Taslima Nasreen dans L’Humanité du 10.10.07

L’essentiel

Taslima Nasreen. L’écrivain lance un appel à l’aide.

L’écrivain Taslima Nasreen, qui risque d’être expulsée d’Inde où elle a été menacée de mort par des islamistes, a lancé un appel à l’association française Alliance des femmes pour la démocratie. Taslima Nasreen, musulmane, vit en exil depuis qu’elle a été menacée de mort par des islamistes au Bangladesh en 1994. Elle a été agressée publiquement en Inde en août dernier par des activistes musulmans et est poursuivie en justice dans ce pays pour offense à l’islam. Aux termes du Code pénal indien, elle risque jusqu’à trois ans de prison. La citoyenneté indienne a été refusée à Taslima Nasreen, qui souhaitait s’établir dans l’Etat indien du Bengale occidental. L’Alliance des femmes et sa présidente Antoinette Fouque ont déjà été entrepris des démarches en sa faveur auprès des autorités indiennes.

BHL, Flingué par Chevénement (La Montagne, 10.10.07)

BHL, flingué par Chevénement

Suite au livre critique de la gauche publié par le philosophe, Jean-Pierre

BHL. Flingué par Chevénement. Suite au livre critique de la gauche publié par le philosophe, Jean-Pierre Chevénement a estimé que « Bernard-Henri Lévy est à lui seul une métaphore de l’idéologie dominante, celle des classes dominantes, selon Marx, bref celle du capital financier globalisé : le petit télégraphiste de l’Empire ». Selon lui, BHL « ne fait aucune analyse de ce qu’on appelle la mondialisation et de ses ressorts », et n’a « aucune préoccupation d’ordre social, aucun souci de la paix entre les cultures, aucune objectivité, aucune exigence intellectuelle. Bref, rien de républicain ».

Fièvre Catarrhale 2.960 cas La fièvre catarrhale ovine continue à se propager en France, avec un total de 2.960 cas recensés, et la zone réglementée restreignant les mouvements des ruminants vivants touche désormais 54 départements. Le recensement précédent mentionnait 2.246 cas, le 28 septembre, touchant 50 départements. La FCO est une maladie virale des ruminants (ovins, bovins, caprins) non transmissible à l’homme. Selon les scientifiques, elle n’a aucune répercussion sur la qualité sanitaire de la viande.

Taslima Nasreen pour vivre en Inde L’écrivain bangladaise Taslima Nasreen, qui risque d’être expulsée d’Inde, a lancé un appel à l’aide pour pouvoir continuer à vivre dans ce pays. « Les temps sont mauvais. Je ne sais pas ce qui m’attend. Ou bien les extrémistes vont me tuer, ou bien le gouvernement indien va m’expulser », écrit Taslima Nasreen dans un message adressé, début octobre, à l’éditrice et militante féministe Antoinette Fouque. Taslima Nasreen, musulmane, vit en exil depuis qu’elle a été menacée de mort par des islamistes au Bangladesh en 1994

Taslima Nasreen dans « 20 MINUTES » le 10 octobre 2007

Source 20 minutes du 10 octobre 2007 N°1268

LES ISLAMISTES NE LAISSENT AUCUN REPIT A TASLIMA NASREEN – Menacée de mort par une fatwa depuis 1994, la romancière bangladaise pourrait être expulsée de son pays d’accueil, l’Inde, où elle est poursuivie pour offense à l’islam. P.9 –

pour nous écrire : monde@20minutes.fr

LES ISLAMISTES SUIVENT NASREEN A LA TRACE

L’écrivaine bengalaise, Taslima Nasreen a lancé un appel à l’aide.

Elle aimerait bien pouvoir s’installer quelque part. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Depuis la fatwa lancée contre elle après la publication de son premier livre Lajja (Honte) il y a treize ans, partout où elle va, l’écrivaine bangladaise Taslima Nasreen est rattrapée par les islamistes. Cette fois encore, elle risque d’être expulsée d’Inde du fait bde la pression de groupes extrémistes musulmans.

