La Balustrade de Guilaine Depis vous propose pour la période janvier / juin 2023 :
« Vents contraires »,
le premier livre (recherche historique romancée) de Jean-François Kochanski
Pour interviewer Jean-François Kochanski (qui habite à Tokyo, mais qui est joignable par téléphone, mail et visioconférences), merci de contacter guilaine_depis@yahoo.com / 06 84 36 31 85
L’histoire : Né aux Etats-Unis d’un père ambassadeur japonais et d’une mère américaine, Kurusu Ryo ne découvrit le Japon qu’à l’âge de 8 ans. Malgré de nombreux obstacles liés à son apparence occidentale, il devint le seul officier métis à combattre au sein de l’armée de l’air japonaise durant la Deuxième Guerre mondiale.
Vents contraires est un roman inspiré d’une histoire vraie, bâti grâce à des documents conservés par sa famille, complétés par différents témoignages.
Cet ouvrage essaie de dépeindre ce que la recherche d’une identité pouvait signifier à un monde balayé par les conflits et refusant les différences.
Ce livre est dédié à sa soeur Pia Teruko en remerciement de sa grande patience.
L’auteur : Gestionnaire dans les activités de marché financier dans la CIB et la banque de détail, Jean-François Kochanski a une expertise éprouvée dans la gestion des processus dans un environnement complexe et multiculturel en France et dans les marchés émergents.
En visitant le temple Yasukuni (Tokyo), il fut surpris de découvrir le visage d’un jeune officier d’apparence occidentale parmi les soldats japonais morts au combat durant la Deuxième Guerre mondiale. Après avoir travaillé plus de 20 ans sur différents continents, il décida de s’installer au Japon afin d’enquêter sur cette image qui n’avait eu de cesse de le hanter.
On dit qu’aujourd’hui, excepté dans certaines niches, le livre se vend mal. On dit aussi que les romans à chaque rentrée littéraire, sont de plus en plus nombreux, excepté à la rentrée de l’automne 2022.
Les éditeurs, depuis le confinement, reçoivent des records exceptionnels de manuscrits sauvages envoyés par la poste. Pourtant, les mauvais chiffres de vente et la profusion de livres n’empêchent pas certains écrivains sur le tard, d’écrire passionnément des romans, et de les publier à compte d’auteur, après une vie professionnelle bien remplie, loin de la littérature et du petit cercle germano-pratin. C’est le cas d’Alain Schmoll, qui a déjà quatre livres autoédités à son actif, et qui bâtit, lentement mais sûrement, une œuvre dont il est à la fois l’auteur et l’éditeur. Rencontre avec cet écrivain en herbe, dans un monde éditorial nouveau, où des auteurs sans éditeurs parviennent tout de même à diffuser leurs livres grâce aux évolutions des techniques de l’impression et du livre numérique.
Marc Alpozzo : Votre place dans le monde des lettres est atypique, c’est le moins que l’on puisse dire. Vous avez d’abord mené une carrière de dirigeant et de repreneur d’entreprises, puis vous avez commencé à écrire sur le tard. Vous êtes l’auteur déjà de quatre romans, dont le dernier La trahison de Nathan Kaplan, est un roman que vous auto-publiez, comme les trois précédents. Par quel chemin êtes-vous arrivé à la littérature et à l’autoédition ?
Alain Schmoll : J’ai achevé mon premier roman quelques semaines avant mes soixante-dix ans, sur le tard, comme vous dites. Écrire des romans n’avait jamais fait partie de mes objectifs ni même de mes rêves. Ce sont les circonstances qui m’y ont amené. J’ai toujours aimé écrire et j’ai beaucoup écrit tout au long de ma carrière de dirigeant dans le BTP, un secteur dont vous conviendrez qu’il est très éloigné de la littérature. Mais écriture ne signifie pas forcément littérature. Quand vous managez une entreprise, vous devez partager vos projets et vos stratégies avec des collaborateurs, des clients, des partenaires, des financiers. Il faut les séduire, les faire adhérer, obtenir leur engagement. J’ai alors pour habitude d’écrire, en cherchant les mots les plus justes et les plus percutants, pour donner vie à ces projets, à ces stratégies. J’ai ainsi beaucoup écrit, avec quelque succès et toujours avec du plaisir… Revenons à la littérature. J’aime les romans, mais j’avais peu de temps pour en lire, seulement pendant les vacances. Afin de rattraper le temps perdu, je lisais alors trop et trop vite, sans donc en profiter pleinement. Pour y remédier, je me suis mis, après chaque roman, à en écrire la critique, puis à la publier sur un blog. J’y ai pris goût et je le fais sans discontinuer depuis huit ans, avec aujourd’hui plus de trois cents critiques à mon actif. Ce faisant, j’ai pu observer les bonnes pratiques et les moins bonnes dans l’écriture d’un roman. Un jour, j’ai eu envie d’essayer moi-même. C’est ainsi que je me suis mis à écrire mon premier roman, La tentation de la vague. Je précise qu’il a été édité de façon traditionnelle, à la différence des trois suivants, pour lesquels on peut parler d’autoédition, un mot que je n’aime pas trop. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.
M. A. : Votre nouveau roman s’inspire d’un fait divers, qui a été publié en février 2021 dans l’hebdomadaire Marianne, par Laurent Valdiguié, et qui risque fort de rebondir dans l’actualité de 2023 quand l’enquête sera terminée. Or, précisément, cela porte sur des révélations sur les barbouzes de la DGSE et de la franc-maçonnerie et sur le projet d’assassinat d’une coach de Créteil. Pourquoi avez-vous choisi de vous inspirer d’un fait divers pour votre nouveau roman ?
A. S. : Les événements que j’imagine dans mes romans prennent tous place dans un quotidien contemporain ou récent. J’ai pris l’habitude de les mêler à de vrais événements de l’actualité. Dans La tentation de la vague, je m’étais inspiré des affrontements sur les ZAD, ainsi que des mésaventures d’un grand groupe laitier. Pour Les moyens de son ambition, j’avais été choqué de découvrir l’existence de réseaux mettant en relation des étudiantes désargentées et des hommes d’affaires d’âge mûr. Il y a quelques mois, je tombe sur ce fait divers incroyable, où le burlesque côtoie le tragique, ce qui est le propre même du romanesque. Une affaire où des pieds-nickelés se font arrêter par la police dans des conditions rocambolesques, déclarent qu’ils sont des agents de la DGSE et racontent une histoire improbable d’espion du Mossad. Les révélations qui s’en suivent dans la presse sont elles aussi sidérantes. J’ai eu l’envie immédiate d’en utiliser quelques épisodes, autour desquels j’écrirais ma propre fiction, qui deviendra La trahison de Nathan Kaplan.
M. A. : Vous êtes un auteur auto-publié. Or, vous savez que dans le milieu littéraire, c’est assez mal vu. Pourtant, vous assumez parfaitement ce choix. Avez-vous tapé toutefois à des portes de grandes maisons d’édition avant de vous lancer dans cette périlleuse entreprise ?
A. S. : Mon premier roman, La tentation de la vague, a été publié par un éditeur. Je dois dire que c’est gratifiant pour l’ego, c’est une forme de reconnaissance. C’est aussi l’entrée dans une zone de confort. L’éditeur s’occupe de tout, vous tient au courant avec déférence. En même temps, il y a comme une dépossession. Par exemple, ce n’est pas vous qui déterminez le prix de votre livre. Le mien a été fixé à 23 €. Absurde ! C’est le prix auquel sont vendus les romans des auteurs de grande notoriété. Aucune chance pour un néophyte d’en diffuser beaucoup à ce prix-là ! A l’égard des amis qui l’achètent pour vous faire plaisir, c’est même gênant. Évidemment, mon livre s’est très peu vendu, d’autant qu’il avait été publié sans communication. L’année suivante, j’ai à nouveau sollicité des éditeurs pour un deuxième roman, Les moyens de son ambition. C’était en avril 2020, en plein confinement Covid. Rappelez-vous, les gens aspergeaient les colis de désinfectant et les ouvraient avec des gants. Je croyais bien faire en adressant mon tapuscrit par mail. Un éditeur, l’un des plus grands, m’a répondu qu’il ne le lirait pas, parce qu’il restait attaché au manuscrit papier, et de toute façon, sa maison n’aurait pas d’activité tant que durerait le confinement… Passons, c’était juste une anecdote cocasse. Je n’ai rien contre les éditeurs. Ce sont des professionnels, ils ont des objectifs de rentabilité. Pas évident pour eux de les atteindre en publiant des auteurs pas ou peu connus. Même chose pour les libraires. Ce sont des commerçants, ils doivent vendre et leur intérêt est de privilégier dans leurs boutiques les ouvrages qui ont le plus de chance de faire du chiffre. Mais moi, écrivain néophyte, il faut bien que j’avance, même si la filière édition-librairie ne m’est pas favorable ! Alors je n’oublie pas que je suis au départ un entrepreneur. Pour reprendre le thème final de mon premier roman, La tentation de la vague, je ne me rebelle pas contre le système, j’adopte juste une solution innovante en décidant d’éditer moi-même mes romans. Tant pis si ça me fait mal voir par ceux qui cherchent à protéger des positions établies.
M. A. : Comment passe-t-on d’une vie de dirigeant accompli à celle d’un écrivain auto-publié ? J’imagine que votre lectorat est encore assez confidentiel ? Comment faites-vous pour toucher votre public ? Est-ce que vous proposez votre roman en plusieurs formats, papier, numérique, etc ? Quel est le quotidien d’un écrivain auto-publié ?
