Bernard Méaulle, ancien patron de presse régionale en Normandie, a dirigé plus d’une quinzaine d’hebdomadaires régionaux avant de revendre le groupe Méaulle à Ouest France. Aujourd’hui, cet ancien éditeur continue de plaider pour la force de l’écrit : « Je suis un fervent avocat et amoureux de l’écrit, en tant que lecteur d’abord, mais aussi qu’en tant qu’auteur. Lire, c’est une façon de devenir plus intelligent, il faut que la lecture soit un moyen de s’épanouir et de progresser. On peut vivre mille vies en lisant des romans. Il est donc très important que la lecture se poursuive, parce que cela permet d’enrichir sa pensée et sa réflexion. »
Bernard Méaulle publie un ouvrage qui s’inspire de faits réels : une femme prend la décision d’avoir une aventure sexuelle différente chaque année et de léguer sa fortune à sa dernière conquête. L’auteur nous raconte l’histoire de ce livre : « J’insère un certain nombre d’événements qui se sont produits dans la vie de différentes femmes et que j’ai placés sous l’identité d’une seule femme. Cependant, il y a 35 ans, le notaire qui a eu l’occasion de formaliser le don en question m’a confié cette histoire abracadabrante sous le sceau du secret. J’ai considéré qu’il y avait une sorte de prescription après 30 ans, car c’était vraiment intéressant. J’ai trouvé que cela avait toute sa place pour terminer un roman. Il faut savoir que cette fillette espagnole a été victime de sévices de la part d’un ami de son père, avec des agressions sexuelles et des tortures, et qu’à partir de 15 ans elle a décidé de quitter le domicile conjugal. D’ailleurs, sa mère s’était enfuie parce qu’elle était aussi frappée par son père. Cette fillette, d’une beauté extraordinaire, va se venger des hommes. Elle part à Barcelone et dans les Baléares. Elle commence à connaître un peu la vie et elle choisit, après une grosse déception avec son compagnon de l’époque, de partir en France qui est à ses yeux un pays de liberté. Elle est embauchée dans le restaurant de Jean-Claude Brialy, à l’île Saint-Louis, et elle fait différentes rencontres. Les rencontres, ce sont des hommes qui se frôlent, certaines rencontres sont parfois des îles au trésor, d’autres sont plus douloureuses. Certaines rencontres permettent de développer une autre existence. Son mari, qui est un agent immobilier très riche, l’initie à une vie très aisée, mais elle développe aussi son appétit pour les hommes. »
Ce livre entend marquer une relation forte entre spiritualité et sexualité : « Il y a un lien entre les deux. Une lectrice m’a écrit qu’elle a été touchée par ce lien entre le sacré et ce côté animal qu’il y a dans l’être humain. Si nous sommes là, c’est parce que deux sexes se sont rencontrés et nous sommes le produit de la rencontre de deux sexes. Or, c’est ce qui provoque la vie. La vie est quelque chose de très simple à fabriquer, mais très difficile à vivre et très compliqué à quitter. J’ai voulu réfléchir sur le sens de l’existence à travers une dimension spirituelle puisque l’héroïne mène des conversations intimes, avec Dieu ou sa conscience, peu importe, mais elle parle avec le ciel, elle marchande avec le ciel comme peuvent le faire un certain nombre de personnes qui réclament des avantages ou des guérisons ». Certes, ce rapprochement entre sexualité et spiritualité peut soulever des contestations, toutefois Bernard Méaulle tient souligner que c’est en faisant l’amour que l’on donne la vie : « J’ai observé dans les écoles catholiques que j’ai fréquentées qu’il y avait ce prêche permanent sur la chasteté et la pureté. À mon avis, l’être humain doit se libérer d’un certain nombre de chaînes pour tenter d’être le moins malheureux possible et, tant que nul ne fait de mal à autrui, on est sur un chemin de liberté et d’accomplissement de soi et du sens de sa vie. La rencontre est aussi une forme d’épanouissement pour chacun car, sans rencontres, l’être humain ne peut pas évoluer. Nous sommes tous le produit de ce que nous rencontrons. Lorsque l’on échange des idées, nous ne sommes jamais les mêmes après une conversation. Cette liberté qui nous est aujourd’hui offerte, sauf dans certains pays, est une chance pour les êtres humains ».
