Pour télécharger la version PDF de l’argumentaire d’ Agnus Dei, merci de cliquer ICI
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Guilaine Depis, attachée de presse (Balustrade)
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Réécoutez et revoir l’émission de 20 minutes TV avec Benjamin Stevens sur la méthode APILI ICI https://www.20minutes.tv/video/salut-ile-de-france-les-nouvelles-methodes-dapprentissage-scolaire/
20 MINUTES TV
La rentrée n’est pas encore très loin
Quelle est la bonne méthode pour son enfant, pour apprendre à lire ou à compter… en dépassant les difficultés?
Félicité a interrogé Benjamin Stevens orthophoniste et Agata Siwakowska
FIGAROVOX/TRIBUNE – Dans Doper son esprit critique, Emmanuel-Juste Duits invite à dépasser notre confort intellectuel. Le critique littéraire Étienne Ruhaud l’a lu. Selon lui, il faut multiplier les grilles de lecture en diversifiant ses sources pour éviter le «biais de confirmation».
Étienne Ruhaud est critique littéraire et directeur de collection aux éditions Unicité.
Doper son esprit critique… Essai au titre programmatique, le nouveau livre d’Emmanuel-Juste Duits, cofondateur du site Wikidébats, nous invite à dépasser notre confort intellectuel, nos certitudes, et définit ce qui pourrait être le fondement d’un authentique esprit d’ouverture, et ce au cœur d’un monde complexe, mondialisé, multiculturel, où chacun semble se replier sur ses valeurs. Soucieux d’éviter le double écueil du relativisme, comme de l’idéologisme et de l’enfermement, l’homme-réseau défini par l’auteur devrait ainsi pouvoir réellement dialoguer, au sens socratique du terme. Pour ce faire, plusieurs pistes sont envisagées: cela passerait à la fois par une nouvelle approche de l’information, du principe même du débat, mais aussi par une autre façon d’envisager l’école, entre autres.
Phénomène récent, postérieur aux années 1980, la mondialisation créée une société complexe, où se croisent plusieurs groupes ethniques et sociaux, aux valeurs différentes, ce qui peut générer un stress constant. Aujourd’hui, l’Occidental moyen peut choisir divers systèmes de valeurs, somme toute très différents. Certains sont tentés, dès lors, par le repli sur soi, sur des valeurs anciennes ou sur le communautarisme, quand d’autres se lancent dans une course sans fin à la consommation. Le philosophe propose, lui, un changement de paradigme, en commençant par renoncer aux anciennes idéologies, qui ont échoué (particulièrement dans le cas du communisme), pour inventer quelque chose d’autre, sans pour autant sombrer dans le relativisme.
Le point de départ consisterait à accepter la nature multiculturelle de notre société, afin d’éviter tout affrontement communautaire et de réinventer un mode de vie enthousiasmant. Il ne s’agirait pas de choisir nécessairement tel ou tel système de pensée, ni de tout mélanger en un syncrétisme finalement peu opérant, mais bien d’adopter des «actions adaptées à un monde mouvant et complexe» (p. 17), afin notamment de pouvoir vivre ensemble de manière harmonieuse. Le but du philosophe semble donc ambitieux, peut-être à ranger dans la catégorie des utopies, comme il l’admet fort bien lui-même.
Face au monde «mouvant et complexe» (p. 17), il nous faut mener, de front, une «révolution intérieure» et extérieure, afin de muer en ce que Emmanuel-Juste Duits appelle un «homme réseau», soit un homme capable d’aborder la complexité du monde afin de devenir citoyen, au sens noble et entier du terme. Offrant apparemment une multiplicité de points de vue, de perspectives et d’idéologies, la mondialisation aboutit paradoxalement à une forme d’uniformisation, essentiellement sur le modèle américain. Nous ne sommes pas dans le spectre de l’arc-en-ciel, mais bien plutôt dans une sorte de grisé, comme si toutes les couleurs, en se confondant, perdaient leur caractère propre. Cela semble effectivement contradictoire.
En premier lieu, face aux multiples modes de vie proposés (hindouisme, église de Jéhovah, etc.), quel choix opérer? Tous les gourous semblent se valoir, car tous paraissent au moins aussi convaincus, et donc convaincants. Le syncrétisme, qui amène au relativisme, est généralement impossible. On ne peut adopter deux modes de pensée qui s’annulent l’un l’autre, sauf à être divisé: devenir par exemple chrétien et communiste, ou musulman et bouddhiste. Nombreux sont ceux qui préfèrent rester dans leurs certitudes, ce qui aboutit à la rigidification, et donc au conflit plus ou moins larvé.
