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François Deymier reçoit Sophie Reverdi pour un long superbe entretien d’une heure sur BTLV

François Deymier reçoit Sophie Reverdi pour un long superbe entretien d’une heure sur BTLV : émission à réécouter ici https://www.youtube.com/watch?v=MSNPNDZW89s&fbclid=IwAR2VRx6P_-40wM6y08K0QlwQPMVv2C2Y_6cMnsB1HwEa9wyo8V8BKsKxmx4

Une vie entière dédiée à combattre le fléau du siècle, l’obésité, décrite par l’OMS comme la première épidémie non contagieuse de l’humanité et décimant plus de 7000 personnes par jour dans le monde, Sophie Reverdi qui vient d’écrire l’intuition du zéro coupé, répond aux questions de François Deymier sur Btlv, dans  » Et si on allait mieux… »

« le plus beau livre que Critiques Libres aura lu de cette année 2019. », c’est « L’intuition du zéro coupé » de Sophie Reverdi

L’histoire d’une femme véritable

Quelle personne merveilleuse que l’auteur de ce livre ! Sophie Reverdi a, toute jeune, juré de consacrer sa vie à lutter contre une maladie bien de notre temps : l’obésité. Mais sans douleur. Car elle, Sophie, toute jeune, enfant, adolescente, en a souffert plus que sa part. Car elle a maigri dans la douleur.

On peine à croire tout ce qui est dit ici, mais les détails sont précis, les gens sont nommés, les lieux reconnus, et des photos émouvantes viennent en appui au récit. Sophie Reverdi, plus que sa vie, nous narre son œuvre.

L’histoire commence comme souvent bien avant la naissance de la narratrice. C’est au centre obscur de l’Europe qu’une jeune femme, que la photo nous révèle merveilleusement belle, comme savent l’être les Roumaines, échappe de justesse aux nazis. C’est la mère de Sophie. Cette jeune fille très éduquée va tomber sans cesse de Charybde en Scylla, car il ne fait pas bon être en Bessarabie, c’est-à-dire en Moldavie, dans les années quarante, surtout si l’on est un peu Tsigane.

Sauvée de justesse de l’envoi en camp de concentration, emmenée en Occident par un premier mari, la jeune femme se retrouva finalement fort mal mariée en secondes noces à un tyran domestique, à qui elle donna une fille, sa seconde, Sophie.
Dire que la famille est malheureuse est loin en dessous de la réalité : Sophie le supporte mal et mange, mange, mange, jusqu’à devenir, dit-elle, monstrueuse. 


Toute la première partie de ce récit concerne les mésaventures familiales, et nous plongeons en apnée dans le monde de cette Mitropa si complexe aux confins de la Roumanie menacée par l’Union soviétique. C’est tout un autre monde, souvent évoqué par Stefan Zweig, aux habitants talentueux et courageux, car dans toutes les bonnes familles on apprend la littérature, la musique et tant d’autres choses. Alors que leur monde s’écroule, ils parviennent in extremis à rejoindre l’Occident encore épargné, mais plus pour longtemps. Nous découvrons l’infinie débrouillardise de ces fugitifs sans cesse menacés.

Évidemment, pas question de revenir en Roumanie après 1945. Quelques années plus tard, le père juge le jeune Ceaucescu peu digne de confiance…
Sans insister, Sophie Reverdi évoque quelques belles personnes qui ont croisé le destin familial, formidable collection d’artistes, intellectuels, gens de toute sorte, tous sachant tout faire, et avec talent. Tout un monde perdu. Au génie européen s’ajoute le génie des désespérés.


Un jour, elle naît dans une famille qui se décompose déjà dramatiquement. Son enfance malheureuse, autour d’une mère atteinte de mélancolie profonde, la laisse sur le carreau. Elle devient le mouton noir de la famille, la seule qui ne sache rien faire, celle qui, de toute façon, est un zéro. Un zéro coupé, même, invente son père. Elle devient alors une handicapée : elle est obèse. Son enfance tourne en une vie de frustrations et de misère, jusqu’à ce qu’un séjour écourté dans un camp de vacances américain pour enfants suralimentés lui provoque une épiphanie salvatrice : elle sauvera les obèses de leur lourd destin. Ce sera le sien. Le zéro coupé a trouvé le but de sa vie et s’y consacrera sans jamais abandonner.

Elle maigrit. C’est sa première tâche. C’est terrible. La méthode est abominable, mais cela marche. Sophie rencontre des gens extraordinaires, encore, un tailleur pied-noir, un musicien de rock, un coach suédois ; elle passe son bac, apprend la gestion des établissements hospitaliers, s’épanouit et n’oublie jamais. De belles photos anciennes de sa famille, jusqu’à ses grands parents et de gens qui ont croisé sa vie, donnent un visage à ces silhouettes évoquées souvent trop succinctement. Mais le récit ne traîne pas, il est dense, varié, oblige parfois à y revenir, et l’auteur sait mener le suspens, ce qui, pour un livre de souvenirs, est exceptionnel.
Nous découvrons aussi, au passage, la mutation d’une adolescente certes jolie, mais difforme qui, au sortir de sa chrysalide, devient une jeune femme à la beauté rayonnante, puis maman.


On pourrait craindre que passer des tribulations d’une famille en détresse à la construction d’un centre de traitement de l’obésité serait l’occasion d’une baisse de la densité du récit. Il n’en est rien. Sophie – qui n’est pas encore Reverdi – sait compliquer son existence au-delà du pensable et c’est, on reconnaît là l’Europe centrale, en tout compliquant qu’elle saute tous les obstacles.
C’est en Tunisie que l’histoire se poursuit. Et de nouveau tourne le carousel de ministres, de médecins, de toute une société intelligente, d’un jeune homme qui saisit l’affaire de sa vie, et deviendra un précieux factotum.