La démarche de Bernard Méaulle peut apparaître comme médiatiquement incorrecte, puisque les croqueuses d’hommes sont en général mal vues : « Ce livre sort des sentiers battus. C’est une histoire qui sort du triangle amoureux entre le mari, l’amant et la femme. C’est un autre registre. J’ai voulu dépasser l’image que l’on peut avoir de ce genre de femmes. Un certain nombre de femmes qui ont eu la chance de naître avec une beauté extraordinaire, comme Marilyn Monroe, Ava Gardner ou Brigitte Bardot, ont été de très grandes amoureuses. La beauté est un cadeau, mais pas toujours, puisque cela détruit un certain nombre de femmes, parce qu’elles sont exploitées par beaucoup d’hommes et elles vivent des fins de vie très douloureuses. Une femme qui est dotée d’une grande beauté va forcément attirer les hommes. À l’inverse, un homme qui aime les femmes et qui a des relations avec beaucoup de femmes est un don Juan, alors qu’une femme qui a des relations avec beaucoup d’hommes est une nymphomane. Donc, il faut faire la part des choses et ne pas culpabiliser le sexe faible pour des comportements d’homme ! »
Bernard Méaulle estime que ce sont la sexualité, la spiritualité et l’échange qui nous permettent de vivre et d’avancer : « La vie est un échange. Il y a des gens qui donnent et des gens qui reçoivent. Le sens de la vie, c’est de donner, mais aussi de recevoir. Il y a des gens qui ne donnent jamais rien. L’homme qui donne son amour reçoit de l’amour et de la tendresse de la part de la femme. Le contact intime permet de créer une fusion. L’être humain change, il n’est pas le même à 20 ans, à 30 ans ou à 60 ans et l’allongement de la durée de la vie a des conséquences. L’idée de tout être humain, c’est de renaître. On sait très bien qu’au bout du chemin il y a la mort, mais renaître c’est aussi avoir plusieurs vies. On peut avoir plusieurs vies en changeant de métier, en changeant de lieu de résidence, mais aussi en changeant de compagne ou de compagnon. Ce n’est pas simplement une question sexuelle, puisque les centres d’intérêt ne sont plus les mêmes et les vacances ne sont plus les mêmes. Il y a une richesse dans la rencontre et dans le changement. La vie est un mouvement perpétuel, le changement est permanent et ce changement oblige l’être humain à s’adapter pour vivre et survivre ».
Cette chronique sur le livre de Bernard Méaulle serait incomplète s’il n’était pas signalé que de nombreuses références au philosophe italien Lanza del Vasto y figurent : « Il est un peu oublié aujourd’hui. Il a écrit un livre formidable en 1950, « Le Pèlerinage aux Sources », après avoir rencontré Gandhi. C’est un visionnaire, puisqu’il préconise tout ce qui est réclamé par un certain nombre de gens qui voient avec effarement la société de consommation menacer l’existence de la planète. Il a créé en France les communautés de l’Arche, où il fallait vivre frugalement et militer pour la paix ».
« Un si brûlant secret » de Bernard Méaulle est publié aux Éditions La Route de la Soie.
Ci-dessous une fiche qui résume assez bien les missions qui seront dévolues aux « patients-partenaires » du CHNO, en fait l’hôpital des « Quinze-Vingts » dont Léo Koesten fait partie.
Une fois la formation achevée, fin juin, les 7 premiers « étudiants », oui, il s’agit d’une formation Sorbonne (Université des patients / CHNO), prendront leurs fonctions.
Léo Koesten interviendra avec une collègue au centre du glaucome, accompagnant des patients qui souhaiteraient parler, avoir des informations complémentaires, leur montrer qu’après la vue, il y a bien la vie.
Il intervient déjà auprès de l’hôpital qui construit un bâtiment destiné à la basse vision, en leur donnant des conseils sur l’accessibilité.
L’accessibilité ? Un combat majeur pour tous les handicapés.
Enfin, il serait disposé, le cas échéant, d’écrire un scénario pour présenter les divers services du CHNO. Etc.
Exemple de fiche d’activités de Patientes et Patients Partenaires.
Intitulé du poste : Patiente Partenaire au sein de l’unité d’Hématologie.
Objectifs principaux : Accompagner – Soutenir – Informer – Participer au projet d’établissement – Développer des actions en relation avec l’équipe médicale.
Description du poste : Accompagner des patientes et des patients, ainsi que l’équipe de soins, dans le but de développer le « partenariat patient ». Il s’agit de :
– Améliorer et personnaliser le parcours de soins,
– Améliorer la qualité de vie de chaque patient et chaque patiente au sein du service,
– Apporter aux professionnels de santé la perception complémentaire des patientes et des patients.
