Questions de Philo publie un entretien profond de Gilles Cosson sur « Entre deux mondes »
Catégorie : ACTU Gilles Cosson
Gilles Cosson dans « Question de philo » en papier
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« Entre deux mondes » de Gilles Cosson sur Radio Notre Dame
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Comment expliquer le boom des pèlerinages et des retraites spirituelles ?
En Quête de Sens • 09h05
Père Jean-Baptiste ARNAUD, directeur du premier cycle de la Faculté Notre-Dame ; co-directeur du Département de recherche Politique et Religions du Collège des Bernardins.
Gaële de La BROSSE, écrivain, journaliste, conférencière, elle est auteure de plusieurs ouvrages dont « Le petit livre de la marche » paru chez Salvator en 2023.
Gilles COSSON, est un écrivain français, auteur notamment de romans historiques, de récits de voyage et d’essais philosophiques. Il a écrit « Entre deux mondes » aux Editions de Paris, 2023.
Entretien de Gilles Cosson sur « Entre deux mondes » avec le philosophe Marc Alpozzo
Marc Alpozzo : Cher Gilles Cosson, vous êtes un ancien élève de Polytechnique, auteur notamment de romans historiques, de récits de voyage et d’essais philosophiques. Vous avez publié récemment Vers une espérance commune, aux éditions du regretté Pierre-Guillaume de Roux, en 2022, qui est une méditation profonde sur le sens de la vie, la spiritualité, sur le besoin du divin, sur la nécessité d’un monde supérieur. Cette année, c’est un roman, Entre deux mondes, paru aux éditions de Paris Max Chaleil. Votre récit, très agréable à lire, commence sur un accident de voiture. Votre personnage principal est un grand journaliste, qui va, suite à cette mésaventure, faire le bilan de sa vie plus ou moins gâchée. Le titre du premier chapitre est « Où suis-je ? Qui suis-je ? » Pourriez-vous dire que c’est aussi le bilan de notre époque que chacun pourrait faire ? Une époque qui fait suite à 70 ans de paix et de prospérité qui semble être au final plus ou moins ratée ?
Gilles Cosson : Je pense qu’une époque prolongée de paix ne peut pas être considérée comme ratée, tant elle est rare dans l’histoire de l’humanité. Mais il est vrai aussi que la paix manque souvent du souffle vital requis lors de la rencontre avec la guerre, la douleur et la passion. Le verre des années qui s’achèvent est-il à moitié plein, vu à la lumière des grandes découvertes scientifiques et médicales récentes, ou à moitié vide, thème de la désespérance si commune aujourd’hui face à un monde où se sont perdus le sens des valeurs et celui des devoirs ? Là est bien la question.
De mon point de vue, le drame, social ou personnel, agit comme un profond révélateur des ressources profondes d’une société ou d’une personne et constitue une voie privilégiée de la plongée en soi-même à la recherche de l’essentiel face aux catastrophes ou à la mort. La période de tranquillité dont nous sortons est marquée par l’absence de rencontre avec le tragique, au point que la mort elle-même est quasiment sortie du champ, reléguée aux carnets du jour et au silence des familles. D’où l’impression de manque cruel ressenti par l’homme se retrouvant seul et désemparé face à la question éternelle du sens à donner à son existence. Tel est bien le problème d’aujourd’hui et plus encore de demain face aux formidables défis de l’intelligence artificielle, de l’excès d’information déferlant en un torrent mortifère ou des conflits en cours et à venir dont l’amplitude peut aller jusqu’à la disparition de nos sociétés actuelles. C’est la réaction prémonitoire de Stefan Zweig voici un siècle racontant avec regret sa jeunesse heureuse et constatant que l’horizon de sa vie était devenu l’exil pour éviter l’annihilation. Tel est bien le théâtre de mon « Entre deux mondes » où l’humanité aborde à nouveau le temps des épreuves, face auxquelles aucune échappatoire ne sera peut-être possible….
