Audrey Natalizi donne son sentiment suit la pièce de Sophie Jabès dans « Mes illusions comiques.com » (23 octobre 2014)

« Camille, Camille, Camille » de Sophie Jabès / Marie Montegani / Théâtre du Lucernaire

Capture d’écran 2014-12-01 à 15.03.41.pngC’est une plongée au cœur dans l’âme de Camille Claudel que nous proposent Sophie Jabès (pour le texte) et Marie Montegani (adaptation et mise en scène) au Lucernaire. Loin de se limiter à ce que l’on connait de la biographie de la sculptrice, les deux femmes nous livrent ses pensées les plus profondes dans un spectacle poignant intitulé Camille, Camille, Camille.

Capture d’écran 2014-12-01 à 15.03.32.pngLes trois Camille du titre ne sont bien sûr qu’une seule et même personne, représentée aux trois âgés de sa vie, par trois comédiennes différentes présentes sur scène simultanément. Il y a d’abord Camille au seuil de sa mort (Clémentine Yelnik), vieillarde enfermée depuis trente ans. On la dit folle ? Ses souvenirs semblent de prime abord clairs. Il y ensuite Camille la quadragénaire (Nathalie Boutefeu), sur le point d’être internée. Une femme pleine d’amertume contre celui qui l’a laissée, Rodin. Un fiel qui la ronge, la pousse à détruire ses oeuvres, la fait sombrer. Et puis il y a Camille la pétillante, pleine de vie et de jeunesse (Vanessa Fonte), magnifique, sur le point de succomber aux avances de son maître. Trois instants clefs de la vie d’une femme. Trois instants qui nous font ressentir tous ses doutes, ses douleurs, ses questionnements intérieurs sur la difficile articulation entre sa passion pour la sculpture, son amour pour Rodin et le jugement de sa famille.

Capture d’écran 2014-12-01 à 15.01.39.pngDans une demi-obscurité, les monologues se succèdent avant que les trois Camille ne dialoguent par delà le temps, par delà la raison, comme une expression de la schizophrénie du personnage. « Si jeunesse savait … » dit l’adage. Alors Camille la vieillarde va tenter de mettre en garde la bouillonnante jeune fille : ne pas succomber à Rodin, fuir loin pour rester soi-même, ne pas se perdre, ne pas se faire voler son œuvre. Mais la vieillarde n’est pas dupe :  « je sais qu’on ne remonte pas le temps » conclut-elle, attendant la mort comme une délivrance.

Capture d’écran 2014-12-01 à 15.01.26.pngDistribution parfaite : chacune des trois comédiennes se fond dans la peau du personnage à des âges différents. A fleur de peau, chacune à leur manière, elles insufflent la folie, la passion à ce texte déjà criant de douleur. Une introspection particulièrement réussie et un spectacle que l’on n’hésite pas à vous recommander.

Camille, Camille, Camille de Sophie Jabès, adaptation scénique et mise en scène Marie Montegani. Avec Vanessa Fonte, Nathalie Boutefeu, Clémentine Yelnik. Au Théâtre du Lucernaire, du mardi au samedi à 18h30, jusqu’au 22 novembre 2014 (relâche le 28 octobre). Durée : 1h.

 

Rue du Théâtre a entendu le « CRI ÉTOUFFÉ » de Camille Claudel dans la pièce de Sophie Jabès (22.10.14)

Capture d’écran 2014-10-23 à 15.36.58.pngCri étouffé

Par Cécile STROUK

Publié le 17 octobre 2014

‘Camille, Camille, Camille’, c’est le portrait de Camille Claudel à travers trois générations d’elle-même. L’histoire d’une vie, reconstituée par l’auteur Sophie Jabès, qui donne une belle cohérence au discours digressif de la sculptrice maudite.