Enfin l’institut ouvre dans un faubourg de Carthage… et, les premiers patients, immanquablement, deviennent des amis. Point de routine, pourtant, une méthode s’invente, et les gens maigrissent. Mais tout serait trop simple et la politique s’en mêle, tant et si bien que Sophie, devenue Reverdi, ouvre un centre à Paris, et tout recommence, avec de nouvelles têtes, un autre défilé de personnes bienveillantes (les autres ont dû passer à la moulinette temporelle, mais, c’est le miracle Reverdi, elles ne sont pas oubliées et réapparaissent un jour. L’amitié de Sophie est sans faille.

Le récit s’achèvera bien plus tard, dans une ribambelle de remerciements et d’éloges pour tout le monde car s’il est une autre chose merveilleuse dans cette Intuition du Zéro coupé, c’est que l’héroïne et narratrice ne s’attribue presque rien, sinon une opiniâtreté à toute épreuve. Tout est toujours présenté comme le résultat de l’aide qu’elle a reçu, du dévouement de ses amis, de l’intérêt que portent des personnalités à son projet, c’est presque comme si elle n’y était pour rien. C’est rare, c’est précieux. On se prend parfois à se dire qu’elle exagère, mais sa modestie est stupéfiante et surgit déjà « un homme merveilleux », une femme admirable » qui permet la réalisation d’un élément du projet.

Que dire d’autre enfin ? Le récit est tenu de bout en bout dans une langue d’une simplicité et d’une précision parfaites. Point de gras, si on peut dire, mais des rebondissements à chaque page. Se lit comme un polar, en somme.

Une annexe présente, de manière assez publicitaire, le programme « Smart and Light », c’est ainsi qu’elle l’a baptisé, en quelques pages. En parler n’est pas de mon ressort, mais vous pourrez consulter le site de Smart and Light ici : https://www.smartandlight.com



Sans doute le plus beau livre que j’aurai lu de cette année 2019.
 François MARTINI

Guy Vallancien troque son costume de clinicien pour celui de philosophe dans Causeur

Guy Vallancien troque son costume de clinicien pour celui du philosophe

Il publie « À l’origine des sensations, des émotions et de la raison »

Dans son essai, À l’origine des sensations, des émotions et de la raison – sous-titré « J’aime donc je suis » – l’ex-urologue Guy Vallancien nous éclaire d’une lumière qui n’est pas exclusivement scientifique ou médicale. Le médecin nous parle des hommes comme un homme. Il troque son costume de clinicien pour celui du philosophe.


Cet essai est d’abord le récit d’une épopée. Guy Vallancien cherche à comprendre ce que l’homme recèle de mystères et de complexités avec, pour point de départ, rien de moins que le grand néant originel. Les questions d’actualité se mêlent, immanquablement, aux questionnements fondamentaux qu’il pose, sans toutefois verser dans un manichéisme infructueux. Il n’y a pas, en effet, le Bien technologique d’un côté face au Mal ancestral de l’autre. Son propos est bien plus nuancé et subtil. Qu’une intelligence artificielle advienne et soit, sans doute, logiquement supérieure à celle de l’homme est un fait avec lequel il nous faudra, à l’avenir, composer.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César !

En revanche, et c’est là toute la portée de la réflexion : jamais une intelligence purement calculatrice, froide et désincarnée ne viendra détrôner la magistrature intellectuelle des hommes. Qu’on le veuille ou non, l’être humain ne sera jamais assimilable à un robot. Il faut donc rendre à César ce qui appartient à César et reconnaître en l’homme ce qui constitue son irréductible spécificité humaine.

Un traité de philosophie

Chemin faisant, Guy Vallancien ôte donc le costume du clinicien pour celui du philosophe. C’est contre une tradition solidement ancrée qu’il s’inscrit en faux. Refusant de considérer l’homme comme une machine, c’est contre le dualisme cartésien (et de beaucoup d’autres philosophes) que se dresse cet ouvrage. « Ce n’est pas parce que je pense que je suis, mais parce que je ressens que je deviens ». À la raison surplombante – « la raison est la seule chose qui nous rend hommes »(1) – défendue par Descartes, Guy Vallancien lui oppose un recours aux sens et un retour des sensations. L’homme n’est donc pas qu’un être rationnel que les sens trompeurs viendraient ébranler. Jetant un pont entre le ressenti et le devenir, cet essai prend des allures fermement existentialistes.

La liberté – puisque c’est bien, en filigrane, de cela dont il est question – est une chose qui demeure exclusivement humaine mais qui ne consiste toutefois pas à prendre le seul parti de l’entendement. C’est que l’intelligence, et plus généralement, la nature humaine sont bien plus que cela : « les post-humanistes méconnaissent totalement le rapport qui nous font exister, combinant le physique au psychique ».

Une réhabilitation du sensible

Il convient donc de « cerner l’Homme dans sa plénitude ». Et la sensibilité humaine est résolument partie prenante de cette plénitude. Bien qu’il n’y soit jamais question en tant que telle dans ce livre, c’est bien la sensibilité qui subsume les sens, les sensations, les émotions. Guy Vallancien nous explique alors que notre présent, du moins tel que les sujets vivants le perçoivent, est d’abord affaire de reconstitution des sens passés. L’homme est donc avant tout un être animé par un passé, un vécu, qui n’a cependant rien du déterminisme : « je m’invente sans cesse » (idée, par ailleurs, essentielle dans la question ontologique fondamentale chez Heidegger, rien de moins !). C’est précisément là que réside toute la subtilité de la nature humaine : la frontière est ténue entre l’expérience vécue et la liberté constitutive et originaire qui amène l’homme à se transcender lui-même et pour ses idéaux. L’être humain est donc définitivement irremplaçable car son existence propre n’est pas réductible à un algorithme.