M. A. : À mesure que l’on avance dans votre roman, on découvre un couple au bord de l’implosion, leurs deux ados, Martin et Flore, qui tombent amoureux, aussi, on a l’impression que vous décrivez une époque paradoxale, en recherche de sens, qui a perdu toute direction, tout topos. Les parents de ces ados eux-mêmes sont perdus, emmurés dans un hédonisme devenu creux, de petits plaisirs égoïstes et éphémères. Mais votre roman n’est pas seulement le procès de notre époque, c’est aussi celui de Mai 68, et de sa fausse émancipation, de sa « révolution introuvable », pour reprendre la formule de Raymond Aron. Ne peut-on pas dire que vous faites un diagnostic bien pessimiste d’un monde post-religieux, qui a perdu toute transcendance, qui s’enferre dans l’individualisme et l’immoralisme, signant ainsi sa décadence finale ?
G. C. : Mai 68 a été le révélateur des grandes mutations à venir, donnant à chacun une plus grande liberté et une plus grande maîtrise de sa vie sans pour autant combler le besoin de rattachement à plus grand que soi qui est un des ressorts les plus profonds de l’humanité. D’où sans doute le sentiment de quasi échec qui a envahi l’espace contemporain. Ainsi les acteurs de notre univers déstabilisé se trouvent-ils face au problème du vide sidéral qui baigne notre époque. Pour sortir de cette situation angoissante, j’ai tenté de définir un chemin de renouveau dont le livre « Vers une espérance commune » est en effet le reflet, au même titre que la conférence intitulée « À la recherche du sens de la vie », disponible sur le site GillesCosson.com. Selon moi, à la lumière des récentes découvertes de la science, la spiritualité nécessaire au monde dans lequel nous entrons, nous fera à la fois sujets et acteurs du cosmos pensant, avec comme conséquence pour chacun une responsabilité accrue.
Les parents comme les enfants de mon « Entre deux mondes » se voient donc confrontés, s’agissant des questions économiques, climatiques ou géostratégiques, à une époque bouleversée et ils vont essayer de définir chacun à leur façon une voie de solution où le retour au silence, la beauté de la musique et la grandeur de l’amour vont jouer un rôle essentiel. Mais ces substituts aux références transcendantales d’autre fois vont-ils suffire à résoudre leurs tourments, c’est la question que pose le livre même si l’espoir en un monde meilleur n’est pas totalement perdu.
M. A. : Le jeune Martin est en quête du père, ce qui est assez rusé de votre part, puisqu’avec l’idéologie féministe depuis bientôt 40 ans, on se demande aujourd’hui où sont les pères, à force d’être attaqués, vilipendés par une politique toujours plus offensive contre le patriarcat, le mâle blanc ; Flore est une jeune adolescente rebelle, donneuse de leçons, qui veut rééduquer ses parents, se pensant autorisée à faire des sermons du haut de ses trois pommes. N’est-ce pas là, le signe d’un pourrissement des relations entre les générations qui vous dénoncez ?
G. C. : J’y verrais plutôt la revendication d’une très jeune fille refusant comme il est fréquent à cet âge, le conformisme ambiant – disons la pensée unique pour parler le langage d’aujourd’hui -, qui domine le milieu favorisé qui est le sien. Mais, alors que l’on attend d’elle un regard critique sur un patriarcat honni par ses congénères les plus motivées, son cœur tendre va la jeter dans les bras de l’amour, celui d’un garçon, artiste comme sa mère, cherchant à défaut d’un référent paternel – le mâle blanc si décrié peut-être ? – le réconfort d’une âme sœur, ce qui reste jusqu’à preuve du contraire la plus belle aventure humaine que deux êtres peuvent rencontrer.
M. A. : Par ailleurs, vous dénoncez la fin de l’autorité, en affirmant votre désir de voir à la tête de la France un descendant de l’empereur Napoléon. Croyez-vous qu’un vrai chef autoritaire puisse revenir au pouvoir, à défaut de revoir le retour de la monarchie ? Pensez-vous vraiment que la France a besoin de renouer avec l’autorité d’un pouvoir fort ?