Étrangement, nous n’avons pourtant jamais eu accès à autant d’informations. Nous sommes littéralement bombardés de news. Pourtant, cet excès ne mène pas à l’ouverture, car chacun choisira sa chaîne, ou son journal, en fonction de ses opinions préétablies, du biais de confirmation. Bien des éléments intéressants ne sont pas transmis à la majorité car ils se trouvent sur des sites partisans, et les grands médias eux-mêmes participent de la désinformation, en ne mentionnant pas certains aspects du réel. Dans l’idéal, il faudrait consulter les sites dits extrémistes, sinon conspirationnistes, pour entendre justement un autre son de cloche, et se faire une opinion personnelle. La chose semble nécessaire, notamment en ce qui concerne les élites, généralement déconnectées des attentes et des préoccupations des milieux populaires, devenus inaccessibles.
La société ne s’en trouve ainsi que davantage fragmentée. Emmanuel-Juste Duits parle de «plurivers». Un cadre croisera un jeune de cité à Châtelet, mais n’aura absolument pas les mêmes préoccupations que lui, ni le même regard sur le monde. Et finalement les gens finissent par s’observer avec hostilité.
L’opinion est largement fabriquée par l’information. Un média de gauche rendra ainsi la révolution cubaine et la figure de Che Guevara sympathiques, quand un média de droite les rendra horribles. Il faut également prendre en compte le moment: être communiste avant la chute de l’URSS apparaissait comme une forme d’humanisme. On constate enfin que beaucoup s’engagent dans une cause qu’ils estiment juste, précisément par manque d’informations. De fait, il faut essayer de comprendre le cheminement intellectuel de mon interlocuteur, même si nous ne partageons pas les mêmes options, et donc apprendre à penser la complexité.
Pareille activité suppose aussi de confronter ses propres idées au réel, sachant que nous pratiquons tous l’activité prédictive, c’est-à-dire que nous cherchons finalement confirmation de nos présupposés à travers l’information que nous choisissons. Or, accéder à la vérité suppose de s’informer à des sources diverses, soit d’écouter plusieurs vérités, de décloisonner. Mais comment savoir qui écouter? A priori, pour savoir si quelque chose est vrai, ou juste, il suffirait de définir quel est l’effet escompté, et si les éléments soumis permettent de parvenir à ce même effet. Dans les faits, rien n’est si simple. On peut d’ores et déjà établir que certaines informations, ou certaines «grandes vérités» assénées ne sont pas recevables, dans la mesure où elles sont par trop incompatibles avec les faits établis, qu’elles présentent trop d’échecs dans leurs prédictions mêmes, et qu’enfin elles manquent de cohérence interne.
Une nouvelle difficulté apparaît cependant. L’épistémologue Paul Feyerabend démontre que l’expérience concrète ne permet pas toujours de contredire telle ou telle assertion. Ainsi, la théorie de l’évolution fut longtemps considérée comme antichrétienne car elle détruisait le mythe créationniste. Pourtant, Teilhard de Chardin a su relier les thèses darwiniennes au christianisme, et ainsi même à démontrer l’existence de Dieu.
On constate également que la plupart des idéologies balaient les éléments contrariants, en les qualifiant souvent de fake news, et donc en les disqualifiant. Karl Popper parle de «système clos» et de diversion. Face à une contradiction, un marxiste accusera ainsi son interlocuteur d’être un petit-bourgeois ou un fasciste, et donc ne lui répondra pas sur le fond. «On peut toujours s’arranger pour garder ses croyances, quels que soient les faits», déclare ainsi Emmanuel-Juste Duits (p. 69). Tel est le fondement du totalitarisme.
Dans une démocratie idéale, au contraire, il faut multiplier les grilles de lecture en s’abreuvant à des sources qui nous paraissent incongrues. Cela ne signifie pas d’admettre n’importe quoi, mais d’examiner honnêtement toutes les propositions. La tâche semble immense. Feyerabend parle d’un «océan toujours plus vaste d’alternatives mutuellement incompatibles» (p. 71). C’est en observant et en soupesant des points de vue parfois inconciliables que nous accéderons à une meilleure conscience, et donc deviendrons de meilleurs citoyens.
Cela suppose aussi de dépasser trois attitudes néfastes:
– Le sophisme, qui consiste à tout justifier par le mensonge, la mauvaise foi, soit une posture que dénonçait déjà Socrate.