Hier, l’association française Alliance des femmes pour la Démocratie (AFD) a relayé son appel pour faire pression sur le gouvernement indien et pouvoir ainsi continuer à vivre dans ce pays. « Les temps sont mauvais. Je ne sais pas ce qui m’attend », écrit-elle dans un message adressé à la présidente de l’association, Antoinette Fouque. « L’Inde est ma seconde maison, c’est sa langue que je parle, sa culture que je partage », poursuit-elle. En 1994, Taslima Nasreen a dû laisser derrière elle son pays, le Bangladesh, sa famille et son métier de gynécologue pour échapper aux menaces de mort. Après avoir vécu en Siède, elle a décidé de s’installer en Inde où elle a demandé à être naturalisée pour vivre dans l’Etat du Bengale occidental. Mais c’était sans compter sur l’activisme islamiste qui sévit également dans ce pays. A tel point qu’après une agression dont elle a été victime en août, les autorités de New Delhi ont décidé de poursuivre l’écrivaine en justice pour offense à l’islam. Elle risque jusqu’à trois ans de prison pour « avoir attisé la discorde, la haine et la malveillance » entre groupes religieux.

Armelle Le Goff

Taslima Nasreen lance un appel à l’aide pour pouvoir vivre en Inde (dépêche AFP du 09.10.07)

Paris, 9 oct 2007 (AFP) – 09.10.2007 9 h 53 – L’écrivain bangladaise Taslima Nasreen, qui risque d’être expulsée d’Inde où elle a été menacée de mort par des islamistes, a lancé un appel à l’aide pour pouvoir continuer à vivre dans ce pays, a annoncé mardi l’association française Alliance des Femmes pour la Démocratie.

« Les temps sont mauvais. Je ne sais pas ce qui m’attend. Ou bien les extrémistes vont me tuer, ou bien le gouvernement indien va m’expulser », écrit Mme Nasreen dans un message adressé début octobre à l’éditrice et militante féministe Antoinette Fouque, cité par l’association dans un communiqué.

« Si je suis expulsée d’un pays laïque et démocratique (comme l’Inde), je ne pourrai plus jamais de ma vie aller dans un pays du sous-continent indien. Je ne peux retourner au Bangladesh. L’Inde est ma seconde maison, c’est sa langue que je parle, sa culture que je partage », poursuit-elle.

Taslima Nasreen, musulmane, vit en exil depuis qu’elle a été menacée de mort par des islamistes au Bangladesh en 1994. Elle a été agressée publiquement en Inde en août dernier par des activistes musulmans et est poursuivie en justice dans ce pays pour offense à l’islam. Aux termes du code pénal indien, elle risque jusqu’à trois ans de prison pour « avoir attisé la discorde, la haine et la malveillance » entre groupes religieux.

« Je ne peux survivre en tant qu’écrivain engagé que si je vis dans une région du monde où je me sens chez moi, où je ne suis pas considérée comme une étrangère », poursuit Mme Nasreen dans son message à Mme Fouque.

L’Alliance des Femmes pour la Démocratie rappelle dans son communiqué que la citoyenneté indienne a été refusée à Mme Nasreen, qui souhaitait s’établir dans l’Etat indien du Bengale occidental. « Taslima Nasreen doit pouvoir vivre en Inde en toute hospitalité et en toute sécurité (…) Par la mobilisation militante, médiatique et diplomatique, nous avons réussi à la sauver en 1994. Nous devons le faire aujourd’hui encore », poursuit-elle.

Des démarches en faveur de Mme Nasreen ont déjà été entreprises auprès des autorités indiennes, notamment le Parti du Congrès, présidée par Sonia Gandhi, et la présidente de l’Inde, Pratibha Patil, a précisé l’Alliance, présidée par Mme Fouque, à l’AFP. Une pétition a également été lancée.

L’écrivain a été condamnée à un an de prison dans son pays natal en 2002 pour son roman « Lajja » (« honte »), dans lequel elle décrit les persécutions perpétrées par la majorité musulmane contre la communauté hindoue.

« On dirait une ville » de Françoise Collin

POÉSIE

On dirait une ville suivi de Chronique d’un été
Françoise Collin

Office 15/11/2007

On dirait une ville, premier ensemble du recueil, est consacré à Paris : ses habitants, sa diversité, son cosmopolitisme. Description des rues, de la Seine, des personnes : Paris est une ville-monde, concentrant toutes les couleurs, toutes les lumières, toutes les musiques, toutes les nationalités, noyant les individus dans une foule turbulente…

Chronique d’un été, seconde partie du recueil, est un long poème fragmenté en poèmes courts, évocation délicate et sensible des sensations et des objets propres à l’été. Certains vers reviennent comme des refrains d’un poème à l’autre, suggérant la langueur estivale, ou le caractère immuable de ce qui peuple la saison chaude.