Activités relatives au poste :
1 Créer un soutien relationnel auprès des patientes et des patients.
– Apporter un soutien relationnel en raison de son expérience propre (identification – sentiment d’appartenance à un groupe),
– Ecouter et soutenir les patientes et les patients, avant ou après une annonce, une imagerie, une chimiothérapie, une opération, etc.,
– Écouter les patientes et les patients ou les aidantes et les aidants sur la vie avec la maladie,
– Informer des effets secondaires des traitements (perte de cheveux, fatigue, etc.),
– Préparer les patientes et les patients à assister à leurs rendez-vous médicaux dans l’hôpital d’origine,
– Soutenir les patientes et les patients dans le maintien ou le développement d’un lien social,
– Aborder des sujets de vie que les patientes et les patients n’osent pas toujours soulever avec les professionnels de santé,
– Soutenir les patientes et les patients dans la « reprise de pouvoir » sur leur vie, en complémentarité de l’apport de l’équipe soignante,
– Accompagner les patientes et les patients dans la découverte de l’établissement (visite du service – livret), dans leurs éventuelles difficultés par rapport à l’utilisation des services de soins, le questionnaire de sortie,
– Informer les patientes et les patients et les aider à s’orienter vers la psychologue, l’assistante sociale, les associations ou les soins de support.
2 Apporter un soutien organisationnel et informatif auprès de l’équipe de soins.
– Participer aux réunions de staff, de transmissions, et communiquer mes informations,
– Apporter une compréhension complémentaire des attentes des patientes et des patients, pour mieux appréhender leur vécu de la maladie,
– Transmettre un savoir expérientiel aux équipes soignantes,
– Coanimer avec le personnel soignant des réunions de rencontre avec les patientes et les patients ou leur entourage, ou des groupes de parole,
– Participer aux actions marketing (livret d’accueil, questionnaires de satisfaction, etc.),
– Analyser les différentes informations recueillies et transmises par les patientes et les patients pour alimenter le projet d’établissement.
Moyens mis à disposition :
– Aménagement d’un espace de travail et de réception,
– Ordinateur ou tablette pour transcription des entretiens.
Suivi de votre activité :
– Transmission aux médecins du suivi des échanges avec les patientes et les patients par copie sur le réseau interne,
– Transmissions orales aux médecins référents, si besoin,
– Point hebdomadaire avec l’infirmière ou l’infirmier de coordination et/ou le médecin,
– Réunion avec la Cadre de santé et/ou la Cheffe de Service SSR.
Charlotte RIEDBERGER, psychanalyste clinicienne depuis plus de vingt ans. Docteure en sciences psychologiques et de l’éducation, en philosophie et sciences sociales, elle s’est spécialisée dans les profils neurocognitifs atypiques (HPI, TSA, TDAH, DYS). Dans son livre « 3 minutes pour comprendre comment pensent les génies » elle propose un nouvel éclairage sur le fonctionnement de la pensée des génies. (Le courrier du livre, 2023)
Patrick LEMOINE, psychiatre, docteur en neurosciences, directeur d’enseignement à l’université Claude-Bernard de Lyon et expert auprès des tribunaux. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont « La santé psychique des génies » (Odile Jacob, 2022).
Leo KOESTEN, professeur agrégé d’allemand, scénariste et auteur de « Enigme à Versailles », « L’Ecole du Labrador » ou « Oui ! Chef ! » (L’harmattan)
Thierry DUBOIS, s’intéresse depuis plus de 30 ans à l’évolution de l’être humain depuis les origines ainsi que les découvertes sur le fonctionnement du cerveau. Coach de cadres et dirigeants depuis 20 ans, il développe sa compréhension de la réussite par son travail sur les talents qu’il utilise comme clé de succès dans ses accompagnements. Il a publié chez Eyrolles, en 2023, « Le livre pour découvrir vos talents »
Une belle page de Jacques de Bono Scotto avec 4 auteurs de Balustrade sélectionnés : Alain Schmoll, Sylvie Largeaud, Claude Rodhain et Gilles Cosson dans Le Petit Journal de haute garonne
La psychothérapeute Marie de Hennezel est devenue célèbre en 1995 avec un premier essai, La mort intime, préfacé par François Mitterrand. Depuis, elle a exploré notre rapport intime à la vieillesse, mais aussi toutes ces perceptions « inhabituelles » et qui témoignent d’un lien à l’invisible que nous aurions peut-être tous sans le savoir. Dans cet entretien, Marie de Hennezel affirme que nous sommes encadrés d’invisible, un sujet qu’il est encore difficile d’évoquer en société.