A. S. : J’ai la chance de voir aujourd’hui mon entreprise dirigée avec talent par mes deux fils, ce qui m’a permis de me replier peu à peu dans un rôle de président non exécutif, avec du temps pour l’écriture et l’édition de mes livres. J’avais d’abord choisi une plateforme d’autoédition proposant d’accompagner les auteurs tout au long du processus de confection du livre : son format, sa mise en page, sa couverture, sa communication de lancement. Aujourd’hui, je maîtrise seul toutes les étapes du processus, pour le livre broché comme pour le livre numérique, puisque mes romans paraissent dans les deux formats. Je travaille sur une plateforme Amazon, dont je manie moi-même les outils. Je m’assure juste la collaboration d’une graphiste pour la couverture et d’une attachée de presse. J’utilise aussi le système proposé par Amazon pour mettre en valeur mes livres sur son catalogue en ligne, une démarche marketing très ciblée, puisqu’elle s’adresse spécifiquement à des personnes qui cherchent à acheter des livres. J’ai une excellente attachée de presse, qui m’aide à être présent sur les réseaux sociaux et les blogs littéraires. Pour un auteur comme moi, il est toutefois difficile d’élargir son public, car il est malheureusement presque impossible d’avoir accès aux pages littéraires des grands médias. Mais je suis patient, persévérant, obstiné. Je prends beaucoup de plaisir à écrire et à éditer mes livres. Je vais donc continuer.
M. A. : Sur le plan économique, j’imagine que cela demande de se monter en auto-entrepreneur ? Est-ce que vous parvenez à rentrer dans vos frais ? La partie technique et administrative ne pèse-t-elle pas trop sur l’auteur que vous êtes ? Généralement on voit l’écrivain comme un homme qui écrit. On le voit moins en éditeur, commercial, etc ? Quels conseils donneriez-vous à un auteur qui voudrait s’auto-publier ?
A. S. : Voilà pourquoi je n’aime pas le mot autoédition, il ramène à celui d’autoentrepreneur, avec ses connotations d’amateurisme, de précarité, d’illégitimité. Oui, c’est un statut juridique qu’on peut adopter pour éditer ses livres, mais il y a d’autres possibilités. A chacun de voir selon sa situation personnelle. Il faut surtout être clair sur ses objectifs. Moi, j’écris des romans, des ouvrages destinés à apporter du divertissement, des sensations, des émotions, des surprises aux personnes qui les liront, et accessoirement à passer quelques messages. Puis, en tant que romancier qui édite ses propres ouvrages, je m’astreins à considérer le futur livre dans sa globalité, un « produit fini » à fabriquer à partir de feuilles de papier de format à déterminer, sur lesquelles sera imprimé un long texte affiné avec rigueur, à mettre en page harmonieusement, sans oublier des images de couverture, etc. Je devrai aussi en fixer le prix de vente, en prenant en compte à la fois les prix du marché et les coûts de production. Même raisonnement pour le livre numérique. Ça parait complexe, c’est assez passionnant. Maintenant, est-ce que je rentre dans mes frais ? Non, mais j’espère bien un jour y parvenir. Je considère que j’investis à long terme.
M. A. : Est-ce que votre statut d’auteur auto-publié a été bien reçu dans votre entourage ? Les gens ne vous reprochent-ils pas finalement de vous publier de manière illégitime ? Je me souviens d’une époque, bien révolue aujourd’hui, où l’on moquait les auto-publications, ou les écrivains édités à compte d’auteur, dans une maison d’édition aujourd’hui disparue qui s’appelait La Pensée Universelle. Ce qui représentait une belle arnaque, souvent.
A. S. : Dans les milieux littéraires, il est probable qu’on ignore mon existence et peut-être ne me jugerait-on pas digne d’en faire partie. Dans mon entourage, j’explique ma démarche et on semble la comprendre. J’explique aussi que mon système permet de proposer un roman de trois cents pages comme La trahison de Nathan Kaplan à moins de 12 €. S’il était publié par un éditeur, on le trouverait au double ou presque. Je présente la version numérique à moins de 4 €, les éditeurs proposent les leurs autour de 15 €. J’ai des lecteurs qui apprécient mes livres et qui les lisent systématiquement. Des amis sont contents de me signaler de bonnes critiques sur les réseaux sociaux et sur les blogs. Après la publication de quatre romans, je n’ai pas le sentiment qu’on me trouve illégitime. Je précise que mon système n’est pas ce que l’on appelle l’édition à compte d’auteur. Celle-ci est la pratique de maisons qui proposent d’éditer votre livre moyennant finances, à payer d’avance, avec parfois, dit-on, des résultats décevants ou inachevés. Ça peut en effet prêter à sourire. Encore que Proust lui-même ait publié Du côté de chez Swann à compte d’auteur.
M. A. : De plus en plus de gens écrivent, au point de submerger les éditeurs de manuscrits qu’ils ne parviennent même plus à lire. Amazon propose des publications en ligne dans son catalogue, avec des conseils techniques pour transformer son fichier en format e-pub. Vous utilisez vous-mêmes Amazon, dites-vous. Ne croyez-vous pas que ce soit un danger pour le livre à terme ? Cette profusion de titres ne met-elle pas en danger la pérennité du livre ? Est-ce que ce n’est pas un risque dans l’avenir, de ne trouver que des gens qui écrivent et trop peu qui lisent ?
A. S. : La plupart des gens qui écrivent lisent assidûment. En revanche, les lecteurs sont très peu nombreux à écrire. Il y aura donc toujours plus de lecteurs que d’écrivains. Mais c’est vrai que les éditeurs sont submergés par les manuscrits. Bien sûr qu’ils ne peuvent pas tous les publier ni même les lire. Les libraires se plaignent eux aussi de la surproduction de livres. On a donc un système éditeurs-libraires qui assume de ne pas pouvoir absorber tout ce qui s’écrit. Il fait un tri et élimine une partie de ceux qui écrivent. Mais ces derniers ont le droit de s’exprimer et c’est mieux de s’exprimer en écrivant un livre qu’en jetant des mots à l’emporte-pièce sur les réseaux sociaux. Il existe plusieurs plateformes d’autoédition, dont Amazon que j’utilise. Elles n’ont pas de stratégie éditoriale, mais elles bloquent les publications qui ne cadrent pas avec leurs règles éthiques et leur politique de qualité. Alors je ne vois pas le danger, surtout en ces temps de concentration financière dans l’édition. D’ailleurs, le système actuel de l’édition fait-il le maximum pour développer l’accès à la lecture ? Je trouve choquant que les éditeurs publient les e-books avec un discount moyen de 25 % sur le prix du livre broché, par exemple à 15 € au lieu de 20 €. C’est beaucoup trop cher. Car si un livre broché est coûteux à fabriquer et à acheminer, le coût de réalisation et de transmission d’un livre numérique est proche de zéro. Les versions numériques de mes romans sont en vente entre 3 et 4 €.
M. A. : Pour Roger Chartier, le texte électronique pourrait signer un repli définitif, car ce ne sont plus les lecteurs qui vont au livre mais le livre qui va aux lecteurs (avec le livre électronique, on peut désormais lire sans sortir de chez soi). Ne pensez-vous pas que cette liberté nouvelle que confère le texte électronique ne brouille néanmoins les rôles ?
A. S. : Le livre évolue, la lecture poursuit son histoire. On peut voir la publication numérique comme un moyen d’introduire clandestinement dans les esprits des informations justes ou fausses, des idées bonnes ou mauvaises, des incitations à l’action pertinentes ou déplacées. C’est déjà le cas avec les blogs, les réseaux sociaux et la presse numérique. Les programmes politiques distribués sur les marchés disparaîtront au profit d’e-mails, avec les antivirus comme seuls filtres. L’invention de l’imprimerie avait probablement suscité le même genre de craintes.
M. A. : Quel est votre sentiment sur ce monde qui se profile, et dans lequel on trouvera peut-être bientôt une édition sans éditeurs, selon la formule d’André Schiffrin ?
A. S. : En matière de diffusion des savoirs et des idées, il est certain que l’éditeur et sa politique éditoriale sont essentiels. Le principe peut être mis à mal lorsque les actionnaires cherchent à imposer une autre politique éditoriale ou exigent des rentabilités maximalistes à court terme. C’est déjà largement le cas dans les médias. Pas sûr qu’il y ait menace pour le genre de romans que j’écris. Les critiques littéraires des blogs et des réseaux sociaux s’exprimeront et feront le tri. De toute façon, le risque de l’entreprise sans entrepreneur existe partout. Dans ma vie professionnelle, j’ai toujours privilégié la notion de développement dans la durée, qui exige d’arbitrer entre d’un côté l’évidente obligation de rentabilité, garante de l’indépendance, et de l’autre les ambitions qualitatives, sociales, sociétales, environnementales, citoyennes, dont l’entrepreneur idéaliste et optimiste que je suis estime qu’elles seront profitables à long terme.
Claude Rodhain, a été ingénieur, enseignant à HEC, avocat honoraire, a écrit plusieurs romans historiques, un thriller. Il publie « Le temps des orphelins » (Ed. City) un roman en grande partie autobiographique, l’histoire d’un enfant abandonné qui a soif de revanche, et qui veut devenir quelqu’un. Le temps des orphelins – Claude Rodhain – Babelio
En août 2011, le journaliste américain Hal Vaughan publie une nouvelle biographie consacrée à Coco Chanel, dans laquelle il la présente comme antisémite et espionne pour le compte des nazis. Son ouvrage paru sous le titre Sleeping with the Enemy: Coco Chanel’s Secret War, chez Alfred A. Knopf, est basé sur des documents de renseignement français et allemands des années de guerre, récemment déclassifiés. Entre autres révélations, on y apprend que Coco Chanel a servi l’Abwehr comme agent 7124, nom de code Westminster. Le baudelairien Isée St. John Knowles lui répond en 2022, par un beau livre, paru dans la collection « Saint-Germain-des-Prés inédit », cartonné et agrémenté de photos, où il démontre que Coco Chanel est victime d’accusations fausses. Rencontre avec l’auteur pour faire le point.