Au milieu d’images volontairement anodines (« les vaches ruminent », « une prune tombe »), qui suggèrent, comme la structure en refrain, la constance de ce « lot commun » des estivants, surgit la promesse d’un destin singulier : un don, offert sans avoir été souhaité : « le vœu que personne ne fit / en ta faveur / t’a rejointe » ; « pas de donateur mais seulement / en ce beau milieu d’été / un don ». Un don au milieu de l’été, un destin singulier qui se détache pour la personne à qui le poème est adressé.

Françoise Collin, philosophe féministe, écrivaine et essayiste, a fondé en 1973 les Cahiers du GRIF (Groupe de Recherches et d’Informations Féministes). Elle est l’auteure de plusieurs romans (Le jour fabuleux (1961), Rose qui peut (1963), …), et de nombreux essais (Maurice Blanchot et la question de l’écriture (1971), Le différend des sexes (1998), Parcours féministe (2005), …).

« Ma double vie » de Sarah Bernhardt, édition de Claudine Herrmann

Ma double vie
Sarah Bernhardt

Une édition de Claudine Herrmann.

Réimpression.

En coffret : 2 volumes + un cahier.

Office 15/11/2007

Parvenue au faîte de sa carrière, Sarah Bernhardt (1844-1923) décide de rédiger ses mémoires. On y découvre une femme moderne et d’une exceptionnelle indépendance d’esprit. Comédienne dont les interprétations du répertoire classique sont restées célèbres, elle crée sa propre compagnie en 1880 après avoir démissionné du Français avec éclat. Artiste aux multiples talents – écriture, peinture, sculpture – Sarah Bernhardt raconte comment elle dut s’affronter aux contradictions d’une société qui, tout en désapprouvant la liberté avec laquelle elle menait sa vie, était fascinée par ses excentricités et par son génie.

« Il me semble que le meilleur livre sur Sarah Bernhardt, c’est le sien : Ma double vie. Ce n’est pas que ces mémoires répondent à tout ce qu’on voudrait savoir : non seulement ils furent écrits en 1898 lorsque Sarah avait encore vingt-cinq ans à vivre, mais ils se taisent sur la vie privée de l’artiste. C’est pourquoi le titre est particulièrement intéressant : il fait attendre le contraire de ce qu’on y trouve et définit par là un élément important du génie de Sarah : l’inattendu. C’est pourtant le seul livre qui voie Sarah en dehors du mythe créé par elle involontairement et auquel elle ne croyait pas, le seul qui aille droit au but, qui ne se perde pas dans le rêve ou dans l’imaginaire, le seul qui ne cherche ni à charmer ni à transmettre un charme.
[…] Elle n’acceptait aucune limitation à sa liberté, mais faisant carrière comme un homme, elle refusait de n’être qu’une actrice, et, bravant parfois les moqueries, se livrait à la peinture, à la sculpture, à la littérature, révoquant ainsi l’ordre intellectuel de cette époque…
Le scandale était donc que cette femme soit libre et qu’elle soit aussi géniale, que la beauté même ne fût chez elle qu’un choix… et le scandale était aussi qu’elle fut capable d’avoir ce pouvoir de symbolisation que les hommes refusent si volontiers aux femmes. »
Claudine Herrmann

« Territoire de la lumière » de Yûko Tsushima

30596.jpgTerritoire de la lumière
Yûko Tsushima

Traduit du japonais par Anne et Cécile Sakaï.
Réimpression.

ISBN : 978-2-7210-0292-1 / 260 pages – 17 €

Office 08/11/2007

Ce « territoire de la lumière » décrit dans le premier et le dernier chapitre, c’est le petit appartement « aux lumières donnant sur les quatre côtés » et « au sol rouge flamboyant sous les rayons du soleil », loué par la narratrice pour y habiter avec sa fille lorsque son mari la quitte. Ce « territoire » est le symbole d’une indépendance douloureusement acquise.

Au fil du récit, on suit le lent apprentissage de la liberté par la jeune femme qui doit élever, seule, sa petite fille de trois ans. Une liberté qui est d’abord une détresse, accentuée par la difficulté de vivre dans une société très codifiée comme l’est la société japonaise. Détresse qui se traduit par une grande lassitude : un certain manque de volonté, un désintérêt, un découragement, et même un agacement à l’égard de sa fille dans les moments où celle-ci, justement, demande une affection dont elle manque.

