Daniel Morvan critique « Tableau d’honneur » dans ArMen (mai juin 2009)

1080417866.jpgDaniel Morvan écrit un nouvel article sur Tableau d’honneur

Guillemette Andreu, une enfance nantaise
mai juin 2009
 
ArMen Telgruc sur mer
 
La petite fille sur la photo, c’est elle, Guillemette Andreu. Elle vient de publier Tableau d’honneur, l’histoire d’une fille pauvre, dans la Nantes de l’après 14-18, que Guillemette Andreu avait couchée sur le papier en 1976, et dédicacée à son mari, le journaliste Pierre Andreu, ainsi qu’à ses quatre filles. Il aura fallu attendre décembre 2008 pour que le public découvre, grâce à Antoinette Fouque et aux éditions des Femmes ce livre lumineux.
Guillemette Andreu y raconte très simplement son enfance démunie et son univers : le jardin de sa grand-mère, avec ses poules et ses groseilles, le bruit de la poulie du puits, les riches maraîchères en cabriolet, les ouvriers des chantiers navals accrochés en grappe à l’arrière des tramways, dans cette ville où « tout le monde parle à tout le monde ». On voit réapparaître un père, à la fin de la guerre, dévorer des gâteaux en silence et disparaître pour tout jamais, laissant la petite Lise définitivement orpheline, puisque sa mère est morte. « Ce n’était pas ennuyeux pour elle d’être orpheline, parce qu’elle avait Grand’mère. » Cette Loire-Inférieure sans hommes, saignée par la guerre, est aussi celle que décrivait Jean Rouaud (qui signe la préface) dans les Champs d’honneur. Face à ce désert affectif, cloîtrée dans ses jours gris et ses « dimanches sans argent », la petite Lise cherche pourtant autour d’elle ce qui pourrait l’arracher au deuil général : les amitiés violentes, la lecture des Misérables ; le jour où elle se rend chez le boucher pour demander « un petit morceau de veau pour mettre à la cocotte ». Et par-dessus tout les vacances chez Tante Fifine, du côté de Guérande, la découverte des plages, des falaises ocres, et les marais salants : « c’était le paysage même de la région, son harmonie, sa lumineuse géométrie, c’était le don de la mer à la patience des hommes, c’était la tradition et la vivante richesse de ces curieux moissonneurs recueillant ce qu’ils n’avaient pas semé, qu’ils avaient seulement offert à la force du soleil et du vent pour en tirer généreusement le sel de la récolte. » Daniel Morvan
 
Tableau d’honneur, Guillemette Andreu, Editions des Femmes, 200 pages, 15 euros.

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