Cette complexité est le corollaire même d’une sensibilité proprement caractéristique de l’homme. C’est qu’on ne demandera jamais à un robot de nous faire rire, pleurer ou de nous émouvoir : Bach, Chopin, Mozart ou Rembrandt étaient bien des hommes. De cette réhabilitation du sensible, c’est aussi une conclusion politique qu’il convient de tirer.

Guy Vallancien se fait le chantre légitime d’une « unicité de l’être ». Idée qui n’est pas profonde que par la formule. En effet, c’est en reconnaissant à l’homme toute sa dimension sensible que l’on substituera à l’individualisme délétère une individualité précieuse. C’est à se demander si, derrière les débats relatifs à l’intelligence artificielle ou à l’homme augmenté, il n’y aurait pas une forme de vanité des hommes de se faire à leur image. Mais la créature a toutes les chances de n’être qu’illusoirement la réplique du créateur, puisque les hommes sont tous, par définition, des êtres uniques et singuliers.

Préserver la spécificité humaine

La question n’est donc pas de savoir si les robots seraient possibles ou souhaitables, mais plutôt celle de la préservation d’une spécificité humaine, ou plus encore, d’une spécificité des hommes. L’auteur évoque l’indigence d’une « civilisation qui privilégie l’objet analysable au détriment du sujet insondable ». À cela, il oppose la « densité d’être » qui, elle, repose sur la complexité et la richesse de l’intrication des « variantes émotionnelles et créatrices ».

Au fond, ce qui façonne l’homme et l’humanité toute entière, ce sont d’abord les relations intersubjectives. Quid de l’amour, de l’art, du génie, de la beauté du monde, de l’histoire et de l’héritage dans une société devenue régie par la robotique ? Car « c’est en sortant de soi-même pour s’immerger dans la relation interpersonnelle (…) que l’on devient humain, profondément humain, intégralement humain ».  L’ancien praticien de confesser que tout médecin, quelle que soit la spécialité, demeure avant tout un peu psychologue. Le patient demeure avant tout un homme, et sera toujours plus réceptif à l’humanité de son interlocuteur qu’à l’austérité de sa technique.

A l’origine des sensations, des émotions et de la raison: J’aime donc je suis

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« Le Testament du Tsar » à l’honneur sur Atlantico, un précieux regard franco-russo-hongrois sur la géohistoire de l’Europe orientale

GEOPOLITICO-SCANNER

Un regard d’Est en Ouest : géohistoire de l’Europe orientale contemporaine

Ainsi qu’on peut l’observer depuis les élargissements successifs de l’Union européenne à des pays d’Europe orientale et centrale jadis soumis au joug soviétique et libérés depuis la chute du Mur de Berlin et de l’ex-URSS, l’Europe est loin d’être réunifiée. Plus que jamais, un double rideau de fer géopolitique, idéologique, sociologique et historique divise les pays du Continent européen: tout d’abord la « ligne de front civilisationnelle » (pour paraphraser Samuel Huntington) qui sépare et souvent oppose, l’Europe atlantiste-occidentale et la Russie, et ensuite la ligne de haute tension qui oppose politiquement et sépare psychologiquement les pays de l’Europe orientale et centrale (entrés dans l’UE depuis 2004, marqués par le populisme « illibéral » à la Orban), attachés à leur identité chrétienne et marqués par un fort anti-communisme, et, de l’autre côté, une Europe de l’Ouest historique engluée dans son politiquement correct, hostile à l’identité assimilée aux vieux démons. Malgré ce constat, force est de reconnaître que les lignes bougent. Alexandre del Valle a rencontré pour s’en convaincre l’écrivain, publiciste et stratège franco-russo-hongrois Youri Fedotoff, fin observateur géopolitique qui incarne par ses origines ces divisions continentales et qui vient de publier un roman épique (« Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945″*), où la fiction et le fait historique se conjuguent  pour nous offrir un éclairage historique d’Est en Ouest aux origines de l’Europe orientale contemporaine.

Le constat de cette double division du continent européen reste valable et se vérifie chaque jour. Cependant, force est de constater que rien n’est fixe en géopolitique et que les « temps longs de l’Histoire » chers à Fernand Braudel et aux stratèges restent prégnants. C’est ainsi que depuis la visite du président russe Vladimir Poutine au président français Emmanuel Macron au Fort de Brégançon, en août dernier, le dialogue entre la France et la Russie a semblé se confirmer après des années de mésentente, en particulier sous le quinquennat du très atlantiste et « moraliste » François Hollande entouré de russophobes. Les échanges, cette semaine entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine rapportés à la presse au sujet du conflit Syrien et de l’éventualité de la tenue prochaine d’une conférence sur la question ukrainienne renforcent l’impression que le président français est bien plus pragmatique et adepte des temps longs de l’Histoire de la France, allié traditionnel de la Russie. Ce changement d’orientation de la politique étrangère française semble aussi s’étendre à l’Europe centrale, avec la réception de M. Viktor Orbán, premier ministre de Hongrie à l’Élysée le 11 octobre dernier. Le pragmatisme indispensable à la diplomatie semble prendre le pas sur les incantations idéologiques. Mais cette tendance est-elle durable? Seul l’avenir le dira. Notre expert-romancier russo-hongrois continental a son mot à dire à ce sujet, éclairé qu’il est par l’histoire, outil du passé incontournable pour comprendre le présent et envisager les scénarios d’avenir.

