Bretagne actuelle s’intéresse au microbiote expliqué par le docteur Patrick Houlier

 

Les bactéries étaient au départ considérées comme des menaces, jusqu’à ce que l’immunologiste Russe Ilya Ilitch Metchnikov démontre en 1903 le bénéfice de certaines d’entre-elles. La recherche s’est poursuivie au fil des décennies, avec pour indéfectible conclusion l’évidence selon laquelle le microbiote intestinal est vecteur de bienfaits pour notre organisme. On sait désormais qu’il existe une connexion entre les intestins et le cerveau. Maman, j’ai rétréci mon microbiote ! est l’histoire d’un de ces organismes à travers le corps d’un enfant à naître. Patrick Houlier, auteur et docteur en pharmacie, propose une sorte d’anthropomorphisme bactériologique indispensable à satisfaire les plus curieux. Un livre à la fois distrayant, original et passionnant.

L’enfant à naître

Le fœtus est considéré comme stérile tant qu’il est dans le ventre de sa mère. C’est durant la naissance et les deux premières années de vie que son microbiote va regrouper des milliards de micro-organismes en symbiose avec le reste du corps, principalement dans les intestins à l’intérieur desquels se développent quantité de bactéries, mais aussi des levures et quelques virus. Lors d’une naissance par voie naturelle, le bébé entre en contact avec les micro-organismes vaginaux et intestinaux de sa mère ; puis, s’il est nourri au sein, il ingère les micro-organismes de la peau et certaines bactéries probiotiques ayant une action bénéfique sur la santé. Toute cette chimie organique pourra sembler difficile à comprendre. Il n’en est rien.

Patrick Houlier a veillé à ce que ses explication soient accessibles. L’auteur remonte au jour de la conception fœtale en exposant ce qu’est « la grande bibliothèque » du codage des gènes, suivie de la grossesse et des ennemis du microbiote maternel qui sont aussi ceux de l’enfant. Sans oublier les dangers d’une alimentation ultra-transformée… L’indispensable explication de ce que sont les « calories vides »… La dénonciation des additifs, graisses hydrogénées, divers émulsifiants, texturants et colorants délétères pour l’organisme… Autant d’évidences explicitées dans un chapitre indispensable, non seulement à lire mais aussi à partager afin que chacun puisse comprendre les effets du Bal des vicieux de la page 125, véritable association de malfaiteur pour l’organisme.

Une fois adulte

Les liens entre le microbiote intestinal et la santé générale de l’organisme sont multiples et fort complexes. Nombreux sont les chercheurs à s’être penchés sur leurs effets. Immunologistes… neuroscientifiques… addictologues… cancérologues… et bien d’autres spécialistes… chacun les scrute à sa manière mais tous confient leur fascination pour cet écosystème microbien à qui l’on doit également une implication dans la production de vitamines essentielles, comme la vitamine K ou certains types de vitamines B, telle la biotine. Autre rôle majeur du microbiote : nous protéger contre les pathogènes une fois adulte, lorsque le système se régule et se rééquilibre en permanence grâce à moult facteurs extérieurs, dont l’alimentation ; notre intestin relève en fait d’une forme d’écologie digestive en écho avec celle qui nous entoure.

Car l’écologie de la planète va de pair avec celle de l’organisme. Au cours des cinquante dernières années, l’humain a perdu la moitié de son microbiote sous les effets conjugués de l’industrialisation et de l’alimentation dégradée. En effet. Nous avons vu que le premier environnement de l’être humain est le ventre de sa mère, porteur d’un patrimoine génétique sans pareil. Patrick Houlier explique en détail pourquoi le microbiote est un organe (quasi) supplémentaire, un second ADN qui fait de nous des humains enrichis. Une sophistication biologique censée faire de nous des êtres « supérieurs », à la condition unique de respecter ce don naturel qui aide à protéger des maladies, y compris les pathologies neurologiques.

Dialogue avec le système immunitaire

Si le microbiote intestinal est le plus abondant de l’organisme, il n’est toutefois pas le seul ; plusieurs régions du corps comprennent également de nombreux micro-organismes, comme la sphère ORL (bouche, nez, gorge), la peau, le vagin ou encore le poumon. L’alimentation… la prise d’antibiotiques… le stress… la contamination par les polluants… sont des facteurs qui appauvrissent cette communauté de microbes extrêmement délicat dans sa composition comme son organisation et, à la longue, la déséquilibre (« dysbiose »). C’est à ce moment que des troubles ou/et pathologies apparaissent : maladies inflammatoires de l’intestin, diabète, obésité, arthrite, cancers et même anxiété ou dépression. Des études ont suggéré un lien entre dysbiose et la maladie de Parkinson, également entre dysbiose et l’inflammation cérébrale observée dans la maladie d’Alzheimer. Plusieurs recherches semblent en outre montrer une influence du microbiote dans de nombreuses maladies neuropsychiatriques comme l’autisme, la schizophrénie, les troubles bipolaires et la dépression chronique. Le microbiote dialogue avec notre système immunitaire.

Surpoids… Dépression… Diabète…
Et si tout se jouait dans l’intestin ?

L’explosion préoccupante des maladies chroniques depuis les années 1950 est l’une des grandes préoccupations de la médecine occidentale. Au fil des pages, le docteur Patrick Houlier plaide (parfois avec humour) pour « l’écologie microbienne » intestinale. Ses arguments sont avant tout scientifiques. Danger d’une mauvaise alimentation… Médicaments à éviter… Conseils en faveur d’une digestion réussie… Alors ! Faut-il lire Maman, j’ai rétréci mon microbiote ! Et comment ! D’autant mieux en période de bombance relative aux fêtes de Noël. N’espérez toutefois aucun conseil miracle ou quelques recettes à suivre au pied de la lettre : le régime idéal absolu n’existe pas. Tous les systèmes digestifs sont différents, influencés par notre patrimoine génétique, notre régime alimentaire et les rencontres que nous avons faites grâce auxquelles nous avons échangées des bactéries. L’objectif du livre de Patrick Houlier est avant tout d’offrir les clés des bons choix pour l’organisme. Et si nous cessions de faire de notre corps une boutique d’apothicaire ?

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Novembre 2024 – Bretagne Actuelle & J.E.-V. Publishing

Maman, j’ai rétréci mon microbiote ! Un livre du docteur Patrick Houlier aux éditions Librinova – 203 pages – 16,90€

Tribune juive recommande « Au bal des facétieux » de Charles-Henri d’Elloy

« Au bal des Facétieux » : la satire dansante de Charles-Henri d’Elloy

Dans « Au bal des Facétieux », Charles-Henri d’Elloy nous offre un recueil de chroniques cinglantes, qui tantôt amusent, tantôt choquent. Ces 81 textes courts nous plongent dans une réflexion mordante sur notre époque, le tout enrobé d’un humour à la fois ironique et profondément critique. Publié chez « Une autre voix », maison d’édition engagée à faire résonner les discours censurés ailleurs, ce livre semble trouver sa place naturelle dans un paysage littéraire en quête d’auteurs capables de braver les interdits. Mais alors, cette voix dissonante vaut-elle vraiment le détour ?

Une maison d’édition pour les esprits libres

La publication de « Au bal des Facétieux » chez « Une autre voix » n’est pas un hasard. Dirigée par Valérie Gans, cette maison d’édition se veut un refuge pour les auteurs que la bien-pensance contemporaine cherche à étouffer. D’Elloy rejoint ainsi une lignée de pamphlétaires tels que Michel Houellebecq (Soumission) ou Éric Zemmour (Le suicide français), dont les ouvrages, à contre-courant des valeurs dominantes, ont également été sous le feu des critiques. En choisissant d’éditer d’Elloy, « Une autre voix » réaffirme son engagement envers la liberté d’expression, un terrain où bien d’autres ont trébuché.

