Choisis ses spécialités avec Caroll Le Fur (interview dans Le Parisien)

Réforme du lycée : choisir ses spécialités, un vrai casse-tête pour les lycéens

Maths, anglais, philo… les élèves de 1ère doivent décider quelles spécialités ils garderont en terminale. Un choix qu’ils craignent lourd de conséquences pour leur orientation post-bac.

Le 12 février 2020 à 07h28

Anglais ou philo ? Entre les deux matières, le cœur de Lou balance, et sa raison n’est guère plus éclairée. Laquelle de ces deux disciplines la préparera le mieux à Sciences-po ? Dans son lycée de Moulins (Allier), la jeune fille a entendu des avis contradictoires, chacun de ses profs prêchant naturellement pour sa matière. Au forum de l’orientation où elle s’est rendue récemment, elle est restée le bec dans l’eau.

Et pour cause : en rebattant largement les cartes du système scolaire, la réforme du lycée déstabilise les établissements du supérieur, et laisse des milliers d’élèves passablement perdus devant leurs « fiches avenir ». Quelle orientation, quand la boussole n’indique plus de Nord?

Garder un maximum de portes ouvertes

Jusqu’ici, les lycéens entraient après la seconde dans des filières, S, ES ou L, selon une hiérarchie dictée bien davantage par leur niveau scolaire que par leurs goûts – les meilleurs se précipitant vers la « voie royale » scientifique. La réforme a substitué à cette scolarité en couloirs un lycée « à la carte », dans lequel l’appétence des jeunes est remise au centre : chacun choisit en Première trois enseignements de spécialité, puis en conserve deux en Terminale.

Maths, anglais, histoire, philo… Tout est possible. Mais ensuite vient l’orientation post-bac, où tombe, dans de nombreux cursus, le couperet d’une sélection drastique. Quelles matières cocher pour se garantir un maximum de portes ouvertes ? « Il ne faut pas parler de ça, ça va rajouter de l’angoisse ! » s’inquiète spontanément un conseiller d’orientation.

« Le problème, c’est cette tendance à vouloir toujours des garanties sur tout… Les parents voudraient qu’on leur donne un tableau avec pour les spécialités à suivre pour chaque école, mais ça n’existe pas ! soupire Michel Roger Gilmert, directeur du centre d’information et d’orientation CIO Mediacom, à Paris. Si on faisait cela, on recréerait de fait des filières et c’est toute la réforme qui tomberait à l’eau. »

Les instructions officielles consistent donc à renvoyer les jeunes à des arguments de bon sens. « Ce sont surtout les résultats globaux des élèves qui seront regardés : ce qui nous intéresse, c’est de recruter des jeunes qui savent apprendre », rassure Christine Gangloff, vice-présidente de la conférence des présidents d’université.

Une hiérarchie entre les matières ?

Le site horizons 21, créé par l’organisme d’information sur l’orientation Onisep, permet aux élèves de tester, dans les grandes lignes, l’adéquation entre leurs choix de spécialité et les cursus du supérieur. On y apprend par exemple que la combinaison « physique SVT » colle mieux au programme de médecine que « maths physiques ». Pourtant, Téo, en 1e à L’Isle-Adam (Val-d’Oise), doute encore. « J’ai un prof qui m’a dit d’abandonner la matière que j’aurais le moins de mal à rattraper tout seul, et c’est plutôt la SVT », soupèse le jeune homme, qui aimerait revêtir la blouse blanche.

« Beaucoup d’élèves hésitent entre des cursus totalement différents et pour eux le choix est encore plus difficile », note Caroll Le Fur, coach privée à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Officiellement, aucune formation « ne peut exiger une combinaison de spécialité en particulier », annonce l’Education nationale sur son site. Les établissements du supérieur ont même signé une charte, en janvier 2019, dans laquelle ils s’engagent solennellement à ne pas instaurer de hiérarchie entre les matières.

Pourtant, « on voit des écoles post-bac qui commencent à passer le message qu’elles ne recrutent que des élèves qui ont choisi maths physiques », confie le patron des Arts et métiers, Laurent Champaney, qui préside la commission orientation de la conférence des grandes écoles. « Il est clair que dans l’incertitude, les formations ont tendance à rester sur ce qu’elles connaissent… » En clair, sans maths, toujours point de salut ? « Oui », admet-il.

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