G. C. : Dans le cadre d’un livre sans illusion où règne un cynisme souvent féroce, j’ai avant tout cherché à distraire le lecteur par l’apparition d’un être hors norme, convaincu par son hérédité de prince tsariste, des bienfaits du retour à l’autorité, celle attendue d’un empereur dont les Français ont parfois le regret, parce que symbolisant la foi dans les destinées d’une France fière de son passé glorieux. Les deux Napoléons, le successeur de la révolution pour l’un et de la seconde république pour l’autre ont caractérisé une époque de retour à l’ordre associée à une certaine prospérité, mais qui s’est chaque fois très mal terminée. L’autorité, pour être admise durablement, demande donc à s’incarner dans un personnage exemplaire, ce qui est rarement le cas dans la France d’aujourd’hui…Et sur ce plan, de déclarations illusoires aux promesses non tenues, nous attendons toujours celui ou celle qui saura incarner l’espoir…
M. A. : Vous écrivez dans une époque sans Dieu, et vous semblez vous en plaindre. Nietzsche affirma à la fin du XIXème siècle que Dieu était mort, parce que la foi était morte en l’homme. Cette époque sans foi (ni lois) vous apitoie, et vous avez écrit un essai, Vers une espérance commune (2022), dans lequel vous appelez au retour à une religion ouverte. Vous ne rejetez ni la spiritualité, ni le mysticisme, bien au contraire. Vous montrez, à raison, je crois, que l’homme a besoin de croire, qu’il a soif de transcendance, de sacré. Or, nous sommes dans une société qui vit la fin de la chrétienté, c’est-à-dire une société issue d’une religion, la religion chrétienne, de la sortie de la religion, pour reprendre le mot de Marcel Gaucher. C’est l’ère du désenchantement. La providence de Dieu a été transférée à l’État qui est devenu État providence. Les individus se sont repliés sur eux-mêmes, et se fatiguent à rechercher leur identité propre ; nous en sommes avec la transidentité et la loi sur l’euthanasie, à revendiquer l’auto-engendrement et l’auto-anéantissement, refusant à quiconque d’interférer dans nos désirs, qu’ils soient rationnels ou irrationnels. Votre roman s’intitule Entre deux mondes, est-ce à dire que vous voyez cette époque comme un épuisement, car nous sommes coincés dans un entre deux ?
G. C. : Je crois comme vous que la dérive des désirs de chacun vers une indépendance absolue, s’associant à la fin d’une époque, celle de la chrétienté dominant l’Occident, nous jette dans un monde à risques où, en l’absence de tout règle admise par tous, l’individu ne sait plus quelle direction choisir. Ce peut être le rôle d’une doctrine laïque, rappelons-nous les « hussards de la République », ou religieuse, telle que ressentie de façon poignante par Simone Weil :« L’homme voudrait être égoïste et ne peut pas. C’est le caractère le plus frappant de sa misère et la source de sa grandeur », Etty Hillesum disant : Même si on ne nous laisse qu’une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d’elle il y aura toujours le ciel tout entier. Sans doute est-ce dans ce sens qu’il faut rechercher un chemin d’avenir ? Certes une foi imposée peut avoir de redoutables effets, l’inquisition du passé et l’islam intégriste du présent le montrent, mais l’absence de toute référence est pire, car créant un individualisme excessif débouchant sur un nihilisme destructeur. Seuls peuvent réussir dans la définition d’une règle dépassant sans les renier les legs du passé les guides dotés du courage et de l’empathie nécessaires, tels ceux qui ont permis à l’humanité de traverser de grandes souffrances mais aussi d’aboutir à de grandes réalisations. `
M. A. : Je terminerai cette entrevue par une question qui sera peut-être le titre de cet entretien : où est donc passée la verticalité ?
G. C. : je crois que notre époque d’immenses découvertes et d’amples inquiétudes rend difficile en matière matérielle une verticalité forte du pouvoir car l’initiative individuelle, facteur de progrès économique, social, voire simplement de survie pour notre espèce, s’accommode mal de cette façon de gouverner. Il suffit de regarder autour de nous pour mesurer les limites de l’État providence ou de l’autoritarisme militaire. Je crois que la seule verticalité acceptable dans ce domaine est celle de l’efficacité qui, diffusant du sommet vers la base, soude par-delà les discours creux et les allégations illusoires les êtres désireux de progresser ensemble vers l’avenir incertain qui nous attend.
