Le trompe-l’œil des résultats économiques de Bruno Le Maire
La présentation statistique peut relever de l’art du trompe l’œil. On ne sait en constatant la mine réjouie du ministre annonçant la croissance « historique » du PIB en 2021 s’il se grise de sa capacité de manipulation des chiffres ou s’il en est sa propre victime.
Reprenant les pourcentages d’évolution vantés par Bruno Le Maire, le graphique ci-contre, diffusé dans le Figaro du 29 janvier, est particulièrement trompeur :
Cette image ne représente pas l’évolution du PIB de la France mais l’évolution du pourcentage de croissance du PIB et pour montrer à quel point cela n’est pas la même chose, regardons-en la comparaison sur les trois dernières années.
L’évolution du pourcentage (graphique A) est bien plus flatteuse que l’évolution de la valeur (graphique B), alors que c’est bien cette dernière qui correspond à celui du PIB réel. Le graphique présenté (A) n’est pas faux en soi, mais c’est une manière trompeuse de nous présenter la réalité. Si on veut être correct, il faut afficher le graphique en valeur tout en indiquant les pourcentages (B).
Le graphique de gauche (A) laisse croire que le PIB a dépassé celui des années antérieures alors qu’il n’en est rien. De plus l’image indique « +7% » alors que le trait reliant à l’année précédente a une valeur de 15% (7+8).
Ce trompe-l’œil en cache un autre.
Lorsque nous calculons le PIB, alors que la valeur ajoutée des entreprises est calculée sur ses recettes, celle de l’Administration est basée sur ses coûts sans tenir compte du solde budgétaire de l’Etat. (Cette méthode absurde fait que si l‘Etat embauchait en plus 1 million de personnes à ne rien faire, le PIB augmenterait alors que cela n’apporterait aucune production réelle).
Ce n’est pas bien grave quand le déficit est faible ou lorsqu’il est identique d’une période à l’autre, mais les circonstances actuelles font qu’il donne une image déformée de la réalité.
Que donne le PIB corrigé du déficit de l’Etat ? Les déficits ont été de 75 milliards en 2019, 211 milliards en 2020 et 155 milliards en 2021. Les PIB corrigés sont donc respectivement de 2260, 1934 et 2140 milliards d’euros (graphique C). On est donc loin d’avoir retrouvé en 2021 le niveau de 2019 puisque on est même en dessous de 2017 (2187 milliards).
On peut ajouter qu’en général, l’accroissement de la dette publique correspond plus ou moins au déficit budgétaire mais que ces deux dernières années l’accroissement de la dette a été supérieur de 100 milliards au déficit de la période. Cette situation accroit encore le doute qu’on peut avoir sur la solidité d’une reprise sous perfusion monétaire.
Quelle qu’en soit la représentation, nous savons l’immensité de la dette générée qui aurait pu être atténuée si on avait associé un effort populaire aux soutiens nécessités par la pandémie. Ce sujet risque d’être absent du débat électoral car si Emmanuel Macron n’a pas intérêt à en parler pour ne pas ternir le bilan du « quoi qu’il en coûte », ses compétiteurs non plus, qui seraient obligés d’en tirer des propositions de redressement peu alléchantes pour les électeurs. Ce serait aux médias d’imposer ce sujet, plutôt que de rester sur la question facile de l’immigration autour de laquelle s’est constitué un surprenant quasi-consensus national.
Après les élections, l’ère de l’argent facile va se terminer et le successeur de Bruno Le Maire risque de ne pas afficher le même optimisme. Il lui faudra un grand pouvoir de persuasion pour faire passer les pilules : l’art du trompe-l’œil n’est pas près de s’éteindre.
François de Coincy, Chef d’entreprise à la retraite, François de Coincy avait publié en 2020 Mozart s’est-il contenté de naître ? renouvelant l’analyse de la théorie économique à partir des idées qu’il a accumulées au cours de sa vie professionnelle sur l’efficacité de la liberté dans le monde économique. Ce premier essai lui a donné une crédibilité lui permettant de publier des articles dans Figaro Vox ou Economie Matin. Il publie en 2022 Sept idées libérales pour redresser notre économie (L’Harmattan) afin de nourrir les programmes des candidats à l’élection présidentielle de la France.