Marc Alpozzo : Cher Isée St. John Knowles, vous publiez dans la collection « Saint-Germain-des-Prés inédit », un beau livre, cartonné et agrémenté de photos, sur Coco Chanel. C’est toutefois un ouvrage très particulier, puisque le sujet n’est pas la mode ou l’élégance, mais une part occultée de la vie de la grande créatrice de mode, puisqu’il prétend faire la lumière sur son implication personnelle dans la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi avez-vous voulu faire ce livre ?
Isée St. John Knowles : Ce qui m’a engagé à écrire ce livre, c’est d’abord ma décision, arrêtée en 2011 de proposer une contre-enquête circonstanciée visant à tempérer l’acharnement paranoïaque contre Chanel, pratiqué par des procureurs autodésignés qui feignent de respecter les apparences de l’objectivité. Mais il y a autre chose.
Depuis les années 1970, la dimension baudelairienne de Chanel avait éveillé en moi un vif intérêt. Remontons loin dans le passé, très loin. En 1910, grâce à un Anglais, Arthur Capel, dit « Boy », dont Chanel était éprise, elle découvre Baudelaire au travers d’un apologue tiré du « Spleen de Paris ». Dans les années 1925, cette autodidacte qui n’avait reçu qu’une éducation élémentaire s’imprégnera, au travers de ses lectures et de ses rencontres, de la philosophie du dandysme baudelairien. Le dandysme constituera, pour elle, le paradigme dont elle ne se détournera jamais. À partir de ce moment, la vie de Chanel, voire son action offensive durant l’Occupation, réhabilitera cette philosophie de la résurgence spirituelle, fondée sur l’autorité suprême de la liberté individuelle.
N’oublions jamais que Chanel était promise à une destinée malheureuse. Sortie de rien, née à l’hospice de Saumur, abandonnée par son père à l’orphelinat d’Aubazine – ses parents croupissaient dans un grand dénuement dont elle ressentira la honte sa vie durant – sortie de « la boue », elle sut subvertir son destin pour en faire de « l’or ».
En un temps où « l’enlaidissement des cœurs » dévastait l’Europe en guerre, Chanel détrôna l’éthique du mal et du bien au profit de l’esthétique de l’élégance dont elle préserva la souveraineté. Pour Chanel, l’élégance avait une patrie, la France, et un sanctuaire, la Maison Chanel.
Avec un courage invincible et une ferveur qui ne chancela jamais, elle défendit ce sanctuaire contre les assauts de l’envahisseur nazi.
M. A. : Non seulement votre entreprise est risquée, mais elle est courageuse. Vous cherchez à réhabiliter Coco Chanel, après les accusations d’Hal Vaughan, ancien diplomate américain, vétéran de la Seconde Guerre mondiale et journaliste, mais qui ne fut ni historien ni chercheur à l’université, et qui accusa en 2011, Coco Chanel d’avoir été, durant l’occupation, un agent nazi. Vous avez été soutenu dans votre entreprise par la petite nièce de Coco Chanel, Gabrielle Palasse-Labrune, qui vous a accordé une préface. Y a-t-il eu d’autres connaisseurs qui ont cautionné votre entreprise ? Cela demeure assez fragile comme soutien. Comment pensez-vous réhabiliter ainsi cette grande figure du bon goût à la française, alors que vous êtes quasiment le seul à hurler dans le désert ?
I. St. J. K. : Je me demande s’il n’est pas un peu prématuré d’avancer que je suis « quasiment le seul à hurler dans le désert ». Pour l’heure, je le suis, assurément. Mais dans les années soixante-dix, quand j’avais interrogé les derniers témoins de la guerre de Chanel, seul, je ne l’étais certes pas. Et qui nous dit que demain ou dans un avenir plus ou moins rapproché, les dépositaires des dossiers de guerre de Chanel ou leurs héritiers ne se laisseront pas entraîner à monnayer ces dossiers, voire à en autoriser enfin l’accès aux historiens ?
Quelle créance la postérité accordera-t-elle alors aux imputations infamantes de Vaughan, même si, dans son livre, il n’a pas négligé la précaution de reconnaître que son enquête est sevrée des documents que Chanel aurait fait « disparaître » pour « falsifier l’Histoire » ? Falsifier l’Histoire aurait été dénué de tout intérêt pour Chanel ; mais sans doute pas pour un « historien » qui publie dans le dessein de convaincre son lectorat, de le faire réagir dans l’immédiateté des émotions. Ce procédé peu orthodoxe, mais bien éprouvé par les démagogues, s’offre aux lecteurs, dans le livre de Vaughan, sous des dehors d’objectivité historique, dissimulant hélas des intentions affligeantes de rusticité. En voici une :
Pour conditionner son lectorat à haïr Chanel, Vaughan s’applique à contraster le menu « somptueux » offert sous l’Occupation à la clientèle du Ritz avec celui des « pauvres affamés » cherchant « de la nourriture et des rebuts dans les ordures ». Certes, on ne peut être que bouleversé par les infortunés photographiés qui illustrent le propos amer de Vaughan. Sauf qu’on est également en droit de s’interroger sur la sincérité de la compassion de l’auteur de Dans le lit de l’ennemi, alors qu’il insiste ostensiblement sur l’opposition entre riches et pauvres, opposition éculée lui permettant de se servir de la souffrance des « pauvres affamés » à des fins de captation démagogique.
Contrairement à lui, j’ose imaginer que le lectorat de Coco Chanel, cette femme libre qui défia les tyrans sera composé d’une pluralité d’esprits libres et éclairés, à l’instar de Pierre Bergé qui avait ardemment soutenu mes recherches, dans l’espoir qu’elles nous permettraient d’identifier les dépositaires des dossiers de guerre de Chanel. Comme lui, je demeure convaincu que les motivations qui animent ces dépositaires et entravent la divulgation des dossiers sont totalement extérieures aux combats menés par Chanel sous l’Occupation. En se portant acquéreur des dossiers de guerre de Chanel et en convenant d’un prix défiant toute concurrence, Pierre Bergé pensait que ces dépositaires vaincraient leurs scrupules et cesseraient de défendre la mémoire de spoliateurs d’œuvres d’art dont les dossiers nominatifs de Chanel décelaient les agissements.
Pour revenir enfin à votre question, j’ai parfaitement conscience que Chanel a été abandonnée de tous, en dehors de la Maison Chanel, assurément, de Claude Delay, de Justine Picardie, voire de quelques autres. C’était inéluctable. Sous l’Occupation, Chanel fut subversive, transgressive. Elle bouleversa les schémas de pensée ; elle s’éloigna de la norme comportementale ; elle dédaigna de verser dans les clivages idéologiques. Dans ces conditions, évidemment, j’ai parfaitement conscience que mon livre valorise une histoire réprimée à une époque embrasée de fièvre purificatrice et d’imprécations obscènes, soumise à la dictature de la délation.
Cependant, même confronté à la meute d’endoctrinés qui veulent croire Chanel coupable, je caresse l’espoir que mon livre pourra servir de fusée éclairante, en ce qu’il permet au lecteur de déconstruire les affrontements dogmatiques, prônés par Vaughan et de se méfier comme de la peste de ceux qui maîtrisent l’art de transformer toute distinction en opposition.
M. A. : Que répondez-vous aux accusations d’antisémitisme à l’endroit de Coco Chanel ?
I. St. J. K. : Je répondrais d’abord qu’il faut apprendre à distinguer les emportements de Chanel envers les Juifs, des imprécations génocidaires antisémites qui émaillent les pamphlets de Céline. Aucune fureur exterminatrice ne s’est emparée de Chanel sous l’Occupation. Or elle se trouve associée dans l’opprobre qui s’est légitimement abattu sur Céline, sur Rabatet ou Brasillach.
Permettez-moi de rappeler ceci à nos lecteurs : il n’y a pas une preuve historique qui puisse établir qu’un seul Juif, un seul résistant, un seul communiste, un seul franc-maçon a été arrêté, torturé, interné ou a péri dans un camp nazi en conséquence d’une dénonciation de Chanel.
Chanel a-t-elle injurié des Juifs ? Oui, certainement. Mais elle a également abreuvé d’injures les communistes et les fonctionnaires. Elle a étrillé les homosexuels, invectivé les curés et les femmes oisives… la liste est impressionnante ! Son aversion contre le genre humain, la misanthropie indicible qui l’envahissait, toujours masquée par sa vie mondaine, avaient alimenté des jugements si dépréciatifs, si méprisants qu’ils avaient même heurté de proches amis. Prenons le cas d’Edmonde Charles-Roux.
Avant de s’enliser dans son enquête, Hal Vaughan avait soulevé des questions pertinentes au sujet de la documentation indisponible se rapportant à la guerre de Chanel. Pourquoi ? Notamment parce que dans L’Irrégulière, les conclusions d’Edmonde Charles-Roux divergent de celles auxquelles sont amenés d’éminents spécialistes de la Seconde Guerre mondiale, comme l’historien de Schellenberg, Reinhard R. Doerries. L’Irrégulière dévoile même des renseignements détaillés qui se rapportent à l’un des agents de renseignements de Chanel. Quand Vaughan tentera d’acculer Edmonde Charles-Roux à révéler ses sources, il n’obtiendra d’elle aucune réponse.
