extrait du journal :
…Je veux que vous sachiez que je me promène dans ma cellule bien qu’elle soit très petite : une fois le matin très tôt et avant de me coucher. Comme ça je reste en forme… (…) En sortant du lit le matin, je fais une petite excursion. Parfois, j’ai soif et je m’arrête à la  » fontaine aux colombes  » je l’appelle ainsi depuis mon rêve, il s’agit de la cruche en plastique blanc qu’il y a sur la table de nuit. Après quoi je suis en pleine forme…

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Extrait d’une lettre :
Yserias le 10 novembre
… Et tous nos amis sont là, nos camarades dispersés dans tous les coins du monde, dont le cœur bat au même rythme que le nôtre, dont les préoccupations sont les mêmes que les nôtres ! Et chaque matin je me lève pour un jour nouveau, je regarde l’avenir, je fais des projets de travail et je me dis que rien de ce que nous éprouvons n’est inutile, que tout s’inscrit en nous, s’accumule comme puissance créatrice pour se transformer un jour en une énergie nouvelle qui servira aux êtres de demain…

Eva Forest a été libérée de prison le 1er juin 1977, après des manifestations de solidarité.

Dossier Beauvoir du Nouvel Obs (contribution de Aude Lancelin, propos d’Antoinette Fouque, 3 janvier 2008)

Nouvel Observateur du 3 au 9 janvier 2008, dossier Simone de Beauvoir, article de Aude Lancelin

« Queers, libertines, stars du porno, féministes tradi… LA DEUXIEME VIE DU « DEUXIEME SEXE »

La génération MLF discute toujours son héritage. Les pétroleuses d’aujourd’hui découvrent et adorent sa radicalité. Beauvoir revival ?

(…)

« On nous ressort aujourd’hui Beauvoir comme de temps à autre Joe Dassin ou Claude François, observe narquoise Antoinette Fouque qui n’a jamais fait mystère de l’indifférence hostile que lui a toujours inspirée Beauvoir. Les féministes l’ont choisie comme vache sacrée. Un peu comme les amazones de Kadhafi, elles l’entourent de leur vigilance… »

Lorsque la redoutée Antoinette fonde le MLF avec Monique Wittig après Mai 68, Beauvoir leur apparaît déjà inopérante, résolument datée « après-guerre ».

« Sa détestation de la maternité et son discours plein de morgue sur les lesbiennes, c’est tout ce que nous rejetions. Si être féministe c’est vouloir être « un homme comme un autre » comme le voulut en fait Beauvoir, alors non, je ne suis décidément pas féministe ! » Même la lecture des « Mémoires d’une jeune fille rangée » lui laisse un souvenir burlesque. « Tout ça, cette vision du couple libre notamment, me semblait totalement bidon. Au fond, Beauvoir, c’est une normalienne qui toute sa vie n’aura eu de cesse de repasser l’agrégation. Elle n’a jamais été une vraie militante féministe. Beauvoir, c’est la pensée libérale-libertine. Logique à cet égard qu’elle connaisse un regain d’intérêt. »

OCTOBRE 68, création du MLF par Antoinette Fouque, Monique Wittig et Josiane Chanel (Paris Match du 3 au 9 janvier 2008)

BRAVO AUX AUTEURS DE CE DOSSIER D’AVOIR ECRIT LA BONNE DATE DU CREATION DU MLF (OCTOBRE 68), CETTE DATE EST L’UN DES COMBATS TENANT LE PLUS A COEUR D’ANTOINETTE FOUQUE. (mais ils l’ont oubliée……………………………………………………………………… comme cofondatrice ! Gageons qu’il s’agit là d’une étourderie et rendons à César etc)

Paris-Match du 3 au 9 janvier 2008

(…)

DOSSIER DE JEAN-PIERRE BOUYXOU ET PIERRE DELANNOY

OCTOBRE : CREATION DU M.L.F.