Alexandre Del Valle : Dans votre roman, saga épique qui se déroule sur trois continents, et qui traverse une révolution puis deux guerres mondiales, la fiction et le fait historique se conjuguent et les  personnages dont nous suivons les aventures paraissent servir un véritable éclairage historique concernant une Europe orientale encore très mal connue de l’Occident. Dans votre roman géohistorique, conservateurs, libéraux et révolutionnaires incarnés par les familles Trepchine, de Villeneuve et Boulganov, s’affrontent tout au long de cette période tragique du début du XXe siècle. Quelle est l’originalité de votre point de vue d’Est en Ouest ?

Youri Fedotoff : A l’origine, il y a une interrogation universelle qui perdure encore et qui a été soulignée à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale avec le succès considérable de l’essai de Christopher Clarck «Les Somnambules » : Comment l’Europe relativement en paix, pénétrée des espérances du progrès et qualifiée de « belle époque », a-t-elle pu sombrer dans le plus meurtrier des conflits que l’on ait connus depuis les guerres de religions?… 

ADV : Mais votre livre ne se déroule pas seulement sous la Première Guerre mondiale et la révolution russe ?

YF : Non, et c’est sur ce point que ce regard d’Est en Ouest est différent. Outre-Rhin et jusqu’en extrême orient, le conflit né en 1914 s’est poursuivi jusqu’en 1945 et au delà. A l’Est, l’armistice du 11 novembre 1918 n’a pas ramené la paix civile comme en Occident. Il n’y a pas eu de récréation entre les deux guerres. Les sociétés allemandes, d’Europe centrale et de la Russie, ont été totalement déstabilisées. Elles ont ainsi connu la guerre civile, le chaos économique, la famine puis une insécurité permanente. 

ADV : Vous ne semblez pas prendre un parti idéologique, ni glorifier une nation en particulier, même si l’on ressent parfois une certaine nostalgie des anciennes monarchie russe et austro-hongroise ?

YF : Mes parents russes et hongrois ont été acteurs de cette époque. Je suis dépositaire de leur témoignage vivant. Cela me place dans une situation différente de mes compatriotes français. Je n’ai pas un point de vue clinique occidental sur cette époque. La volonté de me dégager du chagrin de la névrose et de l’acrimonie qui sont propres à l’exil et au déracinement m’a porté, en tout cas je l’espère, au-delà des idéologies et des nationalismes. 

ADL : Pourtant, vos personnages sont des incarnations idéologiques puissantes ?

YF : Les deux confits totalisent environ cent millions de morts. Il faut bien qu’il y ait eu quelques forces idéologiques pour arriver à ce résultat monstrueux. 

Selon le camp des vainqueurs ou des vaincus, naturellement, chacun a ses raisons. Trepchine, le filleul du Tsar, veut rétablir la monarchie en Russie. Son ami Boulganov, adjoint de Trotsky, combat pour le triomphe de la révolution rouge. 

Les de Villeneuve, associés de la banque Morgan, sont des ardents militants pour la démocratie libérale. Ce qui m’a intéressé ici, c’était par conséquent de placer chacun de ces personnages face à l’Histoire et à leurs contradictions en écartant tous manichéismes et tout lieux communs. 

ADL : Identifiez-vous des ressorts historiques fondamentaux ?

YF : Après le chaos de la première guerre mondiale, la nécessité de rétablir un ordre civil précaire au delà du Rhin a finalement entraîné la dictature Stalinienne en Russie puis Hitlérienne en Allemagne. Le totalitarisme rouge ou brun n’est pas tombé de la lune. Impuissant à vaincre la Russie bolchévique, l’Occident a fini par la reconnaître en 1924 et a commercé avec elle. Après les échecs des démocraties libérales en Allemagne, l’Occident a même un temps considéré Hitler comme un pis allié pour contenir la menace d’une extension bolchévique et n’a pas hésité pas à le soutenir. 

ADL : Malgré le constat de l’échec du traité de paix à la fin de la première guerre mondiale, vous n’accablez pas les figures libérales de votre roman.

YF : Le banquier Julius Bauman et son associé Pierre de Villeneuve, le diplomate américain, sont des figures mercuriennes. Bauman ne fait pas l’Histoire, il la traverse. Depuis la nuit des temps, sous tous les régimes, aux côtés du souverain, vous trouverez toujours un banquier. Dans le roman, l’optimisme de Villeneuve et la neutralité de Bauman sont bousculés par la contradiction entre leur vision matérialiste angélique du progrès et la réalité du chaos. Ce roman est aussi une interrogation sur le progrès qui reste entière à nos jours. 

ADL : Comment expliquez-vous l’échec de la révolution russe ?

YF : Le paradoxe c’est qu’en réalité l’échec de la révolution communiste est apparu très tôt, du vivant même de Lénine. Mon parrain, qui était d’une famille d’artistes bien vus par les Bolchéviques, l’a vécu personnellement. Ils étaient restés en Russie. Il m’expliquait qu’il n’y avait rien à manger et que, dans les villes, on était contraint de bruler les meubles pour se chauffer l’hiver… En 1921, face à la famine, Lénine chef du parti bolchévique, a été obligé de recourir à la NEP (Nouvelle Economie Politique). Il s’agissait tout simplement du rétablissement du commerce qu’il avait initialement supprimé par principe en tant que ressort fondamental du capitalisme. Du jour au lendemain, les étals des marchés se sont couverts de victuailles.  

ADV : Vous faites un parallèle entre les dictatures Staliniennes et Hitlériennes ?