Quant à la verticalité spirituelle, elle pose le problème du rapport à la transcendance, incarnée par Celui que j’ai appelé dans de précédents ouvrages « l’Esprit qui Veille », disons pour résumer, Dieu, et je crois qu’une réponse individuelle à une question aussi fondamentale demande, par-delà les fractures politiques et religieuses un minimum de cadre institutionnel commun. Ce sera peut-être le thème d’un prochain livre …
Propos recueillis par Marc Alpozzo
Une belle page de Jacques de Bono Scotto avec 4 auteurs de Balustrade sélectionnés
Une belle page de Jacques de Bono Scotto avec 4 auteurs de Balustrade sélectionnés : Alain Schmoll, Sylvie Largeaud, Claude Rodhain et Gilles Cosson dans Le Petit Journal de haute garonne
Emission de Christophe Medici avec Gilles Cosson
Réécouter l’émission de Christophe Medici avec Gilles Cosson :
https://www.dynamicradio.fr/podcasts/pour-vivre-heureux-vivons-coaches-148/gilles-cosson-226
Pour Vivre Heureux, Vivons Coachés est une émission proposée par Christophe Medici. Elle est diffusée tous les samedis de 12h à 13h.
Gilles Cosson, né à Poitiers en 1937, est un écrivain français, auteur notamment de romans historiques, de récits de voyage et d’essais philosophiques. Il vient pour la promotion de son dernier ouvrage » Entre deux mondes » qui raconte la rencontre d’un grand journaliste politique et d’une violoniste.
+ infos : https://gillescosson.com
Texte de Gilles Cosson joint à son livre, « L’innocence suprême recours du cynisme… »
Texte de Gilles Cosson joint à son livre
Réécouter l’émission de Lorène Majou sur le roman « Entre deux mondes » de Gilles Cosson
« Un message politique sous la forme d’un essai romancé » sur « Entre deux mondes » de Gilles Cosson
Gilles Cosson, Entre deux mondes
C’est un roman d’époque où un grand journaliste, époux de journaliste, fait le bilan de sa vie plus ou moins ratée à l’occasion d’un accident de voiture. Il a bien réussi dans sa carrière, assez bien dans son couple, y a ajouté une maîtresse peu exigeante, mais il a eu deux enfants. Et c’est là le drame de l’époque : la transmission.
Sa femme Fanny et lui n’ont pas voulu d’enfant tout de suite pour privilégier leurs carrières. Ils ont eu Flore sur le tard sans avoir vraiment le temps de s’en occuper. Sa maîtresse Frédérique a voulu un enfant de lui en toute indépendance et elle a eu Martin, voulant le garder pour elle sans qu’il le reconnaisse, et il ne s’en est jamais senti le père. Évidemment, l’hypocrisie de l’égoïsme a fait qu’ils ont tu chacun aux enfants leur position. Mais vient l’adolescence… Période critique, où l’on se cherche, veut savoir d’où l’on vient et qui vous a fait, se révolte contre ce qui est. Évidemment, les parents de part et d’autre sont en-dessous de tout, murés dans leur égoïsme hédoniste issu de la « grande » libération de 68 où rien ne comptait plus que le moi je personnellement.
C’est donc le drame. Sans le savoir, les ados tombent amoureux l’un de l’autre, le 16 ans avec la 14 ans, Martin avec Flore. Car évidemment les deux parents ont tenu à ce qu’ils se connaissent, parlent de leurs trucs d’ados entre eux. Ils ont l’intention de « leur dire », mais ce n’est jamais le bon moment, ils tardent, ils laissent faire, ils sont englués dans le faux-semblant. Absolus comme le sont souvent les ados, Martin ne va pas l’accepter. Le père aura donc tout perdu : sa femme qui le quitte, sa fille qui lui en veut, sa maîtresse qui ne veut plus le voir, et le seul fils qu’il n’a pas su aimer.