– Le dogmatisme, soit un mode de pensée fermé sur lui-même, totalement imperméable à la contradiction.
– Le scepticisme, qui mène au relativisme absolu. Rien ne serait vrai, et donc on ne peut rien affirmer.
Construire une pensée complexe et adaptée exige également de se départir de trois approches:
– Celle de certains scientifiques, qui estiment toutes les vérités provisoires, et qui ne peuvent donc rien affirmer de solide et de tangible.
– Celle du philosophe qui refuse l’expérience sensible et qui se base sur la pure logique sans vouloir jamais vérifier les faits de façon sensible et concrète, ce qui aboutit à des incohérences, et donc sur une inadaptation avec le monde.
– Celle du mystique qui renonce à la connaissance pour se réfugier dans une sorte de révélation, qui est aussi une fuite hors du réel.
Si nous ne pouvons changer entièrement le monde, il nous appartient en revanche d’en modifier certains aspects, par une série de «révolutions minuscules». Jamais effectivement nous n’avons bénéficié d’autant de temps libre. Jamais non plus nous n’avons pu à ce point nous saisir de l’outil Internet, ce qui nous permet de définir un autre type de pouvoir, non contrôlé par les instances étatiques. Hélas trop de gens ont tendance à se perdre sur la toile, ce qui impliquerait de créer justement des sites fonctionnant tels des réseaux.
L’éclatement de la connaissance et sa parcellisation ne menacent pas seulement le champ social, mais également le champ scientifique. De plus en plus spécialisé, séparé en différentes branches, le savoir se divise en de multiples champs qui ne communiquent pas entre eux, ce qui aboutit souvent à des erreurs liées au manque de communication. Ces erreurs génèrent de la technocratie (ainsi, les architectes et les urbanistes ont-ils construit, à partir des années 1960, de grands ensembles urbains sans consulter les habitants, les artistes, les travailleurs sociaux…). Pour aboutir à une authentique démocratie participative, il conviendrait donc de briser les bulles informationnelles en faisant communiquer les différents acteurs, sans pour autant écouter tout et n’importe quoi, en particulier les fake news qui mènent au populisme. Il s’agirait d’aller au-delà des clivages politiques pour aboutir à ce qu’Emmanuel-Juste Duits appelle de ses vœux: la constitution d’authentiques états généraux d’initiative populaire, pour des résolutions concrètes.
Cette communication trouverait son point d’aboutissement dans un ambitieux (et utopique) projet: le «Jardin des Possibles». Porté par Paul Faure, ce nouveau concept devrait réunir des minigroupes autogérés, réunis autour d’un intérêt commun (comme l’agriculture biologique ou la religion). Ces différents groupes se donneraient pour mission de se confronter à des contradicteurs réels, d’écouter tous les points de vue, puis de livrer leurs conclusions aux autres minigroupes, afin de faire circuler l’information et de toujours se remettre en cause. On objectera que pareil dessein n’aurait pour résultat que la rencontre de quelques idéalistes, que cela n’aurait aucun impact. Ce à quoi on répondra que cet espace de réflexion accompagnerait l’émergence de nouvelles idées, et donc de nouvelles décisions, y compris sur le plan politique global. Dès lors, la constitution d’un «jardin des possibles» serait complétée par le réseau «Connexions», présentant les conclusions des minigroupes et confrontant une nouvelle fois les contraintes, dans un état d’esprit d’ouverture maximale.
L’objectif demeure de penser collectivement, en utilisant différemment Internet. Dans ce domaine, il manque effectivement un espace commun, et le foisonnement même de la toile ressemble à un marécage où l’on se perd rapidement. Généralement, les internautes cherchent d’ailleurs un biais de confirmation, soit des éléments les confortant dans leur propre vision préétablie. Ce pour quoi il paraît nécessaire de concevoir les IRP (Instituts de Recherche Philosophique), d’après l’idée du penseur Christian Camus. Ces IRP seraient des espaces de débats illimités. Chaque partisan d’un point de vue particulier pourrait désigner ses propres délégués. Dans le même temps, une commission d’éthique veillerait à bannir les injures et autres diatribes haineuses. Chaque citoyen, en participant à ces forums, se sentirait ainsi membre d’une démocratie représentative au sens strict. Ce type de projet a déjà trouvé une forme d’aboutissement à travers «Wikidébats», site inspiré par Wikipédia, encyclopédie libre et participative. Comme les IRP, «Wikidébats» propose une sorte de synthèse collective et dynamique. Emmanuel-Juste Duits a participé à l’élaboration de ce site.