Marc Alpozzo : Chère Marie de Hennezel, votre précédent livre Vivre avec l’invisible (Robert Laffont, 2021), ouvre le volet de la force invisible guidant certains d’entre nous. Le titre est très beau. Votre nouveau livre s’intitule L’Aventure de vieillir. Et si avancer dans l’âge était un voyage ? (Robert Laffont/Versilio, 2022). Vous vous êtes d’ailleurs fait connaître par un premier livre, La mort intime (Robert Laffont, 1996), qui se questionne sur comment mourir. Il était préfacé par François Mitterrand, encore président au moment de la publication de votre livre, qui écrivait ces mots très justes : « Jamais peut-être le rapport à la mort n’a été si pauvre qu’en ces temps de sécheresse spirituelle où les hommes, pressés d’exister, paraissent éluder le mystère. » Cela annonçait très certainement votre travail, et vos livres à venir, qui tournent autant autour de notre relation à l’invisible, donc de la vie spirituelle, que de la fin de vie, donc de la vieillesse et de notre disparition prochaine. D’ailleurs, vous commencez votre livre sur l’invisible, autrement dit ce monde qui se trouve au-delà de la mort, par cette phrase du poète Rainer Maria Rilke, qui vous a été citée par Stéphane Hessel : « Nous sommes encadrés d’invisible. »
Marie de Hennezel : Je voudrais déjà préciser que ce nouveau livre L’Aventure de vieillir. Et si avancer dans l’âge était un voyage ? ne s’adresse pas nécessairement aux personnes âgées. C’est un livre pour les personnes de 60 à 70 ans. En ce qui concerne les plus âgés, soit ils ont tout compris, et donc n’ont pas besoin de mon livre, soit, ils ont peur de vieillir, et je leur montre les clés ou les pistes pour vieillir dans la sérénité. Hier-soir, je dinais avec une personne de 80 ans, mais c’était incroyable combien elle était jeune, d’esprit et de corps. Mais elle est tout à fait sur la ligne que je décris, en refusant cette image négative, ayant toute sa tête, bien à tous points de vue, que ce soit physique ou mental, et elle défendait l’idée que vieillir c’est une aventure, que l’âge n’est pas un naufrage.
Autre précision : mon précédent ouvrage n’est pas un livre sur l’invisible, mais sur le lien que les gens ont avec l’invisible. Parce que l’invisible est un mot vaste, c’est ce que l’on ne voit pas certes, mais c’est pour l’un ceci et pour l’autre cela. Cette idée m’est venue après des années de prises de notes à propos des liens que mes patients entretiennent avec l’invisible. C’est la raison pour laquelle je suis parti de cette phrase de Rilke que vous venez de citer. Aussi, il dit que dans cet invisible qui nous encadre, se trouvent des anges. Vous l’avez également précisé, c’est Stéphane Hessel qui me la rapportée, et j’ai parlé avec lui de ce qu’il entendait par là. Or, vous savez qu’il n’était pas religieux, puisqu’il se disait agnostique, mais à propos de la mort, il me disait : « Vous savez, Marie, la vie est extraordinaire. Pourquoi la mort ne serait pas extraordinaire ? » D’ailleurs, il avait hâte de mourir. À 95 ans, il disait, « J’ai une gourmandise de mourir ». C’est donc Stéphane Hessel qui a attiré mon attention sur ce lien.
M. A. : Ce n’est pas seulement des notes sur le lien de vos patients avec l’invisible, puisque vous vous impliquez aussi dans ce livre ?
M. de H. : Oui, en effet. J’ai également pris des notes sur mon propre lien avec l’invisible. Je raconte des histoires qui me sont arrivée aussi. Des histoires incroyables. Mais précisément, le but du livre c’est de montrer que c’est un lien naturel et non surnaturel. Que c’est un lien normal et non paranormal, et que tout le monde a ce lien dans un domaine ou un autre ; que les gens sont très secrets sur ce lien car nous sommes plongés dans un monde bien trop rationnel. Ils craignent de n’être pas crus, d’être pris pour des déséquilibrés. Or, le succès du livre s’explique par le fait même que les gens y ont vu un réconfort, enfin ils ne sont plus seuls avec des histoires inexplicables. Mon livre leur a permis de comprendre qu’ils ne sont pas seuls à faire comme cela une place au mystère de la vie et à voir un lien.
M. A. : Vous explorer de nombreux aspects de l’invisible dans ce livre : les rêves, les intuitions, la petite voix intérieure, les anges gardiens, les archanges, les synchronicités, ces signes qui font sens, etc.
M. de H. : En effet, ou encore notre relation avec les morts, car ce sont nos invisibles. Mais je ne cherche pas à expliquer ce qu’est l’invisible. D’ailleurs j’en parle au chapitre 1, « Un piège à éviter », où je dis pourquoi je ne veux pas tomber dans le piège de l’explication. Tout simplement parce qu’il n’y en a pas. À l’heure actuelle, on ne trouve aucune explication, mais il se passe des choses entre les hommes et l’invisible, malgré le mystère.
M. A. : Certains livres de Didier van Cauwelaert peuvent compléter vos recherches[1]. Vous ne prétendez pas nous livrer un message absolu, vous êtes plutôt du côté de la recherche, mais dans un monde où la science est dépourvue des outils utiles pour proposer des thèses ou des doctrines sur l’au-delà, l’invisible, la vie après la vie. De fait, nous demeurons dans quelque chose de très fragiles au niveau de la preuve ou de l’expérimentation et de la démonstration. Vos livres sont plutôt le partage de vos recherches, qui peuvent se voir comme une alternative à cette pensée scientiste qui déconstruit et assèche le monde.