Si Camille Claudel voyait à quel point elle est présente sur les planches et sur les écrans, cela l’aiderait sans doute à se réconcilier avec le « cauchemar » que fut sa vie. Alors, bien sûr, il n’y a pas de Camille sans Rodin, son mentor, ce monstre de luxure, cet amant de 24 ans son aîné, mais cette relation – à force – n’est devenue plus qu’un prétexte à des écrits épistolaires tendus et denses. Celle qu’on a cherché à museler a, malgré tout, clamé sa « liberté à grand cri », jusqu’au bout. Et Dieu sait que sa vie fut longue : environ 80 ans, dont 30 ans en hôpital psychiatrique.

camille-300.jpgC’est justement par la fin que l’auteure, Sophie Jabès, décide de commencer. La pièce s’ouvre sur une vieille femme assise en avant-scène sur un banc, recroquevillée, voix rocailleuse et traînante, visage émacié par le clair-obscur de la salle. Elle s’adresse à nous, avec une colère contenue. Ce qu’elle nous raconte, ce n’est pas une histoire, mais une suite de digressions. Clémentine Yelnik, dans ce rôle de Camille internée, réussit à transmettre la force tremblante dont elle imprègne son discours.

Après une dizaine de minutes d’une intervention qui emporte le spectacteur déjà loin dans cette vie décousue, la voix et le corps retombent, tel un automate qui aurait arrêté de fonctionner. Un deuxième tableau nait alors des ténèbres de la scène. Celui d’une femme plus jeune, d’une quarantaine d’année, agitée. Elle peste contre sa soeur Louise, son frère Paul, sa mère. Seul son père, son gentil père, est épargné. Lors de ses logorrhées, elle lance des draps blancs, les mets en boule, se déplace d’une direction à une autre, vêtue d’une longue robe informe qui vient souligner cette perdition aux airs de tragédie grecque. Dans ce rôle, Nathalie Boutefeu exacerbe le côté hagard d’une Camille déjà statufiée par la vie.

 

Puis, prend forme le troisième et dernier tableau, plus lumineux. La voix d’une jeune fille émerge, la vingtaine, belle, vive, ambitieuse, avec déjà quelque chose de démesuré dans son regard. Entourée par une table et de la matière à sculpter, les cheveux ébouriffés, elle vient de rentrer dans l’atelier de Rodin et nourrit l’espoir fou de devenir sa muse pour se rapprocher au plus près de son génie. Cette énergie prête à imploser est très bien exprimée par Vanessa Fonte qui utilise une voix affirmée et une gestuelle tour à tour gracieuse et précipitée.

Trois voix, trois portraits, trois Camille. Une femme. La pièce donne à voir son évolution à travers les décennies, de sa rencontre avec Rodin, à son enfermement jusqu’à sa mort. Une mort qu’elle reçoit avec joie, la délivrant de la solitude et de l’isolement.

La noirceur est omniprésente dans cette mise en scène qui opte pour des résonances entêtantes, un éclairage et des costumes sombres. Camille jeune a beau avoir senti le danger d’une liaison avec Rodin, elle la consommera jusqu’à s’en consumer ; Camille quarantenaire a beau se battre contre ceux qui veulent l’enfermer, criant à son génie rédempteur, elle sera quand même capturée. Et ce, malgré les conseils de la vieille femme qui, à un moment de la pièce, rejoint ces deux parcelles d’elle-même pour les prévenir du danger imminent qu’elles courent.

vz-AADC5968-0B87-432E-9A7F-F4C324CE49A6.jpegMais ni l’une ni l’autre n’est capable d’entendre ces paroles sages, car chez Camille, c’est la raison qui est menaçante. Pas la passion. Alors, quand cette autre jeune femme apparaît tel un spectre sur l’écran placé en arrière scène leur annoncer des malheurs, elles la voient d’un mauvais oeil.

Camille ne veut pas du malheur extérieur. Elle a déjà le sien, qu’elle s’est construit de longues années autour de toutes sortes de fantasmes, projections, frustrations et envies. C’est cette vie mentale, sans laquelle Camille n’aurait pu tenir aussi longtemps, qui est montrée ici.