L’irrévérence dans tous ses états

Ce recueil frappe fort par son ton irrévérencieux, à mi-chemin entre la nostalgie d’un passé idéalisé et une critique acerbe des dérives contemporaines. D’Elloy manie la plume comme Cyrano de Bergerac maniait l’épée, avec panache et sans jamais céder aux convenances. Son ouvrage rappelle les « Chroniques Martiennes » de Ray Bradbury, mais en bien plus terrien, ancré dans les petits et grands travers de la société actuelle. L’auteur s’attaque avec une vivacité mordante aux travers du politiquement correct, tout en distillant ça et là des souvenirs d’enfance teintés d’une douce mélancolie. Le lecteur se retrouve alors balancé entre l’amusement et l’inconfort, à l’image des œuvres de Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit), qui ne cessaient de bousculer les codes sociaux et littéraires de leur époque.

Une nostalgie omniprésente

L’une des forces de d’Elloy réside dans cette capacité à mêler l’actualité la plus brûlante à une nostalgie poignante. Dans ses chroniques, on retrouve cette »douce mélancolie » que le lecteur associe parfois aux œuvres de Patrick Modiano, notamment dans « Dora Bruder ». Mais à la différence de Modiano, chez d’Elloy, la nostalgie n’est jamais douce-amère : elle prend la forme d’une rébellion contre la modernité. Le passé qu’il chérit devient une arme pour dénoncer les dérives d’un monde globalisé qu’il n’apprécie guère. Il s’inscrit dans une longue tradition d’auteurs français, de Chateaubriand à Bernanos, qui ont fait du retour aux sources un acte de résistance.

Entre provocation et réflexion

Charles-Henri d’Elloy

Chaque chronique dans « Au bal des Facétieux » ressemble à une petite bombe prête à éclater entre les mains du lecteur. Loin d’une critique gratuite, d’Elloy propose de véritables réflexions philosophiques sur la justice, l’autorité, ou encore l’identité nationale. À la manière de Jean-Paul Sartre dans « L’existentialisme est un humanisme », il se confronte à des questions essentielles sur le sens de la vie et le rôle de l’individu dans un monde de plus en plus uniforme. Toutefois, là où Sartre puisait dans l’angoisse existentielle, d’Elloy préfère l’humour acerbe. Son style rappelle parfois celui de Philippe Muray dans « Festivus Festivus », qui, avec la même ironie mordante, s’amusait à dépecer les illusions modernes.

Un humour qui dérange au service de la critique sociale

L’humour, c’est l’arme favorite de Charles-Henri d’Elloy. Ses saillies acerbes rappellent les chroniques de Frédéric Beigbeder, notamment dans « 99 francs », où la provocation était utilisée pour dénoncer l’absurdité de la société de consommation. Mais chez d’Elloy, cet humour se mue parfois en une critique sociale plus profonde, flirtant avec l’irrespect des institutions et des figures d’autorité. Rien n’échappe à son regard perçant : des médias aux intellectuels, en passant par les politiques, chacun est passé à la moulinette d’un pamphlet redoutable. Et c’est précisément cette causticité qui fait tout l’intérêt du livre, à une époque où la parole se doit d’être mesurée.

Le style de d’Elloy se distingue par une plume incisive, alliant ironie cinglante et observations acérées. Dans la chronique « Les mots du virus sont aussi les maux de la langue », il s’en prend avec un humour corrosif à l’appauvrissement du langage imposé par la crise sanitaire. Le terme « cluster » est ici fustigé pour son utilisation inutilement anglicisée, et d’Elloy va jusqu’à ridiculiser les concepts de « distanciel » ou de « plage dynamique », qu’il présente comme des symboles d’une société désincarnée. Son jeu virtuose avec les mots et sa capacité à dénoncer les absurdités contemporaines sans ménagement sont caractéristiques de son écriture. À l’instar d’écrivains comme Michel Houellebecq ou Philippe Muray, il dénonce la modernité en s’appuyant sur la satire et l’ironie.

L’éloge de l’inutilité

Tel Cyrano, personnage qu’il semble admirer, d’Elloy revendique une forme d’inutilité dans ses écrits. Pour lui, l’essentiel est d’écrire sans se soucier des conséquences, comme le souligne son hommage aux « Essais de Montaigne ». Cette posture, à contre-courant de la recherche d’efficience moderne, est une manière de rappeler que la littérature doit aussi être un espace de liberté absolue, où l’auteur peut se permettre d’oser, de provoquer, sans avoir à justifier ses intentions. L’ensemble des titres des 81 chroniques sont de cet acabit : directs et sans ménagements pour leur contenu : « La France le pays des millionnaires et du déclassement » ou  « Hulot au pilori » , ou bien encore « Palmade : ni excuses ni lynchage ». Parfois enfin le titre est fade mais la personne visée en prend bien comme il faut pour son grade comme dans « Prix Nobel de littérature » ou d’Elloy fait de la récipiendaire un personnage antipathique qu’il écorche sans ménagement  après l’avoir rangée dans la catégorie des « harpies », « communardes de cocktails » et « Fausses rebelles …anciennes combattantes du féminisme arrogant », et lui de poursuivre ainsi de Charybde en Scylla en ces termes : « pensionnaire  à vie des plateaux de télévision avec Laure Adler, Annie Ernaux est le genre à signer des tribunes et des manifestes en compagnie des indigènes de la République ».  ( page 91)

En ce sens, d’Elloy pourrait presque être vu comme un disciple d’Oscar Wilde, dont le seul but de l’art était, selon lui, de n’avoir aucun but et pourtant …

La plume d’un pamphlétaire moderne contre la servitude volontaire 

Ce qui impressionne chez Charles-Henri d’Elloy, c’est l’efficacité de sa plume. Elle est à la fois élégante et incisive, sans jamais tomber dans l’excès de style. On retrouve là l’influence des grands polémistes, de Léon Bloy à Émile Zola. Comme ces maîtres du genre, d’Elloy allie rigueur et fantaisie, ironie et gravité. Sa plume est à la fois un scalpel et une plume d’oie, capable de faire rire tout en soulevant des réflexions profondes. Il n’est pas surprenant que Jean-Paul Chayrigues de Olmetta, lui-même habitué des polémiques, ait signé la préface du livre. Deux esprits libres se rencontrent, et le résultat est à la hauteur des attentes : un feu d’artifice littéraire qui ne laisse personne indifférent.

Derrière ses saillies ironiques et ses jeux de mots, d’Elloy pointe une dérive plus profonde : celle de l’abandon volontaire de la liberté individuelle face à la peur et à l’autorité. L’auteur décrit une époque où, sous couvert de sécurité sanitaire, on a accepté des restrictions sans précédent, souvent au prix de la liberté. « Ce qui reste une énigme et me navre , c’est que les personnes sensées , intelligentes et d’un niveau d’études supérieur à la moyenne, d’habitude réfractaires aux bobards propagandistes des médias dominants et opposantes à la macronie, aient pu gober avec autant de naïveté l’incroyable mascarade du Coronavirus et accepter avec une déconcertante résignation la restriction des libertés les plus élémentaires » ( page 128). On pense ici à Étienne de La Boétie et à son « Discours de la servitude volontaire », où l’homme se soumet de son propre chef, souvent par crainte ou par paresse intellectuelle. D’Elloy actualise ce propos en l’adaptant à notre époque : c’est par une obéissance aveugle aux slogans et aux diktats du politiquement correct que la société moderne sacrifie sa liberté.

Faut-il entrer dans la danse ?

« Au bal des Facétieux » est un ouvrage qui divise, sans doute parce qu’il ne cherche pas à plaire à tout le monde. Charles-Henri d’Elloy, avec son style impertinent et son goût pour la provocation, offre un véritable bol d’air frais dans un paysage littéraire parfois aseptisé. Comme l’écrivaient les lecteurs des « Chroniques radioactives » contenant des textes pleins d’ironie et non dénués de convictions comme  « J’irai cracher sur vos tongs », une de ses précédentes chroniques , « Au bal des Facétieux » est  aussi un « coup de fouet intellectuel ».

Alors, faut-il oser entrer dans cette danse endiablée ? La réponse est oui, si vous aimez être secoué, dérangé, et surtout, stimulé. Mais attention, ce bal n’est pas pour les âmes sensibles.