Cette histoire de famille, un peu caricaturale, sert à illustrer un propos politique : rien ne va plus, la morale se perd, la religion ne soude plus la société. En bref, c’est la décadence de l’Occident sans Dieu et de l’individualiste hédoniste. Au fond, Poutine a raison, à cet Occident immoral et « pédophile » il leur faudrait une bonne guerre, et lui la leur sert toute cuite via l’Ukraine. L’auteur en appelle à un sursaut autoritaire, il rêve de la reprise en main de la France par un descendant de l’empereur, faute de Bourbons en état, une « reconquête » (le mot est cité nommément). Un propos à la Zemmour sur l’identité française contre la dilution dans l’immigration incontrôlée et l’islam conquérant qui grignote un poids politique croissant en profitant des faiblesses niaises des chrétiens qui adorent tendre l’autre joue.
Son Reverchov est un politicien plus sexy que Zemmour, plus rationnel et moins guignol, une sorte de libéral botté plus que confit en pétainisme xénophobe, mais le message est clair. Le roman est entrelardé de chapitres glosant sur la politique intérieure, la faiblesse des présidents « après le troisième successeur de De Gaulle », sur la géopolitique avec l’emprise des GAFAM (dont l’auteur oublie le M) et les manigances du KGB/FSB (dont l’auteur inverse les lettres en SFB). Il cite Lévi-Strauss (qu’il écrit Lévy…) et le Tibet (qu’il écrit Thibet, à la façon XIXe siècle). Il marche vers la Sainte-Baume mais n’est guère attiré par le christianisme, sinon par son empreinte culturelle historique. Où veut-il donc en venir ?
Le problème des romans moralisateurs est qu’ils sont non seulement contingents et passent rapidement avec les années, mais que la psychologie des personnages est réduite à la caricature afin de prouver une thèse. Son journaliste éditorialiste à la Philippe Tesson ne pense guère par lui-même, sans cesse à aller interroger l’un ou l’autre pour savoir ce qu’il doit croire ; sa musicienne jalouse de son indépendance n’est pas assez maternelle pour se désirer en mère célibataire. Si Flore est assez réaliste en 14 ans rebelle, elle parle cependant avec des termes de Normale Sup plus que du collège ; quant à Martin, en quête de père, il n’a pas su trouver un modèle masculin comme le font tous les garçons élevés par une mère seule. Afin de filer la métaphore poutinienne, son milieu artiste aurait pu lui faire rencontrer un Mentor qui l’aurait pris sous son aile, non sans quelque désir « pédophile » pour forcer le trait. Cela aurait souligné le propos moraliste.
L’auteur, Polytechnique, docteur ès Science économique, Master MIT, passé dans l’industrie puis au directoire de la banque Paribas, a été un fan des voyages sportifs à vocation spirituelle dans le Hoggar, en Laponie, autour de l’Annapurna, au Tibet central, dans le Pamir russe, le Zanskar, la Patagonie, le Yukon et l’Alaska, l’Islande… Il a suivi le Mouvement Européen avec Jean-François Poncet, Jean-Louis Bourlanges, Anne-Marie Idrac et Pierre Moscovici. Il a écrit dans Valeurs actuelles, le Figaro, le Nouvel économiste, et parlé à Radio Notre-Dame. Il semble chercher encore sa voie, une voie pour la France, et livre son message politique sous la forme d’un essai romancé. il a eu trois enfants que l’on espère épanouis et autonomes malgré le monde qu’il a bien contribué à créer en ses 86 ans d’existence.
Gilles Cosson, Entre deux mondes, 2023, Les éditions de Paris Max Chaleil, 123 pages, €15,00
Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com
Gilles Cosson « Entre deux mondes » dans Wukali : « la rencontre individuelle autour de la résilience, celle de l’homme meurtri et celle de la société qui va trouver la solution pour surmonter ses problèmes »
Entre deux mondes de Gilles Cosson, attention à l’équilibre
Un journaliste politique, le meilleur dans sa profession, écouté, voire consulté par les hommes politiques, respecté par tous pour sa droiture, son honnêteté, sa vision de la société. Mais qui est-il vraiment ? Car c’est aussi un solitaire qui se ressource régulièrement dans de grandes randonnées à pied, le plus souvent seul, à la recherche de lui-même et de spiritualité. Il est marié avec la rédactrice en chef d’un grand magazine féminin et tout va bien dans son couple.