Fondé sur le modèle du Women’s Lib américain par la romancière et essayiste Monique Wittig, le M.L.F., le Mouvement de libération des femmes, fait couler beaucoup d’encre. Il faudra compter maintenant avec les féministes, qui veulent la fin du machisme. Les plus jusqu’au-boutistes ne lésinent pas : Valérie Solanas, qui prônait la castration des phallocrates dans son « Scum Manifesto », a tiré le 3 juin un coup de revolver sur Andy Warhol, icône, à ses yeux, du pouvoir mâle.

Cette année, tout a changé entre les hommes et les femmes. La pilule contraceptive, objet de mille controverses depuis plusieurs années (Antoine a fait scandale en 1966 en proposant dans ses « Elucubrations » de la mettre « en vente dans les Monoprix »), est enfin autorisée depuis le 28 décembre 1967. « Transmettre la vie doit être un acte lucide », a admis de Gaulle, en promulguant la loi de « prophylaxie anti-conceptionnelle » proposée par le député Lucien Neuwirth.

La réalité est moins rose. En province, même dans les villes importantes, certains médecins rechignent à prescrire ce cachet diabolique qui, assurément, va transformer toute épouse en bacchante. Et les pharmaciens, quand on leur présente une ordonnance, ont beau jeu d’expliquer qu’ils ne servent que les honnêtes femmes. Il faudra attendre 1969 pour que Marie-Madeleine Dienesch, la très catholique secrétaire d’Etat à l’Action sociale, accepte de signer les premiers décrets pour que la loi Neuwirth soit appliquée. Peu à peu, la pilule va pourtant entrer dans les moeurs et devenir un des facteurs les plus importants de l’émancipation féminine. Elle sera prise en 1970 par 5% des Françaises âgées de 20 à 44 ans, et par 37% en 1978. Elles sont aujourd’hui 60% à l’utiliser (plus de 80% entre 20 et 24 ans), d’autres préférant le stérilet (20%) ou le préservatif (11%). Avec la liberté sexuelle, c’est la liberté tout court que découvrent les jeunes filles. Des rapports nouveaux, fondés sur l’égalité et le partage, s’instaurent entre hommes et femmes. Il ne sera plus incongru pour un mari, un amant, de s’occuper de son enfant ou de prêter la main au ménage.

Colette Deblé par Jean-Luc Chalumeau

debl_cipm_affiche.JPGColette Deblé est née en 1944.  Peintre, elle vit et travaille à Paris. Elle expose de Houston (Texas) à Sanaa (Yemen). Depuis mars 1990, Colette Deblé dessine à partir
de diverses représentations de la femme dans l’histoire de l’art
afin de composer un essai plastique visuel constitué d’une infinité de lavis.

« Depuis vingt-cinq ans, Colette Deblé n’a pas cessé de penser visiblement et de créer des images où les « faces opposées des choses » pouvaient coexister. Aujourd’hui, son œuvre trouve un accomplissement dans la passionnante enquête qu’elle poursuit dans l’histoire de l’art, à la recherche des images de la femme.
Il s’agit, selon ses propres termes, d’une suite de lavis, dessins et peintures (plus de deux mille) dont l’ensemble constitue une sorte d’essai plastique sur la représentation
des femmes dans l’histoire de l’art. Les lavis saisissent une attitude, une posture, un simple geste d’une femme appartenant à une scène peinte, sculptée ou photographiée
provenant de n’importe quelle époque. Ce personnage féminin est en quelque sorte « prélevé » par l’artiste, et la représentation qu’elle en donne ignore le contexte tout en
conservant sa trace fantomatique. »

Le Magazine littéraire spécial Simone de Beauvoir (janvier 2008) – Interview d’Elisabeth Badinter citant Antoinette Fouque

Le Magazine littéraire, janvier 2008 ENTRETIEN AVEC ELISABETH BADINTER Propos recueillis par Perrine Simon-Nahum « Simone de Beauvoir est une héroïne, une conquérante »