Télérama Sortir a aimé « Camille, Camille, Camille » de Sophie Jabès (21.10.14)

Capture d’écran 2014-10-21 à 18.54.53.png21 octobre 2014

Trois représentations de Camille Claudel, jouées par trois comédiennes, animent la scène : la jeune étudiante en art dont le maître est Rodin ; l’artiste mûre que Rodin spolie et abandonne ; la vieille femme, enfermée à l’asile de Montdevergues qui attend la mort dans le désespoir. Si le texte de Sophie Jabès a le mérite de nous rappeler le génie et la tragédie de cette artiste délaissée de tous, si la présence de trois artistes de voix et d’âges différents forment un chœur parfois émouvant, le jeu souvent en force de Nathalie Boutefeu et de Vanessa Fonte transforment la folie, qui s’empare du personnage, en énergie sans nuances. Seule Clémentine Yelnik trouve la vérité d’une vie intérieure confuse traversée par les voix du passé.

Sylviane Bernard-Gresh

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La Voix des sans Voix a aimé « Camille, Camille, Camille » de Sophie Jabès (12.10.14)

« Camille, Camille, Camille »

Texte de SOPHIE JABÈS

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Une vieille femme sur un banc, Belle, terrifiante. Elle nous regarde, nous fixe de ses yeux qui ont tout vu. Tout compris. Au-delà des frontières de la raison.

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Une autre, la statuaire dévastée. Dispersée près d’une valise. Ecartelée entre la vie et la vie. Entre la haine, la peur et l’oubli.

Une troisième, jeunesse allongée, dos nu gracieux, triangle de soie offert… à qui ?

A celui qui vient. Celui dont on ne cesse de parler. Présence, absence qui plombe. Au nom sans cesse prononcé. Cet homme-là n’a pas de prénom, c’est un artiste : « Rodin ». Deux syllabes modulées entre désir, désespoir et rejet. C’est par lui qu’elles existent. C’est pour lui qu’elle s’est enchainée. Pour lui ou pour l’art. Mais n’est-ce pas là le revers d’une même histoire ? Si et on le sait d’avance. Puisqu’on est venu pour Elle. Puisqu’on est venu pour elles, pour leur histoire. Pour son histoire superbement diffractée sur scène, superbement interprétée.

Tendresse particulière pour la femme au banc et la fille aux rubans. Deux facettes d’une même ténacité. D’une hauteur d’âme qui ne veut rien lâcher.

camille-300.jpgLa folle sait. Comme tous les fous. Déchirante, vibrante, ironique même, la folle connaît la fin de l’histoire : la belle n’ira pas danser, la bête l’aura dévorée après l’avoir possédée. On n’oubliera pas de sitôt son regard sur nous posé. La belle pressent, comme toutes les belles, le danger. Infernal dilemme entre passion et raison. La femme mûre, trahie, abandonnée, en est dévastée…

Le destin est en marche, rien ne peut l’arrêter. Même si, un temps, (miracle de la mise en scène de Marie Montegani), l’union entre les trois Camille (Clémentine Yelnik, Nathalie Boutefeu, Vanessa Fonte) semble se sceller.

Beauté du théâtre qui nous donne un espace où rêver à d’autres routes, d’autres sentiers que l’autoroute annoncée. Au seuil de la mort, la folle crie à la belle de s’éloigner du vautour. Mais écoute-t-on jamais celle qui sait ?

Comment prévenir ? Comment dire ? Qui, au creux de nous, peut entendre le message caché ?

Au-delà du cas « Camille Claudel » ces questions-là sont nôtres à jamais.

Merci mesdames de nous les mettre sous le nez. Merci pour la grâce et la passion de votre interprétation. Je suis sûre qu’Elle aurait aimé.

Camille Arman ce 12 /10 /2014

Théâtrorama conseille vivement d’aller voir la pièce de Sophie Jabès (15.10.14)

Capture d’écran 2014-10-19 à 23.06.24.pngCamille, Camille, Camille

Dany Toubiana octobre 15, 2014 0

Camille Claudel, pour exister tout simplement… « Du rêve que fut ma vie, ceci est le cauchemar. » Ainsi s’exprimait Camille Claudel une dizaine d’années avant sa mort en 1943, alors qu’elle était internée au centre médical de Montfavet, dans le Vaucluse.

camille-300.jpgNée en 1864 et sculptrice de génie, elle devient l’élève de Rodin, puis son égérie durant de nombreuses années. Être artiste indépendante à cette époque relevait d’une certaine détermination dont Camille ne manquait pas. Après l’abandon de Rodin, le manque de commandes et l’isolement la condamnent au désespoir et à la misère. Internée par sa famille pendant trente ans, elle fut inhumée dans le carré N° 10, celui que l’on appelait ” le carré des fous”.