Comme nous l’avons souligné en introduction, la société cosmopolite actuelle peut mener à des conflits si rien n’est entrepris pour apaiser les relations entre les communautés. Milieu souvent fermé, tourné vers le savoir pur et non vers l’entreprise dans le secondaire, l’école est en outre sectorisée, puisque les différentes orientations (scientifiques, littéraires, économiques…) ne communiquent pas assez entre elles. Il conviendrait, dans un premier temps, de systématiser les rencontres à l’extérieur (avec des associations, dans les musées, etc.). Il conviendrait ensuite de favoriser un dialogue entre les diverses croyances (en visitant une mosquée, puis une synagogue, puis une église et/ou un temple bouddhiste par exemple). On repenserait dès lors la laïcité. Celle-ci comporte un aspect austère (le fait d’interdire les symboles religieux), mais aussi un aspect joyeux (aller à la rencontre de l’autre, et donc s’enrichir). On introduirait en outre la pratique philosophique dès l’école primaire, sans imposer des schémas de pensée préétablis.
Parvenus à l’âge adulte, les citoyens devraient redéfinir la base même du dialogue, en exposant d’abord ce qui les pousse à penser ainsi (un militant vegan admettrait ainsi être devenu vegan après avoir vu des animaux souffrir en abattoir). Nous verrions ainsi que rien n’est totalement objectif dans un point de vue, mais que beaucoup relève en fait de l’expérience personnelle, plus ou moins douloureuse. Les acquis de la PNL (Programmation neurolinguistique) seraient appliqués au dialogue même. On envisagerait enfin une authentique formation complète au «sens critique», formation qui s’appuierait sur les sciences humaines, et plus particulièrement sur la psychanalyse, la psychologie sociale, l’épistémologie, l’étude du sens hypercritique, l’étude des médias.
Cette approche «ouverte» permettrait donc de dépasser l’idéologie dure et sectaire, et le relativisme, pour un renouveau qui nous permettrait de vivre en harmonie et de fonder les bases d’une authentique démocratie représentative. Le pari semble considérable.
Dès l’introduction, Emmanuel-Juste Duits admet l’aspect utopique de son livre. On pourra effectivement reprocher au philosophe une trop grande ambition, ainsi qu’un certain irénisme. Les vastes projets définis semblent difficiles à réaliser, nonobstant les fiches «pratiques» établies par l’auteur à la fin du volume. De surcroît, on peut se sentir parfois perdu, à la lecture de Doper son esprit critique, tant les propositions abondent, tant les champs abordés semblent infinis. Il faudrait sans doute plusieurs tomes pour définir précisément les aspirations concrètes d’Emmanuel-Juste Duits. On saluera toutefois l’audace du penseur, qui tente de rétablir la pratique d’un authentique esprit critique, dans la continuité des Lumières. Certaines propositions ici émises méritent d’être donc pleinement étudiées, sinon appliquées, afin de redéfinir le sens du forum et de la discussion, si capital pour la vie de la cité.
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Ne pas idéaliser ce nouvel environnement. Ce sera du temps gagné ensuite et cela vous permettra d’ éviter de tomber dans la désillusion ! Ne pas lâcher toutes ses cartes d’entrée de jeu mais plutôt observer en silence ce qui se dit entre les portes. Sentir la culture d’entreprise, ses codes etc…. MAIS SURTOUT : Cultiver sa différence ! Éviter à tout prix de jouer au mouton suiveur qui veut rester à distance ! Ça ne marche plus la stratégie du caméléon
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Les impliqués Éditeur nous donne la chance de lire Souviens-toi de moi dans les ténèbres, de Paul Gineste, alors saisissons-là ! Le récit biographique, voire généalogique, du psychiatre bien connu pour avoir écrit Victor de l’Aveyron, premier enfant sauvage, premier enfant fou (Paris, Le Sycomore, 1981) relate « la recherche de l’histoire militaire » de son père mort en Indochine, désertant ainsi la mémoire d’un fils meurtri par le deuil et les négligences d’une mère psychotique qui ne cesse de réactualiser l’abandon. Par Margaux Catalayoud.
L’histoire de l’auteur est une enquête, l’inverse coule de source mais en ce qui concerne Thierry Gineste, caractériser son destin comme celui d’une enquête (ou requête) est plus opérant et redonne tout son sens à l’étymologie d’’’histoire’’ : il est à tu et à toi avec tous les abandonnés du monde, Victor de l’Aveyron en premier lieu, mais aussi son dernier patient par exemple, dont il conte la rencontre dans l’épilogue par lequel se termine le présent ouvrage.
