Entretien croisé entre Christophe Barbier et Isée St-John Knowles sur Coco Chanel par Marc Alpozzo

Coco Chanel, collaboratrice réhabilitée ?

Isée St. John Knowles, Christophe Barbier et Marc Alpozzo

Entretien avec Christophe Barbier et Isée St. John Knowles

Christophe Barbier est à la fois un brillant journaliste et un excellent comédien. Il joue sur les planches le rôle de Paul Morand dans une pièce de Thierry Lassalle, Mademoiselle Chanel, en hiver (au Théâtre Passy), aux côtés de Caroline Silhol, qui incarne merveilleusement Gabrielle Chanel. Isée St. John Knowles bien de publier de son côté, un livre qui a pour vœu de rétablir la vérité à propos des activités de Chanel durant l’occupation Coco Chanel, cette femme libre qui défia les tyrans (Cohen et Cohen, 2022). Je les ai rencontrés à cette occasion, afin de faire le point sur cette période demeurant mystérieuse aujourd’hui encore.

Marc Alpozzo : Bonjour à vous deux, que ce soit la pièce Mademoiselle Chanel, en hiver, dans laquelle cher Christophe Barbier, vous interprétez Paul Morand en exil en Suisse aux côtés de Gabrielle Chanel, échappant aux épurateurs de la fin de la guerre, ou votre ouvrage cher Isée St. John Knowles, Coco Chanel, cette femme libre qui défia les tyrans (Cohen et Cohen, 2022), votre propos est moins l’élégance française et la mode que l’implication supposée de Chanel dans la Seconde Guerre mondiale, et sa personnalité profonde. Pourquoi cette tentative de réhabilitation ?

Isée St. John Knowles : D’abord, procédons-nous à une tentative de réhabilitation ? Cette pièce ne prêche aucunement la réhabilitation de Chanel. L’objectif poursuivi par l’auteur (Thierry Lassalle) était de composer un drame psychologique qui domine et parfois supplante l’histoire. C’est une pièce réussie qui mérite qu’on s’attarde sur les éléments qui la composent. D’emblée, il faut dire que ce drame repose sur une pure invention : Chanel ne s’est jamais confiée à Morand sur l’Occupation. Cela est de peu d’importance, d’ailleurs. Le livre de Morand L’Allure de Chanel[1] dévide des confidences totalement inventées par Chanel, puis réinventées par Morand. Autrement dit, ce livre ne revêt aucune valeur historique. En revanche, sa valeur marchande est indéniable. C’est un best-seller. Est-ce parce que Morand avait le don de faire jaser la langue française, comme le prétendait Céline ? Ne soyons donc pas en quête de réalité dans tout cela, car de réalité nous n’en trouverons guère. La pièce n’obéit pas aux règles de la reconstitution historique. Elle n’est pas pour autant une pure fiction. Je dirais simplement qu’elle s’appuie sur une assise historique fragile.

Christophe Barbier : Je partage cet avis. Il y a une matière humaine, psychologique, presque psychanalytique dans ces personnages. Ce sont des êtres humains dont l’auteur s’est saisi pour creuser et sculpter quelque chose tout en ambiguïtés, cependant la réalité historique n’était pas l’objet. Il ne s’agissait pas de refaire une autre enquête pour établir le vrai du faux et séparer le bon grain de l’ivraie. D’autant que les termes d’espion, collabo etc., appellent des définitions souvent gélatineuses, ce qui fait que l’on ne sait plus exactement à quel moment l’on commence une collaboration. Ensuite, est-ce que l’amour peut être une explication, voire une excuse pour des comportements, politiques, militaires ou autres ? Par ailleurs, si la réalité biographique importe peu, nous sommes ici dans le commencement de la construction du mythe Chanel, par elle-même, mais aussi par Morand, par le biais de ce livre, et enfin par la marque Chanel. L’empire Chanel va s’emparer de L’allure de Chanel pour en faire une sorte de manifeste officiel. Tout cela correspond donc, selon moi, à la construction du mythe, avec ce qu’il faut de mensonges pour faire un mythe, ce qu’il faut d’imagination, d’inventions et de raccourcis, mais aussi de vérités. Puis, il faut également mêler les deux génies : celui de l’existence de Chanel et le génie de l’écriture de Morand. C’est pourquoi ce livre s’est si bien vendu, et c’est ce qui a installé le mythe qui rend secondaire la question même de la vérité, sauf bien sûr pour les historiens et les journalistes dont c’est le métier, ou les enquêteurs s’il y avait eu un procès. Mais là, nous sommes dans un autre registre.