La complexité de la relation mère-fille est au centre de ce roman : le risque d’un rapport fusionnel une fois que le père n’est plus là ; le risque aussi, pour la mère, de se désintéresser de sa fille une fois que celui avec qui elle a désiré l’avoir n’est plus là.

Mais, alors que ce roman pourrait être assez noir, il s’en dégage au contraire une impression d’apaisement : parce que la rêverie et l’imagination n’en sont jamais absentes, donnant à chaque événement une coloration poétique. Ainsi, une citerne bouchée sur la terrasse, qui provoque chez un voisin une inondation, et la colère de celui-ci, devient source d’émerveillement : c’est comme si la mer était soudain apparue en haut de l’immeuble : « Sur le toit qui aurait dû être complètement sec, des vagues ondulaient, scintillantes. » Angoisse et lassitude laissent toujours place à des moments de grâce : des moments de complicité retrouvée entre mère et fille, des moments, aussi, de complicité retrouvée de la narratrice avec elle-même. Ces moments se traduisent par des descriptions qui savent transformer une réalité angoissante en objet d’émerveillement, où toujours scintille la lumière.

Une fois que l’apprentissage est terminé, la narratrice peut quitter l’appartement dont la chaude lumière a su accueillir sa solitude :

« C’était l’heure où le soleil donnait à plein dans l’appartement, et la clarté rouge qui le remplissait était si vive qu’on croyait suffoquer. Comme celui dont les souvenirs se dérobent après des années d’absence, longtemps je restai debout sur le seuil, à contempler le tableau.
Il s’en dégageait une impression de calme ; tout était immobile.
Lorsque le soleil eut disparu et qu’une obscurité bleutée eut envahi les lieux, je quittai ce troisième étage et descendis dans la rue pour chercher ma fille qui jouait chez des voisins. »

Yûko Tsushima est née en 1947. Elle est la fille du célèbre romancier Osamu Dazai. Étudiante, elle publie ses premières nouvelles qui en font l’un des jeunes écrivains les plus remarquables du Japon. Elle a publié de nombreux romans et recueils de nouvelles, dont un grand nombre ont été traduits en français, parmi lesquels L’enfant de fortune (Des femmes, 1985), Au bord du fleuve de feu (Des femmes, 1987), Les marchands silencieux (Des femmes, 1988), Poursuivie par la lumière de la nuit (Des femmes, 1990), La femme qui court dans la montagne (Albin Michel, 2000)…

Elle a obtenu plusieurs prix littéraires au Japon, dont le Prix de la Littérature Féminine pour L’enfant de fortune.

« Thérèse Clerc, une Antigone aux cheveux blancs » de Danielle Michel-Chich

les-babayagas.jpgThérèse Clerc, une Antigone aux cheveux blancs (titre provisoire)
Danielle Michel-Chich

ISBN : 978-2-7210-0572-4
Environ 160 pages – 16 €

Office 29/11/2007

Danielle Michel-Chich entreprend de faire la biographie de Thérèse Clerc, célèbre militante féministe, récemment initiatrice d’un projet novateur de maison de retraite autogérée pour les femmes : la Maison des Babayagas, une sorte de colocation entre femmes, avec un projet écologique et citoyen. La première de ces maisons ouvrira à la fin de l’année 2007, et c’est notamment pour accompagner cette inauguration que paraît ce livre.

L’auteure part de cette formidable création pour parler de celle qui n’a cessé, toute sa vie, de lutter pour les droits des femmes. Thérèse Clerc, née en 1927 à Paris, issue d’une famille bourgeoise et catholique de droite, mariée à vingt ans, mère de quatre enfants, prend progressivement conscience de sa situation de dépendance et de soumission à l’égard de son mari. Cette prise de conscience est rendue possible d’abord par la découverte, dans sa paroisse, d’un catholicisme progressiste et social ; en 1968, une hospitalisation de plusieurs semaines la place dans une solitude forcée qui lui permet d’adopter une distance critique à l’égard de sa situation conjugale ; enfin, mai 68 achève sa conversion intime. En 1969, elle divorce, et « commence à vivre vraiment ».

La seconde vie de Thérèse Clerc a donc commencé en 1968. Une vie remplie de projets originaux et généreux. Participant au Mouvement de Libération de Femmes, elle devient une féministe active. Militante à la CGT et au PSU, elle fonde également un groupe de contestation féministe au sein de l’Église. Elle crée notamment à la fin des années 90 la Maison des Femmes de Montreuil, une structure destinée à aider les femmes à retrouver un rôle dans la société, en leur proposant une aide juridique, des conseils d’orientation et toutes sortes d’ateliers ; mais c’est surtout un lieu très convivial et très ouvert. Car Thérèse Clerc ne veut pas faire du « social martyre », elle préfère le « social ludique ».