La pièce de Sophie Jabès “Camille, Camille, Camille” commence par un monologue de Camille au seuil de sa mort. En écho à ce choix dramaturgique, Marie Montegani décline la vie de Camille en trois temps et construit sa mise en scène autour d’un espace découpé également en trois. Trois visages, trois corps, trois comédiennes et Camille réduite à son seul prénom, laissant le nom de Claudel désigner l’autre, l’écrivain célèbre et l’ambassadeur de renom.

Camille en trois temps…
Dans un décor de bois aux tons grisâtres, Camille, figée sur un banc, au centre, à un mètre du public, à la veille de sa mort, ne sculpte plus que dans sa tête. Les doigts engourdis, elle vocifère encore contre l’abandon de Rodin, apostrophe son écrivain de frère pour son indifférence et attend désespérément la venue de sa mère qui, depuis trente ans, ne lui a jamais rendu visite dans son lieu d’internement à Montdevergues. Crispée dans sa souffrance, l’énergie réfugiée dans son seul regard, Clémetine Yelnick – qui a fait longtemps partie des plus grandes distributions d’Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil – donne corps avec sa voix gutturale, à cette Camille en fin de vie.

À l’autre extrémité, Camille, dans sa splendeur, l’élève de Rodin, celle qui part à la conquête du monde et à qui Vanessa Fonte prête son regard lumineux, sa jeunesse et sa fougue. Entre les deux, Nathalie Boutefeu qui campe une Camille incertaine, fragile dont la vie bascule irrémédiablement vers le chaos et qui brise ses œuvres. Trio de femmes qui se défient, se rejettent et finissent par se reconnaître.

vz-AADC5968-0B87-432E-9A7F-F4C324CE49A6.jpegDans ce corps à corps apparaissent d’autres forces en présence, les forces antagonistes d’une société qui met les femmes sous tutelle et les empêche d’exister par elles-mêmes. Le texte prend le parti de faire exister Camille uniquement dans ce dénuement. L’œuvre vit encore au plus profond d’elle-même, comme détachée de la créatrice réduite à ses seules obsessions et à ce cri ultime de défi. En creux apparaissent les visages de la famille, l’injustice criante d’une société qui a refusé à l’artiste d’être reconnue par son travail.

En 2014, à l’exception de la création lumière et des images filmées (Nicolas Simonin et Christophe Cordier), une réunion de femmes, des comédiennes à l’auteure et à la metteure en scène en passant par la scénographe et la créatrice sonore, répare cette iniquité. Comme pour établir une passerelle et permettre à Camille Claudel de reprendre la place qui lui revient à la fois comme artiste et comme femme, parmi les humains tout simplement.

Le SNES-FSU affirme qu’on ne peut rêver plus bel hommage à Camille Claudel que la pièce de Sophie Jabès (14.10.14)

camille-300.jpg« Camille, Camille, Camille »

Jusqu’au 22 novembre au Théâtre du Lucernaire 

Capture d’écran 2014-10-19 à 23.03.56.pngLa pièce écrite par Sophie Jabès met en scène trois âges de la vie de Camille Claudel. Quand elle commence, Camille au seuil de sa mort, est assise sur un banc à l’asile de Mauvergues,

où cela fait plus de trente ans qu’elle est internée. Elle parle de sa vie, de tous ceux qui ne l’ont pas assez aimée, Rodin qui l’a abandonnée, sa mère qui ne lui écrit pas, son frère dont les visites sont si rares. Dans un second temps ce sera Camille à la veille de son internement, quelques jours après la mort de son père qui l’avait toujours soutenue. Elle maudit Rodin qui l’a abandonnée, veut détruire « tous ses enfants » avant de partir et sombre peu à peu dans la folie. Dans le troisième tableau, c’est la Camille jeune, fougueuse, déterminée, follement amoureuse de Rodin et sûre de son talent qui occupe la scène. Enfin les trois femmes vont se rejoindre, se reconnaître et marcher vers leur destin.