© Yves-Alexandre Julien 

Tribune juive aime « Le journal intime de Leonard Bernstein » – l’harmonie de la judéité dans un monde dissonant

Le journal intime de Leonard Bernstein ou l’harmonie de la judéité dans un monde dissonant

Dans un monde déchiré par des conflits et des tensions identitaires, Le Journal intime de Leonard Bernstein de Marianne Vourch apparaît comme un vibrant plaidoyer pour la puissance de la judéité à transcender les frontières. Lu par le comédien Charles Berling dans un podcast de « France Musique », ce récit fait résonner la voix de Bernstein avec une intensité nouvelle, où l’art est un rempart contre les dissonances du monde.

Charles Berling, figure majeure du théâtre et du cinéma français, n’est pas un simple lecteur : il est un interprète habité, dont la sensibilité donne corps aux mots de Bernstein. Issu d’une famille aux racines complexes, entre Belgique et Tunisie, et homme de convictions, il partage avec Bernstein une vision humaniste et universelle. Berling, connu pour ses prises de position en faveur des droits humains et de la tolérance, ajoute une profondeur à cette œuvre, lui conférant une aura particulière dans un monde où les fractures identitaires dominent.

Dans les pages du Journal intime de Leonard Bernstein, se dévoile l’âme d’un homme qui portait en lui le souffle des prophètes. Juif profondément attaché à ses racines, Bernstein a façonné sa vie et son œuvre en réponse à la quête d’universalité inhérente à la culture juive. Ce livre, publié aux Éditions Villanelle, voit le jour , dans un contexte où Israël et le Hezbollah s’accusent de violer une fragile trêve, comme une ode à la judéité, ce fil d’or qui traverse les siècles malgré les tumultes de l’Histoire.

Au-delà de la biographie, l’ouvrage se lit comme un plaidoyer pour la transmission culturelle et spirituelle. En revisitant les multiples facettes de Bernstein, il met en lumière la richesse et la résilience de l’identité juive, incarnée dans un homme dont la musique transcendait les frontières.

Adon Olam : la foi comme héritage

« Je suis assis à côté de mon père. Il me tient la main. » Ainsi débute Adon Olam, un chapitre qui dévoile l’enfance de Leonard Bernstein dans la synagogue Mishkan Tefila.

Ce premier chapitre, nous plonge dans les racines spirituelles de Bernstein, un enfant fasciné par les chants liturgiques et les sermons qui mêlent ferveur et universalité.

Ce chant sacré, Adon Olam (Seigneur du Monde), se meut pour Bernstein en élan fondateur, une manière de dialoguer avec Dieu, le monde, et sa propre âme. À travers lui, Marianne Vourch montre comment la musique n’était pas un simple art mais une quête de transcendance. Cette foi émouvante est une leçon pour notre époque, où les conflits réduisent souvent les identités à des revendications politiques.

Dans le Proche-Orient d’aujourd’hui, où la fragilité de la trêve est palpable, ce chant se mue en  symbole de persévérance. La judéité, comme Bernstein l’illustre, n’est pas un refuge communautaire : elle est une affirmation d’existence et un cri d’espoir face à ceux qui voudraient nier cette existence.

Lorsque Charles Berling prête sa voix à ces passages, son timbre grave et habité évoque avec force l’héritage spirituel du musicien . La foi, comme le disait Chaim Potok dans L’Élu, est « le dialogue silencieux de l’âme avec son créateur ». Cette lumière, que Bernstein puise dans la musique, est aussi celle qui guide Israël aujourd’hui dans son combat pour exister, malgré les tensions géopolitiques et les défis internes.

Je ne suis pas un Klezmer : l’identité en tension

Dans le chapitre Je ne suis pas un Klezmer, Bernstein écrit : « Je prouverai que je ne suis pas un klezmer. » Par cette déclaration, il rejette les stéréotypes tout en restant profondément attaché à ses racines juives. Cette tension entre particularité et universalité transparaît dans la lecture de Berling, qui incarne la quête de Bernstein pour dépasser les barrières identitaires.

Pour Bernstein, ce dépassement des stéréotypes est une nécessité. À une époque où les identités sont souvent perçues comme des sources de division, il prouve qu’elles peuvent au contraire enrichir l’humanité toute entière. « La musique est le lien entre l’esprit et le cœur », disait-il. Par son art, il tisse des ponts entre les peuples, entre les traditions et la modernité.

Mais aujourd’hui, dans les zones de conflit où les dialogues sont remplacés par des tirs, ce lien semble brisé. Israël, confronté aux accusations et aux attaques, incarne malgré tout cette volonté de Bernstein : celle de résister aux vents contraires sans jamais renier son identité.

Dans un contexte où Israël restitue les corps de terroristes à la Jordanie et fait face à des critiques internationales, cette quête de dépassement est incontournable . Comment, comme Bernstein, conjuguer justice et humanité ? Charles Berling, par son jeu nuancé, nous invite à réfléchir à cette question et plus largement aux tensions, rappelant que l’art est une voie pour transcender les divisions.

Une mission prophétique : éduquer pour l’avenir

Bernstein déclarait : « Mon métier, ma mission, c’est l’éducation. » Cette mission, incarnée dans ses Young People’s Concerts, trouve un écho particulier dans la lecture engagée de Berling. Lui-même profondément investi dans la transmission des valeurs culturelles et humaines, le comédien apporte à cette œuvre une dimension universelle.

Pourquoi

Alors qu’Israël traverse des crises internes – des accusations de corruption à l’encontre de proches d’Itamar Ben Gvir aux controverses sur la conscription des ultra-orthodoxes –, cet engagement éducatif est un modèle. Bernstein, comme Berling, montre que l’art peut être une réponse aux fractures de la société, une manière de construire des ponts.

Dans un monde où les discours polarisants dominent, Bernstein rappelle que l’art est un espace de dialogue. Sa Symphonie Jeremiah, dédiée à la destruction de Jérusalem, surgit tel un cri d’alerte face aux tragédies humaines, tout en portant un espoir de rédemption. « Là où les mots échouent, la musique parle », disait-il.

Aujourd’hui, alors que les tirs détonnent sur le mont Dov et que la trêve vacille, l’héritage de Bernstein est une invitation à retrouver le langage universel de l’art, au-delà des frontières et des divisions.

Le Grand Midi : lumière et résilience

Dans Le Grand Midi, Bernstein s’inspire de Nietzsche pour exprimer son aspiration à la plénitude et à l’accomplissement. Cette quête de lumière, En mémoire des fêtes juives comme Hanouka, devient chez lui une réponse aux ténèbres de l’Histoire.

Lors de son premier voyage en Israël, Bernstein écrit avec admiration : « Ce peuple incroyable ne laissera jamais personne prendre sa terre. Ils mourront d’abord. » Ce témoignage, plein  de respect pour la résilience israélienne, se dessine aujourd’hui avec force. En dépit des attaques et des pressions internationales, Israël incarne cet élan vital, ce refus de céder face à l’adversité.

Towards a Quiet Place : un testament de paix

Dans le chapitre final, Towards a Quiet Place, Bernstein médite sur les tensions qui ont marqué sa vie. « Je ne suis pas l’homme d’un seul orchestre, d’une seule religion, d’une seule musique », écrit-il. Ces mots, lus par Charles Berling  avec une puissance rare, rappellent la quête existentielle de Bernstein.

En 1967, après la Guerre des Six Jours, Bernstein dirige un concert à Jérusalem. « Ils sont venus en camion, à pied, marchant dans les débris de la guerre pour assister au concert », écrit-il. Cet instant suspendu, où la musique transcende les divisions, s’harmonise à la voix vibrante de Berling, qui transmet avec intensité cette quête d’harmonie.

Un livre nécessaire, un message pour aujourd’hui

En prêtant sa voix à ce récit, Charles Berling ne fait pas que lire les mots de Bernstein : il leur donne une résonance contemporaine. Ce Journal intime, écrit par Marianne Vourch, est bien plus qu’une biographie : c’est une leçon de vie pour un monde en crise.