Selon la petite-nièce de Chanel, Gabrielle Palasse-Labrunie, le silence d’Edmonde Charles-Roux avait, de longtemps, favorisé des suspicions croissantes sur le comportement de Chanel sous l’Occupation. Il cristallisait un ressentiment tenace, occasionné par l’irascibilité que sa grand-tante eut parfois l’occasion de déverser sur l’auteur qui n’avait pas encore composé L’Irrégulière. Ce ressentiment, ce silence, éluciderait donc la passivité d’Edmonde Charles-Roux devant l’enquête fouillée et attentatoire à l’honneur de Chanel, diligentée par L’Express en 2005. Cette enquête mettait en lumière une lettre jusqu’alors inédite qui, par la suite, exacerbera tant de haine contre Chanel.
Dans cette lettre rédigée par la styliste en mai 1941, elle expose sans la moindre ambiguïté que la société Les Parfums Chanel était détenue illégalement par des Juifs. En conséquence, elle faisait acte de candidature pour reprendre le contrôle de l’entreprise, revendiquant un « droit de priorité indiscutable à l’achat des actions Parfums Chanel », auxquelles elle adjoindra, dans un second courrier, celles de l’entreprise Bourjois.
Rappelons que les Wertheimer, exilés à New York, avaient confié les deux entreprises à leur fiduciaire Félix Amiot. Rappelons également que depuis février 1941, l’avionneur Amiot était surveillé par un agent de renseignements rémunéré par Chanel convaincue, à tort, qu’Amiot était nazi et qu’il allait trahir les Wertheimer.
Si l’on s’en tient à une lecture littérale de cette correspondance, nous sommes amenés à conclure que Chanel est un monstre antisémite. C’est précisément vers cette conclusion que nous orientent Hal Vaughan et la kyrielle de commentateurs français et étrangers qui, dans leur empressement à surpasser les épurateurs sauvages de la Libération en calomnies au vitriol, font fi du contexte historique dans lequel s’inscrit cette correspondance. Ce contexte, le voici :
Dans les jours qui ont précédé la rédaction des deux lettres, Chanel avait appris que son vieil ami Pierre Laval – leur amitié remontait à 1924 – approuvait la décision de Kurt Blanke, chef du service « Déjudaïsation » au MBF (Commandement militaire allemand) de contester la cession de Bourjois et de Parfums Chanel, au profit de l’acquéreur Michel Dassonville, agent de la Gestapo et proche de « l’élite » vichyssoise. Autrement dit, Félix Amiot, fiduciaire des Wertheimer, avait été, à son insu, relégué au passé, alors qu’Abetz, Blanke et Laval cautionnaient déjà le rachat des deux entreprises par Dassonville.
Que fit Chanel ? Elle s’empressa d’assurer les conditions requises pour légitimer sa candidature et concurrencer officiellement Amiot mais officieusement Dassonville, alors que les réunions auxquelles contribuaient les partisans de ce dernier se tenaient encore à huis clos. Pour enfreindre l’omerta du huis clos, Chanel adressera ses courriers confirmant sa candidature aux instances reconnues par Vichy, le SCAP qui est le service de Contrôle des administrateurs provisoires et le CGQI, le commissariat général aux Questions juives.
Venons-en maintenant au ton ostensiblement antisémite qu’elle adopta. Chanel avait parfaitement conscience que sa longue amitié avec Pierre Wertheimer prêterait le flanc à une imparable perte de crédit qui inciterait Blanke à la qualifier de « fiduciaire de rechange » des Wertheimer. Je vous cite là les mots de Chanel, verbatim. En conséquence, elle affichera son antisémitisme par écrit, dans le dessein de désamorcer cette redoutable faille et faire apparaître son indépendance absolue à l’égard des Wertheimer. Il s’agit donc d’un antisémitisme « de circonstance », lequel ne traduit aucunement les sentiments personnels que Chanel nourrissait à l’endroit de Pierre Wertheimer, pas plus qu’il ne reflète la profonde estime qu’elle voua à ce dernier à partir de la fin des années vingt, quand Pierre Wertheimer devint l’artisan de sa gloire à travers le monde.
M. A. : Je crois que vous réalisez parfaitement combien vous êtes seul aujourd’hui contre tous, lorsque vous sous-titrez votre ouvrage « Cette femme libre qui défia les tyrans », puisque depuis 2011, on dit d’elle qu’« elle était la plus élégante des espions nazis »[1] ? Qu’est-ce qui selon vous justifie ce titre dans la vie de Coco Chanel ?
I. St. J. K. : Une styliste qui n’a jamais été rompue à la pratique de l’espionnage et dont le réseau d’agents de renseignements, à l’origine très restreint, se développera certes à Paris, mais aussi à Madrid et à Berlin grâce à son intégration en mai 1941 au sein de l’Abwehr, les services de renseignement de la Wehrmacht ; une styliste qui maintiendra cependant des contacts intermittents avec le renseignement étranger et contre-espionnage britannique, le MI6, par l’entremise de son agent de liaison anglais posté à Madrid ; une styliste qui n’a cure des dangers qu’elle encourt, qui expose ses informateurs à des risques considérables et qui achète leur loyauté grâce à la fortune impressionnante qu’elle a amassée ; une styliste qui, dès le mois d’avril 1941, parvient à infiltrer le service « Déjudaïsation » au Commandement militaire allemand et qui va acquérir une maîtrise éblouissante de la désinformation ; cette styliste ne mériterait-elle pas qu’un réalisateur lui consacrât un film à la James Bond ? Au risque de vous décevoir, un tel scénario outrepasse hélas les modestes aspirations de mon livre.
Ce qu’il faut retenir cependant du parcours exceptionnel de Chanel dans l’histoire des services secrets, c’est que pour déjouer des manœuvres nazies particulièrement ingénieuses destinées à s’emparer de Bourjois et de Parfums Chanel, les stratégies de la styliste se sont articulées autour du renseignement de février à octobre 1941. Alors oui ! N’ayons plus peur de le confirmer : les grandes avancées de Chanel sous l’Occupation doivent tout à la qualité des agents de renseignements qu’elle rémunérait très généreusement et aux directives judicieuses qu’elle sut leur délivrer à des moments décisifs et, en octobre 1941, précisons-le, lourds de conséquences pour elle-même. Rappelons qu’à cette date, Helmut Knochen, chef de la SiPo-SD, la police et les services de sécurité du Reich, réclamera l’arrestation de Chanel par la Gestapo pour avoir entretenu des intelligences avec le MI6. Sans l’intervention providentielle de Schellenberg, alors chef intermédiaire de l’Amt.VI (SD-Ausland), le service secret politique du Reich à l’étranger, Chanel n’aurait pas survécu à l’Occupation.
Quand, grâce au soutien de Heydrich et de Himmler, en juin ou juillet 1941, Schellenberg succède à Heinz Jost, accusé de corruption, à la direction de l’Amt.VI, avant d’être tenu par Hitler pour l’espion le plus informé du Troisième Reich, selon Sir Samuel Hoare, ambassadeur de Grande-Bretagne à Madrid, c’est Chanel qu’il choisira pour conduire l’Opération « Modelhut » en novembre 1943. Certes, il la désigne parce qu’elle pouvait légitimement se prévaloir de l’estime et de l’amitié que lui manifestait Churchill depuis 1927, mais aussi parce que Schellenberg avait suivi le saisissant parcours de la styliste dans l’espionnage d’officiels nazis, tels que Blanke et Abetz alors qu’ils appuyaient la candidature de Dassonville au rachat de Bourjois et de Parfums Chanel. Il la désigne aussi, à n’en pas douter, parce qu’il faisait grand cas de la rouerie dont usa Chanel en août 1941 en soudoyant le général Hanesse, proche de Göring et chef d’état-major de la Luftwaffe à Paris, pour qu’il corrobore des informations trompeuses qui inciteront Dassonville à renoncer au rachat des deux entreprises.
Comment Chanel exprima-t-elle sa reconnaissance à Schellenberg pour l’avoir sauvée des griffes de la Gestapo en octobre 1941 ? En faisant échouer l’Opération « Modelhut » par des manœuvres aussi intrépides que perfides, manœuvres que je rapporte dans mon livre. Je rappelle que cette opération clandestine, particulièrement odieuse à l’égard de la France, visait à obtenir l’assentiment de Churchill à une paix séparée entre l’Angleterre et l’Allemagne, affranchie de l’autorité de Hitler. C’est donc en raison de tout ce qui vient d’être dit que j’assume le titre de mon livre. Je l’assume pleinement. Mais je tiens également à atténuer l’éclat de cette consécration. Car pour moi, l’héroïsme d’un Marc Bloch, devant « le plus atroce effondrement de notre histoire » est plus inspirant encore que les exploits retentissants accomplis par Chanel durant ces abominables et sanglantes années de guerre. L’héroïsme de cet immense intellectuel et résistant supplicié est plus exaltant parce qu’il s’est senti « responsable de tous », comme eût dit Saint-Exupéry. Ce grand universitaire médiéviste fut profondément ému par la France qui souffre, par les larmes des traqués et des humiliés.
En février 1944, Chanel, sollicitée par Cocteau pour joindre son nom à la pétition en faveur de la libération de Max Jacob de Drancy, la signera certes, mais contre son gré. Pourtant, elle vouait une indéfectible affection à cet éblouissant poète et artiste. Mais elle ne supportait pas l’idée qu’une supplique adressée à un barbare, en l’occurrence Abetz, supplique si pressante et justifiée fût-elle, portât la signature de Coco Chanel et ternît ainsi l’image que la dandy s’était forgée d’elle-même en l’obligeant de transiger avec sa conscience. Il faut croire qu’un abîme insondable sépare l’humaniste dévoué à autrui, du dandy qui ne fait preuve de loyauté qu’envers son propre idéal.