Sur la scène, Marie Montegani, la metteure en scène a délimité trois espaces où se placent chacune des trois Camille. Elles sont toujours là, mais chacune baisse la tête, se fait invisible quand une autre prend la parole, jusqu’à la scène finale où les trois se rejoignent et se parlent comme dans la sculpture des Causeuses. En fond de scène des projections laissent apparaître un étrange enfant messager de la mort qui fait songer à Petite châtelaine et des fragments de sculptures de Camille Claudel qui ont survécu à sa folie destructrice. La musique rappelle les inspirations de l’époque, Debussy, le Japon.

Vanessa Fonte est la jeune Camille, impatiente, fiévreuse, qui affirme son désir d’être libre, aimée et célèbre. Elle est superbe. Nathalie Boutefeu incarne la Camille pleine de révolte, que son amour-haine pour Rodin, la solitude et l’absence d’amour et de reconnaissance sont en train de conduire à la folie. Clémentine Yelnick est touchante en Camille vieille, internée, solitaire et dévastée par le manque d’amour.

vz-AADC5968-0B87-432E-9A7F-F4C324CE49A6.jpegOn ne peut rêver plus bel hommage à cette artiste d’exception que fut Camille Claudel, un écho à la vie de celle qui écrivit : « Ma vie est un roman, même une épopée. Je suis tombée dans le gouffre. Du rêve que fut ma vie, ceci est le cauchemar ».

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 18h30

Théâtre du Lucernaire

53 rue Notre Dame des Champs, 75006 PARIS

Réduc’SNES sur réservation : 01 45 44 57 34

Le très exigeant site Médiapart a repéré la pièce « Camille, Camille, Camille » de Sophie Jabès (13.10.14)

Capture d’écran 2014-10-19 à 23.04.40.pngThéâtre/Critique. « Camille, Camille, Camille » Une Pièce bouleversante de Sophie Jabès au Lucernaire

13 octobre 2014 |  Par Dashiell Donello

Quand Camille Claudel devient le sujet de son oeuvre

vz-AADC5968-0B87-432E-9A7F-F4C324CE49A6.jpegCamille, Camille, Camille, de Sophie Jabès nous conte par trois fois, le rêve de vie de Camille Claudel devenu un impossible cauchemar qui finira dans le carré des fous. Camille moribonde à l’écoute des voix du passé, Camille aux portes de l’internement et Camille élève surdouée du sculpteur Auguste Rodin.

La scénographie (Élodie Monet) évoque trois époques de la vie de Camille Claudel. La chambre d’hôpital où elle est internée, l’isolement figuré par un sol en bois sorte d’île de la solitude, et les accessoires de son ordinaire de vie que l’on retrouve dans ses sculptures. 

« J’ai voulu que renaisse sur scène celle que l’on a cherché à museler, celle qui réclamait « la liberté à grand cri », liberté de créer, de sculpter, d’exister et poser la question de la place de l’artiste femme dans la société, aujourd’hui. La musique et l’univers sonore évoquent les tourments et névroses de Camille Claudel : miroir de toutes ses passions et inspirations : l’amour pour Rodin, l’amitié et la complicité artistique avec Claude Debussy, le Japon… »  Nous dit Marie Montegani dans ces notes d’intention de mise en scène. 

 

L’idée centrale de la mise en scène fait sens en liant la vie et l’oeuvre de Camille Claudel. C’est une belle réussite ; tout comme l’intelligence du monologue à trois voix qui devient Les causeuses, mais aussi La Vague qui l’emportera, la voix intérieure de  La petite châtelaine, Clotho  symbole du temps de sa vie ; mais aussi Le cri d’Edvar Munch masque d’effroi et de souffrance de Camille. Les comédiennes Vanessa Fonte, Nathalie Boutefeu, Clémentine Yelnik, et Geneviève Dang, sont impeccablement dirigées par Marie Montegani dans cette pièce qui nous a bouleversés. 

