Bretagne actuelle recommande vivement « La limite de Hayflick » vde Nicolas Gorodetzky

Le nouveau roman de Nicolas Gorodetzky raconte l’histoire d’une lutte redoutable pour la découverte des secrets de la vie éternelle. La limite de Hayflick s’intéresse à l’infiniment petit des grandes découvertes. Celles qui révolutionnent l’humanité.

La limite de Hayflick renvoie à l’un des plus anciens mythes de l’humanité : l’Épopée de Gilgamesh. Si l’homme veut toucher l’immortalité, doit-il l’envisager ici-bas ou ailleurs ? La réponse des Anciens est sans appel : l’immortalité d’une personne elle-même n’est pas envisageable, mais celle de ses traces : actes, œuvres, gestes par lesquels elle aura marqué l’histoire, est le lot commun de tout immortel. La limite de Hayflick atteste du contraire : la vie éternelle ici-bas sera (peut-être) bientôt envisageable.

En guise d’introduction

Afin de bien comprendre les subtilités médicales du roman, quelques brèves explications s’imposent au sujet de la limite de Hayflick qui, au-delà d’un excellent un titre, est avant tout un phénomène biologique évoquant le nombre de fois qu’une cellule humaine normale se multiplie avant d’arrêter sa fragmentation. Plus exactement, le biologiste américain Leonard Hayflick a démontré en 1961 qu’une population cellulaire humaine se divise entre quarante et soixante fois lors d’une culture avant d’entrer en phase de sénescence. Cette découverte réfuta l’affirmation d’un autre biologiste de renom, le prix Nobel Alexis Carrel, selon lequel les cellules saines seraient immortelles. Le concept de la limite de Hayflick pose ainsi les bases explicatives du vieillissement humain.

Mardi 29 avril 2025

Stanislas Verlaine s’installe à Stockholm afin de suivre un cursus universitaire de master en criminologie. Erik et Ida sont ses colocataires. Avec le premier il développe une amitié sportive ; Ida est en revanche davantage taciturne et moins disponible. Le début du roman illustre la vie ronronnante, néanmoins distrayante, et parfois peu banale de Stanislas. Ses rencontres, pour le moins libertines, légitimisent le mot « jouissance » venant du latin Gaudere qui signifie « joie ». Mais où est la joie lorsque le corps s’expose avant le cœur lors de plaisirs éclair et multiples ? Stan n’apprécie guère être regardé comme un objet à posséder que l’on jette après usage. La violence sadomasochiste. La pornographie. Il suffit. A partir du neuvième chapitre, notre héros effectue un Retour sur la planète*, considérant avoir des activités plus conformes à ses aptitudes que celles auxquelles ils s’adonnent par soucis alimentaires ; ce qui mène le lecteur au mardi 29 avril 2025, veille de La nuit des tueurs*.  

L’intrigue commence alors véritablement. Stanislas rassemble les éléments en sa possession et traque le secret d’un étrange acronyme : TTAGGG, jusqu’à en découvrir le sens : il s’agit des télomères à l’extrémité de nos chromosomes. Raconté ainsi, cela paraitra technique, il n’en est toutefois rien, au contraire, chaque éclaircissement est d’une simplicité passionnante. Au fil de chapitres courts, Nicolas Gorodetzky engage des situations qui laissent le lecteur imaginatif longtemps après avoir clôturé sa lecture. On s’enfonce dans l’histoire en sachant presque par avance ce qui nous attend, et pourtant ! l’on est chaque fois surpris avant d’être ballotté par des rebondissements sans ennui ; jusqu’au moment où la clef de l’énigme pénètre dans la serrure, page 184.

Et si tout cela était vrai

Plusieurs incontournables références nous reviennent en mémoire. Barjavel, bien entendu, avec Le grand secret ; également Le livres des crânes, de l’immense Robert Sylverberg ; mais aussi certains romans du maitre ès polar médical : Robin Cook. De la littérature, donc, mais pas seulement, car le livre de Nicolas Gorodetzky est en outre profondément musical, cadencé, rythmique, sans aucun temps mort. Les chapitres vont à l’essentiel au fil d’une accélération soutenue et addictive. Et puis ! Peut-être le plus intéressant. L’on découvre ce qu’est l’une des arborescences (possible) de la « médecine vers l’éternel ». Nul essoufflement donc. Au contraire. Le lecteur halète d’excitation à chaque fin de page en amorce de la suivante. Alors ! Faut-il lire La limite de Hayflick ? Évidemment. Parce que ce livre relève du mariage de la science et de l’imaginaire. Il déborde… Il rutile… Il bouillonne… Il ressemble à la vie, celle qui entretient son feu et renouvelle ses flammes, mais aussi et surtout celle qui passe de plus en plus vite à mesure qu’elle avance. N’oublions toutefois pas qu’il s’agit d’un roman. Et pourtant ! Si tout cela était vrai… Si l’Épopée de Gilgamesh s’avérait un jour prémonitoire.