M. A. : Certes, mais il y a eu le livre d’Hal Vaughan, ancien diplomate américain, vétéran de la Seconde Guerre mondiale et journaliste qui, sans être ni historien ni chercheur à l’université, accusa en 2011, Coco Chanel d’avoir été, durant l’occupation, un agent nazi. Or, il se trouve que depuis, cette accusation de collaborationnisme lui colle à la peau, au moins auprès d’une partie de la population.

C. B. : C’est vrai.

I. St. J. K. : Je ne compte pas faire l’impasse sur ce point, mais auparavant, je me permets cette petite digression : je voudrais dire que l’écriture de cette pièce est un exploit. Elle présente des personnages complexes sans jamais les déshumaniser alors que l’auteur, Thierry Lassalle, ressent à leur endroit un insurmontable dégoût. Il s’agit là d’un tour de force pour un dramaturge. Ses portraits sont nuancés. On aurait pu se contenter de faire ressortir l’antisémitisme obsessionnel de Morand. Le dramaturge cependant ne l’a jamais dépouillé de son vernis, ce qui nous engage à entendre ce personnage, subtilement interprété par Christophe Barbier. Quant à Chanel, merveilleusement incarnée par Caroline Silhol, elle demeure certes souveraine, solitaire, cynique, mais toujours en proie à une inharmonie, à une discordance.

M. A. :  Cette pièce montre une Coco Chanel qui est un monstre d’égoïsme, un monstre de cruauté, ce qu’elle partage d’ailleurs avec Paul Morand, puis aussi, on a le sentiment que l’auteur a à cœur de déconstruire les personnages pour en découvrir leur humanité. C’est ainsi que l’on peut dire aussi que c’est une pièce qui vise à montrer l’humanité profonde et réelle des personnages. C’est pour cela que je dis que c’est une réhabilitation finalement, au moins dans le choix de peindre le portrait des personnages.

I. St. J. K. : Tout à fait. Un dernier mot, si vous le voulez bien, au sujet de cette discordance inhérente à la conception du rôle de Chanel ; discordance il y a, parce cette dandy baudelairienne qui se voulait libre et insoumise était devenue la cible des épurateurs « sauvages » qui l’ont contrainte à s’exiler. Or cette dandy ne pouvait s’accommoder d’aucune contrainte. Un tout dernier mot sur la mise en scène d’Anne Bourgeois. Elle nous fait replonger dans l’ambiance de l’époque, le prolongement des années folles, mélange de gravité saupoudrée de désinvolture.