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Bruno Fougniès a adoré « Camille, Camille, Camille » de Sophie Jabès, il en parle sur le site Reg’Arts (11 octobre 2014)

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Site regarts.org http://www.regarts.org/Theatre/camille.htm

Il s’agit de Camille Claudel, sculptrice, frère du Paul auteur, élève et amante de Rodin, qui délaissée de tous, finira par être internée trente ans en HP par décision de son frère et de sa mère. Elle y mourra pour finir en fosse commune.

Une histoire tragique dans le sens grec du terme, une malédiction divine, une conjuration pour faire échouer le destin de cette femme que la postérité reconnaîtra comme artiste exceptionnelle. Une artiste maudite.

L’ombre d’Auguste Rodin, l’ombre de Paul Claudel, voilà une partie des forces qui l’on empêchée de faire éclater son talent.

Mais ce spectacle n’est pas une biographie. Il tente au contraire d’approcher au plus près le cœur et l’âme de Camille Claudel, sa vitalité créatrice, son souffle.

Le texte de Sophie Jabès pose devant nous trois moments cruciaux de la vie de Camille Claudel : le soir où elle va donner ses lèvres et son génie à Rodin, le soir où elle va être bâillonnée par l’internement chez les fous et le soir de son dernier souffle. Chacun est le moment d’un choix déterminant incarné par les trois comédiennes. Elles sont là, en permanence, sur le plateau.

Ces trois incarnations, prises à trois époques différentes de l’artiste, vont alterner leurs mises en jeu pour finir par dialoguer entre elles. Magie du théâtre.

On sent très bien cette envie de créer une quatrième incarnation à travers ces trois voix, ces trois corps. Faire agir l’alchimie qui fera apparaître devant nous l’incandescence de Camille, le feu créatif, brûlant, voluptueux qui l’a propulsée sur l’arête qui sépare la raison de la folie, l’écorchant à vif au passage.

La pertinence du texte de Sophie Jabès ainsi que de la direction d’actrices de Marie Montegani est de donner à chacun des âges de Camille une personnalité, un rythme, un ton très tranchés. Mais cette pertinence est aussi le banc de sable qui menace de l’envasement. Chacune des incarnations, réellement bien interprétées par des comédiennes de talent, est comme une fusée solitaire dans un ciel plombé. L’amalgame ne se fait pas. Pourtant on le sent tout prêt à nous emporter dans l’exaltation de ce personnage. On attend d’être emporté. On reste suspendu sur le vide.

Il aurait été sans doute plus facile de chercher cette unification dans le langage de chacune, mais comment rendre sensible une âme écartelée entre l’aspiration à la création, le désir de vivre et d’exulter, et la douleur de l’abandon par les siens ?

Les déchirements à l’intérieur même de cette personnalité, sa solitude extrême, sa folie visionnaire même est parfaitement rendue par ce spectacle. Il tente de pénétrer la pensée de Camille au plus profond, de nous faire partager son monologue intérieur, de l’aider à exprimer ce monologue. C’est un accouchement. L’accouchement de Camille Claudel par elle-même. 

Alors, on comprend qu’au-delà de ce destin particulier, il importe peu qu’elle soit la sœur du poète panthéonisé, ou la maîtresse du sculpteur déifié, l’important est ce destin de femme artiste, aux prises avec une société verrouillée par l’autorité masculine. Entendre enfin que le génie dans cette société ne peut être que mâle ou anéanti par tous les moyens.

Il suffira de rien pour que cette pièce soit merveilleuse, si l’alchimie soudain emporte les trois interprètes dans la même folie.

Parce qu’avec trois comédiennes magnifiques, au talent certain, aux personnalités éclatantes, avec une mise en scène pensée,  respectueuse, avec un décor et une scénographie qui fonctionnent, il n’y a aucune raison pour que le radeau sur lequel elles tanguent ne s’envole pas et nous emporte avec.