* Les phrases en italique sont chacune tirées du titre d’un chapitre.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Octobre 2025 –Esperluette Publishing & Bretagne Actuelle

La limite de Hayflick, un roman de Nicolas Gorodetzky aux éditions Yanat – 249 pages – 20,00 €

Saisons de culture fait l’éloge de Nathalie de Baudry d’Asson

Nathalie de Baudry d’Asson, une femme d’histoires

Par Rodolphe Ragu

Dans Miniatures et pointes sèches, Nathalie de Baudry d’Asson raconte des destins de femmes. En découvrant ces histoires, au tempo très rapide, le lecteur passe sans interruption du rire aux larmes et de la compassion à l’admiration. Si la mémoire émotionnelle est la plus persistante, alors ce livre ne tombera pas dans l’oubli.

Pourquoi cette double référence, dans le titre, à l’art pictural ? Les cinquante petits textes qui composent Miniatures et pointes sèches dressent, en quelques lignes ou au plus quelques pages, les portraits de femmes d’hier et d’aujourd’hui, tels de petits tableaux, avec une écriture à l’os, un sens de la concision et une spontanéité – bien sûr très travaillés – qui renvoient à l’art du graveur.

Nathalie de Baudry d’Asson est d’abord la biographe de celles qui ignorent tout du métier d’écrire : elles sont médecins, journalistes, artistes, parfois encore lycéennes, ou même religieuses consacrées. Ce sont tantôt des vies entières, tantôt des « tranches de vie », de simples anecdotes, qui prennent forme sous sa plume. Mais ce qui intéresse à chaque fois l’auteure dans la vie des unes et des autres, ce sont les péripéties, les rebondissements, ces moments incertains entre l’échec et le succès, ces dialogues en apparence anodins, mais qui peuvent conduire d’un cabinet de radiologie à la salle Pleyel. Les enjeux sont donc énormes – il s’agit de mener la vie qui correspond à ses aspirations – et l’existence semble être un jeu à somme nulle : « Le bonheur d’Emmanuelle a été la souffrance atroce de Philippe », lit-on à la fin de l’un de ces récits. Les héroïnes de Nathalie de Baudry d’Asson font preuve d’ingéniosité face à l’adversité : quand elles se vengent, c’est avec sang-froid et subtilité. Elles vivent à l’occasion des expériences étranges, à faire réfléchir les plus rétifs à l’ésotérisme : quand elles guérissent d’un mal, elles le font en défiant la science. Elles se soumettent parfois, se rebellent le plus souvent.

Entre peinture et littérature

Si l’auteur manifeste par le titre un goût pour les arts plastiques, c’est toutefois sa longue expérience d’éditrice qui donne à son livre toute sa variété, toute sa richesse. Ainsi, de biographe – ou d’ « écrivain public » –, elle se fait épistolière, quand elle rédige une cruelle et émouvante lettre d’adieux à un amoureux… qui a tout fait pour gagner sa disgrâce. Elle est aussi parfois historienne : Miniatures et pointes sèches dresse le portrait de Résistantes encore peu connues, telle la Britannique Noor Inayat Khan, opératrice radio en France dans les années décisives, trahie et capturée, puis évadée et héroïque jusqu’au bout.

Enfin, à la marge, Nathalie de Baudry d’Asson offre au lecteur quelques fragments d’autobiographie, tel ce séjour new age à la campagne, forcément un peu étrange, avec ses namasté et son inévitable pleine conscience, ou des instants d’émotion artistique, avec des cantatrices légendaires : Dame Felicity Lott ou Jessye Norman. Il est ainsi souvent question de poésie et d’art lyrique dans son livre : Franz Schubert, le maître du lied, est au cœur de la plus belle histoire d’amour du recueil.