C. B. : Je partage votre avis. La matière humaine, qui est la matière première du dramaturge, n’aboutit à aucune vérité, laissant à chacun sa subjectivité. On peut certes y trouver une réhabilitation, car on y voit des êtres qui souffrent, et donc on leur donne une sorte d’absolution. Certains spectateurs y trouvent au contraire une circonstance aggravante, car dans leur humanité on trouve de mauvais côtés : ils sont très orgueilleux, très égoïstes, ce qui n’excuse pas mais au contraire aggrave les choix politiques qu’ils ont pu faire. Il y a aussi ce moment très spécial, cet hiver 1945-1946, alors que de Gaulle quitte le pouvoir, la guerre étant terminée depuis moins d’un an; les deux personnages se disent que leur exil bientôt se terminera. Certes, ils n’y croient pas vraiment, mais ils voudraient s’en persuader. Ils espèrent rentrer très vite à Paris, et reprendre la vie comme avant, autrement dit leurs mondanités et leur place dans la société. Mais au fond d’eux, ils savent que cet exil durera. D’ailleurs il leur faudra faire un long chemin avant de retrouver la place qu’ils avaient autrefois dans la société, profitant de cette amnistie très généreuse de 1953, accompagnée d’une forme d’amnésie collective et volontaire, car on pensait qu’il fallait tourner la page pour que la France reparte. Cela aurait pu durer bien plus longtemps, cela aurait pu être bien plus grave pour eux, Chanel s’en tire bien mieux qu’Arletty ou Mary Marquet, Morand que Céline ou Brasillach. Donc, ils sont partagés entre le sentiment qu’ils ont eu de la chance dans leur malheur, et un désir de revanche, même s’ils comprennent qu’ils n’ont pas les moyens de leur revanche. On est dans cet entre-deux, ce méli-mélo de sentiments, dont il sortira une période d’attente plus longue que prévue. On le voit dans les petits monologues de fin, d’abord pour donner une conclusion aux gens qui ne connaissent pas l’histoire, mais surtout pour montrer la valeur du temps.

M. A. : Les rapports de Chanel avec les Allemands sont largement évoqués dans la pièce, notamment ceux avec le baron von Dinklage, officier nazi des services secrets. De quelles teneurs sont-ils réellement ? On a l’impression en voyant la pièce que Chanel est surtout rêveuse, une femme amoureuse qui se laisse porter par ses sentiments, et qu’elle est bien moins une collaborationniste que l’on a parfois voulu la décrire.

C. B. : Absolument pas collaborationniste, puisque le « ionniste » implique une réflexion et une pensée, voire une idéologie, or Chanel ne produit aucune thèse. Collabo, elle l’est de fait, car par ses actions elle est impliquée dans les rouages que l’occupant veut mettre en place et activer ; qu’elle soit naïve, qu’elle pense que le but qu’elle vise, que ce soit par rapport à son neveu ou la paix, tout cela la leurre complètement. Ajoutons encore à cela l’amitié, les sentiments qui sont chez Chanel une voilette devant les yeux, qui lui obstruent la lucidité politique qu’elle aurait pu avoir. Elle ne sera bien évidemment pas la seule. La nullité du jugement politique d’un Guitry sur les faits qu’il traverse, son interprétation sans cesse fausse d’une histoire qui le dépasse et qui va l’écraser, c’est tout aussi stupéfiant. Tout le monde ne peut être aussi lucide qu’un de Gaulle. Malgré cela, ou pour cela, l’histoire d’amour qui prouve sa sincérité, et la pièce l’illustre, en dépassant le temps de la guerre, mérite d’être racontée.

I. St. J. K. : Le seul problème, c’est que cette histoire d’amour s’est déroulée en 1934.

C. B. : En effet. Elle s’allonge, elle s’étire…

I. St. J. K. : Je ne suis pas sûr d’abonder dans votre sens. Cette relation amoureuse, en 1934, a été très éphémère, puisque tous deux, Chanel et Dincklage, entretenaient des attaches sentimentales respectives. Chanel, qui avait 51 ans, avait noué une amitié ambiguë avec Paul Iribe et Dincklage, de 13 ans le cadet de la styliste, abondait en conquêtes féminines.

C. B. : C’est pourtant un univers idéologiquement cohérent.

 I. St. J. K. : En apparence seulement, puisque cette cohérence s’appliquait essentiellement à l’essor de sa vie mondaine. Lorsque Dincklage impose sa présence dans la vie de Chanel en août 1940, elle est libre depuis la disparition d’Iribe. Et Dincklage s’acquittera parfaitement de la fonction de chevalier servant que lui assignera Chanel pendant sept mois. Dès la première quinzaine de mars 1941, Chanel apprend par Josée Laval, la fille de l’ancien vice-président du Conseil, que Dincklage était responsable de la capture et de l’internement du neveu de Chanel, André Palasse. Dès lors, Dincklage exercera sur Chanel un infâme chantage : moyennant son ralliement à la cause nazie, elle obtiendrait la libération de son neveu. Certes, elle ne céda pas au chantage. En revanche, si l’on revient à la période de 1945-1946, qui intéresse notre dramaturge, Chanel n’échappera pas à un second chantage, cette fois financier, auquel aura recours Dincklage. Conseillée par son avocat, René de Chambrun, qui avait épousé Josée Laval, Chanel se soumettra à ce chantage, faute de quoi Dincklage la menaçait de souiller sa réputation en répandant d’inqualifiables calomnies. Il lui fallut donc acheter son silence, ce qu’elle ressentit comme une suprême humiliation.

