Yûko Tsushima « O vent, ô vent qui parcourt le ciel »

Tsushima_Yuko_89x120.jpgArt press de novembre 2007, article de Philippe Forest

A l’exception de Ogawa Yoko, Tsushima Yûko est certainement la romancière dont l’oeuvre est la plus largement accessible au lecteur français et cela tient principalement grâce aux nombreux titres publiés par les éditions Des femmes dans les années 1980. Cela faisait pourtant très précisément dix ans qu’aucun des tomes récents de Tsushima n’était venu jusqu’à nous. Il faut donc être tout à fait reconnaissant à l’éditeur et aux traducteurs (R. Nakamura et R. de Ceccatty) qui, en nous donnant ce nouveau livre, rendent possible la découverte d’une des principales oeuvres d’aujourd’hui où s’exprime magnifiquement la manière dont la fiction romanesque peut faire jouer ensemble le récit autobiographique – dans le cas de l’auteur, marqué par la mort d’un enfant – et la mémoire légendaire des peuples oubliés de l’histoire japonaise – en l’occurence ceux du nord du pays et des Aïnous évoqués dans « Tombent, tombent les houttes d’argent » (1991) et dans « Watashi » (dont seul un extrait a été traduit dans « Pour un autre roman japonais, C. Defaut, 2005). « Ô vent, ô vent qui parcourt le ciel » renoue avec l’inspiration plus intimiste qui fut celle des premiers livres de Tsushima (« l’Enfant de fortune », « Territoire de lumière », Des femmes, 1985 et 1986) et a incité parfois à les lire comme un témoignage portant sur la condition féminine au Japon, alors que leur dimension psychologique et poétique en faisait pourtant d’authentiques oeuvres littéraires. Le lecteur le vérifiera une nouvelle fois ici en observant comment dans ce livre l’auteur, tout en racontant l’histoire un peu convenue de deux amies d’enfance grandissant dans le Japon contemporain, chantant l’agonie d’une mère, parvient à conduire le récit romanesque jusque sur le territoire pathétique du rêve et de l’élégie.

Philippe Forest

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