« faire de la philosophie sans le savoir » Emile Cougut dans Wukali

La noble société de Bullford, un conte prometteur de Vera Nova

Voilà un recueil de «  contes », enfin plus exactement une histoire, ou plutôt encore, une description d’une « société » divisée en  trois chapitres. Enfin des contestes quelques sortes des contes philosophiques, voire des paraboles. C’est dire qu’il n’est pas facile, évident, de mettre cet ouvrage dans une case préétablie.

L’autrice, Vera Nova, tout à la fois peintre-écrivain et actrice américaine, nous transporte à Bullford, un coin de l’univers où s’est créée une véritable Utopie.

En effet, il s’agit là d’une société qui se bâtit en opposition totale avec celle que nous connaissons depuis quelques millénaires. Au lieu de faire une confiance aveugle dans le progrès et l’apport de la technologie, ce sont les modes de pensée qui sont, en quelque sorte inversés. On frisotte avec « de l’autre côté du miroir » de Lewis Caroll. L’Occident s’est construit à partir du célèbre adage : « ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas que l’on te fasse ». A Bullford, la devise, la façon de vivre est : « Ne jamais traiter les autres comme on aurait aimé qu’ils vous traitâssent, sauf s’ils y consentent en premier lieu, car ce qui est bon pour vous peut causer aux autres des préjudices fatals. »

Alors oui, le résultat est quelque peu étonnant, déconcertant même! Il faut dire que parfois, on se croirait un peu dans l’univers des bisounours, voire parfois dans un roman de science-fiction. Mais nous sommes là bien sûr, dans une métaphore, et pas dans une société réelle ou réalisable.

Vera Nova

De fait Vera Nova nous inscite à réfléchir pour savoir ce qu’est un état, une société humaine. Elle nous pousse à méditer sur ce qu’est l’argent, sur l’utilité de la guerre et ses racines : «  la tâche des Chefs consiste à transformer par l’émotion des individus en une foule stupide formée à la destruction à tous les échelons, et même à l’autodestruction. ».  Et puis enfin, « last but not least« , sur tout ce qui fait société.

À ce stade de la démonstration, inutile de préciser qu’à Bullford, même s’il y a un maire, il n’y a pas de hiérarchie, mais des personnes indépendantes, c’est à dire qui ont opéré la seule indépendance imaginable, celle qui leur est personnelle !
Soit des individus, chacun avec son caractère et ses particularités. Et quand on risque d’avoir une guerre, chacun revêt l’uniforme qui lui est propre, donc, il n’y en a pas deux identiques . Il faut dire que l’uniforme est à l’inverse du mode de vie des bullfordiens car : « l’uniforme est la tenue invariable qui fait que des individus ressemblent à la même personne et ont le même esprit. L’uniforme a pour but de remplacer la personnalité d’origine. » Toute la philosophie de vie de cette utopie est résumée dans cette phrase, enfin, enfin, dans l’inverse de cette phrase. C’est bien clair n’est-ce-pas ?

Vera Nova est aussi une artiste peintre, et quelques unes de ses œuvres émaillent son récit. De belles vignettes qui en elles seules créent un univers original entre le cubisme et Bottero.

Pour les amateurs de bandes dessinées, comment ne pas penser à Rêverose, la cité utopique créée par Dany dans la série Olivier Rameau.

Indéniablement un second volume doit paraître pour continuer la construction de cette utopie au plus grand plaisir des lecteurs qui, plongés dans un récit plein d’humour, font de la philosophie sans le savoir. Mais n’est-ce pas le but premier de ce genre ?

La noble société de Bulford
Vera Nova

éditions Les Impliqués. 16€

Illustration de l’entête: Vera Nova. photo FaceBook

 
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