C. B. : Notre fiction est donc plus belle que la réalité.

M. A. : C’est à ce point précis que nous pouvons rebondir sur les accusations d’Hal Vaughan dont j’ai parlées plus haut, puisqu’il l’accuse clairement d’intelligence avec l’ennemi, et continue l’épuration d’une certaine manière.

I. St. J. K. : Vous avez parfaitement raison. Depuis 1944, l’hostilité viscérale, à laquelle se heurta Chanel, ne s’est guère apaisée, alors qu’elle n’a jamais été sanctionnée pénalement. En raison de ce ressentiment croissant, exacerbé par Hal Vaughan, il me paraît un peu imprudent de parler de réhabilitation.

C. B. : Je crois qu’il y a aujourd’hui Coco et Chanel. Le mythe Coco, la jeune femme, tous ses malheurs et mésaventures familiaux, ses histoires d’amour tragiques, ainsi que son génie créateur, et Chanel, avec les problèmes de business, et tous les conflits qu’elle a pu avoir, et cette affaire de collaboration. Les deux voyagent un peu en parallèle. On trouve des gens pour ne voir que Coco, les jeunes filles qui veulent faire de la mode, celles qui achètent le parfum, celles qui sont allées voir le film avec Audrey Tautou, et il y a ceux qui ne voient que Chanel, qui sont obsédés par cette matière historique controversée. On a réussi à installer comme cela les deux mythes, la marque Chanel arrivant à tolérer le second, qui ne lui est pas favorable tout en faisant prospérer le premier. C’est assez incroyable de voir dans toutes les publicités comment les jeunes femmes qui y sont mises en scène sont des femmes de liberté, d’indépendance, qui ne supportent aucune autorité masculine, et qui perpétuent ce que Coco était dans les années folles. Avec habileté, en ne jouant ni de la censure, ni de la pression, la marque a laissé prospérer le débat des historiens, peu favorable à Chanel. Au-dessus, en surplomb, il y a ce mythe très positif continuant de faire de Chanel un personnage qui fascine.

M. A. : Dans la pièce Chanel termine sa vie avec ce jeune maître d’hôtel qui est juif, ce qui peut paraître comme un pied de nez à l’histoire.

C. B. : Elle le rencontrera bien plus tard. Il y a là un raccourci de temps. Les coups de cœur de Chanel pèsent plus que tout le reste, ce qui l’absout d’une véritable hostilité idéologique. Ce qu’elle dit dans la pièce contre les Juifs relève de ce qu’elle ressent à propos de deux hommes d’affaires avec lesquels elle a maille à partir, et qui se trouvent être juifs. Mais il n’y a pas d’antisémitisme structurel et systématique chez Chanel, contrairement à Morand. Les êtres humains sont pour Coco beaucoup plus importants que les opinions politiques ou les croyances religieuses.

