Du temps perdu au temps retrouvé, Proust est l’inventeur d’une machine à explorer le temps. Ses phrases élastiques s’étirent, se bouclent et nous propulsent dans la quatrième dimension.
Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre, À la Recherche du temps perdu n’est pas une évocation surannée du temps qui passe mais une anticipation moderne du temps comme illusion.
Bien plus proche du physicien Einstein que de son cousin philosophe Bergson, Proust rend le temps élastique en étirant ses phrases, crée de chapitre en chapitre, un véritable bloc espace-temps qui abolit le passage du temps et raconte une histoire qui ne suit plus la flèche du temps mais va et vient entre passé et présent.
« Proust nous invite à un voyage, comme si nous étions un ludion flottant dans ce milieu aquatique qu’est le temps.” –Thibault Damour
Contemporain de Freud, la Recherche est également un voyage à l’intérieur de la psyché. Proust se comparait à un “plongeur qui sonde”. Entre mémoire et oubli, l’écrivain creuse les différentes strates de la mémoire jusqu’à atteindre notre moi “extra-temporel le plus profond. »
En proie à l’insomnie, Proust s’endort, se réveille. Sans relâche, l’écrivain assemble, déplace ces fragments extraits de la nuit. Il noircit les feuilles, écrit dans les marges, ajoute des paperolles collées aux pages. Et il gagne ainsi son combat contre le temps.
“ Le temps est en train de gagner. Mais il y a un petit David qui défie ce Goliath, c’est Proust ” – Anne Simon
Texte lu : À la recherche du temps perdu, Bibliothèque de la Pléiade, 1987
Avec la collaboration de :
- ISABELLE SERÇA, professeure de littérature (Toulouse), Proust et le temps : Un dictionnaire, Le Pommier, 2022
- ANNE SIMON, directrice de recherche CNRS, La Rumeur des distances traversées. Proust, une esthétique de la surimpression,* Garnier, 2018
- NATHALIE MAURIAC DYER, directrice de recherche CNRS, Les soixante-quinze feuillets et autres manuscrits inédits, Gallimard, 2021
- GUILLAUME PERRIER, professeur du secondaire, La Mémoire du lecteur. Essai sur Albertine disparue et Le Temps retrouvé, Garnier, 2011
- ANDRÉ BENHAÏM, professeur de littérature française (Princeton), Panim visages de Proust, Presses Universitaires Du Septentrion, 2006
- ANTOINE COMPAGNON, professeur émérite au Collège de France, Proust entre deux siècles, Seuil, 1989
- HÉLÈNE WAYSBORD, La chambre de Léonie, Le Vistemboir, 2021
- FRANÇOIS BON, écrivain, Proust est une fiction, Seuil, 2013*,* chaîne YouTube
- GÉRARD MACÉ, poète, essayiste, photographe*, Le Manteau de Fortuny*, Gallimard, 1987
- PIERRE BERGOUNIOUX, écrivain, Bréviaire de littérature à l’usage des vivants, Bréal, 2004
- GUILLAUME FAU, Conservateur à la Bibliothèque nationale
- PHILIPPE ZARD, maître de conférences Paris Ouest-Nanterre, La Fiction de l’Occident : Thomas Mann, Franz Kafka, Albert Cohen, PUF, 1999
- THIBAULT DAMOUR, physicien, Si Einstein m’était conté, Le Cherche-midi, 2005
- JEAN YVES TADIÉ, biographe de Marcel Proust, Le sens de la mémoire, en collaboration avec Marc Tadié, Gallimard, 1999
- NICOLAS RAGONNEAU, créateur du site Proustonomics, auteur de Proustonomics, cent ans avec Marcel Proust, le temps qu’il fait, 2021