M. A. : Vous affirmez qu’elle n’a pas été collaboratrice des nazis durant la Seconde Guerre mondiale, pourtant personne, hormis vous, n’est venu démentir les propos d’Hal Vaughan. Je crois même qu’au siège de Chanel, on refuse de répondre à ces accusations. Tout cela semble donc aller dans le sens de ce journaliste américain. Pourquoi ce silence, selon vous ? Quelles sont les preuves que vous pourriez apporter et qui feraient démentir ces accusations ?
I. St. J. K. : Pourquoi ce silence ou ce quasi-silence de la Maison Chanel ? Une chose est sûre : cette grande réserve ne peut aucunement être attribuée à une capitulation concédée à Hal Vaughan. Elle ne peut pas davantage être interprétée comme un symptôme de condescendance, voire de gêne « d’avoir à s’abaisser » en répondant aux calomniateurs de Chanel. Il convient encore moins de considérer cette discrétion comme une marque d’indifférence au tumulte ambiant, indifférence qui s’expliquerait par la parfaite inefficacité des accusations infamantes ciblant Chanel sur le chiffre d’affaires de « sa Maison », qui ne cesse de progresser.
Pour moi, cerner la motivation du quasi-silence de la Maison Chanel, c’est surtout appréhender un événement décisif qui a marqué un tournant dans la vie de Chanel. Remontons à mai 1954. Chambrun, l’avocat de Chanel, avait conseillé à sa cliente et amie de faire confiance au « Tribunal du Temps », à l’avenir, à la postérité, un tribunal qui, selon lui, serait investi du pouvoir suprême de dédramatiser les enjeux, de dépassionner le débat. Il était parvenu à convaincre Chanel qui lui confia ses dossiers de guerre, jusqu’en 1967, vraisemblablement.
La Maison Chanel, je le crois, n’a fait qu’accomplir la volonté de sa fondatrice. Nous ne pouvons qu’apprécier son indéfectible loyauté. Cependant, bien que la petite-nièce de la styliste, Gabrielle Palasse-Labrunie, m’honorât de son amitié et de sa confiance, je ne me sens pas, personnellement, lié par une obligation quelconque de faire serment de loyauté à la volonté de Chanel. Je dirais même que, contrairement à Chambrun, je ne crois pas à l’impartialité du Tribunal du Temps et les campagnes haineuses, savamment conduites contre Chanel pour épouser la cause de Vaughan, démontrent que je n’ai pas tout à fait tort. C’est pourquoi j’ai décidé de descendre dans l’arène, parce que j’ai l’ingénuité de croire encore que toute interrogation sérieuse, même soulevée par l’opposition, mérite une réponse argumentée.
Vous me demandez de quelles preuves je dispose pour démentir la prétendue collaboration de Chanel avec les nazis. Je vous réponds très simplement que mon livre s’appuie essentiellement sur les preuves présentées dans le livre de Vaughan ; ces fameuses archives récemment déclassifiées, « révélations explosives », distillées par les médias qui se déchaînent de par le monde, alors qu’à la veille de la Libération, elles étaient consultables au siège de la Société Baudelaire, rue Jacob. Seulement voilà : à partir de ces mêmes documents, je dégage des conclusions qui sont parfois diamétralement opposées à celles de Vaughan. Cela s’explique par mon rejet des interprétations imprécises, voire artificieuses auxquelles il recourt quand il souhaite établir une continuité dans sa chronologie défaillante à plus d’un titre, selon ma propre enquête.
Penchons-nous donc, puisque vous la mentionnez, sur la pseudo-collaboration de Chanel. Elle reposerait sur quoi exactement, selon la thèse de Vaughan ? Sur le fait que Chanel aurait couché dans le lit du baron Hans Günther von Dincklage, de treize ans son cadet, agent dévoué à l’Abwehr depuis la promulgation de la République de Weimar en 1919. Surnommé « Spatz », l’espion polyglotte et anglomane, qui abondait en exploits libertins, aurait enrichi sa collection de la conquête de Chanel sous l’Occupation, du moins à en croire Vaughan. C’est faux. Au temps de sa liaison éphémère avec Dincklage, Chanel partageait sa vie avec Paul Iribe, décorateur, costumier, dessinateur et fondateur de l’abominable revue réactionnaire Le Témoin. Sa liaison avec Dincklage aurait duré une dizaine de jours et remonte à novembre 1934 quand ils se rencontrèrent au Brown’s Hotel à Mayfair. « Coucher » avec l’Allemand Dincklage en 1934 rendrait donc Chanel coupable de délit pour collaboration avec un ennemi de la France ? Lorsqu’en août 1940, Dincklage imposa sa présence dans la vie de Chanel, elle ne l’accueillit ni comme ennemi ni comme amant, mais comme un chevalier servant, susceptible de protéger Parfums Chanel contre une éventuelle ingérence nazi ce, jusqu’en mars 1941. À cette date, Chanel apprit que Dincklage avait facilité la capture et l’internement d’André Palasse, neveu de la styliste, dans le seul but de la contraindre à embrasser la cause nazie, moyennant sa libération. Il va de soi que Chanel ne cédera jamais à ce chantage abject. En revanche, par l’entremise d’un de ses premiers agents de renseignements, elle fit placer Dincklage sous étroite surveillance.
Le dédain souverain que Chanel éprouva envers le nazi maître chanteur, Dincklage, se traduira, à partir de mai 1941, par des instructions transmises à ses agents de renseignements. C’est ainsi qu’à l’instigation de la styliste, ils délivreront à Dincklage des informations erronées sur les combats qui opposaient Chanel aux partisans du rachat des entreprises Bourjois et Parfums Chanel. Ces partisans étaient composés, entre autres, de Laval et du chef du service « Déjudaïsation » au Commandement militaire allemand, Kurt Blanke.
Venons-en à l’après-guerre, quand Dincklage menaça Chanel de porter atteinte à sa réputation en relayant publiquement les grossières calomnies portées contre elle à la Libération par les épurateurs sauvages. Sur le conseil de Chambrun, son avocat depuis 1934, certes, elle finit par céder au chantage financier exercé par Dincklage et acheta son silence. Cependant ce chantage, cette soumission au tyran Dincklage, Chanel la ressentit comme une humiliation qui perdura même après sa rupture avec Dincklage en 1958, humiliation faussement effacée de temps à autre par les convenances de la vie mondaine d’une dandy baudelairienne s’interdisant de lâcher le plus implicite aveu de sa muette et déchirante blessure d’amour-propre.
M. A. : Dernière question, Coco Chanel était le symbole de l’élégance à la française et de la femme chic. Aujourd’hui, nous vivons une époque qui préfère substituer la vile laideur à la beauté, par esprit de fronde, de sédition. Que répondez-vous à une telle époque, vous qui êtes un éminent baudelairien, et un grand admirateur du dandysme du XIXe siècle ?
I. St. J. K. : Un baudelairien redoute-t-il vraiment la « vile laideur » ? Baudelaire idolâtrait le mystère de la laideur. Souvenons-nous de ses « Métamorphoses du Vampire » ou du « Voyage à Cythère », voire d’« Une Charogne ». L’émotion du laid, son pouvoir répulsif, a de longtemps fasciné les grands créateurs. Pensons à l’admirable Portrait du vieillard et du jeune garçon de Ghirlandaio, l’un des plus émouvants chefs-d’œuvre de l’école florentine ; ou, plus près de nous les portraits de Dora Maar, déstructurés par Picasso. Ces portraits sont au zénith de l’art du XXe siècle. N’omettons pas de mentionner le génial Soutine dont le chaos intérieur nous est renvoyé par ses brosses et atteint la sublimité sans que jamais elle ne paraisse menacée par les distorsions de ses visages ou de ses arbres. Et que dire du grand baudelairien que fut Francis Bacon qui trouvera bientôt sa place dans notre collection « Saint-Germain-des-Prés inédit » et dont le mouvement qui déchire et qui torture s’accroît sans discontinuer dans l’intensité ?
Je serais plutôt enclin à croire que l’ennemi de la beauté, pour un baudelairien ou pour un nietzschéen, c’est la superficialité, l’insignifiant, le banal, le moche, la production gadgétisée, censée être provocatrice. Notre brillantissime André Malraux, n’eût-il pas frémi d’horreur à l’idée que son fauteuil, au ministère de la Culture, pût un jour être occupé par une apologiste du tube anal d’un plasticien américain ? Je n’ose même pas imaginer comment ce plug anal gonflé sur la place Vendôme, il y a de cela, sept, huit ans, eut été accueilli par la plus illustre résidente du quartier, Coco Chanel. J’ai du mal à croire qu’elle se serait associée au concert de louanges adressées au « plasticien gonflable » par maints tenants officiels de la culture.
Propos recueillis par Marc Alpozzo
[1] Voir à ce propos « PARFUM DE TRAHISON – Quand Coco Chanel était un agent nazi », Rédaction du Monde.fr, publié le 15 août 2011.
