Littérature
Yannick URRIEN
Effectual Impact : partir de soi pour entreprendre de changer le monde à son échelle avec les méthodes effectuales.
Dans une entreprise, ce schéma peut-il nous entraîner vers la décroissance ? Dominique Vian estime qu’au « cela nous amène vers l’innovation et des possibilités que l’on n’avait pas vues auparavant. Prenons l’exemple d’une entreprise qui est confrontée à une baisse de chiffre d’affaires, par exemple un centre d’appels pour les secrétariats médicaux. Naturellement, on se tourne vers les causes, notamment le personnel. Dans le cas que je vous cite, l’entreprise a réfléchi sur les effets de son activité. Un centre d’appels sert à prendre soin des patients, mais aussi des médecins car, si vous n’avez pas un secrétariat médical, vous êtes désorganisé. Un médecin fatigué, cela coûte cher et ce sont les assurances qui doivent payer le coût des arrêts maladie des médecins. Donc, l’entreprise a imaginé un système avec les assureurs pour décharger les médecins malades dans les déserts médicaux. On a pu financer des voyages pour les médecins qui n’avaient pas suffisamment d’activités en région parisienne pour aller décharger certaines zones. On a très rapidement vu les enjeux de tout cela. Nous sommes donc dans une dynamique d’innovation. La question de la croissance n’avait plus lieu d’être, puisque l’entreprise a très rapidement retrouvé son activité. Les personnes ont aussi retrouvé du sens dans leur travail. On est donc dans le sens de l’action, c’est très original. Donc ce n’est pas du tout de la décroissance. »
La méthode de Dominique Vian et de Quentin Tousart, enseignée dans des grandes écoles de management, consiste à apprendre à construire des arborescences effectuales. Dominique Vian indique que c’est la systématisation d’un raisonnement par rapport à une situation : « Quand on laisse notre cerveau libre, il a la capacité de faire des connexions en fonction de notre éducation. Il peut associer des éléments entre eux, mais il adore aller voir du côté des causalités pour essayer de réfléchir à une situation. Le mode effectuale permet de travailler sur les effets. On peut aussi travailler en essayant de trouver des situations similaires que l’on a pu voir par le passé. Enfin, notre cerveau se trouve souvent dans une relation d’appartenance, c’est-à-dire qu’il va contextualiser le problème. Si on le laisse faire, il va toujours faire une sorte de purée dans laquelle il va se perdre. Il faut donc forcer le raisonnement sur la dynamique moyen effet pour sortir d’une situation inextricable. » Dans ce contexte, il conviendrait presque de se fier à son instinct : « L’entreprise, c’est une manière d’agir et de transformer son environnement. Si vous vous mettez dans l’esprit qu’il existe des opportunités de marché, en réalité, ce n’est pas vous, puisque celles-ci n’ont rien à voir avec votre identité. Dans ce livre, nous prenons une perspective différente, parce que j’ai conscience de qui je suis et que je sais qui je suis, je vais donc voir des possibilités qui vont émerger de qui je suis. Donc, on va se connecter à des possibilités qui sont le reflet de ce que je suis. C’est un entreprenariat qui travaille sur l’espace des possibles et les capacités et qui va sans arrêt valoriser les moyens qui sont à disposition, en analysant ce que les moyens permettent de faire, ce qui permet d’augmenter les chances de succès. »
On dit souvent que la panique n’est pas bonne conseillère. On observe que depuis la crise sanitaire, la civilisation a évolué avec des séquelles qui demeurent encore fortes : « Nos sociétés font face à des difficultés. Il y a eu la crise sanitaire, maintenant la guerre en Ukraine et l’inflation. Donc, cela veut dire que nous sommes dans un état dépressif. Ce qui caractérise l’état dépressif, c’est l’incapacité de voir le monde comme un espace des possibles. C’est inhérent à la situation des individus. Dès lors que nous montrons que dans son environnement, on arrive à adopter cette logique, cela nous donne la possibilité de voir un avenir que l’on ne voyait pas. C’est une mécanique de l’esprit qui ouvre le champ des possibles. Malheureusement, la difficulté est une inhibition à voir des possibles. C’est pour cette raison que nous travaillons sur la capacité de la personne. Peu importe notre histoire, un individu a toujours une capacité. Il n’y a pas deux personnes sur Terre qui ont le même parcours de vie et cela nous a formés à une compréhension particulière du monde. Cette mise en lumière de cette identité est un antidépresseur. Quand on a repris un peu de confiance en soi, on peut imaginer l’avenir et interagir avec les autres dans une relation constructive. »
Dominique Vian souligne que nous nous situons collectivement dans un état dépressif. Comment peut-on justifier cet état de sinistrose, alors que la France a déjà connu des moments beaucoup plus dramatiques, notamment sous l’Occupation ? Il explique : « Quand on regarde les sondages sur l’optimisme dans le monde, on sait que les Français sont tout à fait en bas du classement. Pourtant, nous sommes une Nation reconnue, on a eu un Roi-Soleil et malgré cela, nous souffrons d’un déclassement, ce qui fait que nous sommes entrés dans un état de dépression collective. L’antidote que je propose, c’est la capacité de repartir, sur le plan individuel ou collectif, car nous avons tous développé dans notre vie des compétences que les autres n’ont pas. Il ne s’agit pas de dire que nous sommes plus forts que les autres, mais simplement que notre vie nous a permis des choses qui n’étaient pas possibles pour un autre. Au lieu de regarder ce qui ne va pas, il faut analyser nos forces. Ce n’est pas fictif. La question identitaire est vraiment une réalité, car c’est notre identité qui nous construit et qui nous permet d’avancer dans la vie et d’agir. Sans un niveau minimum de confiance en soi, la question entrepreneuriale ne se pose même pas. Et c’est bien le problème. » En conclusion, Dominique Vian et Quentin Tousart projettent la transformation comme une opportunité d’action et non comme un problème à subir passivement. Un petit livre étonnant de surprises.
« Effectual Impact : partir de soi pour entreprendre de changer le monde à son échelle avec les méthodes effectuales. » de Dominique Vian et Quentin Tousart est publié aux Editions Effectual Impact.