Marianne Vourch éclaire à travers Bernstein une vérité fondamentale : être juif, ce n’est pas seulement se souvenir, c’est aussi construire. Dans un contexte où Israël se bat pour sa survie, ce livre rappelle que la judéité est un acte de foi dans l’avenir, une lumière dans les ténèbres.

Dans un contexte actuel géopolitique tourmenté le message de Bernstein, porté par la voix de Berling, est une petite flamme allumée dans l’obscurité . Comme le disait Élie Wiesel : « Le silence encourage le persécuteur, jamais le persécuté. » Bernstein, par sa musique et sa judéité, a toujours refusé ce silence.

Ce livre, ce podcast, ce récit, sont autant de rappels de la nécessité de continuer à dialoguer, à créer, à espérer. Puisse la voix de Berling, écho contemporain de celle de Bernstein, continuer d’interpeller, comme une symphonie d’espoir pour Israël et pour le monde.

© Yves-Alexandre Julien 

Yves Alexandre Julien est journaliste. ( Entreprendre, Causeur, Le Contemporain)

Le journal intime de Leonard Bernstein est une série de podcasts lus par Charles Berling, et disponible dès le 28 novembre sur francemusique.fr et sur l’application Radio France.

Merci à Guilaine Depis, Attachée de Presse « Balustrade »

Le Journal intime écrit par Marianne Vourch rend hommage à la vie riche et au tempérament enthousiaste de Leonard Bernstein

Marianne Vourch, Le journal intime de Leonard Bernstein

Leonard B, né en 1918, est un Juif ukrainien né de parent immigrés aux Etats-Unis vers 1908. Asthmatique, souffrant des disputes du couple, le jeune Leonard est fou de musique. Il est émerveillé par les chants hébreux à la synagogue, écoute la radio en continu, reproduit les chansons quil a entendues au piano offert par sa tante qui ne pouvait le garder. Il commence le piano malgré son père, qui considérait les musiciens comme des baladins, à 10 ans. Bon élève, il entre à 17 ans à Harvard et en est diplômé en 1939 après des études de philosophie, littérature anglaise – et musique. Il suivra ensuite les cours du Curtis Music Institute à Philadelphie.

Tourmenté, enthousiaste, facilement amoureux, il est bi. Plutôt homosexuel en sa jeunesse, marié à 33 ans en 1951 avec une belle Felicia Montealegre qui lui donnera trois enfants, Jamie, Alexander et Nina, il retournera vers les hommes à l’âge mûr. Il est beau, séduisant, bouillonnant. Il jouera du piano, dirigera Mahler et Chostakovicth au Philharmonique de New York, à l’Orchestre philharmonique d’Israël, à l’Orchestre philharmonique de Vienne, à l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, à l’Orchestre symphonique de la radio bavaroise, à l’Orchestre national de France. Il composera de la musique de film, des comédies musicales (Peter Pan 1950, West Side Story 1957, 1600 Pennsylvania Avenue 1976, entre autres), deux opéras (Trouble in Tahiti 1952, Candide 1956). Il crée en 1961 les concerts de Young Performers, où des jeunes solistes peuvent se produire avec orchestre, sous sa direction. Il remplace au pied levé en 1942 le chef d’orchestre Bruno Walter à New York. En 1948, il dirige l’ochestre des survivants des camps de concentration près de Munich. En 1967, il dirige l’Orchestre philarmonique d’Israël sur le mont Scopus après la guerre des Six jours. En 1963 et 1968, ill dirige l’Orchestre philarmonique de New York à l’occasion des funérailles des Kennedy, John puis Robert. En décembre 1989, il dirige au Konzerthaus de Berlin la Symphonie n° 9 de Beethoven avec des musiciens du monde entier pour fêter la chute du mur.

Eclectique, prolifique, boulimique de sons, Leonard Bernstein vivait pour la musique. « Partout où je vais, je veux montrer au public et aux journalistes une nouvelle image du chef d’orchestre. Je suis jeune, j’aime le jazz, les blagues, le boogie-woogie, l’autodérision et, believe it or not, je ne porte pas de chapeau » p.45. Ni la religion, ni la politique ne l’intéressaient, bien qu’il ait été proche de John Kennedy, jeune comme lui, et qu’il ait milité de façon « radicale chic » contre la guerre du Vietnam, pour le désarmement nucléaire, contre le Sida et pour la promotion d’artistes de couleur dans les orchestres. Car Bernstein aimait la jeunesse, le mouvement, la vie. Il a passé au-delà en 1990 à 72 ans d’un cancer du poumon. Entre Mars et Jupiter, la ceinture centrale d’astéroïdes en comprend un qui porte son nom. Il a inspiré le film de Bradley Cooper, Maestro, sorti en 2023 – pas (encore?) de Dvd.

Ce livre rend hommage à sa vie riche et à son tempérament enthousiaste. Richement illustré et joliment édité, il est couché sur le papier d’après un podcast de France Musique lu par Charles Berling.

Marianne Vourch, Le journal intime de Leonard Bernstein, 2024, éditions Villanelle, 99 pages, €24,00

(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés Amazon partenaire)

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Les Journaux intimes de… par Mariane Vourch déjà chroniqués sur ce blog

Le blog Argoul a repéré la collection « Histoires de veillées » des Presses d’île de France

Hemvé et Neyptune, Histoires de veillées et jeu-concours pour 3 à 7 ans

Les albums scénarisés par l’ingénieur Hemvé et illustrés par la dessinatrice Neyptune, fondent un monde magique pour 3 à 7 ans, tous sexes confondus. Les Presses de l’Île de France sont les éditions des Scouts et Guides de France, mouvement de jeunesse catholique, féru de pédagogie traditionnelle, mais adapté à notre monde moderne – en témoignent les prénoms, bien peu issus du calendrier religieux.

Dans La journée à l’envers, Myla la petite fille veut « être chef ». C’est une obsession quasi névrotique, mais un sylphe (nous sommes dans le monde magique de l’enfance), lui susurre que ce n’est pas une bonne idée, et même « une très mauvaise » : « être chef, ce n’est pas faire ce que l’on veut. C’est partager son expérience ». Myla est-elle assez dotée d’expérience – donc d’années – pour cela ? Mais Myla s’en fout, son obsession l’emporte sur toute raison. Et voilà les cinq amis qui glissent sur le sol du grand arbre et dégringolent jusqu’au bas. Là les attend une fourmi géante qui semble vouloir les dévorer. « J’ai essayé de te prévenir, dit le sylphe Kawane à Myla. Tu n’en as fait qu’à ta tête ». Les autres enfants prennent alors le relai de la cheftaine défaillante : Marie caresse le front de la bête et dit qu’elle a aussi peur qu’eux, Théo « se souvient de ce qu’il a appris » – et l’insecte les conduit vers la sortie. Mais là, Myla se reprend son obsession : être chef. « C’est moi qui ai provoqué tout ça, donc c’est moi qui vais diriger le groupe pour rentrer sain et sauf ». Et paf ! Elle est prise dans une toile d’araignée qu’elle n’a ni vue, ni prévue. L’araignée rigole; elle est effrayante mais ne les suce pas. Dans le monde magique, elle ne mange pas d’humain. Elle convie les enfants à se baigner dans le pollen, « doux et agréable comme un bain moussant ». Sensualité d’enfance reconnue par les Scouts. Ce sont donc les abeilles qui emportent les gosses jusqu’à l’endroit d’où ils sont partis. Ils retrouvent leur taille normale et le sylphe Kawane en tire la leçon : « N’oubliez pas, chaque chose en son temps ! Vouloir grandir trop vite peut avoir des conséquences. Et c’est amusant d’apprendre tous ensemble ! »

Autrement dit, respectez les anciens et tenez votre place. L’espoir est qu’il « reste de nombreuses années pour progresser grâce aux conseils des plus grands ». Et un jour être chef ou cheftaine.