Le sujet, c’est l’envie d’écrire, de faire luire une phrase comme on frotterait une pièce d’argenterie. En chemin, à mesure que j’écrivais, j’ai rencontré le président Macron, les gilets jaunes, le virus de Chine, la guerre en Ukraine. Avec un crayon et du papier, j’ai illustré ce grand chemin, semé de bandits Certains de mes livres trouvent une issue littéraire dans la mémoire, des souvenirs recomposés, une vie morte reconstituée. D’autres s’imposent à moi, heurtent de plein fouet une écriture, se présentent tels quels comme des modèles à figurer. Ce sont des croquis d’aujourd’hui, extérieurs au for intérieur. « La fin des haricots » en prolonge les traits, fait écho à l’art des portraits. Il appartient au deuxième style, rosse et féroce. Car je ne considère pas comme fortuit le mot rire dans celui d’écrire. Rire et écrire procède du même élan, du même tourment, d’un même ricanement. Ce dixième ouvrage se situe dans le droit fil d’un premier livre consacré à de Gaulle. Il témoigne d’un retour aux sources. Il s’affiche comme la chronique urticante d’un fiasco national. Les personnages publics dont j’évoque les agissements fugitifs, dont je mentionne les noires impérities, obéissent au monde enfantin de la bande dessinée. A vrai dire, j’observe un théâtre, non pas absurde mais burlesque, où l’acteur au pouvoir endosse la caricature comme une deuxième nature. Je regarde comment s’agitent les chefs à savoir bref. Ce livre n’appartient à aucun genre bien défini. Un peu pamphlet, un peu essai littéraire, peut-être les deux à la fois, il dessine la tragi-comédie du pouvoir. Il s’est écrit à mon insu, tout seul, sans que je le veuille. Là, je parle du livre, comme d’un bloc unitaire. Mais la phrase, je l’ai voulue, désirée, convoitée, courtisée. Il n’y a pas d’histoire. Mais toujours une couleur, faite de consonnes et de voyelles. Et une couleur, c’est beaucoup plus important qu’une histoire. Car je crois que l’imagination la plus pure, c’est de voir de la couleur dans une phrase, dans une écriture, dans un livre. Du ressenti, du subjectif, de l’arbitraire : l’écrit le revendique ici. J’invente au besoin, j’affabule à plaisir. J’observe la gesticulation du pouvoir avec compassion, mépris et moquerie. L’actuelle gestuelle mécanique du pouvoir, à cadence saccadée, renvoie à des saynètes d’un cinéma disparu, aux délires de Louis de Funès, Tati, Chaplin, Keaton, Sennett ou Harold Lloyd. Le genre politique selon Macron ressortit de l’art burlesque.
D’une manière générale, à quel besoin profond, à quelle nécessité intérieure répond votre travail d’écrivain ?
J’écris à la recherche de quelque chose. Je suis un désir dans un désert. Je suis à la remorque de ce désir d’écrire. Alors savoir si c’est un roman, un essai, un pamphlet, à vrai dire je n’en sais rien. Je sais seulement que le désir est impérieux, qu’il exerce un empire ravageur sur mon écriture, qu’il frappe toute laborieuse volonté d’un dédaigneux coup de vieux.
Le thème de la nostalgie est très présent dans votre livre…
Une fois le livre achevé, j’ai été saisi par un vers de Pasolini qui m’a émerveillé : « La connaissance est dans la nostalgie » (Adulte ? Jamais). Oui, mes haricots témoignent d’un cri qui est celui de la nostalgie. Un cri de scrogneugneu. Avant, c’était mieux. Il y avait davantage de soin dans le travail ouvragé. L’éditrice du livre m’a confié que le livre « ne manquait pas d’humour ». On attribue souvent à Boris Vian une phrase qui appartient à Chris Marker, le poète cinéaste : « L’humour est la politesse du désespoir ». Cette politesse du désespoir, je l’ai baptisée, moi, avec mes propres mots : « la fin des haricots ».
D’un livre à l’autre, comment s’effectue la transition ? Pouvez-vous dire un mot sur le livre auquel vous travaillez aujourd’hui ?
Bref, j’ai écrit tous les jours des bouts de phrases. A force, cela a représenté une centaine de pages. C’est généralement la taille de mes livres. J’ai relu l’ensemble. Et j’avais l’impression que « ça tenait ». Je n’ai pas projeté au départ que je voulais écrire ce livre. Pour moi, c’était une récréation, un divertissement. Une manière de retarder les échéances. Avant de passer aux choses plus sérieuses, à ce livre auquel je pense un peu tous les jours, celui-là voulu et bien voulu, un livre sur l’écriture, la solitude, le style, le théâtre. J’ai le titre, un label obsessionnel, entêtant au fil du temps. Je l’appellerai « Une manière d’être seul ». Mais je ne sais pas si je suis capable de l’écrire, ce livre. Un livre dont la matière est la manière. Quand j’écris, j’ai finalement l’impression d’être à ma place. La difficulté est d’y rester.
Que de tranches d’histoire nous découvrons en conversant avec Christian Mégrelis, personnage à la culture encyclopédique qui a côtoyé, et quelquefois servi tous les empires du dernier siècle ! Français né à Chamalières entre les deux guerres, issu d’une vielle famille grecque pontique (installée sur les rives du Pont Euxin, aujourd’hui la mer Noire, entre l’Europe russe, le Caucase et la Turquie), ce parfait cosmopolite, infatigable voyageur qui mena avec succès diverses affaires commerciales sur tous les continents, grand connaisseur et défenseur de la Bible qu’il fit éditer jusqu’en Chine et qui l’inspire en toutes circonstances, joua un rôle politique de premier plan, en particulier comme conseiller aussi écouté qu’influent de Mikhaïl Gorbatchev. On en apprendra beaucoup à suivre son regard amusé, distant et synthétique, toujours très français, sur les grandes évolutions du monde, en particulier de sa chère Russie, dont le destin lui importe autant que celui de la France -et que, bien entendu, l’entente franco-russe tant mise à l’épreuve part notre enferment dans l’univers atlantique. Plus souvent complaisant avec les vues étatsuniennes que tendre avec Vladimir Poutine, il n’en reste pas moins fasciné par l’étonnant destin d’un peuple russe auquel il est viscéralement attaché, nous le serons sans doute en l’écoutant… —————————————————————————————————
La première exposition parisienne d’Erik Andler « Distorted Date »aura lieu du jeudi 09 (vernissage) au jeudi 23 février (clôture) 2023.
A l’Hôtel La Louisiane – 60 rue de Seine – 75 006 Paris (inscription : guilaine_depis@yahoo.com)
avec plusieurs soirées de conférences & réflexion & convivialité sur le « Temps » durant l’exposition :
– vision philosophique du « Temps » avec les philosophes Jean-Marc Bastière et Marc Alpozzo le samedi 11 février de 17h30 à 19h30
– vision sentimentale du « Temps » avec une soirée-concours de textes (prose ou poèmes) d’amour contenant pour la Saint-Valentin le mardi 14 février. Le gagnant remportera une oeuvre originale et unique, peinture numérique imprimée en digigraphie sur papier fine art et placée dans une caisse américaine de 54 x 73 cm d’Erik Andler et se verra offroir une nuit à La Louisiane. Les consignes sont ne pas excéder une page et inclure au moins une fois dans son texte les trois mots Temps, Amour, Eternité
– vision neuroscience du « Temps » avec les chercheur en neurosciences Daniel-Philippe de Sudres et Eric Durand-Billaud le jeudi 16 février à 19h
Erik Andler : photo prise en juin 2022 lors d’une exposition à Lyon
Introspection 2020-06-23 réalisée en 07/2022 (peinture à l’acrylique sur toile de lin)
Jean-Marc Bastière : photo copyright Frédéric Stucin et couverture du livre
Entretien avec Erik Andler et Jean-Marc Bastière
Le temps est un mystère. Qu’est-ce que le temps ? L’artiste Erik Andler qui expose pour la première fois à Paris consacre une œuvre au temps. Jean-Marc Barrière, philosophe et journaliste au Figaro a consacré un très beau livre au temps Les sept secrets du temps (Stock, 2018). À l’occasion de l’exposition d’Erik Andler qui s’intitulera « Distorted Date » et qui aura lieu du jeudi 09 (vernissage) au jeudi 23 février (clôture) 2023 à l’Hôtel La Louisiane dans le VIème arrondissement de Paris, j’ai profité d’un tour de table pour en savoir plus sur le temps, même si cette notion est l’une des plus complexes en philosophie.
Marc Alpozzo : Bonjour Erik, Bonjour Jean-Marc, tous les deux, vous avez travaillé sur la question du temps. On connaît tous, la célèbre remarque de Saint Augustin, « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. » Précisément, à propos du temps, que diriez-vous ?
Erik Andler : Bonjour Marc, Bonjour Jean-Marc. Merci Marc de m’accueillir pour ce tour de table sur le « Temps ».
Pour moi, le temps est une notion complexe. Aussi, avant de s’interroger sur le « Temps », il me semble nécessaire de se demander de quel « Temps » nous parlons ? En effet, le temps, couvre un spectre très large qui va, entre autres, de la philosophie à la physique en passant par la métaphysique, les neurosciences et également la physique quantique.
De mon point de vue, si le « Temps » reste, encore aujourd’hui, insaisissable, c’est un élément universel qui est l’une des clefs de la compréhension de l’Univers.
Jean-Marc Bastière : Bonjour Marc, bonjour Erik. Que dire après saint Augustin ? Le temps, les poètes le contemplent, les philosophes l’interrogent, les physiciens le mesurent. Et des artistes, comme Erik, le dessinent et le peignent avec inspiration, nous ouvrant des portes insoupçonnées ! Je dirais que le temps hante tout un chacun. Mais, insaisissable, il nous échappe toujours. Qu’on le veuille ou non, on se bat sans cesse contre ce fantôme intime dont l’existence impalpable se manifeste à chaque instant. Pourtant, il n’y a rien de moins abstrait – et de plus physique – que le temps. Il n’existe qu’incarné, peuplé pour moi de visages et de paysages, de voix humaines et de sons familiers, d’effluves de pain chaud et de feuillages après la pluie, de pêches mûres et de poisson grillé sur la plage, de baisers furtifs et d’étreintes tendres avec des êtres chers.