Cette biographie s’appuie largement sur les récits animés, vivants et colorés de Thérèse Clerc, qui a le sens de la formule. Regard subjectif sur une femme d’exception, ce livre parvient à mettre le lecteur en présence de son objet, une présence bien vivante, et même véritablement vivifiante.

Danielle Michel-Chich est journaliste, essayiste et traductrice. Auteure d’articles et de documentaires sur la famille, l’éducation et l’école, elle a publié plusieurs essais, dont Déracinés. Les Pieds-Noirs aujourd’hui (1990), Viens chez moi, j’habite chez mes enfants (1996), et, en 2005, Réussir notre école avec Gérard Aschieri. Elle donne de nombreuses conférences sur la littérature féminine française et américaine contemporaine.

Pourquoi la non-violence n’est pas une cause perdue ? (après la révolte birmane) par Martine Gozlan (« Marianne » du 6 au 12 octobre 2007)

Grâce aux moines de Rangoon et à la captive Aung San Suu Kyi, l’opinion renoue avec Gandhi et les grandes marches pacifiques contre les tyrannies. Un espoir à l’ère des kamikazes !

Par Martine Gozlan

APRES LA REVOLTE BIRMANE, POURQUOI LA NON-VIOLENCE N’EST PAS UNE CAUSE PERDUE ?

Quel choc ! Au moment où la clique Ben Laden, Zawahiri et autres humanistes associés éructe « oeil pour oeil, dent pour dent, mort pour mort ! » sur les ondes terrifiées, une marée de robes solaires jaillit de l’Asie muette. Elle déferle, défie les moussons noires de la haine. Révolte des bonzes birmans aux mains et pieds nus, marcheurs habités par ce qu’on croyait perdu : la non-violence à l’état pur contre l’Etat sauvage. Derrière la barrière de la soldatesque, une orchidée s’incline : Aung San Suu Kyi, aussi translucide que les fleurs qui dansent sur ses cheveux, leader de l’oppposition encagée à vie, prix Nobel de toutes les paix assassinées de la planète.

Le monde frémit. Jusqu’ici, la Birmanie n’était gratifiée que d’une brève, ça et là, dans une presse occupée à 100% par les hauts faits kamikazes. Ici aussi ? Ici aussi. Va t-on se voiler la face ? Le tchador du « no future » moyen-oriental s’est abattu depuis si longtemps sur l’actualité que nous avons oublié l’oxygène. Sur une terre toute proche de celle où naquit le Bouddha, « l’Eveillé », les moines nous ont réveillés.

LES BONZES ET L’ORCHIDEE

Aung San Suu Kyi, aussi détachée d’elle-même que l’était Gandhi, pulvérise d’une voix frêle l’épaisse coque d’indifférence qui asphyxie son pays. Mais pas seulement son pays : avec les bonzes et l’orchidée, c’est la conscience universelle qui retrouve soudain la mémoire. Celle du « pouvoir des sans-pouvoirs », comme Vaclav Havel appelait la non-violence au temps de la « révolution de velours », à Prague, en novembre 1989. Celle de la « force sur la vérité » qui lança les foules indiennes sur les pas du Mahatma, jetant les fondations, malgré les futurs massacres, de la plus grande démocratie du monde. Celle des « mères de la place de Mai », naguère en Argentine, qui ont réussi à faire tournoyer dans le monde entier, avec le nom de leurs enfants disparus, la liberté captive de Buenos Aires. Elles refusaient l’amnésie, notre plus grand mal aujourd’hui.

La fresque de la non-violence est-elle en train de s’effacer, délégitimée par la théorie sauvage qui veut qu’au sang réponde le sang, du quartier à la tribu, de la tribu à l’Etat, de l’Etat à l’Etat ? Les bonzes et l’orchidée ne sont-ils qu’une survivance locale et sublime d’un passé dépassé ? Ou au contraire, dans leur dépouillement lumineux, le symbole d’une rébellion sans armes et sans âge qui parle à tous les coeurs ?

