« une sagesse surgie d’un long vécu », le thème de la transmission développé avec grâce par Alexandre Arditti

Alexandre Arditti, La conversation

Un sympathique premier roman qui met en conversation une fille de 20 ans avec un homme de 90 ans. Mieux qu’un essai, la « conversation à la française » permet de distiller une sagesse sans peser, une philosophie sans grands mots, un art de vivre sans insister.

Charlotte a terminé Science Po (y serait-elle entrée à 16 ans ?) en même temps qu’autre chose comme il se doit (est-ce encore possible aujourd’hui où les enseignements sont plus denses ?). Stagiaire dans un grand hebdomadaire parisien en pleines vacances 14 juillet-15 août, elle est chargée par sa rédac-cheftaine d’aller interviewer un ancien président de la République, homme de lettres et prix Nobel (de la Paix) qui vient rarement à Paris. Rendez-vous est pris dans les salons de l’hôtel Plaza Athénée, avenue Montaigne à Paris, l’essence du chic grand style, encore que je préfère les brunchs du Crillon, l’allée de luxe du Ritz ou la cour intérieure du Bristol.

Le vieil homme des années trente rencontre la millénium et l’entretien commence – autour d’un verre de chablis. Tout y passe, sa vie, son œuvre, son expérience. Ils se tutoient, se titillent, s’entre-admirent. Se distille la sagesse que j’aime, à la Montaigne justement, faite d’exigence mais de rien de trop, d’anarchie intellectuelle et de morale décente, de jugements et d’indulgence. Victor (tiens, le prénom du jumeau de la coming out MeeToo) écume l’aventure (cette tentation permanente), la carrière (ce pensum où il faut s’amuser), la mondialisation (heureuse pour le tiers-monde, moins pour les prolos de notre beau monde), le journalisme (décati depuis les chaînes d’infos en continu et les réseaux sociaux), la violence qui nait de l’inculture et la moraline écolo, le vin et la gastronomie, le goût d’écrire (« tout ne vaut pas d’être publié » p.80), les femmes (ah, les femmes !), les désillusions de l’amitié, la solitude et même le Covid et l’infantilisation de la société (qui ne réclame que ça dans les bras de l’Etat papa). Les Français se foutent de la liberté, ce qu’ils exigent c’est le tous-pareils, l’Egalité ! Leur fraternité ne vient que de là, elle s’évanouit dès qu’une inégalité surgit, même naturelle, même inévitable.

Victor ressemble diablement à François (Mitterrand, le prix Nobel en plus) ; comme lui il est fondamentalement conservateur avec des aspirations sociales, comme lui il « n’aime pas les gens » mais les individus ; comme lui il est fidèle en amitié et à « ses » femmes ; comme lui il aime les livres, la bonne chère et les alcools choisis ; comme lui il est volontiers cruel avec ses ennemis et cisèle des bons mots percutants. Et comme lui il admire le coup d’Etat permanent, dans sa vie publique comme privée. Le lecteur le comprend à la fin.

Un premier roman ne va pas sans quelques défauts, dont le principal est de ne pas réussir à s’incarner dans chacun de ses personnages lorsqu’ils sont aussi contrastés et que trois générations les séparent. L’auteur fait souvent parler une fille de 20 ans comme une bourgeoise de 40 ans et un homme de 90 ans comme ces ducons des « du coup » et ces envolées des « voilà » qui sévissent à longueur d’antennes depuis les années 2010 en émettant des « ou pas » (p.56) en suffoquant tels des poissons hors de l’eau théorique – oup ha ! oup ha ! – dès qu’on leur pose une question concrète. Né vers 1930, on a des convictions, même relatives ! Au fond, dit l’ancien président prix Nobel, il suffit de se sentir heureux pour l’être et la mort vient en son temps comme il se doit. Est-ce de la résignation stoïcienne, une soumission progressive à l’envahissement spirituel du Confucius chinois, ou du cynisme politique ? C’est en tout cas une sagesse surgie du long vécu que le vieillard veut transmettre à la génération d’aujourd’hui.