Vous commencez par la fin me direz-vous ! Oui, mais la douleur de l’abandon en partage, du manque et de l’absence, il se trouve que Thierry Gineste aura été guidé par cette sympathie inhérente à son caractère qui lui a sauvé la vie – le soin et la recherche ont sauvegardé son être.
Le savoir – médical ou historique – tient le rôle de racines dans la trajectoire personnelle de l’auteur qui se « sentai[t] de nulle part ». L’excellence de ses études ou de ses livres sont autant de tentatives de réparation ; l’obstination est à la mesure du désespoir dont il a dû s’extraire, lui qui fut prisonnier du pensionnat de ses 6 à 18 ans et d’un besoin d’amour maternel toujours dénié.
« De quelle plainte serais-je légitime ? » se demande-t-il, héritier d’un père mort pour la France, d’un héros pourtant inconnu au bataillon, il a « tendu sur la vérité de [sa] vie aux couleurs de la mort les teintes artificielles d’une thanatopraxie ». En s’attelant au travail d’historien pour qui les archives sont l’argile du potier, il a accepté de se rendre compte que l’Histoire, la grande, avait englouti son histoire.
Quel drame de ne connaître que les faits militaires d’un père dont on veut connaître la chaleur des mains ou la bonté du regard… Quelle grandeur de l’écrire, cette quête impossible, de rendre palpable l’indicible, et de nous livrer un témoignage historique par-delà la difficile aventure de l’existence.
La plume de Thierry Gineste rend grâce à son discours : il est riche, précis, logique, jamais lourd et n’accepte aucune compromission avec le réel. La douleur de petit garçon est matinée du recul d’un homme désormais mûr, la dignité remplace l’éventuelle pathétisme, préférant parfois la neutralité, des descriptions minutieuses s’allient aux métaphores, lesquelles révèlent délicatement tel ou tel traumatisme comme celle-ci : « Depuis la fureur de ces jours, mes heures n’ont plus jamais dansé avec le temps. » qui nous apprend que la liaison homosexuelle de sa mère a tué en lui la possibilité d’un répit.
Sa capacité à survivre tient à ce que l’écrivain ne cède jamais au déni, à l’oubli factice, ou la guérison simulée, il accepte qu’il hurle à travers le silence, en un continuel apprentissage de la douleur. La littérature a été une façon d’apprivoiser cette douleur d’être, le lecteur est devenu un auteur proustien : images et souvenirs valsent (à défaut de valser lui-même) au rythme d’une musicalité certaine. La mémoire affective est tout ce qui lui reste, la clamer le rend vivant.
In fine, Souviens-toi de moi dans les ténèbres suit la poésie de Claudel à qui Thierry Gineste emprunte la citation éponyme dans son Partage de midi, drame dans lequel on apprend que la mort dans la passion n’est peut-être pas inéluctable : elle peut se substituer à la mélancolie que Freud considéra comme une névrose narcissique.
Il existe deux périodes de bonnes résolutions dans le calendrier. Celle où l’on engage le souhait d’un renouveau en début d’année, lorsque toutes les promesses semblent répondre aux plus merveilleux espoirs, et celle davantage professionnelle que l’on s’impose après les vacances, à la rentrée de septembre. Cette dernière pousse souvent à des achats compulsif – livres et autres méthodes – propres au cheminement de la transformation envisagée. Mais quels ouvrages choisir ? Pourquoi celui-ci plutôt que celui-là ? Entrepreneurs… Citoyens engagés… Décideurs… Et même rêveurs… Partir de ce soi pour changer le monde, s’adresse aux personnes désireuses d’une métamorphose personnelle sans savoir par où commencer.
Le canevas d’une vie
Nombreuses sont les méthodes de développement personnel. Il y a celle au nom exotique de Ho’Oponopono qui aide à lâcher prise pour élaguer ses souffrances ; elle nous vient tout droit d’une tradition spirituelle de repentir hawaïen. Également celle de la Psychologie positive (ne pas confondre avec la Pensée positive) qui propose de nous faciliter la vie ; sorte de vision du monde invitant à modifier notre conduite face à telle ou telle situation. Poursuivons avec, cette fois, la Pensée positive, plus connue son le nom de Méthode Coué en autosuggestion constructive : tout va bien, je vais bien. Citons encore le Plan de développement personnel ; il favorise nos agissements selon un processus basé sur la réflexion, la prise de conscience et une mise en place d’objectifs suivant une planification stricte.
