Le Figaro (papier + web), qui a remarqué son livre, commande un papier à François de Coincy

«La fascination d’Emmanuel Macron pour la dette trahit le fait qu’il n’a jamais été un libéral»

FIGAROVOX/TRIBUNE – Une lecture attentive de son livre Révolution nous aurait convaincu il y a bien longtemps que le président de la République n’avait en réalité rien d’un libéral en économie, analyse François de Coincy. Selon l’essayiste, la politique économique d’Emmanuel Macron génère une dette colossale qui pèsera très lourd sur la vie de nos descendants.

François de Coincy est l’auteur de Mozart s’est-il contenté de naître ? (Bookelis, 2020).

D’aucuns ont pu penser qu’il virait libéral lorsqu’il a supprimé l’ISF, en oubliant que le critère n’est pas la baisse des impôts mais la maîtrise de la dépense publique. On a pu y songer aussi lorsqu’il a demandé à un jeune chômeur de se trouver tout seul du travail ou lorsqu’il a envisagé de supprimer l’ENA, mais ce n’était sans doute que mouvements d’humeur de sa part en constatant l’inefficacité de sa haute administration à traiter les problèmes sans son intervention personnelle. La pratique du pouvoir solitaire depuis la crise du Covid remet les pendules à l’heure.

Pour comprendre le fond de sa démarche, plongeons nous dans le livre qu’il a écrit avant son élection, un temps où sa réflexion n’était pas perturbée par les tensions de l’exercice de la plus haute fonction de l’État. Sous le curieux titre de Révolution, il y exprime sa philosophie du pouvoir et sa volonté de restaurer la volonté et l’efficacité de l’État: il veut par exemple que l’État reprenne en main les retraites qui dépendaient en théorie des partenaires sociaux ou qu’il doit intervenir dans les villes pour libérer le foncier. Il voit l’argent public comme principale arme, dans les écoles, les hôpitaux, l’écologie et dans la fibre numérique. Il refuse l’augmentation du temps de travail qu’il considère comme inacceptable pour les Français

Il accepte la délégation de gestion, mais le vrai patron doit être encore l’État qui acceptera volontiers les propositions en provenance du terrain mais conservera bien sûr la décision finale (belle préfiguration de ce que sera la mascarade citoyenne pour le climat).

La catastrophe économique redoutée par Roux de Bézieux est en train de se produire. On ne va pas la sentir tout de suite puisqu’on la gère à crédit

Pas une réflexion libérale, à l’exception des bonnes intentions du début du livre où il laisse échapper: «Qui peut sérieusement croire qu’il est optimal de tout régenter depuis Paris?». Lorsque Geoffroy Roux de Bézieux, au sortir d’une réunion avec l’État où il prend conscience de la catastrophe économique qui va être la conséquence du confinement, dit avec un parfait bon sens qu’il nous faudra travailler plus, il s’ensuit un déchaînement politique et médiatique sur l’ultralibéralisme du patron des patrons et son insensibilité aux malheurs à venir des Français.

Très peu de temps après, Roux de Bézieux, probablement abasourdi par les centaines de milliards que l’État promet alors de déverser sur les entreprises et sur les ménages, abandonne ses réserves, son rôle de défense des entreprises étant assuré. On imagine qu’il n’en pensait pas moins, rejoignant ainsi la position pragmatique du patron de Peugeot qui, interrogé par une journaliste sur les énormes subventions accordées aux voitures électriques, lui exposait avec une franchise rafraichissante son inquiétude en tant que citoyen devant le coût gigantesque des mesures en faveur des voitures électriques et sa détermination en tant qu’industriel à en profiter pour le développement de l’entreprise.

Le 16 mars 2020, Emmanuel Macron a manqué son rendez-vous avec l’Histoire. C’était le moment clé où il pouvait faire confiance aux Français en leur demandant ces suppléments d’efforts que chacun, par solidarité, était prêt à faire. Il «déclare la guerre» mais il n’y a pas d’effort de guerre hors celui du corps médical et choisit le renoncement par la dette pour éviter le sang la sueur et les larmes.

La catastrophe économique redoutée par Roux de Bézieux est en train de se produire. On ne va pas la sentir tout de suite puisqu’on la gère à crédit. Si on l’avait compensée par un travail complémentaire, comme il l’avait suggéré, elle aurait pu être dernière nous en quelques années.

La dette est une forme de mensonge d’État bien plus grave que celui des masques ou celui des nuages radioactifs qui s’arrêtent à nos frontières

La dette est une forme de mensonge d’État bien plus grave que celui des masques ou celui des nuages radioactifs qui s’arrêtent à nos frontières. Alors que le produit du travail est définitivement acquis, l’emprunt est une perte différée du patrimoine dont il faudra supporter les échéances (par un travail complémentaire ou un niveau de vie moindre) durant des décennies. C’est la politique de l’égoïsme keynésien: on peut euthanasier l’épargnant, et on ne se préoccupe pas de l’avenir car à long terme on est tous morts.

L’emprunt à long terme sans savoir comment on le remboursera convient parfaitement aux politiques dont l’horizon est à très court terme: il leur faut tenir 2 ou 3 ans alors que la ligne d’horizon est celle qui s’éloigne au fur et à mesure que l’on avance, c’est la perspective à long terme des entreprises familiales ou la vision du forestier qui plante un arbre avec le regard de ses futurs petits-enfants.

On ne pouvait attendre d’Emmanuel Macron une approche libérale et si son implication personnelle dans les moindres décisions de cette crise fait preuve de courage et d’engagement, elle remet en cause de manière implicite la capacité de la haute administration dont il est issu à assurer la direction du pays. «Dans le même temps» en décidant que l’État seul est à même de gérer une crise majeure on se prive de la capacité de nos organisations, qu’elles soient publiques ou privées, à prendre localement des décisions responsables.

Certains fantasment sur un renforcement du rôle de l’État lorsque la crise sera terminée. L’analyse des évènements confirmera au contraire ce que l’on aperçoit déjà des limites et des défaillances de l’État centralisateur et omnipotent. Beaucoup voudront alors mettre en œuvre une société moins dirigée où les décisions «ne se prennent pas à Paris», où les citoyens ne sont pas des assistés et où les initiatives individuelles sont favorisées.

Emmanuel Macron est suffisamment intelligent et agile d’esprit pour le comprendre et nous expliquer qu’après la nécessaire période de pouvoir spéciaux ayant permis de sauver la vie de nombreux Français durant la crise sanitaire il est temps désormais d’effectuer des changements permettant d’améliorer notre fonctionnement démocratique. Mais d’une part il ne le fera que si les Français et les médias en sont eux-mêmes persuadés et d’autre part que si un autre ténor ne s’est pas emparé de ce thème de campagne avant lui.

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