Une écriture romanesque

Miniatures et pointes sèches est en fait bien plus qu’un simple recueil d’anecdotes et d’histoires vraies. À tous ces épisodes de vie, dont les grandes lignes lui ont un jour été confiées par des amies ou des anonymes, l’auteure donne corps et voix, action et dialogue, par son imagination et sa faculté à transposer (car les noms et les circonstances ont été modifiés pour préserver la vie privée). On ne dirige pas en vain des maisons d’édition, comme ce fut son cas au sein du groupe Hachette, où l’on accompagne les auteurs par un travail suivi sur le manuscrit. Nathalie de Baudry d’Asson recourt ainsi aux techniques de l’écriture romanesque pour sublimer des histoires qui, autrement, seraient simplement intéressantes.

L’histoire de Jacqueline, la nourrice en apparence irréprochable, est exemplaire : la narratrice omnisciente, comme dans un bon roman réaliste du XIXe siècle, feint un moment de ne pas tout savoir des pensées du mari et de sa femme qui l’emploient, pour réserver une surprise dans le dénouement. Et mettre en valeur la profonde humanité des personnages. Entre par moments en jeu la licence de l’auteure : une femme vit seule ses derniers instants ou va commettre le geste fatal, et nul ne peut savoir avec certitude quelles ont été ses pensées. Personne sauf le romancier ou l’auteur, qui conclut : « Avec une joie absolue, elle s’immole. » Ces « tranches de vie » se lisent souvent comme des nouvelles, aussi cruelles que celles d’un Maupassant. La chute est brutale : l’auteur ouvre le tiret du dialogue et un personnage prononce une seule phrase, glaçante, violente, que le lecteur gardera longtemps en mémoire.

Si Miniatures et pointes sèches revendique de mettre à l’honneur les femmes et de pratiquer un féminisme par l’exemple, Nathalie de Baudry d’Asson n’est pas non plus béate devant son propre sexe : il y a aussi dans son livre quelques personnages repoussoirs, à l’égoïsme incurable ou à l’arrogance crasse, que l’auteur tient à distance en les moquant, entraînant le lecteur dans son rire sarcastique. Ils ne sont qu’une minorité.

Nathalie de Baudry d’Asson

Miniatures et pointes sèches (préface de Marc Lambron, de l’Académie française)