M. de H. : C’est vrai que cela met un peu de poésie et de mystère dans ce monde trop sec, ce monde scientifique et rationnel ne correspond pas à cette notion d’émerveillement qui est propre à l’homme. Mais on pourrait aller plus loin et dire que nous avons tous un fond mystique. Mon propos est avant tout psychologique cependant, car il n’y a pas que la raison, il y a l’affect, l’émotion, l’intuition. Ce sont notions qu’il faut prendre en compte, car cela fait partie de l’humain. Certes, mon livre n’est pas mystique, mais il montre que l’on a un fond mystique que l’on tient de côté, que l’on refoule. Les enfants sont plus proches de ce fond mystique que nous le sommes, ainsi que les très âgés qui approchent la mort, puisqu’ils s’en rapprochent. Je dirais que mon livre est donc un propos de psychologue, qui se dit que les gens ont ce lien avec lequel ils sont très seuls, n’osant pas en parler, ce qui permet de réhabiliter une dimension de l’humain. De plus, je suis jungienne, et c’est Jung qui faisait une grande place à l’invisible, pensant qu’il y avait un ordre invisible, ce qui répond bien à la phrase de Rilke. Or, la synchronicité relève de ces signes qui montrent ce lien avec l’invisible. Par exemple, on pense à quelqu’un et soudain le téléphone sonne, ou bien l’on reçoit une lettre d’une personne dont on vient de rêver.
M. A. : Le concept de synchronicité que l’on doit à Carl Gustav Jung, psychiatre suisse et père de la psychologie analytique, est un concept très fécond. Mais à ce propos, j’ai lu dans une littérature spécialisée que les morts pouvaient aussi se manifester à nous sous la forme d’insectes, ou d’animaux sauvages.
M. de H. : Je vais vous rapporter une histoire qui n’est pas dans mon livre, parce qu’elle est arrivée après son écriture. Mon ancien mari, père de mes enfants, était un spécialiste des coléoptères et des papillons. Il avait la collection privée la plus importante d’entomologie en France. Aussi, on peut dire que le papillon était un lien que nous avions tous les deux. Nous avions une ruine que nous avions retapée dans le Gard, ruine où j’ai une pierre celte que Mitterrand était venu toucher deux fois. Mon mari y était très attaché. Et voilà que l’été dernier, je buvais du rosé en regardant à perte de vue, lorsque je vois un magnifique papillon qui se pose sur une bougie, puis qui monte le long du verre, et qui se met à boire le rosé. J’étais avec un ami, et nous étions tous les deux médusés, lorsque tout à coup je me demande si ce n’est pas mon ancien mari qui me fait signe, car le papillon est sa signature. Je lui parle donc à haute voix tandis qu’il continue à boire le rosé, puis il s’en va. Le lendemain, je fais la sieste sur la terrasse, lorsque je vois le même papillon faisant des cercles autour de mon visage, puis fonce sur mon front, puis sur ma joue, enfin sur mes lèvres. J’ai eu le temps de faire trois selfies, et, lorsque je montre les photos, les gens me disent qu’ils n’ont jamais vu ça. Ce sont des endroits où l’on embrasse. C’est donc pour répondre à votre question. Les morts qui vous sont proches prennent des médiums pour se manifester. En ce qui concerne mon mari, le papillon est sa signature. J’ai un ami, c’est la coccinelle. Sa femme s’appelait Coccinelle, et le jour de son enterrement, alors que nous étions en hiver, une coccinelle est venue se poser sur chaque membre de la famille.
M. A. : C’est vrai que des histoires comme celles-là, on en a beaucoup entendues. Cela dit, vous mettez en garde vos lecteurs, à juste titre, il me semble, quant à l’apparition des proches qui sont morts. Vous racontez notamment dans votre livre, qu’une amie à vous, se disant médium, est venue vous dire que François Mitterrand avait cherché à communiquer avec vous, en commençant sa lettre par « Chère amie ». Il y a énormément de charlatanisme dans ce milieu, mais il ne faut pas cependant, jeter le bébé avec l’eau du bain.
M. de H. : Je le raconte dans mon livre en effet. C’était la femme de Romain Gary, mais jamais Mitterrand ne m’avait appelée comme ça. Il aurait dit dans sa lettre, « Chère Marie » ou « Chère Madame », mais jamais cela. Je n’en ai donc pas cru un mot. Je mets d’ailleurs mes lecteurs en garde contre toute tentation de manipulation de l’invisible. Dès que l’on cherche à manipuler l’invisible, on est dans le mal. Moi, ce qui m’intéresse, c’est le lien spontané. Or, ce qui me parait simple dans notre lien à l’invisible, c’est que, tout à coup, on pense à nos morts, et on peut leur demander de l’aide. Pendant le confinement, beaucoup de personnes ont demandé de l’aide à l’invisible, ce qui les a sauvés.