YF : Le fait est que les deux régimes ont collaboré. Dans l’Entre Deux guerres, l’armée allemande s’exerçait en Russie. Par la suite, cette collaboration a été renforcée par le pacte germano-soviétique. Durant deux longues années, de 1939 à 1941, Hitler et Staline se sont partagés l’Europe. Outre les exactions commises de concert en Pologne et en Lituanie, la tentative désastreuse de conquête de la Finlande par Staline a coûté la vie à environ 400.000 soldats russes. Ce pacte a en outre évidemment contribué à faciliter l’invasion de l’Europe de l’Ouest par Hitler. Pour les citoyens d’Europe orientale, les plaidoyers pro domo, qui subsistent encore à propos de ce pacte, sont incompréhensibles. Il s’agit d’une fracture historique et idéologique majeure entre l’Europe de l’Ouest traumatisée par le seul hitlérisme et l’Europe de l’Est traumatisée par les deux, car alors prise en sandwich, d’où l’anticommunisme bien plus viscéral d’un Orban (ou de son homologue polonais Jarosław Aleksander Kaczyńsk) inexistant parmi les dirigeants ouest-européens politiquement corrects.

ADL : En 1939, votre héros Michel Trepchine rencontre un personnage à Paris qui ressemble fort à Arthur Koestler.

YF : Koestler est un témoin inestimable de cette époque. Juif Hongrois, ancien communiste, journaliste, légionnaire, écrivain. Il ressemble au personnage de Zekely dans mon roman. Je souligne que les juifs ont aussi été des combattants et des acteurs importants de cette époque pas seulement en tant que victimes. On croise aussi Joseph Roth et Stéphan Zweig qui avec Romain Rolland font partie du cercle pacifiste d’Antoinette, la mère de Trepchine. Zekely incarne aussi les origines et les valeurs du sionisme de cette époque. Rappelons qu’en France surtout, l’intelligentsia de gauche, à commencer par les adeptes de Sartre, a complètement occulté l’oeuvre et les témoignages concrets et vécus de Koestler, notamment dans son ouvrage majeur, Le zéro et l’infini.

ADL : La Seconde Guerre mondiale vous permet d’élaborer un scénario stupéfiant mais dont les faits reposent sur des faits historiques réels.

YF : L’opposition d’une partie de l’état major allemand à Hitler est connue. La faiblesse de l’armée rouge au début du conflit aussi. En revanche, peu de gens savent que les Etats-Unis ont aidé matériellement et économiquement la Russie durant le conflit contre l’Allemagne. Cette contribution a été déterminante pour le succès de la Russie soviétique qui, en contrepartie, a payé le plus lourd tribu humain.  Je rappelle à ce propos qu’il existe de réels intérêts objectifs inavoués entre l’Occident et les Soviétiques, dont l’Europe de l’est n’a subi hélas que les conséquences négatives, ce que l’Europe de l’Ouest a du mal à comprendre.

ADL : Vous ne portez pas de jugements moraux ?

YF : Qui sommes nous pour juger nos parents ? Il m’a semblé plus intéressant de révéler les contradictions dans la politique ou la psychologie des personnages de tous bords que de prendre la posture d’un « procureur de vertu » (pour reprendre la belle expression de Robert Badinter). Dans mon roman, la morale est un domaine réservé au sacré dont j’exprime, du reste, plusieurs  manifestations. Elle n’est pas de nature profane, même si mes héros sont, je l’espère, vertueux au sens antique du terme. Les diamants du Tsar, cachés par Trepchine, servent l’intrigue d’une chasse au trésor tout au long du roman. Ils incarnent la figure morale du caractère à la fois sacré et incorruptible d’une Russie éternelle. 

ADL : Votre roman n’est pas seulement un récit martial, vos personnages incarnent une transition brutale entre le passé et la modernité.

YF : Il faut bien comprendre que toute la société européenne se délite. La Russie sort de la féodalité, la transition compromissoire entre l’aristocratie terrienne et la bourgeoisie « Biedermayer » patiemment construite par les Habsbourg en Europe centrale s’écroule. Les rêves de puissance de Bismarck aussi. 

En France, la troisième république, pourtant si prodigue, s’effondre lamentablement. Les hommes et les femmes qui ont vécu cette époque ont tous dû affronter de terribles changements. Ils sont écartelés entre des traditions désuètes et des espérances irréalistes. Antoinette est pacifiste mais elle soutient le combat de son fils. La princesse Tin incarne une hyperpuissance féminine revêtue d’une armure guerrière. Les femmes combattent dans l’armée rouge, tel Marina et Irina. A l’inverse, Ilona la pianiste, tente de s’évader dans la musique avec son amant chef d’orchestre mais est rattrapée par l’enfer concentrationnaire. 

ADL : En quoi se roman peut-il aider à comprendre l’Europe orientale et la Russie d’aujourd’hui ?

YF : Les cents millions de morts des deux guerres du XXe siècle, sans compter les guerres coloniales, sont le produit d’affrontements idéologiques. La politique, comme le rappelait Talleyrand, doit répondre aux nécessités. L’Europe orientale et la Russie en particulier sont fatiguées du messianisme idéologique de l’Occident pour lequel elles ont payé un tribu incomparable au XXe siècle. La Russie et l’Europe orientale sortent d’un très long parcours douloureux. Elles ont davantage besoin de considération que de leçons. Pour cela, il faut d’abord étudier l’histoire des pays européens et leur culture. C’est l’effort nécessaire pour éviter des lieux communs et des jugements excessifs. Il faut d’abord apprendre à dialoguer, il est urgent d’arrêter d’insulter les leaders de l’Europe orientale, le terme de « populisme » étant selon moi une insulte.

Youri Fedotoff vient de publier un ouvrage majeur : Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945 (Editions Y&O).

« Pompéi, le sang et la cendre » un roman historique monumental et exceptionnel de Michèle Makki

Parution le 14 novembre 2019 de « Pompéi, le sang et la cendre »

un roman historique de Michèle Makki aux éditions Baudelaire

Pour le recevoir en service de presse / interviewer l’auteure, merci de contacter guilaine_depis@yahoo.com 06 84 36 31 85

Vera s’était échappée pour le rejoindre. Il lui ouvrit les bras dans une chambre d’où était absent le dieu du foyer, où manquaient le feu du mariage et le rire des amis ; ils n’étaient que deux amants réunis pour seulement quelques heures.