(…) En revanche, nous avons notre propre bloc différentialiste avec Luce Irigaray, Antoinette Fouque, les plus radicales, mais aussi Françoise Héritier ou Sylviane Agacinski? Il est extraordinaire de penser qu’à cette époque ce sont Hélène Cixous et Luce Irigaray qui ont incarné le French Feminism en Amérique alors même qu’elles n’étaient pas entendues en France. Libération du 15 avril 1986 publie un article dans lequel Antoinette Fouque, le lendemain de la mort de Simone de Beauvoir, dénonce ses « positions universalistes, égalisatrices, assimilatrices, normalisatrices ». Elle ajoutait « cette mort n’est pas un événement. C’est une péripétie qui va peut-être accélérer l’entrée des femmes dans le XXIème siècle ». C’est dire la violence de ce discours qui célèbre les différences. (…)

+ l’édito

(…) C’est aujourd’hui au tour de Simone de Beauvoir de faire son come-back. Cent ans après sa naissance – le 9 janvier 1908 – un come-back d’outre-tombe ! A travers divers colloques, numéros spéciaux, rééditions, et essais biographiques – dont celui de Danièle Sallenave – cette commémoration sera abondamment célébrée. Beauvoir est sortie de son purgatoire pour devenir une figure prodigieusement présente et vivante. L’Histoire a donné tort à celles qui décrièrent le combat qu’elle mena pour les femmes, lui reprochant de les aliéner au modèle masculin. L’une des grandes prêtresses du MLF, Antoinette Fouque, eut ces mots terribles au lendemain de sa mort : « Cette mort n’est pas un événement. C’est une péripétie qui va peut-être accélérer l’entrée des femmes dans le XXIème siècle. » Jugement fort hâtif dont la virulence est à l’image des attaques subies par Beauvoir tout au long de sa vie. (…)

Françoise Gilot et Antoinette Fouque à La Jolla (Californie)

173x200_394633.jpgTexte recopié du catalogue des trente ans des Editions des femmes :
Au début des années 80, Antoinette Fouque passait une grande partie de l’année à La Jolla en Californie et c’est ainsi que nous nous sommes rencontrées. Sa maison était nichée tout contre le Pacifique et la mienne plus au nord en haut d’une falaise. Un dialogue s’établit et aussi une chaleureuse amitié qui s’enrichissait de la présence de Marie-Claude Grumbach et de mon mari Jonas Salk. C’est ainsi que peu à peu se dessina le projet d’une exposition d’un groupe de mes oeuvres à la Librairie-Galerie Des femmes, rue de Seine à Paris qui eut lieu au printemps 1986. L’exposition accompagnée d’un petit catalogue s’intitulait Anamorphoses et le vernissage qui réunit écrivains et peintres fut très animé.
F.G.

S.O.S. Cadeaux de Noël audio !! Geneviève Brisac, Catherine David et Benoite Groult !!

Dernière ligne droite avant le passage du Père Noël (qui est peut-être – nous aurait-on menti ? – une Mère Noël…), et des idées du tonnerre pour faire plaisir à celles (surtout !!!) et à ceux (accessoirement…) qui vous sont chères (rs ! V’lan ! Je me prépare à me déchaîner avec les 40 ans du MLF en 2008 !!!!)…

Comme vous le savez (et vous n’avez aucune excuse d’ignorance depuis que je suis attachée de presse de cette maison !!), Antoinette Fouque a été la pionnière des livres audio en France – et quasiment dans le monde – croyant très fort à la transmission orale des textes, elle les a inventés en 1980, créant la Bibliothèque des voix, collection phare des éditions Des femmes

Elle a aimé enregistrer ses amies comme ses admirées, les deux catégories se confondant toujours (ça tombe bien !)… Et très nombreuses lui ont fait la joie de rejoindre par leurs oeuvres sonores notre prestigieux catalogue, contenant entre autres pépites des mots prononcés par Françoise Sagan, Marguerite Duras ou Jacques Derrida pour les aujourd’hui disparus…

Pour Noël 2007, ce sont trois nouveautés de VIVANTES (que l’on peut même croiser lors des soirées données à l’Espace Des femmes… et comme elles ne mordent pas, aussi saluer et féliciter…) que les éditions Des femmes vous proposent : Geneviève Brisac, Catherine David et Benoite Groult.

