MARIE DESJARDINS : « LE ROCK N’EST PLUS À INVENTER : CETTE GRANDE ÉPOQUE EST TERMINÉE »
Née à l’aube des années 60, Marie Desjardins a notamment grandi au son de la chanson française et des riffs du rock, et au gré des œuvres de jeunesse, de la comtesse de Ségur à Bob Morane. Aujourd’hui écrivaine québécoise à l’œuvre prolifique et éditrice au sein des éditions du CRAM depuis un an, elle vient de faire paraître Ambassador Hotel, un roman fleuve de quelque six cents pages, dans lequel elle raconte l’histoire d’une rock star archétypale, de ses premiers errements à l’ultime tournée triomphale.
Rencontre autour d’une carrière, de goûts, de livres, de sons, d’une quête biographique et romanesque.
Interview.
Vous avez travaillé sur des personnalités très différentes, pour ne pas dire aux antipodes, entre Vic Vogel et la Comtesse de Ségur, Irina Ionesco, les geishas ou encore sainte Kateri Tekakwitha. Comment ces personnalités, souvent des femmes d’ailleurs, viennent-elles à vous ?
Je n’aime ni les catégories, ni les classifications, ni les ghettoïsations. Les sujets sont toujours liés à des circonstances. Les ouvrages sur les geishas japonaises et Irina Ionesco sont le fruit de rencontres, notamment avec les éditions des femmes, alors que j’habitais en France et que je cherchais du travail. Irina Ionesco est un personnage en soi : je l’ai rencontrée et fréquentée, au point que nous sommes dans une certaine mesure devenues amies. Elle voulait raconter sa vie, qui consistait en des morceaux épars d’une poésie extraordinaire en attente d’être structurés. J’aime, lorsque je travaille sur une personnalité, l’étudier et la respecter ; cela vient de ma formation d’archiviste. L’ouvrage sur Vic Vogel est très différent : il est né de notre rencontre, de notre amitié préexistante.
( … ) Pour lire le coeur de l’interview, rendez-vous ici : https://www.profession-spectacle.com/marie-desjardins-le-rock-nest-plus-a-inventer-cette-grande-epoque-est-terminee/
… et de l’exil, thème très présent dans votre œuvre.
Exactement ! Le thème de l’exil me fascine, au point qu’il est présent dans presque tous mes livres. C’était évidemment omniprésent dans le parcours de la comtesse de Ségur. Après être arrivée en France, à l’âge de dix-huit ans, Sophie Rostopchine n’est jamais retournée en Russie, contrairement à toute sa famille ; elle s’est construite sur un déchirement. Pendant cinquante-cinq ans, elle a vécu en France, ne revoyant sa mère et sa sœur qu’une fois, et n’a jamais parlé russe à ses huit enfants. Jamais ! Durant les quatorze jours d’agonie qui ont précédé sa mort, rue Casimir-Périer, elle n’a déliré qu’en russe, si bien que les enfants ne comprenaient pas. Cette anecdote est le prologue de mon prochain livre : que voit-elle ? Si elle délire en russe, ce ne peut être rien d’autre que sa jeunesse, certainement pas l’âge adulte. Ce n’est pas possible autrement : c’était un secret trop enfoui, qui éclate à la fin. La Russie est un pays fascinant ! Je dévore aujourd’hui tout ce qui touche au Romanov… Ce n’est pas pour rien que le héros d’Ambassador Hotel s’appelle Roman.
Pour conclure, quel était votre roman préféré de la comtesse de Ségur ?
J’ai beaucoup aimé Après la pluie, le beau temps, parce que c’est une histoire d’amour, ainsi que les Mémoires d’un âne. Et puis, évidemment, Les Malheurs de Sophie, parce que c’est très proche d’elle.
Propos recueillis par Pierre MONASTIER
Marie Desjardins, Ambassador Hotel, Éditions du Cram, Canada, 2018, 593 p., 19 €