Dans Mystère, mystères ! il s’agit de « se méfier des apparences ». Une flèche sur un arbre est tentante, elle semble indiquer une piste vers « un trésor ». Malgré le sage hibou qui prévient les enfants : « les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être, et la forêt est pleine de mystères ». Évidemment, les enfants n’ont aucune conscience du danger et n’écoutent que leurs passions, pas la raison. Ils n’en ont pas encore l’âge, mais doivent apprendre à l’avoir. Les albums illustrés sont pour 3 à 7 ans et 7 ans est considéré comme « l’âge de raison », la période où l’enfant calme ses émotions et peut donc développer ses facultés raisonnantes. Il se sert désormais plus de ses capacités intellectuelles que de ses sens pour établir des relations entre les objets et les concepts. Ces albums scouts aident à éveiller cette conscience raisonnable en laissant les enfants découvrir par eux-mêmes la réalité, et à dompter leur imagination, si fertile durant les années (magiques) précédentes. Cet âge du « pourquoi » est d’ailleurs passionnant pour les parents et les proches, j’en témoigne. Évidemment, les enfants ignorent les sages conseils du hibou et se laissent entraîner par leur fantasme d’aventure. Ils suivent les signes de piste, jusqu’à la croix de fin de piste. Ils sont dans la forêt, il y a de la brume, le monde change. Il se met à pleuvoir « un déluge » (référence biblique, punition de Dieu). Ils s’abritent sous des champignons qui ont poussé, mais ce sont des amanites phalloïdes (tout ce qui est « phalloïde » est dangereux et conduit au péché, c’est bien connu des chrétiens). En bref, ils sont piégés. D’autant que la pluie a effacé tous les signes du retour. Le hibou était Yzô, « le sylphe de la sagesse ». Il atterrit devant les mômes et leur assène cette leçon : « Sachez que lorsqu’on entre dans la forêt avec de mauvaises intentions, celles-ci se retournent contre nous. Maintenant, seule la vérité peut encore vous sauver. » Et la vérité est que Marie, la plus grande, a tracé ces signes par jeu, pour entraîner ses compagnons qu’elle va quitter, car désormais trop âgée, elle va passer dans un groupe supérieur. On lui pardonne et, miracle, la forêt redevient comme avant, les enfants jurent de rester amis, « sans secret pour les séparer ».

Autrement dit, dissimuler est péché et entraîner ses amis sans rien leur dire met tout le monde en danger. A l’inverse, « c’est si bon d’avoir des amis avec qui on peut partager ses peurs, plutôt que de garder des secrets pour soi ! » Le scoutisme incite à la communauté plutôt qu’à la société, à partager plutôt qu’à garder pour soi, à se laisser surveiller par les autres pour ne pas dévier. Une leçon qu’il faudra relativiser à l’âge adulte, faute de quoi on deviendra bon conformiste, politiquement correct, et woke par confort…

Hemvé et Neyptune, Histoires de veillées : Les presses d’Île-de-France, 2024, chaque album €14,90

  1. Le bois de Caruos
  2. La journée à l’envers
  3. Mystère, mystères !

Un jeu-concours de Noël est lancé par les Presses de l’Île-de-France, ouvert aux enfants de 3 à 7 ans.
Après avoir lu le tome 1, Le Bois de Caruos (dont je n’ai pas parlé), les enfants doivent écrire (ou dicter à leurs parents) selon leur imagination une nouvelle aventure des cinq amis, tenant sur une seule page A4. A adresser RAPIDEMENT par mél à Guilaine Depis, l’attachée de presse (références ci-dessous).
La remise du prix aura lieu le mardi 10 décembre 2024 à 19h à la Librairie Libres Champs, 18 rue Le Verrier à Paris 6ème.
Le lauréat désigné par le jury emportera une œuvre de la dessinatrice Neyptune et pourra visiter le château de Jambville, centre d’activité des Scouts et Guides de France.

Mathhieu Varaut présente « Histoires de veillées » sur Radio Notre Dame

Et si partir à l’aventure nous rendait plus forts dans les épreuves ?

Réécouter l’émission ici https://radionotredame.net/podcasts/RND01/19568

Antoine de Suremain, aventurier et réalisateur, il fait partager à ses 150 000 followers sa passion pour le patrimoine naturel français sur son compte Tiktok. Antoine explore aussi la France dans son émission « Antoine l’Aventure » sur Canal + Kids. Il a enfin publié Marche au désert sur le chemin de Saint Guilhem (Éd. Salvator)

Gérard Guerrier, ingénieur accompagnateur en montagne il a traversé avec son épouse mes Aloes à pied. Il a écrit de nombreux ouvrages dont Éloge de la peur – à l’usage des aventuriers et des baroudeurs du quotidien (Éd. Paulsen)

Matthieu Varaut, ingénieur et écrivain. Il publie des histoires d’aventures pour les enfantsn peut mentionner ses Histoires de veillées dont le premier tome s’intitule Le bois de Caruos (Éd. Les Presses d’île de France)

La nouvelle collection jeunesse des Presses d’île de France

Histoires de Veillées : Une trilogie enchanteresse pour les tout-petits, loin du tout

Par Yves-Alexandre Julien

Après le lancement du captivant premier tome Le Bois de Caruos, les enfants pourront bientôt découvrir deux nouvelles aventures : La Journée Mystère à l’Envers le 17 février 2025, et Mystère, Mystères le 14 avril 2025. Éditée par les Presses d’Île-de-France, cette série éveillera la curiosité des jeunes lecteurs tout en les guidant à travers des récits riches en enseignements et en merveilles visuelles.

À une époque où les écrans captent une attention croissante, cette collection de bandes dessinées jeunesse propose une alternative audacieuse. Avec ses intrigues fantastiques et ses personnages attachants, elle célèbre des valeurs universelles comme le courage, l’amitié et la découverte. Les héros, Théo et Myla, grandissent à travers des aventures empreintes de magie et de mystères.

Des histoires pour nourrir l’imaginaire

Chaque tome plonge les jeunes lecteurs dans des univers où la nature, l’aventure et l’entraide remplacent la digitalisation omniprésente. À travers leurs périples, Théo, Myla et leurs amis découvrent des mondes invisibles, rencontrent des créatures fantastiques et apprennent des leçons essentielles pour grandir. Ces récits célèbrent le courage et la curiosité, rappelant que le véritable pouvoir réside dans l’imagination et l’exploration.

Pourquoi lire cette collection ?

Les aventures de Théo et Myla ne se contentent pas de stimuler l’imagination. Elles abordent aussi des thèmes profonds et inspirants. Chaque tome invite les lecteurs à s’interroger : que signifie grandir ? Quelles sont les valeurs essentielles de l’amitié ? Que peut nous enseigner la nature sur nous-mêmes ?

Cette collection incite les enfants à voir au-delà des apparences et à explorer un monde riche de mystères. Une invitation rafraîchissante à poser les écrans et à redécouvrir la richesse du réel.

Des albums qui éveillent et accompagnent

Loin des distractions numériques, Histoires de Veillées offre une expérience immersive avec des récits concis, des illustrations vibrantes et des valeurs intemporelles comme l’entraide et la sincérité. Destinée aux enfants dès trois ans, la série propose des histoires riches en symboles, peuplées de créatures extraordinaires et bienveillantes.

Dans Le Bois de Caruos, Théo rêve de camper avec sa grande sœur Myla. Mais cette veillée au coin du feu prend une tournure magique : il doit sauver le Roi Feu, une figure mythique incarnant l’esprit des feux de camp. Guidé par le sylphe Blogane, Théo traverse une forêt peuplée de créatures fantastiques et apprend à surmonter ses peurs et à faire preuve de courage. Ce premier tome introduit un univers enchanteur où la nature dévoile ses secrets à ceux qui savent écouter.

« La Journée à l’Envers » : Une aventure renversante

Dans ce deuxième tome, Théo, Myla et leurs amis sont miniaturisés et découvrent un monde où les insectes deviennent leurs guides. Cette transformation leur offre une perspective nouvelle et leur enseigne le courage et l’humilité.