Et puis, nous avons Partir de soi pour changer le monde, dans laquelle Dominique Vian et Quentin Tousart proposent de devenir « créateur de changements » à sa propre échelle. La vôtre. La mienne. Celle de toute le monde. Leur livre engage avant tout une réflexion relative aux conjonctures professionnelles, avec toutefois la possibilité d’y voir un calque à poser sur la vie quotidienne, tel un canevas dont chacun aura pour tâche le choix des fils et des couleurs afin de l’ouvrager au plus beau. Il n’est pas question d’en dévoiler ici le contenu exhaustif, juste de reprendre quelques-unes des interrogations dont, bien entendu, les réponses sont à découvrir au cours d’une lecture exaltante. Par exemple, faut-il être riche pour être heureux ? Non, bien entendu. Il est, en revanche, possible d’imaginer que l’épanouissement puisse venir d’une sécurité financière… Ou encore, quels sont les talents de chacun ? Un individu en possède en général cinq à six ; toutes les autres qualités doivent être envisagées comme des moyens… Etc.
De la philosophie à la méthodologie
Partir de soi pour changer le monde échafaude des solutions au long-cours d’un cheminement professionnel, mais la méthode propose aussi (et surtout) des entre-lignes dont le fil rouge subodore la perfectibilité de l’être humain ; ainsi, chacun peut-il se donner la chance de parvenir au but choisi en étant honnête avec lui-même, c’est à dire en acceptant d’être vulnérable, précisément pour mieux lutter contre cette vulnérabilité afin qu’elle ne reste pas un banal handicap. Par exemple, l’un des chapitres du livre s’intéresse à la manière d’aborder les problèmes afin de saisir à bras le corps quelques bonnes résolutions pour y faire face. Notons deux types de problèmes : complexes ou simples. La stratégie pour les solutionner impose de savoir adapter la méthode à la nature du dit-problème. L’approche pour résoudre une problématique simple est toujours cartésienne puisqu’elle prend en compte des éléments connus (simples), alors que les entours de la complexité ne facilitent en rien la recherche d’une résolution idéale, car elle n’existe pas. L’explication complète se trouve page 46. Elle est passionnante. À la fois philosophique, stratégique et méthodologique.
Une existence collective
La réussite parfaite n’existe pas. Ouvrir une méthode avec l’idée que quelque chose « cloche » en soi et qu’il faudra travailler dur afin d’y remédier, n’est pas toujours La solution. Il est au contraire essentiel de savoir s’accepter tel que l’on est. La recherche de l’exploit continuel peut être dangereuse pour les personnes vulnérables ; ce que résume les auteurs en fin d’ouvrage sous cette forme paraphrasée : Ce n’est pas seulement nous OU les autres, mais nous ET les autres. L’existence devient alors collective. C’est cela, « se comporter en leader coopératif dans un cadre professionnel », mais aussi dans la vie quotidienne. En d’autres termes, Partir de soi pour changer le monde se propose d’être la méthode la plus adaptée à notre rentrée de septembre. Libre à chacun…
Romain d’H. LAND
© Septembre 2023 – Bretagne Actuelle
Partir de soi pour changer le monde, un livre de Dominique Vian et Quentin Tousart aux éditions Effectual Impact, 134 pages – 12,99€
Accessible sur Amazon et sur le site Effectual Impact
par Margaux Catalayoud
dans Souffle inédit
Par Margaux Catalayoud
Que les Éditions de la Zitourme soient remerciées pour leur première publication – il n’y en aura qu’une tous les neuf mois, le temps qu’un bébé grandisse – : La cuisine des âmes nues, Recettes et nouvelles de Yezza Mehira. Le ton est donné par la maison d’édition, il s’agira de patienter, de savourer les mets, délices pour la bouche et le cœur de cette autrice qui fait son miel de l’intimité des femmes, de celles qui tournoient en cuisine.