A contrario, la contemplation des « peintures de date » d’Erik – chiffres vivants, traversés de torsions et de vibrations – nous fait ressentir la tension intrinsèque entre l’espace et le temps en déchirant le voile des évidences sensorielles, tandis qu’un peintre comme Eugène Boudin aimait, lui, croquer un ciel de nuages à un instant unique.
M. A. : Erik, vous êtes peintre, et vous avez commencé la peinture en autodidacte. Vous avez débuté par une période de réflexion, puis en 2010, vous avez commencé à peindre sur du papier, en vous réappropriant formellement l’esthétique picturale des « Date Paintings » d’On Kawara. En 2012, vous réalisez votre première peinture sur toile de lin « NOV, 11. 2011 ». Vous poursuivez dans votre œuvre, une démarche plastique qui fait écho aux travaux scientifiques développés à travers les siècles. Vos peintures interrogent sur le temps, sa perception, sa réalité, sur l’espace aussi. Pourtant, au-delà de ces grandes questions du temps et de l’espace, qui sont des formes a priori de notre sensibilité selon Kant, votre travail nous questionne sur notre quotidien, notre monde et sur l’univers. Pourquoi ce choix ? Pourquoi cette orientation ? Est-ce que votre but est de mélanger des questionnements philosophiques à une représentation esthétique ?
E. A. : Marc, pour être franc, mon travail n’est pas orienté par un choix. Les œuvres que je crée naissent d’une inspiration suscitée par des questions qui m’habitent profondément.
Aussi, mon but n’est pas de mélanger des questions philosophiques à une représentation esthétique. Mon orientation est bien différente. Je présente, au travers, de mes créations, et en particulier, des « Distorted Dates » ma vision du « Temps », mais également ma perception de nos sociétés, du monde qui nous entoure et de mon ressenti sur l’Univers.
M. A. : Jean-Marc, vous être critique littéraire au Figaro, et rédacteur en chef du mensuel Histoire & Civilisations, et vous avez publié de nombreux ouvrages, sur la jeunesse, Dieu, la religion, la prière, et un livre particulièrement marquant sur le temps, Les sept secrets du temps (Stock, 2018) [paru aussi en poche au Seuil, chez Points vivre, 2019]. Vous avez réalisé un vrai texte de philosophie, votre ouvrage étant une méditation poétique sur le temps, ce bien précieux, qui nous fâche, nous presse, nous lâche. Est-ce que vous avez écrit ce livre, parce que le temps serait notre malheur, duquel vous comptez nous libérer ?
J.-M. B : Si le temps marque notre finitude, il n’est pas fatalement un malheur. On peut simplement se méprendre sur lui. Pourquoi ? Parce que le temps, comme la vie, n’est pas un dû mais un don. Comme de l’eau pure qui nous est offerte ou une grâce qui nous est octroyée. L’attitude première que nous devrions cultiver est la reconnaissance, parce que nous avons le privilège d’être vivant et que ce temps précieux dont nous disposons, il ne tient qu’à nous de l’habiter de tout notre cœur.
Ce temps, bien sûr, nous pouvons en faire notre malheur si nous cherchons à l’accaparer comme un trésor, si nous nous cramponnons à lui de façon désespérée, si nous cherchons à retenir son écoulement inexorable, entre un passé qui n’est plus, un présent qui s’évapore et la mort qui se rapproche ! Il ne faudrait pas grand-chose, pourtant, pour que le temps ait un goût de bonheur. Une pincée de confiance pourrait suffire ! Cette allégresse volontaire n’élude pas, bien sûr, l’angoisse, la tristesse et le tragique de l’existence.
Ma seule préoccupation, c’est de faire remonter à la lumière ce que le lecteur porte déjà en lui. Loin de moi, donc, l’idée de libérer les autres du temps ! Être un passeur, oui, peut-être.
M. A. : Jean-Marc, vous nous proposez dans ce livre d’acquérir la « sagesse du temps », dites-vous, ce qui reviendrait à vivre heureux et paisible, en nous dévoilant ses sept secrets. Mais quels sont-ils exactement ? Pouvez-vous nous en proposer un bref résumé ?
J.-M. B. : La sagesse, à vrai dire, n’est pas un long fleuve tranquille ! Et trouver la joie et la paix peut passer par un long et dur combat intérieur – aussi « brutal » qu’une « bataille d’hommes », écrit justement Rimbaud. En réalité, même si le contenu est philosophique et surtout spirituel, j’ai voulu, non sans plaisir et amusement, me glisser dans la forme particulière des ouvrages de développement personnel. Après la lecture d’un livre qui m’a touché et même bouleversé, ai-je remarqué, l’émotion se dissipe vite, très vite, trop vite. Une fois le volume remisé dans sa bibliothèque, nous oublions presque aussitôt l’essentiel. Nous passons à autre chose. Les livres nous changent-ils ? Oui, je le pense, mais lentement, par imprégnation, tout au long de la vie. Le type d’ouvrage dont la manière m’inspire ici peut aider, sans rien céder, bien sûr, sur le fond, à cette assimilation.
Ces sept « secrets » sont comme des sentiers de montagne. Ils nous mènent vers la contemplation d’un seul mystère : celui du temps. Le premier : ou comment ne pas subir le temps en changeant ma perception et mon attitude. Le deuxième : ou comment trouver le bon tempo pour suivre mon désir fondamental. Le troisième : ou comment, contre les voleurs de temps, mener une vie véritablement créative. Le quatrième : ou comment dépasser un individualisme étroit en inscrivant mon organisation personnelle dans une culture vivante qui la porte. Le cinquième : ou comment réussir les passages, c’est-à-dire rendre à chaque jour sa saveur unique et à chaque âge sa vocation propre. Le sixième : ou comment, contre le mirage du passé, l’utopie de l’avenir et la tyrannie de l’instant, rendre au présent son éternelle présence. Le septième : ou comment concilier notre appréhension humaine d’un temps qui nous est compté avec ce qui échappe au temps.
M. A. : Erik, puisqu’on parle du temps retrouvé, c’est en juillet 2016, que vous avez effectué un voyage d’étude à Barcelone tout à fait déterminant, puisque vous avez ressenti le besoin de vous détacher de l’emprunt formel pour travailler une forme plus personnelle, et c’est dès votre retour à Lyon, que vous avez commencé à utiliser la forme de la date définit par la norme internationale ISO 8601, qui est la norme spécifiant la représentation numérique de la date et de l’heure, et qui est une notation, créée en 1988, destinée à éviter tout risque de confusion dans les communications internationales due au grand nombre de notations régionales différentes. Quel étrange choix, non ? Quelle en est l’origine ? Est-ce qu’on se lève un beau matin, et que l’on se dit que l’on va travailler sur la représentation numérique de la date et de l’heure ? Lorsque vous avez exposé vos toiles pour la première fois, quelles ont été les réactions des gens ?
E. A. : Marc, à l’époque, je recherchais une représentation plus personnelle et également plus harmonieuse de la date. Et c’est un matin, en prenant un café dans un coffee shop de Barcelone que j’ai eu cette idée d’utiliser la forme de la date définie par la norme ISO 8601 pour mon travail.
Lors de ma première exposition, les réactions des gens étaient très intéressantes. Les personnes étaient très surprises par mes peintures. En particulier, par les « Distorted Dates ». Les gens étaient particulièrement intrigués par les déformations peintes sur la toile. Mais, également, beaucoup de personnes me disaient qu’en regardant mes oeuvres, ils ressentaient une grande sérénité et de l’apaisement.
M. A. : Justement, votre travail artistique, Erik, pose des questions, peut-être personnelles, mais aussi philosophiques, telles que : Qu’est-ce que le temps et quel est son processus ? Quid du temps psychologique et de la perception que nous avons de son écoulement ? Le temps est-il linéaire, ne serait-il pas plutôt relatif ? Dans les faits, votre peinture s’élève au-delà du temps psychologique et de sa perception qui nous trouble, en questionnant la science bien au-delà de la physique newtonienne. En quoi la peinture pourrait-elle être légitime dans ce questionnement qui semble appartenir aujourd’hui aux scientifiques ? Pensez-vous que la peinture puisse nous proposer une vérité sur le temps qui échappe à la science, et laquelle ?
E. A. : Marc, pour moi, le sujet du « Temps » ne peut pas appartenir à une catégorie de personnes, il est Universel. Aussi, je ne cherche pas à proposer une vérité au travers de mes peintures. Bien au contraire. Avec mes œuvres, j’introduis des premières clefs de lecture qui donnent une ouverture vers des questionnements sur le « Temps », sur nos sociétés, sur notre monde et sur l’Univers. Les réponses sont multiples et vivent en chacun de nous.
M. A. : Jean-Marc, puisque nous parlons du temps selon le physicien, rappelons-nous ce débat contemporain, qui a cent un ans cette année, puisqu’il date de 1922, et qui portait alors, sur la nature du temps, un dialogue de sourds peut-on dire entre Albert Einstein et Henri Bergson. La question portait précisément sur le temps qui passe, et sur la représentation que l’on s’en fait. Est-ce que vous vous représentez le temps plutôt sous la forme d’une montre aux aiguilles qui sonnent la distance parcourue ou plutôt comme un morceau de musique dont les notes s’enchaînent, chacune imprégnée de la précédente et appelant la prochaine ? En bref, êtes-vous plutôt einsteinien ou bergsonien ? Sachant, que le premier défendait plutôt une conception de la temporalité à l’aune de sa théorie de la relativité restreinte, et que le second, pensait le temps sous un prisme plutôt psychologique.