I. St. J. K. : Au stade décisif de cet entretien, je souhaiterais rapporter une confidence que vous aviez livrée, il y a quelque temps, sur Radio J. Vous aviez souligné que vous accordiez une importance considérable à la parole de la défense. Je m’autorise donc de cette confidence si bienveillante pour assurer maintenant la défense de Chanel. Revenons à cette poignée de main entre Chanel et Hitler, postulat livré en pâture au public par le dramaturge. Cette poignée de main n’a jamais eu lieu. Chanel n’a jamais rencontré Hitler. Alors, de deux choses l’une : soit on réagit en bon sartrien, et l’on se dit que le dramaturge assume sa responsabilité parce qu’il se sent libre de dire ce qu’il veut, de réinventer l’histoire, de se décharger de toute fonction heuristique, ou bien il y a une autre attitude qui serait celle de concilier l’art du dramaturge avec une exigence éthique. Quand on aborde le sujet de l’Occupation, nous ne sommes plus sur un terrain vierge. Il est brûlant. Il est piétiné par les préjugés d’un public désorienté, conditionné à penser que Chanel est coupable, un public manipulé par des procureurs autoproclamés qui se sont décerné le titre d’historiens. Dans ce contexte, le dramaturge peut subodorer sans peine le pouvoir émotif que détient cette poignée de main entre Chanel et Hitler. Il peut pressentir la répulsion instinctive qui va terrasser le spectateur. En un mot, il peut amener son public à haïr Chanel.

M. A. : La parole est à la défense.

C. B. : Merci. Dans le texte de Thierry Lassalle, il y a deux choses : d’abord une volonté de créer un obstacle insurmontable pour empêcher François de rejoindre Chanel. Il ne peut pas travailler pour Chanel, et pourtant il le fera. Son amour pour Chanel, sa fascination pour Chanel lui permettront de passer par-dessus la poignée de main à Hitler. De plus, le dramaturge ne dit pas qu’il y a eu cette poignée. Il le fait dire à Morand. Il y a là peut-être un mensonge, une extrapolation de la part de Morand, car il a reconnu en ce jeune maître d’hôtel quelqu’un de sagace, une sorte de disciple en qui il cherche une forme d’admiration, et il faut donc l’empêcher d’être absorbé dans une autre orbite que la sienne. Voilà pourquoi Morand cherche à discréditer Chanel en évoquant cette poignée de main. Mais cela ne marche pas, puisque le jeune homme a pris soin de lire les livres de Morand, pour se faire une idée, et accuse l’écrivain d’être le vrai raciste, passant alors du côté de Chanel.

I. St. J. K. : Dans la pièce, Chanel ne réfute pas l’imputation de Morand. Elle ne s’inscrit pas en faux contre cette poignée de main.

C. B. : Certes. « Sa main était molle et moite ». Mais Chanel l’aurait-elle nié ?

I. St. J. K. : Non seulement elle aurait récusé l’accomplissement de ce geste cordial à l’endroit d’Hitler, mais elle aurait éconduit Morand sur-le-champ, ce qui nous aurait privés du plaisir de vous entendre jusqu’au salut final !

C. B. : Pour établir les faits, il aurait fallu un procès. S’il y avait eu un procès de ces deux individus, il y aurait eu une vérité judiciaire. En échappant au procès, ils ont gardé un train de vie confortable dans l’exil, puis ils ont pu revenir et reprendre d’abord à bas bruit une vie mondaine, ensuite une place dans la société ; mais pour la Justice, le vrai et le faux n’ont pas été tranchés. On peut dire que cette pièce ne cherche pas l’objectivité par la vérité historique, ne serait-ce que pour des raisons dramaturgiques, mais elle recherche une forme d’objectivité par le culte de l’ambiguïté. Il y a toutes les facettes, toutes les couleurs des comportements, des émotions, et chaque spectateur peut retenir, dans les répliques, matière à trouver sympathique, attachant, pathétique, accablant, détestable, drôle, cynique, admirable tel ou tel personnage à tel ou tel moment. C’est ce qui fait la palette de la pièce, quelque chose d’intéressant à jouer, et à regarder. On sort de là en ayant une somme d’impressions qui font peut-être un jugement, une conviction, mais ce n’est pas du béton, si j’ose dire. Et comme nous comédiens, nous défendons nos personnages, je crois que les spectateurs ressortent de la pièce en voyant l’humanité complexe et fragile de ces êtres. Ce n’est pas forcément une circonstance atténuante pour ce qu’ils ont fait, mais cela montre la complexité des choix à effectuer quand on est dans des circonstances historiques tragiques.

Propos recueillis par Marc Alpozzo


[1] Livre de Paul Morand paru en 1976.

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