Éditions la Trace, 170 pages

Versailles Culture a adoré le Marie-Antoinette de Marianne Vourch

Entre les pages et les notes, la voix de Marianne Vourch fait renaître la dernière reine de France dans un portrait d’une rare justesse.
Son ouvrage, Portrait en musique de Marie-Antoinette, paru aux éditions Villanelle, s’accompagne d’un livre audio où l’autrice prête elle-même son timbre à la narration. Par un jeu subtil entre récits et extraits musicaux accessibles via QR code, elle recompose le destin d’une femme souvent réduite à sa légende, et dont la musique fut à la fois la langue maternelle et l’ultime refuge.
La musique comme fil d’Ariane
Dès les premières pages, le dispositif se révèle d’une grande maîtrise : la voix, la musique et le silence s’y répondent dans une tension constante.
Le récit s’ouvre sur Les adieux, moment d’intense dépouillement où la jeune archiduchesse quitte Schönbrunn. Sur la Sicilienne de Jean-Féry Rebel, l’émotion ne se dit pas, elle s’entend. La narration, presque chuchotée, souligne la fragilité de celle que l’on nomme encore « la petite Antoine ».
À travers Mozart, Gluck ou Haydn, Marianne Vourch fait de la musique non pas un simple commentaire, mais une architecture de la mémoire : les œuvres deviennent des espaces de résonance intérieure, où chaque mesure semble pressentir le drame à venir.
De la cour de Vienne à celle de Versailles : la diplomatie du son
Dans le chapitre consacré à la jeune Dauphine, la musique change de rôle.
Là où Vienne vibrait de spontanéité, Versailles impose la mesure. Gluck y règne, et la voix de l’autrice souligne cette transition : « Elle incline doucement la tête puis, d’un pas léger, rejoint les appartements qui lui sont destinés. »
Tout est dit : l’éducation du geste, la contrainte du protocole, la solitude d’une adolescente devenue symbole.
Marianne Vourch, musicologue avertie, lit dans les inflexions musicales les dissonances d’une âme étrangère à la pompe versaillaise. Cette approche sensible, plus incarnée qu’analytique, restitue avec une rare acuité la tension d’une époque où la musique servait autant à se divertir qu’à se taire.
Les jardins du Trianon : un théâtre d’illusions
Le passage dédié à Versailles et à ses plaisirs fait basculer le ton.
La reine s’y montre actrice d’une comédie imposée, jouant la pastorale que l’on attend d’elle. Les airs de Lully et de Rameau, choisis par l’autrice, ne chantent pas la frivolité : ils expriment la contrainte, la répétition d’un rôle.
Sous l’élégance du phrasé, affleure la blessure intime : « Il ne l’a pas embrassée. Il ne l’a pas aimée cette première nuit. »
Ce moment suspendu, que Marianne Vourch fait résonner sur la musique de Gluck, annonce la solitude d’une femme que l’Histoire ne cessera de juger.
Le Petit Trianon, dans cette lecture, n’est plus un décor de légende, mais une scène d’exil intérieur.
L’ombre grandissante
Au fil des chapitres Une reine enfant et La fin de l’innocence, le ton se durcit.
Les citations de Marie-Thérèse – « Le théâtre, la toilette, les diamants… » – rappellent les reproches d’une mère impuissante à comprendre. Pourtant, Marianne Vourch ne tombe jamais dans la condamnation : elle montre une jeune femme qui cherche, dans les harmonies de Haydn ou de Grétry, une consolation fragile.
La narration s’allège, se fait presque prière.
La voix de l’autrice, dans la version audio, s’adoucit au point de devenir confidentielle : on y perçoit la fatigue d’un cœur sans repère. Les tonalités mineures gagnent du terrain, comme si la lumière du clavecin s’éteignait lentement derrière les grilles de Versailles.
De la fuite à la chute
Vient ensuite le temps de la débâcle : la fuite à Varennes, l’arrestation, puis l’attente.
« Le roi boit, la reine mange et le peuple crie » — cette phrase, énoncée d’une voix blanche, résume la violence d’un basculement.
Marianne Vourch retire la musique pour ne laisser qu’un adagio nu, presque silencieux. Dans cette économie de moyens, la dignité devient le dernier langage possible.
La lettre à Fersen, lue avec une émotion contenue, ferme le chapitre sur une note déchirante : la reine n’écrit plus, elle se tait — et ce silence devient musique.
L’ultime marche
Le dernier chapitre, Montée à l’échafaud, n’est pas un cri, mais une marche lente.
Sur un choral de Haydn et des extraits de Requiem, la voix s’élève sans pathos.
« C’est dans le malheur qu’on apprend qui on est » : cette phrase, simple et droite, clôt le livre dans une lumière d’humanité.
Marianne Vourch restitue à Marie-Antoinette sa noblesse véritable — celle d’une femme restée fidèle à elle-même jusque dans la perte.
Le récit devient alors une forme d’oraison profane, où la culture et la dignité s’unissent en une même vibration.
Un objet d’écoute et de transmission
Plus qu’un essai, Portrait en musique de Marie-Antoinette est une œuvre de médiation.
Le QR code qui ouvre sur les extraits musicaux transforme la lecture en expérience sensible : le texte ne se lit plus, il s’écoute.
Marianne Vourch, forte de son expérience radiophonique, y déploie une diction précise, sans emphase, où chaque respiration compte.
Le livre conjugue rigueur historique et émotion retenue, sans jamais céder à la tentation du pathos.
L’autrice s’inscrit dans la lignée de Michelet lorsqu’il écrivait que Marie-Antoinette « mourut pour ce qu’elle avait représenté : la beauté de la vie ».
Cette beauté, Marianne Vourch la rend audible — dans la mesure d’une voix qui ne juge pas, mais qui écoute.
Une reine retrouvée
En refermant l’ouvrage, il ne reste ni le faste ni la légende, mais une présence : celle d’une femme à la fois moderne et intemporelle.
Marianne Vourch réussit ici un pari rare : rendre audible l’Histoire, sans la simplifier ni la figer.
Entre rigueur documentaire et émotion musicale, Portrait en musique de Marie-Antoinette s’impose comme une œuvre de transmission, où l’art et la mémoire marchent d’un même pas — lent, grave et lumineux, comme celui qui mena Marie-Antoinette à l’échafaud.
Erwan d’Harmental
Screenshot

Souvenirs de la soirée de la fondatrice du site Saisons de culture Mylène Vignon « Florilège » qui a eu lieu au Café de Flore jeudi 25 septembre 2025 avec BALUSTRADE à l’honneur.

Souvenirs de la soirée de la fondatrice du site Saisons de culture Mylène Vignon « Florilège » qui a eu lieu au Café de Flore jeudi 25 septembre 2025 avec BALUSTRADE à l’honneur.

Etaient présents et ont pu présenter leurs livres : Alain Schmoll, Marianne Vourch, Frédéric Vissense, Christian Brûlard, Laurent Benarrous, Patrick Houlier et Nicolas Gorodetzky