Repris par Combourse
et Yahoo Finance.
TRIBUNE – Gaspard Koenig souhaite intervenir dans la politique pour simplifier la société de plus en plus perçue comme kafkaïenne. Le débat électoral pourra-t-il s’ouvrir à d’autres thèmes que la pandémie et l’immigration? Le point de vue de François de Coincy, auteur de Sept idées libérales pour redresser notre économie (L’Harmattan), publié en 2022 afin de nourrir les programmes des candidats à l’élection présidentielle.
Gaspard Koenig nous avait raconté, dans « Notre vagabonde liberté », son périple équestre suivant le tracé du voyage de Montaigne à Rome. Le début y ressemble à celui des navigateurs solitaires qui dans les années soixante partaient à l’aventure et commençaient d’abord à apprendre à vivre avec leur bateau de fortune. Une fois le skipper ou le cavalier au niveau exigé par la monture, le vagabondage alterne les réflexions solitaires et les contacts du hasard des escales.
On s’étonnerait presque du peu de difficultés administratives rencontrées par celui qui veut voyager à cheval au 21e siècle. Heureusement rien n’est organisé : le développement de sentiers équestres rendrait l’aventure sans intérêt et susciterait une réglementation. La pratique équestre, libre puisque presque ignorée des autorités, rend Gaspard Koenig d’autant plus sensible aux contraintes légales qui pèsent sur ses hôtes de rencontre, paysans, artisans, hôteliers ou commerçants, tous vivant directement du travail de leur entreprise personnelle.
Gaspard Koenig néglige le conseil de Platon rappelé dans les Essais : « Ceux-là entreprennent de couper la tête de l’Hydre qui prétendent ôter des lois toutes les incommodités et tous les inconvénients ».
De la sérénité de son voyage et de l’empathie vis-à-vis de ses hôtes émerge sa décision de se lancer dans l’action contre la multiplication des contraintes générées par les milliers de lois et règlements. Il crée le parti politique « Simple » dont il explique les objectifs dans le livre « Simplifions-nous la vie » co-écrit avec Nicolas Gardère.
Il prend notamment comme exemple la loi qui définit de manière pointilleuse et ridicule les boissons alcoolisées autorisées dans les entreprises. Sa proposition de remplacer toutes ces prescriptions détaillées par un principe général semble cependant peu opérationnelle et il me semble que l’absurdité ne pourrait être corrigée qu’en faisant appel à la responsabilité de chacun des acteurs : on laisse à l’entreprise l’établissement de son règlement intérieur et l’individu reste seul responsable de son éventuelle ivresse dans l’entreprise comme il l’est partout ailleurs.
Le site Internet de son parti, www.vieplussimple.fr, a reçu des milliers de témoignages d’absurdités nées de la multiplication de la réglementation et en a sélectionné 42 exemples. Un tiers d’entre eux ne me semblent pas relever du combat de Gaspard Koenig, car ils sont le fait de personnes qui sont manifestement assistées par la collectivité et trouvent que le système n’en fait pas assez pour eux. Si on déduit également ceux relevant de la simple bêtise administrative qu’il est illusoire d’espérer supprimer, il n’en reste pas moins 60% d’exemples d’inepties réglementaires dont l’origine commune semble être la volonté de faire le bien de manière dirigiste sans faire appel à la responsabilité individuelle.
L’approche quantitative de limiter les lois à 100 par sujet semble quelque peu naïve alors qu’on aurait espéré une méthodologie plus philosophique.
On se demande alors si Gaspard Koenig ne fait pas fausse route en voulant arbitrairement limiter les lois à 100 par sujet (pourquoi pas 20 ou 5 ?) et si la vraie cause n’est pas le choix d’une société d’assistance qu’il dénonce pourtant en regrettant notre besoin insatiable de sécurité. Si on fait confiance aux citoyens, si on les estime responsables, l’inutilité de beaucoup de lois devient flagrante, mais si les citoyens veulent être assistés, la bureaucratie est indispensable. Le retour à la responsabilité individuelle, qui donne les degrés de liberté permettant de s’adapter à un monde complexe, serait le remède à l’assistanat dont la prolifération des lois n’est que le symptôme.
Dans « Simplifions-nous la vie » les auteurs prennent comme exemple réussi de simplification, la mission de Robert Badinter qui avait rédigé une cinquantaine d’articles censés être la synthèse des principes du droit du travail. On avait vu au contraire la limite de cette approche dont le résultat, ignorant quasi-totalement l’entreprise, était plus un manuel de défense des droits des salariés qu’un véritable code du travail. Ce document n’avait donc eu aucune suite pratique.
Enfin, le parti de Gaspard Koenig n’indique pas que pour mettre en œuvre ces règles simples, il faudra faire appel à la responsabilité de fonctionnaires ayant la faculté de prendre des décisions appropriées au terrain à partir de principes généraux : une révolution des mentalités.
Gaspard Koenig défend le revenu universel qui permet une simplification en supprimant toutes les aides sociales.
Une autre idée avancée par le mouvement Simple est le revenu universel qui permettrait de simplifier le système social en supprimant toutes les aides multiples et variées très complexes à gérer. C’est oublier que ce « traitement social » du chômage renforce l’exclusion de ceux qui en sont l’objet et serait inacceptable pour beaucoup de Français qui ont du mal à vivre de leur travail et ne supportent pas ceux qui vivent sans travailler.
Dans le monde imaginaire, du dernier roman de Gaspard Koenig, les règles sont simples, elles laissent le degré de liberté apparent nécessaire à l’efficacité sans permettre de sortir du système. Chacun y dispose d’une carte de crédit lui permettant des dépenses d’un montant illimité : pourtant, malgré ce revenu universel poussé à l’extrême, il a appelé son livre l’Enfer.
De même qu’on ne peut subordonner toute la vie politique à l’écologie, on ne peut la réduire à l’objectif de simplicité. Ayant suivi avec plaisir Gaspard Koenig sur les traces de Montaigne nous aurions espéré une approche simplement libérale, mais ne chicanons pas trop sur les moyens, il faut soutenir sa lutte contre l’absurdité pour éviter de connaître le monde décrit dans son dernier ouvrage.
Par François de Coincy
Chef d’entreprise à la retraite, il avait publié en 2020 Mozart s’est-il contenté de naître ? renouvelant l’analyse de la théorie économique à partir des idées qu’il a accumulées au cours de sa vie professionnelle sur l’efficacité de la liberté dans le monde économique. A la suite de ce premier essai, il a publié des articles dans Figaro Vox ou Economie Matin. Il publie en 2022 Sept idées libérales pour redresser notre économie (L’Harmattan) afin de nourrir les programmes des candidats à l’élection présidentielle de la France.