L’Antiquité divise les êtres humains en deux parties : les citoyens libres, qui ont le droit de se marier, et les esclaves, considérés comme du bétail. On leur concède l’accouplement, pas le mariage.

Dans cet entrelacs social et juridique se débat une jeune veuve. Sa naïveté et la découverte de la sexualité la poussent dans les bras de l’anti-modèle conjugal : un gladiateur, que son métier rend socialement infréquentable, même s’il est affranchi. Vera reniera t-elle son milieu et deviendra t-elle la concubine d’Albanus ? Son bien-aimé aura t-il la patience de l’attendre ou préfèrera t-il continuer sans elle ?

Réponses dans ce roman où liberté, esclavage et amour se confrontent tout en s’enracinant sous les cendres et le feu du Vésuve dans un cadre historique précis.

Quatrième de couverture :

  • Toi et moi ? Quelle chimère ! Il fut content de la voir pâlir.
  •  Il n’y a pas d’avenir pour nous. Il insistait, volontairement cruel.
  • Tu es une dame et moi un affranchi… Nous ne pouvons pas nous marier.

Que valent les sentiments d’une jeune femme et d’un gladiateur entre Pompéi et Rome au premier siècle après Jésus Christ ? Peut-on les vivre au grand jour ou faut-il les cacher nuit après nuit ? Vera découvre l’amour et la sensualité avec un homme que la société lui défend d’aimer. Quel sera son destin ?

A travers les grandes vagues de l’histoire surgissent, dans la mosaïque de la vie quotidienne, les passions et les espoirs de ceux qui habitaient Pompéi aujourd’hui disparue. Du sang, des larmes et des rires accompagnent cette traversée des règnes de Vespasien et de Titus, gravés dans les mémoires par l’éruption du Vésuve, l’incendie de Rome et une épidémie de peste.

L’auteure : Suisse, Michèle Makki est férue d’histoire. Titulaire d’un Master en philosophie et d’un Master en littérature française, ainsi que d’un Bachelor en italien, elle a enseigné le latin et le français durant sa carrière professionnelle. Journaliste quelque temps au quotidien suisse L’Impartial, elle a dispensé des conférences sur des personnages historiques, publié des poèmes, des articles critiques dans Ecriture, Nova et Vetera (revues publiées en Suisse romande), et coécrit un livre avec Oleg Stépanovitch Kochtchouk (Michel Barde. Un homme, une cité, Editions Slatkine, Genève, 2008)

Mai 79

Où est-elle ?

La servante se leva péniblement. La jeune femme qu’elle devait garder s’était échappée de la maison. C’était de sa faute. Elle ne se réveillait jamais à temps pour lui barrer le passage.

L’aube allait se lever sur Pompéi ; il était un peu plus de trois heures du matin et on la percevait dans la nuit étoilée qui palpitait au-dessus de la ville endormie. Les rues étaient désertes, les portes et les fenêtres fermées. Les fêtards avinés ronflaient dans les auberges après une dernière partie de dés. Une chaise à porteurs descendait la Grand-Rue. Les esclaves qui la soulevaient à bout de bras avançaient à pas vifs, se repérant à la clarté des étoiles et de la lune qui se réfléchissait sur le dallage des rues. Ils se hâtaient grâce à cette luminescence qui facilitait leur orientation. Ils se dirigeaient vers la caserne des gladiateurs. A la hauteur des thermes de Stabies, ils obliquèrent à gauche, repérèrent le temple d’Isis, longèrent la masse trapue du Grand Théâtre. Là, ils ralentirent. Parvenus au coin du Petit Théâtre, ils longèrent lentement une allée de colonnes et s’arrêtèrent devant une volée d’escaliers. Ils posèrent la chaise par terre. Une femme en descendit, drapée dans son manteau de manière à ce qu’on ne puisse apercevoir son visage.

Les porteurs se doutaient de ce que leur maîtresse allait faire dans un quartier qui, de jour, était fréquenté par les acteurs, les oisifs et les femmes en quête d’aventures et, de nuit, s’enfermait derrière des murs et des portes barrées de fer. Elle souleva son manteau d’une main et descendit rapidement les marches. Ils lui emboîtèrent le pas, balançant la chaise sans plus de précautions et soupirèrent d’aise lorsqu’ils furent de nouveau à plat. Ils se taisaient, seuls leurs yeux parlaient pour eux.

Invitation pour la soirée de lancement à la librairie Gallimard de « La Défense d’aimer » mardi 12 novembre à 19h

A vos agendas !

e vous donne rendez-vous ce mardi 12 novembre à 19h à la librairie Gallimard, où suite au bel article qu’il a écrit sur « La Défense d’aimer », j’ai proposé à l’écrivain Luc-Olivier d’Algange d’interviewer mon auteur Domitille Marbeau Funck-Brentano. Je présenterai la soirée, il y aura des bulles et la rencontre sera filmée par un cameraman professionnel. La Présidente du Cercle Richard Wagner de Paris Annie Benoit sera présente et Cyril Plante représentera le Musée virtuel Richard Wagner, deux associations soutenant avec ferveur ce roman d’amour qui se passe à Bayreuth en 1978.

Qui vient ?

Une rencontre exceptionnelle autour du roman wagnérien de mon auteur Domitille Marbeau Funck-Brentano.
Luc-Olivier d’Algange et moi nous lui poserons des questions sur Bayreuth, l’amour, le Ring et l’amour du Ring…

Pour prévoir le cocktail avec champagne, nous vous remercions de vous inscrire par mail à guilaine_depis@yahoo.com (c’est aussi l’adresse mail pour le réclamer en service de presse / contacter l’auteur)

VIGILE QUEBEC est inspiré par Emeric Lebreton !