L’histoire débute avec Myla, frustrée de ne pas être cheftaine, qui entraîne ses amis au pied d’un arbre enchanté. Ignorant l’avertissement du sylphe Kawane, les enfants se retrouvent réduits à la taille d’insectes. Ils doivent alors naviguer dans ce monde immense, où chaque brin d’herbe est un défi. Cette aventure pousse les jeunes lecteurs à réfléchir sur la responsabilité et la coopération.

« Mystère, Mystères ! » : Un voyage initiatique au cœur de la forêt

Pour leur dernière veillée de l’année, Théo, Myla et leurs amis se lancent dans une chasse au trésor mystérieuse. Une série de signes tracés sur des arbres les guide, mais un hibou sage les avertit : « Méfiez-vous des apparences. »

La forêt devient le théâtre d’un périple initiatique rempli de surprises et d’énigmes. Les enfants apprennent à se fier à leur intuition et à compter les uns sur les autres. L’histoire explore l’importance de la solidarité et montre que le véritable trésor réside dans les leçons apprises en chemin.

Un livre-objet à chérir

À l’ère du numérique, ces albums rappellent l’importance du livre physique : un objet que l’enfant peut explorer et s’approprier. Les illustrations immersives de Neyptune transportent les lecteurs dans des paysages oniriques où chaque détail invite à l’émerveillement. Sa vision sensible de la nature rappelle l’approche de Claude Ponti ou Maurice Sendak, avec des images qui nourrissent à la fois l’imagination et les émotions.

Des récits universels au-delà du scoutisme

Bien que les aventures s’inspirent du scoutisme, elles abordent des thèmes universels comme l’amitié, le respect de la nature et la quête de soi. Chaque page invite les enfants à grandir, à s’ouvrir aux autres et à devenir plus autonomes. Ces albums, bien plus que de simples divertissements, sont des outils d’éveil moral et social.

Un duo créatif en parfaite harmonie

Le texte poétique de Hemvé s’allie parfaitement aux illustrations vibrantes de Neyptune. Ensemble, ils créent un univers à la fois accessible et enchanteur, où chaque détail invite à la contemplation et à l’imaginaire. Neyptune joue avec les couleurs et les formes pour donner vie à un monde magique qui dialogue directement avec les jeunes lecteurs.

Un jeu-concours pour les petits créateurs

Pour célébrer cette collection, un jeu-concours intitulé « Théo, Myla et Vous » invite les enfants à créer leur propre aventure inspirée de Le Bois de Caruos. Les récits gagnants seront mis à l’honneur lors d’un événement spécial à la librairie Libre Champs, avec des récompenses comme une œuvre exclusive de Neyptune.

Une invitation à grandir autrement

Avec Histoires de Veillées, les enfants découvrent des récits qui nourrissent leur imagination tout en les connectant au monde réel. Chaque tome explore des valeurs essentielles : le courage, la curiosité et l’amitié. Une série qui, loin des écrans, invite à ralentir, à rêver et à explorer.

Prêts à embarquer dans l’univers de Théo et Myla ? Laissez-vous porter par ces récits enchanteurs qui éveillent l’esprit et le cœur des petits et des grands.

Le Contemporain célèbre l’écrivain François Coupry qui veut sauver Gutenberg

Le livre agonise-t-il ? François Coupry et l’agonie de Gutenberg

■ François Coupry, aux Deux-Magots, à Paris.
 

Par Marc Alpozzo – Philosophe et critique littéraire. Il a publié une douzaine de livres, dont Seuls. Éloge de la rencontre (Les Belles Lettres), La Part de l’ombre (Marie Delarbre), Lettre au père (Lamiroy), Galaxie Houellebecq (et autres étoiles) (Ovadia) et il est coauteur de plusieurs ouvrages collectifs, dont L’humain au centre du monde (Cerf).

Ces courts textes que l’écrivain François Coupry appelle à sa manière « vilaines pensées » et que l’on pourrait rapprocher du mauvais esprit d’autrefois ne trouveraient plus un éditeur de premier plan aujourd’hui pour le publier, alors même qu’il a fait paraître plus de soixante livres chez Gallimard, Le Rocher, Robert Laffont, etc.Non qu’elles soient mauvaises. Au contraire ! Si elles sont vilaines, au sens de décapantes, elles sont, en revanche trop honnêtes et corrosives pour une époque si lisse, tiède et bien-pensante. Son prélude n’en fait d’ailleurs pas mystère ! Après avoir publié le premier tome chez le regretté Pierre-Guillaume de Roux, à la disparition de ce dernier, la liberté d’expression se réduisant encore drastiquement avec la fin des éditions du fils de Dominique de Roux, il ne restait à François Coupry que l’autoédition pour continuer de diffuser ces textes, sous forme de billets d’abord publiés dans son blog.

Il n’en fait d’ailleurs pas mystère dans le prélude à ce troisième tome, rassemblant des textes allant de 2013 à 2021 : « L’ère de Gutenberg agonise. Par goût des bouleversements je me suis renversé, à mon âge, eh oui ! vers cette manière moderne de communiquer. » François Coupry n’hésite pas à s’auto-flageller. Il a lui-même cédé à la machine, aux nouvelles technologies, et à la rapidité des blogs et des réseaux sociaux. Il est vrai, qu’au début du siècle, avec l’arrivée de toutes ces plateformes de partage, on avait cru que la liberté était libérée, et que nous avions franchi un pas de plus dans l’émancipation des masses. Que nenni !

« Le passage de la rapidité numérique à la belle pesanteur du papier, son volume, son odeur, sa tenue en main, marque son évolution dans sa violence : d’un côté un échange immédiat, consommé et aussitôt consumé, oublié, de l’autre un échange plus médiatisé, décalé, réfléchi, qui peut se garder, s’archiver, se humer, se consommer, se boire et se manger avec lenteur. »

Ce livre nous dit ce que l’on n’ose à peine penser tout bas : qu’il y eut durant le terrible 11 septembre 2001 une forme de fascination morbide pour ces tours qui s’écrasaient en chacun de nous. Il raconte les histoires de Monsieur Piano, qui écrivant un livre dont personne ne voulait, finit par acheter une maison d’édition, des librairies, des journaux pour qu’il voie le jour et qu’il soit acheté par des lecteurs. N’ayant aucun succès, c’est Monsieur Piano lui-même qui se mit à s’acheter ses propres livres.

François Coupry revisite la condition humaine et regarde le monde en face, ce monde en décomposition permanente, loin des éléments de langage et des conventions conformistes qui prétendent éloigner de nous le tragique de notre existence, la folie de nos sociétés modernes, l’épreuve de vivre dans une vie où, comme le disait Érasme, « il faut être bien fou pour se croire sage dans un monde de fou. »

À lire sans modération.

François Coupry, L’agonie de Gutenberg. Vilaines pensées 2013-2021, FCD-Livres.

Tribune juive a lu « Jungle en multinationale » de Jean-Jacques Dayries : « un thriller financier, une intrigue juridique, et une machination familiale »

Jérôme Enez-Vriad a lu “Jungle en multinationale” de Jean-Jacques Dayries

Jungle en multinationale est à la fois un thriller financier, une intrigue juridique, et une machination familiale. Son auteur sait de quoi il parle : célèbre entrepreneur, industriel de renom et grand voyageur, évolue dans la grande finance et ses multiples influences.

Les livres de Jean-Jacques Dayries racontent le véritable monde d’aujourd’hui : celui des « grands » qui, dans l’ombre, tirent les ficelles. Jungle en multinationale est le roman vrai de la puissance, mais c’est aussi l’histoire de multiples trahisons et celle d’enjeux incertains face auxquels personne ne souhaite perdre la moindre opportunité de les saisir. Ce combat de fauves nous entraîne à Londres et Paris, en passant par la Suisse, la Riviera, Saint-Barthélemy et quelques autres rivages caribéens. L’auteur connaît particulièrement bien le milieu de la finance, il ne manque toutefois pas non plus d’imagination pour tisser une trame romanesque aux multiples arborescences. 

