Le bulletin des orthopédistes (SOFCOT) de juillet 2022 recommande l’autobiographie de Laurent Sedel.
PETITE HISTOIRE D’UN JUIF FRANÇAIS
Résurrections
Par Laurent Geoffroy
L’Harmattan éditeur, Paris 2022
La shoah (catastrophe en hébreu), crime abominable avec son cortège d’arrestations, de déportations, d’exterminations programmées et quasi industrielles d’une partie de la population et le devoir de mémoire ressassé à l’infini… On a déjà tellement écrit sur le sujet, que ce livre pourrait apparaitre comme le dernier d’une longue série. Il n’en n’est rien et cet ouvrage décrit la véritable épopée d’une famille française dont la vie est pleine de circonstances incroyables, parfois extraordinaires mais vraies.
Qui mieux que Georges (l’alter ego de l’auteur) aurait pu raconter cette histoire ? Ses parents rescapés d’une jeunesse difficile, marquée par les privations se rencontrent avant la deuxième guerre mondiale. La France de Vichy sera à l’origine de la déportation du père à Auschwitz et de l’emprisonnement de la mère à Drancy. Dans cette période troublée, leur fils Georges nait sous X.
Les circonstances ont fait que toute la famille va survivre à cette période difficile. Pour de nombreux philosophes, le bonheur est lié à l’oubli quel que soit la façon de l’obtenir. Malgré tout, l’auteur a une irrésistible envie de raconter cette histoire car c’est une façon pour lui de
rendre hommage à tous ceux qui dans le contexte de l’époque ont permis de près ou de loin qu’il existe et que sa famille survive.
Dans sa réflexion Georges décrypte avec lucidité comment réussir un génocide humain en énumérant quelques règles de base simples. L’exemple de ce qui s’est passé entre 1941 et 1944, nous ramène dans l’actualité avec les persécutions et horreurs subies par les Ouïghours, les Rohingyas et les habitants de Boutcha. N’est-ce pas Poutine qui qualifie les Ukrainiens pro-européens de Juifs nazis et qui représentent pour lui le mal dont il faut se débarrasser ?
Quelles différences y a-t-il entre le fait que de jeunes juifs fassent bruler les champs et les récoltes des Palestiniens ou bien les faucons de la droite israélienne qui soutiennent les colonisations sauvages, les check points partout, le blocage de Gaza et les dictateurs musulmans qui
commanditent les attentats aveugles et dont les chefs djihadistes ont su réinventer la martyrologie ?
Ces vengeances successives d’un camp sur l’autre et vice versa ne servent que ceux qui confondent antisionisme et antisémitisme et qui utilisent la culpabilité des uns et la victimisation des autres.
Georges renvoie dos à dos les deux communautés car il a du mal à imaginer que des esprits vicieux, mais logiques et organisés puissent se laisser aller à l’horreur. Comme ses parents, Georges croit en la bonté, la justice, et en la valeur des lois en vigueur dans un pays démocratique.
Actuellement l’antisémitisme n’est plus tabou (on se demande d’ailleurs s’il ne l’a jamais été) et on a vu au cours des dernières semaines qu’il peut être porté par des extrêmes politiques avides de clientélisme. La banalisation de cet antisémitisme a presque toujours des effets délétères sur la société et la démocratie.
Rien n’est épargné à Georges qui est atteint d’une maladie du foie incurable et une transplantation hépatique lui permettra de survivre. Tout au long de l’ouvrage, la plume de l’auteur apparait facile, nettement intimiste et autobiographique. Ce livre ne se lit pas comme un roman – ça n’en n’est d’ailleurs pas un – mais vraiment comme un parcours de vie, un combat permanent et c’est finalement la vie et l’humain qui finissent par gagner. D’où le mot « résurrections » en sous-titre du livre.
L’auteur est l’un d’entre nous et s’appelle Laurent Sedel. Qu’il soit remercié pour cette leçon de courage et de vie.
Philippe Merloz