Aung Ko, dissident birman en exil, en résume l’impact, bien au-delà des pagodes assiégées de Rangoon : « Deux choses coexistent en l’homme : l’individuel et l’universel. Tout le problème est de savoir quel côté va vaincre. »

Comme Gandhi, qui avait tiré un trait sur sa vie personnelle, Aung San Suu Kyi a choisi de faire taire en elle l’individuel. Captive depuis dix-huit ans, elle a toujours refusé l’exil, même pour assister dans ses derniers moments son mari anglais, Michael Aris, mort en 1999. Elle savait qu’elle ne pourrait jamais revenir dans son pays. De la démocratie volée au peuple en 1988, lors des élections qu’avait remportées son parti, la dame de Rangoon entend rester le symbole, la permanence.

Aung San Suu Kyi est à la fois immobiolité et mouvement, comme le montrent ses rares interviews. Le corps bouge peu, les lèvres articulent doucement mais les mots s’envolent, colombes indociles. Une gestuelle aussi éloignée de celle à laquelle nous ont habitués, partout, les hommes et les femmes de pouvoir que la marche des bonzes l’est d’une manifestation à Gaza ! Cet étang lisse est en réalité un océan de résistance. Car « la non-violence, explique l’historien Jacques Sémelin, n’est pas une non-force, une passivité, une résignation. Ce n’est pas non plus le pacifisme. C’est un combat ». (« La non-violence expliquée à mes filles », Le Seuil)

De ce combat, Aung San Suu Kyi a dit qu’il était d’abord dirigé contre la peur. « Un peuple assujetti à une loi de fer et conditionné par la crainte a bien du mal à se libérer des souillures débilitantes de la peur. Mais aucune machinerie d’Etat, fût-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de resurgir encore et toujours, car la peur n’est pas l’état naturel de l’individu civilisé », écrit-elle dans son autobiographie (« Se libérer de la peur », éditions Des femmes, 2004).

Faisant taire leur peur, les moines, suivis par le peuple, ont affronté l’armée birmane. Feu à volonté. Le nombre de morts est toujours inconnu et les moines ont été arrêtés. Le tir qui a fait le tour du monde est celui qui a frappé en plein coeur le journaliste japonais Kenji Nagai, abattu de sang-froid par le troufion qui l’avait jeté au sol avec sa caméra. Existe t-il des êtres plus désarmés sur la Terre que des bonzes, une orchidée et un journaliste ? Leur non-violence est-elle une cause perdue ?

CELA S’APPELLE L’ESPOIR

Si elle l’était, l’émissaire de l’ONU ne se serait pas rendu en Birmanie et personne ne préparerait de sanctions contre les bouddhistes en képi qui fusillent leur clergé aux pieds nus (lire ci-contre l’article d’Alain Léauthier). Si plus personne ne croyait qu’une marche pacifique peut changer le monde, il n’y aurait pas eu, en 2004, une « révolution orange » à l’Est, en Ukraine, même si ses principes furent ensuite détournés par certains de ses leaders. L’opposition russe à Poutine n’aurait pas lancé, depuis décembre 2006, des « marches du désaccord » dans la plupart des grandes villes, suivies par des milliers de manifestants malgré la menace de la répression. C’est au cours de l’une de ces démonstrations, le 14 avril dernier, que l’ex-champion d’échecs Gary Kasparov, l’âme des rassemblements, a été arrêtés devant les caméras. Une caméra, c’est important : celle du journaliste japonais à Rangoon lui a coûté la vie.

LES GENERAUX, QUI EXERCENT UNE IMPITOYABLE CENSURE, MISENT SUR LE RETOUR DE LA LOI DU SILENCE. POUR UN TEMPS…

Les généraux qui ont déconnecté la Birmanie de tous les accès à Internet misent une fois de plus sur le retour de la loi du silence. Sans médiatisation, vaincre la non-violence n’est plus qu’un jeu d’enfant sadique. Pour un temps. Car les images de Rangoon, même figées aujourd’hui par la censure, dans les rues maintenant désertes, nous ont permis de renouer – liste non exhaustive – avec Gandhi, Martin Luther King, Sakharov, Rigoberta Menchu. Bref avec tous ceux qui ont voulu rompre l’enchaînement sans fin du mensonge et de la violence. C’est très beau et moins rare qu’on veut nous le faire croire. Cela s’appelle l’espoir.

Martine Gozlan

Illustration : Photo Rangoon le 23 septembre

Derrière les soldats birmans, le prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, assignée à résidence depuis dix-huit ans, apparaît à la porte de sa demeure pour manifester son soutien au mouvement de protestation des bonzes contre la junte militaire.