 

https://vigile.quebec/articles/livre-robot-revolution-d-emeric-lebreton

Émeric Lebreton a été pendant longtemps enseignant-chercheur auprès de grandes écoles (Audencia de Nantes, École des Ponts). Il a fondé ensuite un réseau de cabinet de conseil qui accompagnent les salariés, les entreprises et les administrations dans les domaines de l’orientation, de l’emploi ou de la formation. Il a écrit un livre clair et accessible sur un sujet fondamental : la révolution des .

Naguère cantonnés dans l’industrie ou les tâches agricoles, où ils remplaçaient la main-d’œuvre la moins qualifiée, les et les logiciels experts font une entrée fracassante dans les secteurs qui nécessitent de l’intelligence artificielle : finance, ressource humaine, management, commerce. Ils se multiplient à tous les niveaux de responsabilité et voient leurs compétences sans cesse augmenter. Ils détruisent donc un nombre croissant d’emplois tout en en créant d’autres par ailleurs. Le salarié doit consacrer de plus en plus de temps à se former afin de se rendre indispensable à une entreprise. Un trader « ordinaire » peut être remplacé avantageusement par un système expert, mais les banques font des ponts d’or à ceux qui savent créer ou améliorer ces systèmes experts grâce à leur connaissance intime des mécanismes du marché. Cet exemple se retrouve dans tous les domaines industriels et commerciaux. Toutes les tâches a priori répétitives peuvent, pour finir, être confiées à des robots. Amazon en emploie dans ses gigantesques entrepôts pour préparer les commandes. Bientôt, des drones automatiques livreront ces dernières aux clients. JD.com, le rival d’Alibaba, a conçu un entrepôt qui traitera 200.000 commandes par jour, tout en n’employant que quatre humains.

L’amélioration des publicités, le marketing, la recherche des coloris ou des modèles qui plaisent au public est déjà confiée à des robots. Les prostituées seront, dans une dizaine d’années, remplacées par des androïdes à la peau synthétique, qui seront indiscernables des humaines et capables de toutes les prouesses sexuelles. Je n’ai donné que quelques exemples ; il y en a beaucoup d’autres dans le livre d’Émeric Lebreton.

Pour l’instant, le problème des responsabilités en cas d’incident freine l’automatisation. Si un robot chirurgien fait une erreur, contre qui se retourner ? Pour la conduite d’un véhicule, on ne pourra pas confier à un automate le soin de prendre une décision qui sauve un humain au détriment d’un autre. Le contrôle humain restera donc indispensable dans beaucoup de domaines. De même, dans un magasin, la suppression totale des humains n’est pas envisageable, car elle rendrait le consommateur trop agressif. L’auteur évoque également le problème de la taxation des robots, qui deviendra indispensable si le nombre de salariés humains chute. La Corée du Sud l’envisage, Benoît Hamon voulait utiliser ce biais pour financer son revenu universel, mais cette taxation risque d’être impossible du fait du dumping fiscal. Il y aura toujours un pays qui ne prélèvera que de faibles taxes et attirera ainsi les investissements d’autant que le problème de la qualification de la main-d’œuvre ne se posera plus !

Un bel article d’Isabelle Kévorkian sur Valérie Fauchet

UNE VOYANTE PASSE AUX AVEUX

http://isabelle.kevorkian.over-blog.com/2019/10/une-voyante-passe-aux-aveux.html?fbclid=IwAR3gRWoBXbBWggD3mnzSjntWrZDiQRwNnB_GhanAyKzlUinUTP9INngz1Io

Valérie Fauchet, voyante, medium, clairaudiente, s’entretient avec Marie-Noëlle Dompé, ancien magistrat et avocat honoraire. Un entretien de 218 pages, qui a duré 3 mois, du 9 janvier au 9 avril. Tiens tiens… Nikolas Tesla affirme que « Si vous connaissiez la magnificence du trois, six et neuf, vous auriez la clé de l’univers. »Rien que cela… la clé secrète de l’énergie libre, le symbole de l’illumination. Des schémas expliqués également par Marko Rodin, un scientifique. L’ésotérisme s’accommoderait-il donc de science ?

Il se trouve que Valérie Fauchet lit actuellement « Se souvenir du futur », écrit par Jocelin Morrisson et Romuald Leterrier, dans lequel ils « laissent la porte ouverte sur des futurs non figés. »

 

Valérie Fauchet et Marie-Noëlle Dompé : deux femmes qui n’ont pas opté pour la facilité. Un dénominateur commun entre la voyance et la magistrature ? l’exigence, peut-être et, surtout, une pratique de l’art oratoire au service de la vie de l’individu dans la cité. D’ailleurs, dans la Rome antique, les magistrats, entre autres pouvoirs, avaient le droit de prendre les auspices, en d’autres termes de consulter les dieux, en interprétant le vol des oiseaux. Véritables messagères donc. Je crois que c’est cela qui caractérise et réunit ces deux femmes, pour cet ouvrage où la voyance semble davantage relever d’une mécanique quantique. De particules d’énergies et d’un courant entre personnes, à un moment donné, très précis. Ici et maintenant. Oui, c’est cela au fond « être voyante » : une pratique divinatoire nécessaire, pour conseiller, guider, délivrer un message à un consultant qui se trouve à une étape déterminante de sa vie. Ce « télégramme », il en fera ce qu’il voudra : le consultant conserve son libre arbitre. Il demeure le seul décideur, l’unique responsable.

