Eva Forest publie aux éditions Des femmes et conte le soutien qu’elle a reçu jusqu’à sa cellule d’isolement (1974)

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Quand en 1974, totalement enfermée dans une cellule d’isolement d’une prison franquiste, la nouvelle de votre solidarité m’est arrivée par des chemins clandestins, ce fut comme si le soleil était entré dans le cachot et comme si une énergie puissante me donnait des forces pour continuer à vivre. Je n’ai jamais oublié ce moment. Et je n’ai jamais su vous l’exprimer. Des femmes fut ensuite ma maison d’édition, mais elle fut toujours plus que mon éditrice, elle fut une main tendue qui me transmettait la chaleur de milliers de femmes qui dans le monde se mobilisaient pour une cause juste, non pas ma cause, mais la cause commune qui nous faisait lutter pour un monde meilleur et plus libre.
Aujourd’hui, tant d’années plus tard, des choses terribles continuent à avoir lieu dans le monde, j’ai vécu de très près l’agression génocidaire de l’Irak, la violence sous forme de tortures qui se pratiquent dans mon pays, et je sais que la lutte est longue et que nous n’en verrons pas la fin. Mais nous ne comptons pas, ce qui est important c’est qu’un jour se réalise le désir tant désiré. Je dois vous confesser que quand je regarde en arrière et que je vois le ciel sous lequel je me suis déplacée au fil des années, vous êtes un point lumineux, un souvenir magnifique, une des choses prodigieuses qui m’est arrivée, qui encouragent les espérances jamais perdues.
E.F.

forest.jpgEva Forest
Journal et Lettres de prison
Diario y cartas desde la carcel
Édition bilingue français-espagnol
Traduit de l’espagnol par le collectif de traduction des éditions des femmes

450 p. – 7

1976

De Yeserias, la prison de Madrid où elle est détenue depuis son arrestation arbitraire par la police franquiste en septembre 74, Eva Forest écrit à ses enfants…

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Extrait du journal :
…Je veux que vous sachiez que je me promène dans ma cellule bien qu’elle soit très petite : une fois le matin très tôt et avant de me coucher. Comme ça je reste en forme… (…) En sortant du lit le matin, je fais une petite excursion. Parfois, j’ai soif et je m’arrête à la  » fontaine aux colombes  » je l’appelle ainsi depuis mon rêve, il s’agit de la cruche en plastique blanc qu’il y a sur la table de nuit. Après quoi je suis en pleine forme…

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Extrait d’une lettre :
Yserias le 10 novembre
… Et tous nos amis sont là, nos camarades dispersés dans tous les coins du monde, dont le cœur bat au même rythme que le nôtre, dont les préoccupations sont les mêmes que les nôtres ! Et chaque matin je me lève pour un jour nouveau, je regarde l’avenir, je fais des projets de travail et je me dis que rien de ce que nous éprouvons n’est inutile, que tout s’inscrit en nous, s’accumule comme puissance créatrice pour se transformer un jour en une énergie nouvelle qui servira aux êtres de demain…

Eva Forest a été libérée de prison le 1er juin 1977, après des manifestations de solidarité.

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