Antoinette Fouque a « craqué » pour ces trois livres au point de désirer les mettre au monde une seconde fois, les réincarner en quelque sorte, leur offrir une existence parallèle encore plus charnelle que celle du texte… Une trajectoire complémentaire les sublimant par l’émotion de l’incarnation parlée… Le miracle du son qui rend plus excitant encore le choc de la beauté, et sûrement plus intime…

Pour vous bercer tout au long des soirées glaglagla (Brrrr !!!) de cet hiver, installez-vous confortablement au coin du feu, dans votre canapé, et lancez la littérature dans votre lecteur CD… Brutalement, la magie survient, vous foudroie, vous envoûte, vous emporte…

Les trois cadeaux originaux, où la faute de goût n’est pas possible, pour lesquels vous pouvez opter ce Noël ayant eu énormément de presse, chacun à leur époque, leur célébrité est avérée, leur franc succès prouvé… Risque d’erreur de tir évité !! Grandes dames pointées !! Livres déjà classiques à écouter !! Petits formats hors piste !! Foncez !!

52 ou la seconde vie.jpg1) « 52 ou la seconde vie » de Geneviève Brisac – Lu par l’auteure et Alice Butaud

Les présentes (ts) lors de l’après-midi « Lire en fête » Spécial Aung San Suu Kyi à l’espace Des femmes se souviendront du passage de la douce Geneviève Brisac, qui nous avait lu avec tant de chaleur quelques pages de ce livre tellement de circonstance sur le lien entre l’intime et le politique. Le site Evene l’introduit joliment, comme un espoir cathartique (en période de bonnes résolutions, n’hésitez pas, entendez…!) :

Une rencontre avec un général tortionnaire dans une teinturerie, l’imminence d’un accouchement, Marguerite Duras au téléphone, des arbres séculaires qu’on arrache, un conte de Noël qui tourne mal… Pendant un an, en cinquante-deux histoires, parfois longues et parfois courtes, et à raison d’une nouvelle par semaine, Geneviève Brisac a tenté de mettre en mots ce que Virginia Woolf appelait la ‘seconde vie’, la vraie, celle qui se déroule derrière la vie officielle. Nouk, Carlotta Donizetti, son neveu Nils, Berg et Mélissa Scholtès règnent en maître sur ces histoires qui explorent ce qui ‘grouille’ en dessous de nos pensées : nos peurs secrètes, nos désirs inconscients, nos paranoïas, nos violences refoulées, bref tout ce qui se joue derrière les mots que nous prononçons et qui, de façon souterraine, commande les rapports entre les êtres. (…)
Les personnages sont peu attachants, tant ils nous renvoient notre propre reflet, notre mauvais reflet. Et pourtant, pas de leçon ni de morale ; il n’y a pas vraiment de fin dans ces nouvelles, pas de suite non plus, ce qui augmente le trouble mais nous laisse en même temps maître d’inventer la suite, telle une catharsis personnelle. Un livre étrange en somme, qui remue bien des sentiments et nous laisse un peu perdus. Alors seconde vie oui, mais en tant que seconde chance.