Chaque recette de cuisine est reliée à une nouvelle, et dans chaque nouvelle émerge ça et là l’histoire de cette recette telle un indice sur la vie des personnages, une entrée dans leur charme de femmes fait de détails et d’observations délicates. Les lecteurs et lectrices se surprendront probablement à apprécier la poésie des recettes, le rythme des impératifs et les sonorités amusantes des divers ustensiles. L’autrice donne à entendre la petite musique du Cake d’amour que Michel Legrand inventa pour le film de Jacques Demy, Peau d’âne. Les protagonistes du livre seraient au moins aussi belles que Catherine Deneuve. Au fond, la forme questionne l’art, à quels mots peut-on refuser ce qui fait littérature ? Cet art du banal nous apprend à regarder, à lire, à écouter et à sourire. La littérarité du quotidien et de la nécessité des recettes engage le décorum des nouvelles sur la voie de la modestie, modestie et lucidité des femmes, modestie et précarité des ménages. La beauté des mots en version originale tels que « fifla », « gozo » ou « fenkata » sont autant de realia qui enchantent les oreilles curieuses.
A l’origine de ces multiples récits : le voyage en méditerranée de Yezza Mehira. Elle s’est immiscée par la porte de la cuisine dans des cœurs de femmes venant de Tunisie, du Liban, d’Egypte, en somme d’un ailleurs aux saveurs orientales qui ravira les nostalgiques de l’orientalisme, quoiqu’ici, les couleurs sont authentiques et dures. De fait, il est notamment question de mariage forcé, de guerre, de refus du rôle de la femme au foyer. Les femmes tentent de modeler leur quotidien selon la tradition, avec ceci en plus de ladite tradition qu’elles veulent du plaisir, souvent leur propre chair communie avec celle qu’elles préparent pour elles seules ou un foyer. Elles apprennent à faire le jeu de la féminité et même à être une « salope » si bon leur semble. L’écriture, malgré la complexité des situations évoquées, se veut naïve, au sens littéraire, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup de candeur, laquelle est empruntée à quelques femmes pleines de dignité dont l’autrice trace un portrait détourné. D’ailleurs, certaines lignes sonnent comme un dialogue dont on peine à imaginer la subtilité de l’interlocuctrice-narratrice qui écrit cependant à la première personne. Les confidences apparaissent naturelles et simples, de celles qui content un passé qui les ont façonnées en stoïciennes, entre autres choses.
Les scènes quotidiennes qui découlent sur les grands bonheurs et grands malheurs des femmes donnent l’espace à l’autrice d’y développer toute leur sensualité qui émane de leur proximité. La question de l’écriture féminine ne fait pas de doute : aucune sorte de male gaze ne point. Tout devient comestible et désirable ; une femme ressent ceci « Et c’est comme ça que j’ai eu l’idée de mes recettes intimes. Des petits amuses-bouches raffinés à mélanger avec notre amour. Et quand tout s’est arrêté, j’ai commencé ma troisième vie de femme, avec la satisfaction d’en avoir été une. » Une autre raconte une séance masturbatoire qui n’excitera pas le ou la potentiel.le libineux.se. La femme est multiple, mouvante, tout le contraire du mystère féminin perpétuellement évanescent, elles cherchent à se saisir certes, mais l’acuité qui les gouverne les responsabilise. Les héroïnes comme en elles-mêmes sont juste douées pour la vie. Elles ont du goût, veulent leurs goûts. C’est peut-être cette force qui échappe aux hommes.
Sylvie Largeaud, agrégée d’anglais et enseignante-chercheure à l’université de Polynésie Française, nous livre avec son roman “Koeur” une déclamation poétique d’une beauté brute et troublante, qui explore les fissures des identités, les héritages complexes du colonialisme et les aspirations de l’âme humaine en quête d’appartenance.
L’héroïne, Sandrèle, fusionne avec sa terre natale, le Sénégal, dévoilant ainsi son amour passionné pour cette contrée aux multiples visages.
Cependant, ce périple révèle également la douloureuse confrontation de Sandrèle avec les collisions culturelles et les stigmates de l’esclavage et de la colonisation. En s’éloignant de son pays natal pour la France, elle découvre un monde qui lui est étranger et une solitude profonde. « Koeur » trouve des échos dans les travaux de Frantz Fanon, sociologue et philosophe anticolonialiste. Les confrontations culturelles et les blessures coloniales que Sandrèle expérimente rappellent les concepts de la « décolonisation de l’esprit » et de la « conscience coloniale » chers à Fanon et que l’on retrouve dans son ouvrage majeur : « Les Damnés de la Terre ». Concernant le premier concept Fanon s’en exprime ainsi dans son monument littéraire : « Il faut que les colonisés, dans leur combat contre l’ennemi, à chaque étape, à chaque échelon, à chaque victoire, avancent avec ce cri terrifiant : ‘Que crève le colonialisme !’” et continue sur le concept de la « conscience coloniale » en écrivant : « Le monde colonial est un monde compartimenté. Les colonies sont des créations européennes… »
La quête d’identité et d’appartenance de l’héroïne s’inscrit intrinsèquement dans le contexte historique plus large des luttes pour la décolonisation de l’Afrique. Ici, le roman transcende le récit individuel pour sonder les questions plus vastes de l’identité, de l’intégration et de l’appartenance.