M. A. : Vous parlez aussi des expériences de mort imminente, ce qui est également très curieux pour notre pensée rationaliste. Annick de Souzenelle appelle cela néanmoins, des expériences numineuses. Qu’en pensez-vous ? Cela n’aurait donc rien à voir avec la mort. Il semble même que l’on trouve des expériences négatives aussi dans cette proximité avec la mort. Vous le dites très bien dans votre livre.
M. de H. : En effet, c’est bien une expérience numineuse, puisque ces expérienceurs reviennent. Ce qui est intéressant toutefois dans ces expériences c’est que l’on n’a plus peur de la mort après cela, et ces gens deviennent même altruistes. Ils ont compris grâce à cette expérience où se trouvent les valeurs de la vie. Et se tournent vers les autres. En tant que psychanalyste, j’ai aussi eu des patients qui avaient peur, à cause de mauvaises expériences. Personnellement, je travaille avec une visualisation qui m’a été enseignée par le médecin du Dalaï Lama, et qui permet de scanner son corps de lumière. Si l’on étend la lumière que l’on trouve à l’intérieur de soi, sur 40 cm autour de soi, l’on se fabrique une coque de lumière dans laquelle on peut se calfeutrer, et personne ne peut rien contre soi. François Mitterrand pratiquait souvent cette visualisation. La porte ouverte, disons-le, ce n’est rien d’autre que la peur.
M. A. : Descartes occulte l’imagination au profit de la raison. Vous, au contraire, vous réhabilitez l’imagination. Vous semblez dire que la force de la visualisation crée des choses sur terre.
M. de H. : Oui, c’est la puissance de la pensée. De même qu’imaginer un invisible protecteur peut être considéré comme de l’imaginaire, mais ça marche très bien.
M. A. : En 1980, François Mitterrand était déjà bien ouvert à tout cela. En 1996, il parlait des « forces de l’esprit ». À l’époque, on s’étonnait. Aujourd’hui pourtant, on semble très ouverts sur tous ces phénomènes, mais en même temps c’est hâtivement classé du côté du New Age. Par exemple, à l’époque il consultait Jean Guitton.
M. de H. : Pour repartir sur François Mitterrand, il avait autant cette complexité que cette ouverture, qu’il assumait. Les autres n’osent pas en parler. Mais je voudrais rebondir sur Jean Guitton. Il ne l’a pas consulté tant que ça. Jean Guitton s’est beaucoup vanté. Mitterrand l’a vu deux fois, et chaque fois Jean Guitton en a fait un livre. Mitterrand disait de lui qu’il l’invitait pour l’instruire des fins dernières, alors que ce qui l’intéressait chez Jean Guitton, c’était sa peinture, parce qu’il peignait les femmes de dos. Il lui achetait ses peintures. Jean Guitton mentait. Par exemple, il a fait croire dans un de ses livres, qu’il avait montré les reliques de Sainte Thérèse à Mitterrand. Or, j’ai rencontré le chauffeur qui avait emporté ces reliques de Lisieux jusqu’à Notre-Dame des Victoires. Or, il se trouve que ce dernier avait décidé, de son propre chef, de passer par l’Élysée où il les montra à Chirac, qui les a regardées. Puis, on a dit au chauffeur de faire un détour par la rue Frédéric-Le-Play, où Mitterrand a fini ses jours, au 9. Ce dernier, revenant du Champ-de-Mars, aperçoit alors la voiture, et on lui demande s’il veut voir les reliques de Sainte Thérèse. Il répond « Oui, bien sûr ». On soulève donc le capot, et Mitterrand va toucher le reliquaire, à la différence de Chirac, qui l’aura simplement regardé. Il faut toutefois préciser que Mitterrand avait une certaine dévotion pour Sainte Thérèse de Lisieux. Elle faisait partie de ses invisibles. Mais voyez, Jean Guitton n’a jamais rien eu à voir dans cette affaire. C’est le chauffeur qui me l’a lui-même confirmé. Il est bon de rétablir la vérité sur le sujet.
M. A. : C’est donc fait. Vous terminez votre livre, Vivre avec l’invisible, par une idée magnifique : Voir, c’est créateur. C’est très beau. Voir l’invisible, ou créer l’invisible lorsqu’on arrive à le voir.