Simone Signoret.jpg2) « Simone Signoret ou la mémoire partagée » de Catherine David – lu par l’auteure

Avec la même générosité que Geneviève Brisac (parce qu’Antoinette choisit des amies qui lui ressemblent…), Catherine David nous a comblées de son charisme et de son virtuose talent de pianiste lors de la précédente soirée « Lire en fête » à l’Espace Des femmes… Elle avait lu les plus belles lignes de son « Crescendo », qu’Antoinette Fouque affectionne tant… C’est l’un de ses livres beaucoup plus anciens que nous avons la fierté de rééditer, devenu référence en son domaine : sa biographie délibérément subjective – ce qui est la marque d’un écrivain véritable – de Simone Signoret. Le dossier presse est massif, souhaitons pour 2008 que la version CD, exclusive, soit autant appréciée que l’est la déclinaison papier et le mathusalémien duo de cassettes (1990)…

Vous laissant libre de consulter des bribes des articles d’alors sur mon blog, je recopie ici les sentences de deux amis que je connais en chair et en os :

« Sans méchanceté mais sans complaisance non plus, Catherine David arrache à l’impériale Simone le mot de la fin qu’elle voulait se garder. » Irène Frain , « Paris-Match »

« Catherine David, journaliste, romancière, a relevé le défi. Avec un applomb tranquille. Tant mieux. » André Rollin , « Le Canard Enchaîné »

Groult_Touche étoile.jpg3) « La touche étoile » de Benoite Groult – lu par l’auteure

La plus sportive pour la fin ! Mais Ouiiiiiiii ! La première fois que j’ai croisée Benoite à l’Espace Des femmes, elle s’était déplacée à bicyclette !!! Celle qui nous fait oublier son année de naissance par sa lumière et son éternelle jeunesse est le troisième baume de cet émile Audio. Très ancienne amie d’Antoinette, Benoite est connue pour ses engagements féministes autant que pour son dynamisme et son humour. Sa Touche étoile a fait un tabac à sa parution papier, malgré les pauvres arbres assassinés , puisse t-il faire encore plus fort en gentil CD métallique !! (Oups ! J’ai
trouvé un nouvel argument de pub pour nos livres audios : l’écologie !!)

Comme Thérèse Clerc, Benoite Groult explore le délicat sujet de la vieillesse tout en demeurant dans sa veine d’amoureuse.

Oeuf corse (serez-vous assez intelligent (e) pour percuter…? c’est la blague d’une amie…), et plus que jamais parce que c’est Noël, la naissance du petit Jésus tel qu’on nous l’enseigne et avec encore davantage de certitude, à la même heure, la mienne , je vous adresse sur simple retour d’émile me livrant un indice précis de destination, l’un, l’autre ou les trois de ces chefs d’oeuvres. (et à celles et ceux qui les attendent impatiemment, je demande pardon, comme aux auteures, pour le délai, les installations (différents déménagements etc )- By the way, Recherche volontaire pour aider à porter cartons demain matin (vendredi 21 décembre), rémunéré 10 euros de l’heure – et la mise en route dans nos nouveaux bureaux du 35 rue Jacob étant un peu plus longues que prévues… Mais en 2008, tout tournera plus rond, Sursum corda !)

Joyeux Noël !

« Cher Voltaire » dans Paris-Match – Par Gilles Martin-Chauffier (13 au 19.12.07)

41I8dtH7W%2BL.jpgCulture match livres

Paris-Match du 13 au 19 décembre 2007

LA CHRONIQUE DE GILLES MARTIN-CHAUFFIER

Le magazine « Time » annonce la mort de la culture française. Vieux refrain : c’était déjà le leitmotiv des lettres de madame du Deffand à Voltaire. Qu’importe ! Chez nous, on peut bien dire que tout va mal pourvu qu’on le dise bien.

« Time », le bréviaire hebdomadaire de l’Amérique à vocation universelle, s’inquiète de l’état de la culture française. A lire le magazine, elle agonise. Le seul film français dont ses journalistes ont entendu parler ces derniers temps est « Ratatouille », un dessin animé produit par le studio hollywoodien Pixar. Notre littérature, nos films, nos peintres les déçoivent. Paris n’est plus le centre du monde. A force d’être gavés de subventions, nos artistes n’ont plus à se soucier de qualité. Tout cela n’est pas faux, et le spectacle des cash-flows aphrodisiaques de Disney et de Time Warner rappelle que leur cinéma et leurs chansons ont bien plus de succès que les nôtres. Mais quelle importance ?