L’écriture poétique et rythmée du roman « Koeur » fait également écho aux travaux d’Aimé Césaire, poète et écrivain martiniquais associé au mouvement de la négritude. La passion avec laquelle Sandrèle exprime son amour pour le Sénégal rappelle les élans poétiques de Césaire envers ses origines :« Cahier d’un retour au pays natal ». Les références à la négritude sont délibérées, substituant la “blanchitude” à la négritude, ce qui met en relief les enjeux de l’identité et de l’appartenance.
L’inversion audacieuse du racisme qui prévaut en France et l’utilisation du concept de « négatif photo » donnent au roman une profondeur philosophique, questionnant les notions d’identité et de nation. Les confrontations culturelles et les questions d’identité dans le roman peuvent être analysées à travers le prisme des travaux d’Edward Said sur l’orientalisme et le postcolonialisme. Les interactions entre Sandrèle et les habitants du Sénégal et de la France mettent en lumière les représentations et les stéréotypes culturels qui influencent les perceptions des uns envers les autres. En tant qu’auteure spécialisée dans les études post-coloniales, Sylvie Largeaud fait preuve d’une sensibilité exceptionnelle pour déconstruire les strates complexes de la réalité postcoloniale et pour jeter un éclairage cru sur les rapports entre la « blanchitude » et la nation africaine.
Le concept de “troisième espace” développé par Homi K. Bhabha dans son ouvrage intitulé Les lieux de la culture : une théorie postcoloniale trouve une résonance dans le roman « Koeur » de Sylvie Largeaud.
Les collisions culturelles auxquelles l’héroïne est confrontée témoignent des espaces intermédiaires où les identités se rencontrent et se construisent. Bhabha souligne comment ces espaces ambigus peuvent être des lieux de résistance et de négociation, ce que reflète les expériences de la protagoniste au fil de la narration.
Le style narratif du roman, guide le lecteur à travers les émotions tourmentées des personnages et l’écriture scandée et parfois « slamée » selon l’auteure , pourrait rappeler là encore le style poétique d’Aimé Césaire .Pour aller plus loin , les références au concept de « négritude » et à l’histoire coloniale dans ce roman évoquent les travaux de Léopold Sédar Senghor notamment dans Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache (1948), dans laquelle il a rassemblé des œuvres qui expriment l’identité africaine et les valeurs culturelles autant que dans « Chants d’ombre »(1945), dans lequel il évoque l’histoire et les croyances africaines à travers la poésie. Quant à l’histoire coloniale, Senghor l’aborde notamment dans son poème « Liberté 1 » et dans son essai : « Négritude et humanisme » (1964), où il explore la relation entre négritude et libération de l’oppression coloniale.
L’idée d’une identité ancrée dans la terre natale, malgré les enjeux sociaux, résonne avec les idées de Senghor sur la reconnaissance et la célébration de la culture africaine dans la totalité du roman de Sylvie Largeaud.
La ville de Dakar est décrite dans cet ouvrage « Koeur » avec une passion presque charnelle, et témoigne de l’habileté de l’auteure à faire danser les mots pour traduire les émotions complexes des personnages.
En effet, « Koeur » n’est pas simplement un roman, c’est une expérience littéraire et émotionnelle qui ouvre une fenêtre et des perspectives sur la réalité sociale, politique et environnementale de l’Afrique subsaharienne. La quête de Sandrèle pour définir son identité, malgré les contraintes sociales et les pressions culturelles, peut être analysée à la lumière des travaux de Simone de Beauvoir sur l’existentialisme féminin. L’héroïne trouve exceptionnellement sa place en tant que femme “blanche” au Sénégal, tout en se débattant avec les attentes et les préjugés sociaux. Sylvie Largeaud nous offre un voyage lyrique et philosophique, guidé par la voix vibrante de Sandrèle, révélant ainsi la richesse de l’amour pour une patrie complexe, tout en éclairant les interstices où se nichent les enjeux sociétaux les plus urgents.
Yves-Alexandre JULIEN
Interview de Francine Keiser dans le magazine Holiway qui met sa marque de mode Francini_K en couverture !