J.-M. B. : Les deux, à vrai dire ! Einsteinien, déjà, par nécessité, dans le quotidien. Car il vaut mieux avoir une « montre » dans la tête pour parcourir avec un minimum de sérénité la distance d’une journée ou… d’une année ! Ne méprisons pas, dans la vie personnelle ou professionnelle, les vertus d’un emploi du temps réfléchi, sinon médité !
C’est un premier pas vers la paix de l’âme. Un simple bureau mal rangé, recouvert de papiers en souffrance, peut, en effet, déprimer profondément. Quand les oublis et les retards se multiplient, avec l’impression ressentie d’être étouffé ou submergé, il est nécessaire de tout remettre à plat et de s’imposer un « régime du temps » drastique. Avec des renoncements, des allègements.
Une bonne organisation reflète aussi une forme de beauté et de sagesse. Savoir dire non à une sollicitation, goûter un rendez-vous en prenant un peu d’avance, se donner le temps de la clarté intérieure avant de prendre une décision (Louis XIV répondait toujours : « Je verrai ! »), et surtout pouvoir respirer à pleins poumons la rafraîchissante gratuité du temps.
Mais je suis aussi bergsonien par tempérament : quand je dois décider de quelque chose, de mineur ou de majeur, je mets presque toujours en balance l’utilité de cette action avec la puissance de vie qu’elle recèle. Entre-t-elle en résonance avec ce qui me fait vibrer vraiment ? C’est une question d’oreille, non pas interne, mais intérieure. Ou de ressenti subtil. Je peux par exemple renoncer sans hésitation à quelque chose d’ « utile » ou à un quelconque intérêt pour poursuivre une conversation intéressante, prolonger une rencontre inattendue, écrire une page dont l’inspiration ne peut attendre, ou passer un après-midi d’errance bienheureuse en pleine forêt ou dans les rues de Paris.
Pour autant, je ne renonce pas, loin de là, à tout ce qui peut paraître ennuyeux ou désagréable. Déjà, il y a la fameuse « règle d’or », qui consiste à éviter de faire aux autres ce qu’on n’aime pas subir soi-même. En s’efforçant, par exemple, sauf empêchement impérieux, de ne pas décommander au dernier moment un déjeuner prévu.
Il est bon aussi de se poser cette question à chaque décision : cette dernière s’inscrit-elle dans mes fondamentaux ? Car les objectifs les plus concrets s’appuient aussi sur des piliers intérieurs. La vie n’est pas qu’une succession d’instants ; elle s’inscrit dans une durée qui lui confère son unité.
Tout cela étant dit, nous ne sommes pas des robots. Chacun a une histoire, avec ses fêlures intimes, ses contradictions inévitables, ses conflits de valeur ou ses sentiments violents qui peuvent l’envahir et le déstabiliser. L’affronter est l’occasion de se connaître mieux – et de reconnaître, surtout, sa simple humanité. Toute cette dramatique rend plus poignante encore cette « symphonie du temps qui passe » !
M. A. : Et vous, Erik, qui explorez l’esthétique picturale des « Date Paintings », seriez-vous plutôt einsteinien ou bergsonien ?
E. A. : Marc, même si les questions du temps, sous le prisme de la psychologie m’intéressent et font partie de mes réflexions, je suis tout de même plus einsteinien. La théorie de la relativité restreinte qui nous apprend que l’écoulement du « temps » est différent selon que l’on est ou non en mouvement. Mais également, la théorie de la relativité générale où l’on découvre que la gravitation est une déformation de l’espace-temps induite par les objets qui sont dans cet espace-temps et par leur énergie, ou encore les ondes gravitationnelles sont des univers qui m’habitent et me passionnent profondément. Aussi, je pense que la linéarité du temps est très discutable et que le « Temps » est bien différent de la représentation que l’on peut se faire d’une montre aux aiguilles qui sonnent la distance parcourue. Je pense, au contraire, que le « Temps » est relatif. Comme d’ailleurs beaucoup de choses dans nos sociétés, dans notre monde et dans l’Univers.
M. A. : Une dernière question pour tous les deux. Chez Spinoza, l’instant présent se définit mathématiquement comme un « infinitésimal ». C’est une notion abstraite, littéralement imperceptible, au sens de la perception humaine. Pourtant, à l’autre bout extrême du maniement mathématique du temps on trouve une autre notion, tout aussi abstraite, celle d’éternité, qui est elle-même une notion non soutenable par l’expérience et qui risque de nous faire perdre le sens de la réalité. Spinoza écrit pourtant, dans son Éthique : « Et cependant nous sentons, nous éprouvons que nous sommes éternels[1] ». Vous-mêmes, pensez-vous, que malgré le temps qui passe, je parle du temps des horloges, nous sommes éternels ?
J.-M. B. : Oui, je le pense. Mais pour comprendre l’éternité, il faut revenir à l’idée de présent. Car le passé a été et l’avenir n’est pas encore. Seul le présent existe mais qu’est-il ? Une évidence pas si évidente. Car il semble disparaître dans un instant infinitésimal, qui tend asymptotiquement vers zéro sans l’atteindre. Le présent, en tant que succession d’instants toujours divisibles, n’est jamais présent, il nous échappe toujours. Or, ce qui fonde le présent en tant que présent, c’est qu’il est présent, obstinément présent, et non pas absent à lui-même.
C’est pourquoi il transcende l’instant, il l’englobe dans une réalité supérieure. Quand je suis avec quelqu’un, cette présence dépasse l’instant, elle forme un tout – presque un tiers entre nous. On dit d’ailleurs qu’on est présent à une personne ou à un événement. Une unité mystérieuse cimente ce présent, qui résiste à la perpétuelle consumation de l’instant.
La voici donc, la porte dérobée de l’éternité, qui laisse passer un souffle d’air frais venu d’ailleurs : c’est cette présence du présent que nous ressentons par intermittence et de façon très imparfaite mais qui est toujours là. Quand elle paraît avoir déserté, nous nous sentons exilés. Le présent embrasse tous les temps et tout passe, sauf lui, éternellement nouveau.
De ce point de vue, le présent et l’éternité ne sont pas uniquement des notions abstraites mais aussi d’expérience. Mais nous autres, êtres humains, ne supportons l’éternité que mélangée au temps, avec une teneur infime. Sinon, elle serait, en effet, insoutenable. L’éternité baigne le temps comme une atmosphère invisible. Nous sommes plongés dedans comme un voyageur dans l’immensité du monde. Indépendamment de toute croyance, elle est une réalité qui imprègne toute notre existence.
L’éternité, c’est ce qui échappe au temps et le transcende. Ce qui a existé, existera, d’une certaine façon, pour toujours. Que nous croyions ou non en la vie après la mort. Dans une ode composée en 476 après J.-C., le poète grec Pindare écrivait : « Rien de nos actions justes ou injustes ne peut être anéanti. Le Temps même, père de toutes choses, ne saurait faire qu’elles n’aient pas été accomplies ». Terrible responsabilité quand on y pense d’être cloué à jamais à ses actes, perspective pétrifiante, inhumaine, désespérante, qui fait penser à « l’éternel retour » de Nietzsche.
Notre expérience intime, heureusement, est tout autre. C’est celle des mystiques et des artistes, mais elle est accessible à tout un chacun. Il suffit de faire silence en soi, dans l’écoute et le recueillement, car l’éternité vient nous visiter incognito. Pudique et discrète, loin de l’effroi suscité par le « silence éternel des espaces infinis », elle ne fait que de furtives mais fulgurantes apparitions. Comme dans une maison de famille dont les fenêtres ouvrent sur la nuit étoilée. Mais rien de mécanique en cette jeune éternité ; c’est toujours à un moment inattendu, dans une douceur de brise, qu’elle apparaît. Même son absence est présence. Car elle laisse dans son sillage un parfum de tendresse et d’amour.
E. A. : Marc, pour moi, l’éternité c’est quand le temps s’arrête, lorsqu’il s’effondre sur lui-même.
L’astrophysique me donne cette vision artistique de l’éternité. Je vois cet instant où l’on atteint l’horizon des événements d’un trou noir. Alors, le temps ralentit considérablement. Et au-delà, jusqu’à la singularité, je vois le temps s’arrêter et laisser place à l’éternité.
Aussi, quand le moment est venu de nous envoler, le temps doit sans doute s’effondrer sur lui-même pour nous ouvrir la porte de l’éternité.
Propos recueillis par Marc Alpozzo
Nota Bene : La première exposition parisienne d’Erik Andler « Distorted Date » aura lieu du jeudi 09 (vernissage) au jeudi 23 février (clôture) 2023. A l’Hôtel La Louisiane – 60 rue de Seine – 75 006 Paris.
Il y aura également plusieurs soirées de conférences & réflexion & convivialité sur le « Temps » durant l’exposition :
– vision philosophique du « Temps » avec les philosophes Jean-Marc Bastière et Marc Alpozzo le samedi 11 février de 17h30 à 19h30
– vision sentimentale du « Temps » avec une soirée-concours de textes (prose ou poèmes) d’amour contenant pour la Saint-Valentin le mardi 14 février. Le gagnant remportera une œuvre originale et unique, peinture numérique imprimée en digigraphie sur papier fine art et placée dans une caisse américaine de 54 x 73 cm d’Erik Andler. Les consignes sont ne pas excéder une page et inclure au moins une fois dans son texte les trois mots Temps, Amour, Eternité.
– vision neuroscience du « Temps » avec les chercheurs en neurosciences Daniel-Philippe de Sudres et Eric Durand-Billaud le jeudi 16 février à 19h
[1]Éthique, Cinquième partie, Scolie de la proposition 23.