 

Bruno Fougniès

 

Camille, Camille, Camille

De Sophie Jabès
Adaptation et mise en scène : Marie Montegani
Scénographie : Élodie Monet
Images : Christophe Cordier

Avec : Vanessa Fonte, Nathalie Boutefeu, Clémentine Yelnick

« Un hommage impressionnant » rendu par l’écrivain Sophie Jabès à Camille Claudel pour D. Dumas théâtre (10.10.14)

camille-300.jpgD. Dumas, théâtres

Coups de coeur et commentaires

10/10/2014

Les trois vies de Camille Claudel

Quand la scène s’éclaire, elle (Christine Yelnik) est assise sur un banc, immobile, elle attend, le manteau boutonné, son chapeau sur la tête, et on reconnaît la vieillarde du cliché pris à Montdevergues en 1929.

C’est elle, Camille Claudel, celle que sa mère et son frère ont « mise au tombeau »* en la faisant interner le 10 mars 1913, huit jours après la mort de son père. Elle attendra trente ans qu’on vienne la délivrer. En vain.

Le directeur de l’hôpital, en août 1942, avait prévenu Paul que Camille s’affaiblissait « depuis les restrictions qui touchent durement les psychopathes ». Elle mourra de malnutrition, à l’hospice de Montdevergues, en octobre 1943. Paul, très occupé par la première du Soulier de satin assurait la gloire de la famille.

Elle fut inhumée dans le carré des indigents, accompagnée du seul personnel de l’hôpital, et comme son corps n’avait pas été réclamé par ses proches, ses restes furent transférés dans la fosse commune. En 2008, Reine-Marie Paris, sa petite-nièce, qui a consacré sa vie à retrouver l’œuvre de Camille et à la réhabiliter aux yeux du monde, a inauguré une stèle en souvenir de celle qui fut une artiste majeure et que la société bourgeoise avait anéantie.

Camille Claudel devint l’héroïne d’Une femme d’Anne Delbée qui porta à la scène sa biographie romancée en 1981, puis le film de Bruno Nuytten en 1988, lui donna le lumineux visage d’Isabelle Adjani, mais le récit s’arrêtait en 1913. Brunot Dumont dans son Camille Claudel, (2013) s’immobilisait à l’année 1915. Avec Camille, Camille, Camille, Sophie Jabès nous présente l’artiste à trois époques de sa vie, elle va plus loin, elle frappe plus fort. 

Elle présente d’abord, cette vieille femme solitaire, visage fermé, yeux noyés de tristesse qui dialogue avec sa mort, l’accueillant comme une délivrance : « Te voilà enfin ! ». Puis intervient la femme trahie (Nathalie Boutefeu), désespérée parce qu’elle ne peut vivre de son art, parce que l’homme aimé, Rodin, l’a abandonnée et qu’elle a dû renoncer à la maternité. Et enfin la jeune fille (Vanessa Fonte), confiante, passionnée, belle, luttant pour s’imposer comme artiste dans un milieu misogyne et dont la conduite risque de faire scandale dans sa famille.

Marie Montegani, qui signe la mise en scène, ajoute une quatrième figure, projetée sur l’écran, en fond de scène, celle d’une messagère adolescente qui prévient Camille de la trahison des siens (vidéo et lumières de Nicolas Simonin, images de Christophe Cordier).

vz-AADC5968-0B87-432E-9A7F-F4C324CE49A6.jpegLes trois Camille se partagent l’espace scénique (scénographie d’Élodie Monet), et leurs monologues alternés joignant les différents moments de cette vie, composent une œuvre poignante d’une grande beauté : « personne pour m’entendre » dit-elle dans sa solitude. L’émotion est profonde devant ces trois figures d’une même femme injustement condamnée.

Sophie Jabès lui rend un hommage impressionnant.

La Théâtrothèque recommande la pièce « Camille, Camille, Camille » de Sophie Jabès (du 1er octobre au 22 novembre 2014 au Lucernaire)

La théâtrothèque.com 

camille-300.jpgCamille, Camille, Camille de Sophie Jabès
Mise en scène de Marie Montegani
Avec Vanessa Fonte, Nathalie Boutefeu, Clémentine Yelnik, Geneviève Dang (messager)

Camille Claudel marche sur son destin, un destin sculpté sur le bronze de l’amour-passion pour son maitre d’atelier, Auguste Rodin.