M. de H. : Beaucoup de créateurs vous diront qu’ils créent parce qu’ils sont habités par l’invisible. Ils le savent pour la peinture, l’écriture. Les romanciers vous diront qu’ils découvrent leur roman au moment où il s’écrit. Et je termine mon livre sur l’épilogue aux non-voyants, car il y a des gens à qui il faut rendre hommage, car ils vivent dans l’invisible. Aussi, je propose deux témoignages de non-voyants, Hugues de Montalembert qui vit encore, et Jacques Lusseyran. Ces deux-là nous disent tout ce que cela développe comme qualité humaine de ne plus voir. C’est aussi cela le lien à l’invisible.
Propos recueillis par Marc Alpozzo
[1] Voir parmi ses nombreux ouvrages, Corps étrangers, Paris, Albin Michel, 1998, Dictionnaire de l’Impossible, Paris, Plon, 2013, Le Nouveau Dictionnaire de l’Impossible : Expliquer l’Incroyable, Paris, Plon, 2015, J’ai perdu Albert, Paris, Albin Michel, 2018, Au-delà de l’impossible, Paris, Plon, 2016, La vie absolue, Paris, Albin Michel, 2023.
Ancienne avocate d’affaires, Francine Keiser a laissé ses dossiers pour lancer sa marque de mode, largement inspirée des années 60, Francini_K. Et puisqu’elle ne fait jamais les choses à moitié, moins de 12 mois après la sortie de sa première collection, la styliste a pris part à la Fashion Week de New York. Elle nous raconte cette folle aventure entre découverte de la couture et moments suspendus.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de lancer Francini_K ?
C’est une longue histoire… J’ai une longue carrière d’avocate derrière moi, j’ai exercé ce métier pendant plus de 30 ans. Ce travail ne vous permet pas de vous dégager beaucoup de temps pour vous. Pourtant, j’ai toujours eu énormément de centres d’intérêt : l’art, la mode, la cuisine, le sport, la philosophie… Il y avait tellement de domaines qui m’intéressaient et je mourrais d’envie d’y consacrer du temps. Alors, un jour, je me suis fait la promesse qu’à la moitié de ma vie, je me donnerais la possibilité d’entamer une deuxième vie. Lorsque j’ai sauté le pas, je dois avouer que ce ne fut pas un jeu d’enfants. Au début, mes associés au cabinet et mon entourage n’étaient pas très compréhensifs. Mais j’ai persisté et j’ai finalement réussi à changer de vie. Dans un premier temps, je ne me suis pas vraiment fixé d’objectifs. Je souhaitais garder une certaine liberté pour décider ce que je souhaitais faire. Et cela a commencé plutôt simplement.
Vous étiez pourtant loin du monde de la mode… Quel a été l’élément déclencheur ?
Je souhaitais faire de l’upcycling de mes vêtements. J’ai donc dû apprendre à coudre. Cela m’a énormément plu, je me suis très vite inscrite dans une école de mode à Paris. C’était au début du confinement, j’ai donc réalisé mon cursus à distance. Dans cet établissement, comme dans toutes les écoles de mode, les élèves ont l’opportunité de participer à un défilé de mode. Je me suis évidemment inscrite et j’ai été sélectionnée pour participer au concours. Et je l’ai gagné ! Je ne m’y attendais pas du tout, d’autant que j’étais en première année. Il y avait des concurrents avec beaucoup d’expérience. C’est là que tout a débuté. Avant ce concours, l’idée de créer ma propre marque de couture ne m’avait pas encore traversé l’esprit. Alors que j’avais réalisé quelques pièces pour le défilé, mes proches m’ont vivement encouragée à me lancer.
« Mes collections sont à la fois classiques et originales »
Au début, je n’étais pas vraiment pour. La mode reste un monde à part. Finalement, je me suis dit que c’était une opportunité en or. En 2021, j’ai trouvé une maison de production et tout allait très vite. J’ai sorti ma première collection en avril 2022, sur mon site internet (www.francinik.com). J’ai ensuite ouvert mon propre magasin, en septembre de la même année, à Luxembourg. J’ai trouvé ce local magnifique, niché dans une maison du XVIIIe siècle, un peu par hasard et je n’ai pas hésité une seule seconde à m’y installer. Ensuite, j’ai participé à la Fashion Week de Luxembourg. Je trouve que c’est très important de présenter ma collection localement.
Il s’est passé très peu de temps entre le lancement de votre première collection et l’ouverture de votre magasin à Luxembourg. Vous êtes de nature fonceuse, n’est-ce pas ?
J’estime qu’il est important de se remettre en question, mais il est aussi essentiel de prendre le train en marche. Parfois, il est bon de prendre des risques. J’ai une belle expérience professionnelle derrière moi ce qui permet de prendre des décisions rapidement et de les assumer. Il faut se donner les moyens d’atteindre les objectifs fixés.
Comment définiriez-vous le style Francini_K ?