Mais un jour, il rencontre Frédérique, une talentueuse violoniste soliste, d’une grande beauté et d’une totale indépendance. Ils tombent amoureux et se met en place alors une liaison épisodique au rythme des voyages de la jeune femme. Mais nait de leur union, un garçon qui s’avère très vite être un excellent pianiste. De son union légitime nait aussi une fille. En grandissant, le jeune homme se montre attiré par toutes les théories d’extrême-gauche, essentiellement trotskistes, alors que la jeune fille penche vers le sociétal et la lutte écologiste. Elle est très douée indéniablement puisqu’à 14 ans c’est en lisant Paul Ricoeur que sa culture politique se forge !
En quelque sorte, une situation classique de l’homme à deux foyers, deux ménages. Mais Frédérique est assez intransigeante, elle ne veut pas que son fils connaisse son père, aussi le héros n’a que le statut d’un des amis de la violoniste. Mais on finit par dire aux deux enfants qu’ils ne sont pas si uniques qu’ils ne le croyaient ce qui va entraîner un drame irréparable. La narrateur va frôler la mort, mais, grâce à son meilleur ami, il arrivera à faire preuve de résilience.
Parmi les personnages secondaires se trouve le jeune Reverchov, rejeton de Russes blancs aux idées plutôt originales puisqu’il milite pour la restauration de l’empire (de l’empire pas de la royauté). Bien que sceptique, le narrateur l’aide à se faire élire député en Corse, et lui donne une couverture médiatique non négligeable. Et c’est là que le lecteur peut être quelque peu « dérangé » par les idées de Reverchov. En fait un anti-islamique plus que primaire qui ne connaît strictement rien à la culture musulmane si ce ne sont les lieux communs ne portant que sur la minuscule minorité wahhabite, assez proche des thèses des suprématistes, etc, en résumé un Zémour bonapartiste.
Ces idées ne sont-elles pas celles du narrateur, voire de l’auteur ? Il faut dire que l’auteur insiste, revient souvent sur le danger de l’Islam et le narrateur a cette phrase qui ne veut rien dire : « Raverchov fait un bon constat mais apporte de mauvaises solutions ». C’est dire qu’il est d’accord avec des faits, indéniables, mais sortis de leur contexte, pas mis en perspective et ne faisant l’objet d’aucune analyse intégrant la complexité des situations. Un vrai grand éditorialiste de presse écrite, à mon avis, éviterait ce genre d’attitude qui est devenu en revanche, la norme dans les « blogs » des réseaux sociaux ou dans les médias « politiques » qui ne cherchent pas à faire réfléchir les citoyens mais à les embrigader derrière leurs théories. Même s’il se dit en désaccord avec la solution (le rétablissement de l’empire) il n’aide pas moins le jeune homme dans sa carrière politique.
Un autre personnage interpelle aussi, un vieux sénateur de Dordogne, très Troisième république, plutôt très sympathique. Ainsi rencontre-t-il, par l’intermédiaire du narrateur, Raverchov pour mieux essayer de le comprendre. Soit, et c’est tout à fait normal. Mais à la fin, il commence à penser aux moyens de le récupérer, de le polir pour qu’il soit plus « présentable ». Je me trompe peut-être, mais je vois là, comment dire, une critique de la politique parlementaire dans laquelle les anciens pour garder leurs prébendes vont tout faire pour « récupérer » les jeunes et profiter de leur renom. Et eux, pour continuer, seront obligés de se modérer. La politique est donc une machine à broyer les idées et le parlementarisme ne fonctionne que comme ça.
Tout cela, bien sûr, n’est pas clairement dit, mais vu la structure de ce roman, je trouve (mais je peux me tromper), que c’est sa trame, enfin l’une des deux trames. Et si je vais encore plus loin, les deux trames peuvent se rejoindre : la rencontre individuelle autour de la résilience, celle de l’homme meurtri et celle de la société qui va trouver la solution pour surmonter ses problèmes souvent fantasmés et revenir à une sorte d’âge d’or encore plus fantasmé. Aux lecteurs de se faire une idée.
Entre deux mondes
Gilles Cosson
Les éditions de Paris. 14€
Illustration de l’entête. Photo Frickr