Camille Claudel, la sœur de l’écrivain Paul Claudel, naquit en décembre 1864 à Fère-en-Tardenois, un village situé dans le bas de l’Aisne. Elle voue une passion pour la sculpture et c’est ainsi qu’après s’être initiée à la terre glaise, elle profitera d’un déménagement familial dans le quartier de Montparnasse pour fréquenter les artistes du moment. Alfred Boucher auprès duquel elle appris ses premiers gestes et vint la rencontre avec Auguste Rodin, le maitre. Les œuvres de Camille Claudel, inclassables tel L’Age mûr, immortelles comme Persée et la Gorgone, insoupçonnées La Valse. 

Le texte de Sophie Jabès, une résonance biographique de l’existence de Camille Claudel déclinée en trois dimensions humaines, l’élève de Rodin, l’artiste et l’internée. Ce texte évoque par analogie des moments d’errance que Camille Claudel traduisit avec La Jeune fille à la gerbe, L’Implorante et Profonde pensée. Si l’histoire est d’encre, ces œuvres sculptées dans la terre cuite, le bronze et le marbre, correspondent aux matériaux de la construction et de la déconstruction de l’homme.

La pièce, une succession de tableaux, lesquels prennent pour cadre le support vidéo où apparaît un Messager, interprété par Geneviève Dang. Il annonce la mort à chacune de ses interventions. La scène révèle dans un clair-obscur une vieille femme assise sur un banc, laquelle entretient un monologue articulé entre confusion et sénilité. Le récit d’une vie qui suit le fil d’une pensée décousue. Clémentine Yelnik est Camille Claudel âgée, internée en psychiatrie à Montfavet. Elle est celle qui sait tout, celle qui a été et restera dans le commun des mortels, une artiste qui s’est gravée un nom sur le panthéon de l’Art nouveau. Clémentine Yelnik est criante de tendresse dans ce rôle qui demande d’alterner simultanément la déraison et son inverse.

vz-AADC5968-0B87-432E-9A7F-F4C324CE49A6.jpegIntervient Camille Claudel, étrangère avec elle-même, ténébreuse dans le propos, angoissée avec le passé. L’inconscience lui inflige un désordre psychologique, lequel va évoluer vers une obsession aveugle, telle Médée qui criait justice, alors qu’elle était coupable d’avoir tué ses enfants. Camille Claudel n’a jamais fondé de famille et peut-être dénonce-t-elle la mort prématurée de son frère Charles-Henri, un an avant sa naissance. Elle s’emmure dans une solitude qui ravage la femme et atteint l’artiste. Rodin n’est pas étranger à cet état d’être. Nathalie Boutefeu interprète Camille Claudel à un moment crucial de sa vie, une parenthèse ouverte sur l’inconnu et la folie. L’expression des yeux de la comédienne dénonce avec une intensité prononcée cet entre-deux de l’existence de la sculptrice. Vanessa Fonte joue Camille Claudel, jeune, artiste débutante et éprise de Rodin. Elle se réalise à travers ses sculptures, elle revendique son talent, elle aime Rodin, son maitre. Vanessa Fonte est convaincante d’assurance dans ce rôle qui assoit une nouvelle fois sa présence remarquée au théâtre.

Marie Montegani réalise une mise en scène avec trois tempéraments affirmés, lesquels se glissent par extrait dans la vie de Camille Claudel. Cette mise en scène dépoussière les clichés biographiques si souvent repris au théâtre et qui manquent d’originalité. Marie Montegani a posé sa touche personnelle en intégrant la vidéo et les images filmées, en jouant avec les fluidités de la technique, régie son et lumières. Une mise en scène aboutie qui subtilise le passé et ressuscite Camille Claudel une heure durant. Camille, Camille, Camille, l’histoire d’une artiste réécrite pour le théâtre.

Philippe Delhumeau

 

Camille, Camille, Camille de Sophie Jabès
Du 01/10/2014 au 22/11/2014
Du mardi au samedi à 18h30. Relâche les mardis 21 et 28 octobre.

Lucernaire
53 Rue Notre-Dame des Champs
75006 PARIS (Métro Vavin, Notre-Dame des Champs, Montparnasse Bienvenüe)

Réservations : 01 45 44 57 34