L’auteur est journaliste né en 1974, il dirige la maison d’édition Grands voyageurs depuis dix-huit ans et est rédacteur en chef depuis près de quatorze ans du magazine Voyages et hôtels de rêve. Comme son président, il écrit son premier roman à 45 ans ; comme sa stagiaire (calquée peut-être sur sa fille), il a fait Science Po (Aix) et droit ; comme l’hebdo de sa journaliste, il a créé Confidentiel, magazine haut de gamme qui publie de longues interviews de 15 à 30 pages de personnalités françaises et internationales.

Alexandre Arditti, La conversation, 2021, éditions Les presses littéraires, 121 pages, €12.00 e-book Kindle €8.49

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

« La Conversation », le premier roman frais et profond, très contemporain d’Alexandre Arditti

La Balustrade de Guilaine Depis vous propose pour la période juin à décembre 2021:
(pour demander un livre, merci d’adresser un mail à guilaine_depis@yahoo.com et pour interviewer l’auteur sms 06 84 36 31 85)
 
« La Conversation » le premier roman d’Alexandre Arditti 
aux Editions Les Presses Littéraires

Brillant, drôle, décapant.

L’histoire : Charlotte, une jeune journaliste de vingt ans interviewe Victor Esmenard, un ancien Président de la République de quatre-vingt dix ans : deux générations, deux caractères, deux visions de l’existence, deux trajectoires se confrontent. Un entretien initiatique. Les idées fusent, c’est jubilatoire. 

Un certain style de vie dilettante et désinvolte, lucide. 
Un culte affirmé de la liberté comme valeur première.
 
S’inscrivant dans une tradition classique (Jean-Claude Brisville, Henri de Montherlant, Jean d’Ormesson, Amélie Nothomb…), l’art du dialogue à bâtons rompus, Alexandre Arditti rend hommage à ses maîtres en renouvelant ce genre littéraire emblématique de l’esprit français à l’époque du Covid et d’un certain totalitarisme idéologique étouffant peu à peu l’ensemble de la planète.
 
Tous les thèmes qui embrassent une vie humaine y passent en vrac : l’évolution du journalisme, les désillusions de l’amitié (clin d’oeil à Emmanuel Bove !), le goût de l’aventure, l’écriture, la mondialisation, le voyage dans son acception ancestrale, le tourisme de masse, l’art de vivre de l’hexagone, l’autocensure à laquelle conduit la bien-pensance qui s’impatronise tout autour du globe, l’amour et les mutations du couple, l’infantilisation de la société, la transformation de la ville et même les bienfaits de l’alcool.
 
* C’est volontiers cynique, parfois caustique, toujours percutant. Avec une misanthropie qui réconforte autant que du Schopenhauer. 
* Un mixte d’épicurisme et de stoïcisme comme recette du « bonheur » qui n’est qu’une somme de moments.

« La vie est courte, tellement courte. Ne perdez pas de temps. »

« Lorsque la culpabilité vous ronge au moment d’acheter un morceau d’entrecôte, de partir en week- end ou de choisir un film, vous pouvez considérer que vous êtes proche de la fin d’une certaine civilisation… »

« À la fin d’une vie, ce ne sont pas des romances insipides dont on se souvient. On se souvient du feu. »
 
L’auteur : Alexandre Arditti est journaliste et éditeur de presse. Après des études de sciences politiques, de droit et de marketing, il collabore à divers organismes audiovisuels ainsi qu’à de nombreux titres de la presse économique et culturelle. Passionné de voyage, il fonde les Editions Grands Voyageurs en 2003. 
Depuis 2008, il dirige le magazine Voyages & Hôtels de Rêve, diffusé en kiosques dans une dizaine de pays francophones.