L’aigle américain jugeant le coq français, cv’est un peu le moineau sceptique sur le charme du papillon. Contrairement à ce que semble croire « Time », on n’aime pas tant la France pour ses artistes que pour la manière, respectueuse et désinvolte, avec laquelle nous les traitons. Dans le monde entier, l’année commence en janvier sauf chez nous, où la rentrée a lieu en septembre, car c’est l’automne qui lance l’actualité culturelle. La France ne prétend plus régner par sa littérature ou sa musique, mais par une certaine douceur de vivre. Si, demain, nous sommes le dernier herbivore au milieu des fauves, tant mieux.

De toute manière, pas de panique, on se donnera toujours l’importance que le reste du monde nous refusera. La puissance militaire et l’éclat culturel d’Athènes ont duré un siècle et ceux de Rome mille ans, mais c’est toujours la Grèce qu’on cite en premier. La France charme moins par ses livres et ses toiles que pour le N°5 de Chanel, les berges de la Seine, ses terrasses de café, son foie gras et les illuminations de Noël de l’avenue Montaigne. Ici, le premier des arts, c’est l’art de vivre. Et si, chez nous, plein de gens veulent en faire le moins possible et être assistés, cela prouve que le bon sens reste vivace dans nos parages. Si on avait attendu qu’une des fourmilières américaine, allemande ou chinoise ait inventé les matelas, on dormirait encore par terre. Que les plumes de « Time » ne se tourmentent pas pour nous. Sur le fond, nous sommes entièrement d’accord avec elles. Il y a des siècles qu’à chaque génération nos auteurs annoncent la mort de l’esprit français. Si certains en doutent, ils n’ont qu’à lire la correspondance de madame du Deffand avec Voltaire. Un petit chef d’oeuvre de perversité intellectuelle à notre façon.

Elle tient un salon dans le couvent Saint-Joseph où elle occupe les anciens appartements de madame de Montespan. Il règne à Ferney sur un vaste domaine et une immense fortune. Il se dit mort et enterré au fond des Alpes et elle prétend écrire du fond de son tombeau, mais leur faiblesse est herculéenne et ils reçoivent sans cesse toute l’Europe à leur chevet. Ensuite, ils s’écrivent pour parler de tout sans pontifier sur rien et chacun sourit jusqu’aux cheveux quand il reçoit une lettre de l’autre. C’est que la France de leur temps passe un encore plus sale quart d’heure entre leurs lignes que la nôtre dans « Time ». A les lire, il n’y a plus de grâce dans les livres, le goût est perdu, l’esprit sentencieux prospère, l’opéra est indigne, la facilité a disparu, tout est à la glace, même la licence n’a plus de gaieté. Si la nation a déjà été plus malheureuse, elle n’a jamais été aussi plate. Lui n’aime plus que l’Ancien-Testament, Virgile et Pascal. Elle regrette Cicéron. Les contemporains les impatientent, Rousseau les sort de leurs gonds mais le fait est là : ils ont du goût, de l’imagination, de l’esprit et de la culture. Ces deux vieillards acariâtres sont un élixir de charme assassin, même si le fleuve de leur méchanceté déroule sans fin ses méandres. C’est aussi ça la France : avoir du génie dans les moments insignifiants et mettre de la futilité dans les grands débats. On lit « Time » et on se dit que le trône de la France est devenu minuscule. On relit Voltaire et on redécouvre que petit trône ne signifie pas petit roi. Si l’Amérique nous trouve intellectuellement indignes d’être le Q.g. du monde, tant pis. Paris se contentera d’en être le salon. Comme toujours.

« Cher Voltaire. La correspondance de Madame du Deffand avec Voltaire », éd. des Femmes-Antoinette Fouque, 574 pages, 22 euros