Pas seulement une intrigue

Jungle en Multinationale n’est pas seulement une intrigue multifacette, c’est aussi une enquête très documentée sur le monde de l’hôtellerie à travers les coulisses d’une industrie méconnue. Tout commence par le bruit sourd d’un V8 américain. Il faut imaginer le ronronnement d’une très belle embarcation floquée d’acajou vernis glissant sur les reflets sombres du Léman ; petite croisière dominicale en direction de l’église, où, chaque dimanche, Jean rejoint le même banc afin d’accompagner Élisabeth davantage soucieuse de l’office que lui… Et tout finira aussi un dimanche – cette fois de fin d’automne – avec la même appréhension que l’on ne fasse surtout pas craquer les vernis du bateau à l’accostage contre le bord du ponton : Jean apprécie le respect des belles choses, quel qu’en soit le cadre, professionnel ou privé, l’apparence est le vêtement de la courtoisie…

Entre ce début lacustre et cette fin nautique, le lecteur aura été confronté aux laborieux méandres des affaires qui (souvent) ne sont rien en regard  des gageurs familiales plus difficiles que toute autre entreprise ; car au-delà de l’intendance de l’hôtel et du domaine, Jean sera aussi  confronté aux tracas personnels, à l’égo de chacun, et à moult intérêts spécifiques nourriciers de trahisons. Chapitre 33 : « Passer les premières minutes, il regrette déjà d’avoir accepté cette réunion. Les intentions de ces gens-là sont trop compliquées à saisir. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Acheter une minorité du capital ? À quelles conditions ? Quel type d’accord pourrait-ils envisager avec les autres actionnaires familiaux ? L’intermédiaire dit que leur intention est pacifique, qu’ils sont des investisseurs de long terme, qu’ils resteront passifs, que le management leur convient. » Mais est-ce vraiment le cas ?… 

Une histoire… Un ton… Un style…

Jean-Jacques Dayries ne fait pas dans la pamoison superfétatoire. Ce qui lui importe est de ne pas laisser le lecteur se détourner de l’histoire qu’il est en train de lire. Aucun colifichet verbeux n’agrémente Jungle en multinationale. Le récit. Seulement le récit. Au diable cosmétique et maquillage. Vous ne lirez que les mots nécessaires. Mais alors !  Cette écriture sans emphase inutile ne serait-elle pas terne ? Eh bien non !  Elle est tout à l’inverse pleine et entière, précisément parce qu’elle est invisible. Manière de raconter sobrement et sans fausse littérature comme c’est trop souvent le cas de nos jours. Cela n’évite en rien de suivre avec intérêt les protagonistes et leur trajectoire. 

Outre une intrigue, un ton et un style, la lecture d’un livre relève aussi de ressentis personnels. Ainsi peut-on noter plusieurs scènes aux images bien construites. Les décors y sont posés en quelques mots justes. Page 74 : « Dehors, c’est Londres. Il fait nuit, froid, et il pleut. […] C’est ce qu’ils disent à leur mère. En fait, ils n’ont pas eu le temps de regarder par les fenêtres. » Également en ouverture du chapitre 54, lorsqu’Antoine et Alexandre s’engagent pour une courte promenade dans le jardin : « Ils sont accoudés au garde-fou qui longe le rivage. Un projecteur illumine le Lac, devant eux. L’odeur du jardin sous la neige. Celle de l’eau douce, un peu fade. » Notons aussi de nombreux clins d’œil aux arts classiques : Bach… Bayreuth… Noureev… menant à envisager Jean-Jacques Dayries comme un mélomane averti soucieux du partage pudique (presque taiseux) de sa passion : la musique. 

Problématiques intergénérationnelles de notre époque

Si l’histoire de Jean-Jacques Dayries mérite un succès de librairie, c’est parce qu’elle raconte les préoccupations d’une famille, certes privilégiée, mais à laquelle chaque lecteur pourra s’identifier en choisissant le personnage duquel il se sent le plus proche. La générosité des uns… L’arrivisme de autres… La  bienveillance de certains… L’acrimonie et l’arrogance de ceux qui s’y opposent… Jungle en Multinationale évoque les problématiques de notre époque. Autant de défis professionnels qui s’entremêlent aux tracas individuels lorsque le quotidien prend des allures de « feu au Lac » entre choc générationnel et force des clans. 

© Jérôme Enez-Vriad

© Novembre 2024 – Tribune Juive & J.E.-V. Publishing

Jungle en multinationale. Un roman de Jean-Jacques Dayries. Éditions Code9 – 294 pages – 24,00€

Jean-Jacques Dayries nous ouvre les portes du monde impitoyable des multinationales

Le monde impitoyable des multinationales dans une « corporate jungle » à la française


Dans Jungle en multinationale, Jean-Jacques Dayries (ancien vice-présidence de Pechiney Asie-Pacifique) nous plonge au cœur des luttes de pouvoir et des rivalités au sein d’une famille possédant un groupe hôtelier international.

Entreprendre – Le monde impitoyable des multinationales dans une « corporate jungle » à la française

Jungle en multinationale, 296 pages

Un héritage comme champ de bataille

L’intrigue de Jungle en multinationale commence par un événement décisif : le décès du fondateur, patriarche de la famille et principal détenteur du groupe hôtelier. Sa disparition marque le début d’une lutte de pouvoir où chaque membre de la famille devient acteur et adversaire dans un jeu d’échecs grandeur nature. Le roman dépeint avec une précision redoutable les jeux d’alliances et de trahisons qui se jouent lorsque l’héritage d’une entreprise familiale est en jeu.

Les rivalités familiales : quand la dynastie devient un poids avec des personnages piégés

La galerie de personnages mise en scène dans ce roman est aussi vaste qu’intrigante. D’Antoine, le directeur général de 45 ans, à Jean, fils du fondateur et figure centrale du groupe, en passant par Carole, jeune héritière prise entre ses sentiments et son devoir, chacun porte une histoire et un rôle qui enrichissent la complexité du récit. Ce casting de personnages, savamment orchestré, reflète les tensions familiales et professionnelles, où chacun doit naviguer entre ses propres ambitions et les attentes familiales. Un exercice de funambulisme qu’illustre également F. Scott Fitzgerald dans Gatsby le Magnifique, avec des personnages tourmentés, oscillant entre leurs désirs personnels et la pression de leur milieu.

Dans un chapitre où Elizabeth, épouse de Jean, emmène son mari dans une escapade improvisée à travers les collines, on perçoit un besoin d’évasion, une fuite éphémère loin des tensions omniprésentes. Le talent de Dayries réside dans sa capacité à instiller un sentiment de réalisme et à rappeler que derrière chaque grand dirigeant se cache un être humain avec ses failles et ses doutes. « Qu’aurait-il fait s’il ne l’avait pas rencontrée ? » s’interroge Jean, comme si le bonheur privé pouvait offrir un répit face aux guerres de pouvoir.

Dayries excelle dans la description des conflits générationnels qui secouent la famille. Il n’y a pas de « jeunes loups » ou de « vieux sages » dans ce roman ; chaque personnage est en proie à ses propres ambitions, ses frustrations et ses doutes. Le directeur général, Antoine, se débat avec un environnement où les intérêts familiaux l’empêchent souvent de prendre les décisions stratégiques qui seraient pourtant essentielles pour la croissance de l’entreprise.

Ce roman rappelle, par sa structure, l’intensité de la tragédie familiale dépeinte par Shakespeare dans Le Roi Lear ou encore les intrigues de succession dans La Dynastie des Forsyte de John Galsworthy. Ici, cependant, l’arène n’est plus un royaume ou un salon victorien, mais des salles de réunion de multinationales et des villas luxueuses dispersées entre Londres, Paris, la Riviera et les Antilles. Les discussions familiales deviennent autant de « board meetings » informels où chacun tente de tirer son épingle du jeu.

