« Cher Voltaire » de Madame du Deffand (Correspondance)

deffand_madame.jpg« Cher Voltaire » de Madame du Deffand (correspondance) – édition de Isabelle et Jean-Louis Vissière

Réimpression (première édition : 1987).

Office 06/09/2007

Un magnifique épais livre rose (ma couleur préférée, vous aurez pu le deviner grâce au papier peint de mon blog… ) tout nouveau tout chaud (pas tant que ça niveau érotisme ! pas de fausse joie !) qui aurait pu s’appeler « Lettres d’une Marquise et d’un Philosophe »… Madame du Deffand, la fameuse égérie et épistolière, au salon prestigieux où s’élaborait la pensée des Lumières, était selon Gabriel Matzneff dans « Maîtres et Complices », l’un des écrivains préférés de Cioran.

Un fragment de cette correspondance :
Mme du Deffand : « Aimez-moi un peu ; c’est justice, vous aimant, je pense, tendrement. »
Voltaire : Tout ce que je puis faire […] c’est de vous aimer de tout mon coeur, comme j’ai fait pendant environ cinquante années. […]

Mme du Deffand (1696 ou 97-1780) est connue comme l’une des femmes les plus spirituelles du Siècle des Lumières. Contemporaine des philosophes, amie de Voltaire qui est l’un de ses favoris, son salon réunit les esprits les plus éclairés de Paris. Parallèlement à cette vie mondaine, elle entretient une vaste correspondance avec ses amis les plus chers.

La première édition de ce livre, en 1987, réunit pour la première fois les lettres qu’échangèrent de 1759 à 1778 la marquise du Deffand et Voltaire, ces amis de longue date, ces deux grandes figures du scepticisme et de la liberté d’esprit.

Cette correspondance commence alors que les deux épistoliers ont dépassé la soixantaine ; elle prend fin avec la mort de Voltaire. Tandis que Voltaire affirme : « je suis mort au monde », sa correspondante lui répond : « je ne le suis pas encore ; il est vrai qu’il ne s’en faut de guère ».
Mais ces épistoliers d’exception plaisantent de tout, même de la vieillesse et de la mort, avec une grande élégance : la vivacité et la fantaisie de leur écriture ne cessent de démentir le pessimisme de leurs propos.

Le premier intérêt de ces lettres est bien sûr de restituer pour nous la vie quotidienne de ces deux grands personnages. Elles fournissent par ailleurs un témoignage irremplaçable sur la genèse et la diffusion de l’œuvre voltairienne : en effet, Mme du Deffand exige de recevoir en avant-première toutes les productions voltairiennes, qu’elle lit ensuite en suite en public, qu’elle fait circuler autour d’elle… Enfin, c’est toute la vie littéraire, politique et philosophique d’un quart de siècle qui défile sous nos yeux. Affinités et hostilités, querelles entre écrivains (notamment, la fameuse « guerre encyclopédique »), portraits, plus ou moins élogieux ou satiriques, des grandes figures de l’époque.

Cette correspondance est le fruit d’une admiration réciproque, et même d’une véritable complicité, telle que leurs lettres en viennent à se ressembler : deux styles qui se ressemblent, des convictions partagées, mais aussi les mêmes doutes, les mêmes interrogations, parfois la même mélancolie.

Cette édition, réalisée par Isabelle et Jean-Louis Vissière, spécialistes du Siècle des Lumières, est une édition d’une grande qualité : une large présentation introduit les lettres, et un appareil de notes d’une grande clarté permet d’éclairer toutes les allusions implicites des deux épistoliers.

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