Le Figaro interviewe Christian Mégrelis sur Gorbatchev

«Gorbatchev emportait l’admiration», le récit d’un collaborateur français

Mikhaïl Gorbatchev s'adressant à la télévision soviétique en 1986.
Mikhaïl Gorbatchev s’adressant à la télévision soviétique en 1986. TASS / AFP

ENTRETIEN – Christian Mégrelis a travaillé pour l’ancien dirigeant soviétique de 1989 à 1991.

ENTRETIEN – Christian Mégrelis a travaillé pour l’ancien dirigeant soviétique de 1989 à 1991. Christian Mégrelis est un homme d’affaires. Après la chute du mur de Berlin, il participe au programme des 500 jours afin de transformer l’économie soviétique et conseille Mikhaïl Gorbatchev dans les négociations avec l’Union européenne en 1991. Un épisode qu’il raconte dans son ouvrage Le naufrage de l’Union soviétique : choses vues, aux éditions transcontinentales.

LE FIGARO.- Comment avez-vous rencontré Mikhaïl Gorbatchev ? Christian Mégrelis.- J’ai été introduit au Kremlin grâce au professeur Svatislav Chataline afin de participer au plan des 500 jours qui devait permettre de libéraliser l’économie soviétique. Vaste projet ! En parallèle, Mikhaïl Gorbatchev m’a demandé de mener une campagne à l’étranger pour promouvoir les investissements en URSS. Je suis arrivé en Russie pour faire des affaires avec la Perestroïka, et j’ai sympathisé avec Gavriil Popov, qui deviendra maire de Moscou. Il avait une équipe qui prenait le pouvoir économique sous le contrôle de Gorbatchev. Enfin, j’ai participé aux négociations avec Bruxelles en 1991 qui aboutiront aux accords TACIS (un programme d’aide de la Commission européenne pour aider à la transition vers une économie de marché, NDLR). Pour l’anecdote, j’ai même rédigé et porté la première lettre de Gorbatchev à Jacques Delors (président de la Commission européenne de 1985 à 1995, NDLR). Comment Gorbatchev se comportait-il au travail ? Il était très formel, je ne peux pas dire qu’il était sympathique. Gorbatchev était cassant et très content de lui-même. Néanmoins, il emportait l’admiration puisqu’il faut bien admettre que c’était un homme extraordinaire et très supérieur, avec une grande vision. Il avait aussi, ce qui lui sera reproché plus tard, une attention particulière pour ce qui venait d’Europe de l’Ouest.

Pour moi, il était l’un des plus grands hommes du XXe siècle, au même rang que Churchill. Il a réussi à débarrasser la Russie du système communiste sans verser une goutte de sang. Souvenons-nous que les Occidentaux, eux, ne voyaient pas d’autres solutions qu’une guerre nucléaire pour détruire le communisme. Comment définiriez-vous ses projets de Glasnost et de Perestroïka ?

Je dirais qu’ils symbolisaient l’entrée de l’URSS dans le monde réel alors qu’elle vivait dans un monde imaginaire… Une situation qui est revenue aujourd’hui. Vladimir Poutine, avec sa guerre, renverse toutes les vérités et ment. Pour justifier son invasion de l’Ukraine, il prétend que l’Otan envahit l’Ukraine. Ce système négationniste rappelle Hitler.

Comment les Russes se souviennent-ils de Gorbatchev ? Ils en ont une très mauvaise opinion. S’il a bien réussi sa communication internationale, il l’a ratée en interne. Dès qu’il était attaqué, il ne répondait pas. Par exemple, la disparition de l’URSS lui est attribuée à tort. Le traité de Minsk, créant la Communauté des États Indépendants (CEI), a bel et bien été signé par Boris Eltsine. Par la suite, Gorbatchev entretenait un rapport très froid avec la Russie et surtout son ennemi, Eltsine. Il ne lui a jamais pardonné d’avoir sacrifié l’URSS à son ambition. Quel rapport entretenait-il avec la France ? Il y avait un rapport très particulier. Il passait par un personnage amusant appelé Domung, un gérant de coopérative agricole dans les environs de Toulouse, à Noé. Il était communiste fervent et ami de tous les secrétaires généraux. Domung l’invitait, ainsi que Raïssa, sa femme, en France. Il lui avait même donné les fameuses cartes de crédit Gold qui ont fait scandale (Raïssa se serait servie d’une Gold Card réservée à la clientèle huppée d’American Express, un privilège que ne partageaient pas les Soviétiques, NDLR).

Gorbatchev n’était pas très cultivé, mais aimait surtout les beaux hôtels, les belles piscines, le luxe et les paysages français. Plus tard, il lui sera reproché de donner l’impression de se plaire plus en Europe de l’Ouest qu’à l’Est.

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