Un choix stylistique spécifique 

Jungle en multinationale n’est pas seulement un roman familial ; c’est aussi une immersion dans le monde des multinationales, où le langage technique et le jargon des affaires foisonnent. Dayries, lui-même ancien cadre dirigeant, maîtrise parfaitement cet univers. Les termes tels que « business plan », « private equity », ou encore « EBITDA » sont des rappels constants que les personnages, bien qu’apparentés, ne parlent souvent que la langue de la finance.

Ce choix stylistique ancre le récit dans la réalité économique contemporaine et rappelle les romans de Tom Wolfe comme Le Bûcher des vanités, où le jargon professionnel dessine une frontière invisible entre initiés et profanes. Ici, cependant, Dayries pousse la réflexion plus loin en montrant comment ce langage de l’efficacité peut devenir un outil de manipulation au sein de la famille elle-même. Le choix des mots devient une arme autant qu’une méthode, et chaque conseil stratégique cache une tentative d’influence.

Les multinationales, entre ancrage local et impérialisme économique

À travers Jungle en multinationale, Dayries fait la part belle aux lieux où se déploie son intrigue : Londres, la Riviera, Zurich, Saint-Barthélemy… Ces paysages évoquent le luxe et le cosmopolitisme des grandes fortunes, mais aussi les obligations de l’économie mondialisée, où les déplacements incessants ne laissent aucun répit aux personnages. Ce rythme effréné, dicté par les impératifs financiers, rappelle les analyses de David Harvey dans The Condition of Postmodernity, où il décrit la compression du temps et de l’espace imposée par le capitalisme globalisé.

Les personnages, souvent pris entre des valeurs familiales traditionnelles et les exigences modernes de la compétitivité, incarnent le dilemme du capitalisme familial à l’heure de la mondialisation. Jean tente de « concilier les intérêts divergents dans un pacte d’actionnaires », ce qui n’est pas sans rappeler la saga familiale de la dynastie Murdoch et ses luttes de succession. Dayries nous met face à la dualité de ces empires financiers : s’ils peuvent être un moyen de transmettre un héritage, ils deviennent aussi le théâtre de déchirements et de trahisons.

Une réflexion sur la solitude des dirigeants

Le roman de Dayries soulève également une question de fond : qu’est-ce que le pouvoir, et à quel prix s’exerce-t-il ? Les personnages principaux sont souvent dépeints dans une solitude dévorante, face à des décisions qui les isolent davantage de leurs proches. Comme l’écrivait Balzac dans La Comédie humaine, « derrière chaque fortune, il y a un crime ». Dans Jungle en multinationale, les personnages ne sont pas des criminels, mais leur ambition les amène parfois à sacrifier l’humain pour l’intérêt financier.

La figure du fondateur, restée omniprésente même après sa mort, rappelle cette obsession pour la pérennité à tout prix. Que ce soit Jean, qui prend des décisions stratégiques en solitaire, ou Antoine, pris dans les arcanes du management moderne, chacun tente de s’extirper des ombres du passé pour façonner son propre destin. Pourtant, les choix qui s’offrent à eux sont souvent minés par les jeux d’influence, dans un climat rappelant les mots d’Albert Camus : « Ce monde n’a pas de sens au-dessus des forces humaines. »

Des enjeux financiers démesurés et des alliances fragiles

L’héritage du fondateur n’est pas seulement une question de succession : il implique une réorganisation complexe des actions et des pouvoirs. Au fil des pages, les alliances évoluent, se font et se défont. 

Le roman explore avec finesse les implications de cette redistribution des parts. Chaque membre détient désormais un pouvoir équivalent, rendant les décisions plus complexes.  L’intrigue s’anime de manipulations, d’ambitions dévorantes, et d’une guerre froide où chacun tente d’assurer sa position sans faire de vagues.

Quand l’entreprise familiale devient un miroir de la société 

En filigrane, Jungle en multinationale interroge notre rapport à la réussite, au capital et aux valeurs qui sous-tendent les dynasties familiales. Dayries, lui-même ancien dirigeant, réussit une plongée réaliste dans le monde feutré mais impitoyable des multinationales. Il s’interroge subtilement sur la capacité d’une entreprise à rester un lieu d’éthique et de transmission dans un monde obsédé par le profit. Le jeu d’échecs évoqué sur la couverture, où chaque mouvement est calculé, est une métaphore évidente : dans cette arène de pouvoir, chaque faux pas peut faire chuter l’empire bâti par des générations.

En explorant les facettes de cette « jungle » du pouvoir familial, Dayries rejoint des réflexions que l’on retrouve chez Max Weber, qui parlait dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme de la tension entre valeurs spirituelles et rationalité économique. Dans un monde où les multinationales ont pris le pas sur les institutions, le roman rappelle la nécessité de repenser le capitalisme, de s’interroger sur ses dérives et ses limites.

À l’image de Casino de Nicholas Pileggi, qui décortique les rouages du monde des jeux d’argent, Dayries nous montre l’envers du décor de l’hôtellerie internationale. Chaque destination glamour masque une tension sous-jacente : l’enjeu n’est pas seulement de séduire une clientèle exigeante, mais de maintenir un équilibre financier dans un secteur où la concurrence est féroce et où le moindre faux pas peut coûter des millions.

La morale d’un capitalisme au visage de comédie humaine

À travers son roman, Jean-Jacques Dayries ne se contente pas de raconter une histoire ; il dépeint une critique subtile du capitalisme familial. Le lecteur perçoit un certain malaise face à ces héritiers privilégiés, déchirés entre leur désir de réussite individuelle et l’attachement à l’entreprise familiale. Chaque personnage semble pris dans un dilemme moral, hésitant entre l’ambition personnelle et les valeurs héritées du Fondateur.

Ce questionnement rappelle les thématiques de La Comédie humaine de Balzac, où l’argent et la morale se confrontent sans cesse.  À l’image de la famille Nucingen chez Balzac, la famille décrite dans ce roman incarne à elle seule la puissance d’un empire économique fondé sur des valeurs capitalistes, où chaque faux pas peut entraîner la perte du précieux héritage.

Dans ce contexte, le fondateur agit comme une figure quasi-dictatoriale, manipulant les cartes pour maintenir le contrôle sur ses enfants et ses anciens partenaires, sans jamais céder à l’émotion. Comme le dit Timothée dans un extrait : « Le Fondateur ne nous dira pas ce qu’il veut. Il préfère nous voir nous battre pour comprendre ses intentions. » Cette phrase pourrait aussi bien sortir de la bouche d’un Vautrin ou d’un Rastignac, figures emblématiques de l’ambition calculée et de la manipulation sociale.

En montrant les failles et les dilemmes des héritiers, Dayries interroge la nature même du capitalisme : est-il encore possible de mener une entreprise multinationale avec une éthique familiale, ou la recherche du profit finit-elle toujours par détruire les valeurs humaines ? Cette réflexion trouve également un écho dans les travaux de Pierre Bourdieu, notamment dans «  La Distinction – Critique sociale du jugement » , où l’auteur explore comment les structures sociales et le capital économique influencent les comportements et les valeurs, y compris au sein des familles puissantes. Dans le roman de Dayries, les héritiers, pris entre les attentes familiales et les exigences du marché, illustrent parfaitement cette tension entre habitus familial et rationalité économique.

Bourdieu souligne que les structures de domination et les privilèges, bien souvent invisibles, façonnent les choix individuels et collectifs au sein des classes dirigeantes, une analyse qui se retrouve dans les dilemmes et rivalités qui opposent les membres de cette famille à la tête d’une multinationale.

Dayries, observateur acéré du monde de l’entreprise

Avec Jungle en multinationale, Jean-Jacques Dayries signe une œuvre qui allie suspense, complexité humaine et profondeur économique. Plus qu’un simple roman, ce livre est une immersion dans les arcanes du pouvoir et de l’argent, un miroir tendu à notre époque où les multinationales familiales sont devenues les nouveaux fiefs de l’économie mondiale. Ce « corporate jungle » est à la fois captivant et troublant, rappelant que derrière les façades de verre et d’acier se cachent des luttes aussi anciennes que le monde.