 

Une voyante, c’est un peu La Poste à elle toute seule. Les destinataires attendent de leur facteur qu’il leur remette de bonnes nouvelles. Les consultants espèrent de leur voyante qu’elle leur prédise un avenir radieux. Ça ne marche pas ainsi.

 

La première à en être persuadée, c’est évidemment Valérie Fauchet, qui s’affiche tout sourire, un sourire éclatant et généreux. On découvre une femme flamboyante, pommettes hautes, visage lisse, pas même une ridule de la cinquantaine, chevelure voluptueuse. Pas loin de l’image d’Épinal, comme une carte de tarot doré sur tranche. Mais voilà. C’est toujours pareil : ce qui se cache derrière est bien moins fluide qu’il n’y paraît. Un peu comme un flash recèle toujours quelque chose d’autre que ce qui apparaît d’emblée. Le sens est ailleurs, à la périphérie, moins accessible immédiatement et a priori. C’est cette périphérie qui importe, pourvu que l’on fasse preuve de tempérance et de neutralité. Cet ouvrage entend mettre en garde, prévenir, éveiller. D’ailleurs Valérie Fauchet est présentée comme « une éveilleuse d’âme », elle qui a beaucoup lu sur le sujet, convaincue entre autres par Krishnamuty, Eckhart Tolle ou Allan Kardec.

 

Valérie Fauchet a cependant moins d’intuition pour elle que pour les gens qu’elle croise dans la rue, ceux qu’elle rencontre lors d’un dîner, son ex-mari, ses amis, ses filles. Et quand il lui est donné de « voir » ou, plus précisément, de « prévoir » et « pré-visionner » une diapositive qui la concerne, elle n’en identifie sa réalité que bien plus tard. Comme lorsqu’un flash lui fait visiter un manoir, qu’elle acquerra des années plus tard au gré d’une visite inattendue. Ses intuitions sont d’intimes sensations. Comme ce jour où elle croise sur la route Alain Souchon, elle sait, organiquement, qu’ils deviendront des amis. Ses flashs lui ont aussi permis de préserver sa famille : lorsque ce soir du 13 novembre 2015, elle refuse catégoriquement que ses filles sortent, encore moins vers Bastille. Incompréhensions de ses filles médusées, qui ne reconnaissent pas le ton comminatoire de leur mère. Elle a « vu » que son ex époux gagnerait au Loto, et elle a prié pour que cela arrive. Comme quoi foi et spiritualité font parfois bon ménage. C’est arrivé. Elle ne l’a pas souhaité dans un but mercantile. Sa ferveur, elle l’a façonnée pour que son mari trouve l’apaisement qui lui faisait défaut désormais. 

 

Son existence est chaotique, depuis l’enfance, mais elle a tout surmonté. Ce qu’elle a finit par obtenir, elle ne le doit qu’à elle-même. Un destin de femme intéressant, par ce qu’il compte de rencontres qui lui ont permis d’avancer, de se dépasser, de tendre vers la lumière, vers là, ce lieu impérieux et prédestiné, où elle doit être. Comme lorsqu’elle rencontre et achète, sur une impulsion, l’appartement où a vécu Mlle Lenormand, vécu et prédit, notamment à l’impératrice Joséphine de Beauharnais.

 

Je pensais ici reprendre quelques exemples de présages ou de prémonitions, puisque Valérie reprend des situations excessivement précises, des exemples de flashs extraordinairement datés qui, pour autant ne sont pas définitifs comme la première lecture peut le laisser penser. Cette communication-là, n’est jamais ce que l’on a envie qu’elle traduise. Je pourrais aussi résumer les typologies de consultants ou expliquer pourquoi parfois, Valérie ne « voit » ni n’entend rien, il y a blocage. Préciser son sens de la déontologie, sa pratique sans vanité. Je crois préférable que chacun s’approprie ces propos, ces avertissements, ces dépêches, en pleine conscience. Les aveux, comme les confessions, ça se passe à huis clos.

 

Une voyante passe aux aveuxEntretiens : Valérie Fauchet, avec Marie-Noëlle DompéLes éditions Ipanema. 17,90 euros. 232 pages.

 

Le blog Archaïon recommande « Jasmine Catou détective »

Christopher Gérard craque pour « Jasmine Catou détective »

Né en 1956, Christian de Moliner, est agrégé de mathématiques, ancien professeur et essayiste. Parmi ses derniers ouvrages, Islamisme radical, comment sortir de l’impasse ?, paru aux éditions Pierre Guillaume de Roux.

Il est aussi romancier prolixe dans le genre apocalyptique. Un drôle de pistolet donc, qui fait appel à une célèbre attachée de presse de Saint-Germain-des-Prés, qui est à elle seule un personnage d’anthologie… et de roman.

En effet, Agathe, l’un des personnages de son dernier livre, Jasmine Catou, détective, est le double limpide de Guilaine Depis, intrépide défenseuse des écrivains qui lui confient ses livres (https://guilaine-depis.com/).

Je dis l’un des personnages, car l’héroïne n’est pas Guilaine, mais bien Jasmine, élégante chatte aux yeux verts qui, impériale, trône sur la couverture. Dans la vraie vie, Jasmine est l’assistante, ô combien zélée, de Guilaine. Dans ce roman, une pochade écrite à la diable par pur plaisir, Christian de Moliner la métamorphose en détective qui, à coups de griffes et de miaulements, communique à sa maîtresse les résultats de ses enquêtes sur, dans le désordre, la mort suspecte de l’immonde Sossers, éditeur véreux s’il en est, sur la disparition d’un bracelet magique ou encore sur le mystérieux fantôme de la rue du Dragon.

Le tout est bien enlevé, plein de charme et de fantaisie, non dénué de coquilles.

Christopher Gérard

Christian de Moliner, Jasmine Catou, détective, Éditions du Val (sur Amazon uniquement), 10 sesterces.