Mes créations sont inspirées des années 60, et aussi du style de mon idole : André Courrèges. Il y a toutes ces robes trapèzes, colorées. Mes collections sont à la fois classiques et originales. Elles sont classiques, car les pièces sont épurées et simples à porter à tous les âges. Ce sont des pièces mi-saison, réalisées à partir de matières premières de qualité. Et même si je travaille des tissus magnifiques, j’apporte toujours une touche d’originalité. Je réalise des modèles relativement tendance, avec des empiècements miroités notamment. J’apprécie particulièrement combiner des matières techniques modernes avec des tissus plutôt classiques comme la soie ou la laine. Cela rend ma mode originale et atypique. Ces vêtements restent très confortables et peuvent être facilement portés toute la journée. C’est important pour que les femmes puissent être belles et rayonnantes à toute heure, avec des baskets ou des talons.
Une mode inspirée des années 60… Qu’est-ce qui vous plaît tant dans cette époque ?
C’est une très bonne question et je ne suis pas certaine de pouvoir y répondre. Je suis née dans les années 60 donc je n’ai pas vraiment vécu consciemment cette époque. Mais je me rappelle, lorsque j’étais jeune, nous avions toujours à la maison des magazines de mode. J’ai toujours été fascinée par les photos des défilés et des couturiers présentes dans ces revues. Je trouve aussi que c’était une époque mode très féminine. Il y a eu l’invention de la minijupe par André Courrèges. Il y avait énormément de couleurs. De nos jours, il y a de moins en moins d’élégance. J’aimerais redonner aux femmes l’envie de s’habiller avec classe.
Quel est votre processus créatif ? Comment une pièce prend-elle vie dans votre tête ?
Souvent, il m’arrive, dès mon réveil, de faire mes croquis, car j’ai énormément d’idées. J’ai comme des flashs de vêtements. Je les dessine et je les retravaille pour finaliser ma création. Je fais ensuite des prototypes avec les tissus que j’aime utiliser. J’en réalise plusieurs jusqu’au moment où je fixe mon idée. C’est un processus relativement long, je me laisse le temps de faire toute la partie création. Je travaille avec une société parisienne qui s’occupe de la digitalisation des patrons et des gradations. Nous faisons ensuite des essayages, et après des semaines, voire des mois, nous entamons la production.
Vous produisez l’ensemble de votre collection en Europe, en quoi est-ce important pour vous ?
D’un point de vue écologique et économique, il est important de garder une production européenne. L’autre raison c’est que le savoir-faire européen n’est plus à démontrer. Les tissus sont d’une grande qualité. Les créations Francini_K prennent vie en Roumanie, les ateliers de couture locaux ont une immense expertise. Je ne suis pas certaine de retrouver une même qualité ailleurs.
Moins de 12 mois avant le lancement de votre première collection, vous avez participé à la Fashion Week de New York. Quelles émotions vous ont traversée sur le podium ?
En février, j’ai pris part à la Fashion Week de New York. C’était époustouflant, au-delà de mes espérances. En réalité, participer à cet événement était mon accomplissement ultime. C’était presque irréel. Je ne m’imaginais pas que cette semaine mode générait autant de festivités. Dans la ville, il y a plus d’une centaine de défilés. Les mannequins font des shootings dans les rues. Toute la ville est sous le sigle de la Fashion Week. J’étais déjà extrêmement contente d’en faire partie. En ce qui concerne le défilé en lui-même, nous étions hyper excités. J’ai participé à un défilé nommé « The Ones to Watch », destiné aux jeunes créateurs. Malgré une montée de stress avant le top départ, tout s’est bien passé. Et finalement, après le passage de mannequins, je suis montée sur scène pour saluer le public. C’était un moment hors du temps, tout à fait exceptionnel.
« Participer à la Fashion Week de New York était mon accomplissement ultime »
Justement, si on remonte en 2021, est-ce que vous vous attendiez à un tel succès ?
On ne peut jamais savoir comment cela va évoluer. Au départ, il faut bien avoir à l’idée que je ne savais pas vraiment ce que je souhaitais faire de ma deuxième vie. J’adore rêver, j’imagine toujours les meilleurs scénarios. Lorsque je regarde en arrière, je me rends compte de toutes les étapes franchies.
Quels sont les projets de la marque ?
La barre est très haute ! J’ai envie de faire d’autres Fashion Week, j’ai confirmé ma présence à celle qui se déroulera au Luxembourg. Je suis donc en train de travailler sur mes futures collections. J’aimerais beaucoup participer à la Fashion Week de Paris. Grâce à ma participation à celle de New York, j’ai un point de vente dans la ville. Je vais également ouvrir une boutique à Paris et un autre magasin éphémère à Sorrento, en Italie, pour quatre mois.
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