Le Télégramme : « Pablo Daniel Magee a eu bien raison de nous poser Martín Almada en modèle. On ne l’oubliera pas. »

Publié le 14 décembre 2020 à 10h55

Des mots et des livres.

Seul face au fanatisme !

« Opération Condor », ou comment un homme seul, Martín Almada, a su résister à une des pires dictatures d’Amérique Latine.

Martín Almada a engagé un travail de recherche au long cours sur les actes dissimulés du régime Stroessner au Paraguay.
Martín Almada a engagé un travail de recherche au long cours sur les actes dissimulés du régime Stroessner au Paraguay. (Maria Stella de Almada)

L’anti-communisme qui fut le ciment de la politique américaine, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, a eu bon dos. Il a, notamment, servi de prétexte à l’Oncle Sam pour soutenir, plus ou moins ouvertement, les régimes militaires qui lui permettaient d’assurer sa domination sur le continent sud-américain. D’anciens nazis ou encore des soldats perdus de l’OAS ont souvent été accueillis à bras ouverts dans ces pays sous contrôle. Et on y a allègrement pratiqué la torture, entre autres excès, comme moyen de maintenir ce climat de terreur qui sied tant aux dictatures. Tout cela est connu, de même que la tristement fameuse « Opération Condor » qui concrétisait la complicité entre les services de renseignement de ces pays, renforçant ainsi leur chasse aux subversifs, ou tout au moins à ceux qui furent désignés comme tels. Un programme lancé à l’initiative de Pinochet, avec l’aval et le renfort de la CIA qui l’avait déjà efficacement aidé à abattre Salvador Allende, président démocratiquement élu.

L’éclairage que nous apporte aujourd’hui Pablo Daniel Magee sur cette « Opération Condor », de sinistre mémoire, est à la fois singulier et particulièrement éclairant. En fait, il relate le parcours de Martín Almada qui, fut, à sa manière, un pionnier parmi les lanceurs d’alerte.

Trois ans de détention dans des conditions épouvantables

Il est encore adolescent, en 1954, lorsque Alfredo Stroessner, général de son état, prend le pouvoir au Paraguay, petit pays de sept millions d’habitants, à dominante rurale. Issu d’un milieu très modeste, Martín Almada se destine au métier d’agriculteur. Son goût pour les études et la rencontre avec Celestina Pérez, elle-même institutrice, qui devient son épouse, les conduisent vers l’enseignement. Tous deux ouvrent même leur école qui devient vite exemplaire, par l’éclectisme de son recrutement et par la pédagogie qui y est mise en œuvre. Ce qui n’est guère apprécié par les autorités, appliquées à imposer les dispositions les plus répressives et un culte de la personnalité, qui vont permettre à Stroessner de rester au pouvoir pendant 34 ans. Un record de longévité parmi les dictateurs sud-américains.

La manière dont Martín Almada résiste alors aux menaces et aux pressions, non sans une certaine naïveté, occupe le premier tiers du récit de Pablo Daniel Magee. En 1974, sa thèse de doctorat en éducation, sur le thème Éducation et Dépendance, l’installe définitivement, aux yeux de la police du dictateur, comme « terroriste intellectuel ». Arrêté et torturé, plusieurs fois laissé pour mort, il est détenu pendant plus de trois ans. C’est la seconde partie de ce livre.

Le réalisme de ce qui est là décrit là, pour nécessaire que ce soit, est toutefois difficilement supportable. On se demande d’ailleurs comment Martín Almada et nombre de ses compagnons d’infortune ont pu supporter tant de souffrances.

Réfugié en France

La pression internationale, notamment orchestrée par Amnesty Internationale lui vaut tout de même d’être libéré. D’abord accueilli au Panama, Martín Almada se réfugie finalement en France où il obtient un emploi à l’Unesco. Il publie également un livre, dans lequel il raconte ce qu’il a vécu. Mais il engage surtout un travail de recherche au long cours sur les actes dissimulés du régime Stroessner. En 1992, avec l’instauration d’un gouvernement s’affichant démocratique, il obtient enfin la possibilité de revenir au Paraguay. C’est là qu’il découvre les archives de l’« Opération Condor » dont la révélation stupéfie l’opinion mondiale. C’est aussi le point d’orgue de l’ouvrage.

On comprend l’admiration de l’auteur pour son personnage, auquel il a consacré plusieurs années d’études. Pour nous le présenter, aujourd’hui, il alterne donc le récit lui-même, en y intégrant une place nécessaire à ce qu’on peut qualifier de fiction crédible, avec les témoignages directs de plusieurs de ceux qui ont connu son héros, ainsi qu’avec des documents officiels que leur sécheresse même rend d’autant plus éloquents. On ne plonge pas à la légère dans cette lecture et, à dire vrai, on n’en sort pas complètement indemne. Comment ne pas se demander, par exemple, si certaines des dérives constatées actuellement sur ce continent, ne sont pas la suite logique de ce qui est évoqué dans ces pages ? L’histoire nous a enseigné qu’on ne se débarrasse jamais complètement du fanatisme.

Reste que si vous doutiez que les pires violences ne puissent venir à bout de la seule volonté d’un homme, fut-il animé par les plus hautes aspirations, ce document, à la fois exceptionnel et magnifique, mais aussi et atterrant à bien des égards, vous démontrera le contraire. Pablo Daniel Magee a eu bien raison de nous poser Martín Almada en modèle. On ne l’oubliera pas.

Opération Condor

« Opération Condor. Un homme face à la terreur en Amérique Latine ».

Un récit-enquête de Pablo Daniel Magee. Préface de Costa-Gavras. Éditions Saint-Simon. 22 €.

L’AFP n’évoque un roman que s’il est EXCEPTIONNEL et à valeur HISTORIQUE MAJEURE pour l’humanité

Le livre d’un investigateur français fait la lumière sur l’opération Condor en Amérique latine.

19 Novembre 2020 – 14:51

(AFP) La lutte de l’avocat et défenseur des droits de l’Homme paraguayen Martín Almada, qui a culminé lors de la découverte de tonnes de documents du sinistre Plan Condor, fait l’objet d’un livre qui vient d’être publié en France par l’écrivain et journaliste Pablo Magee.

Accusé de “délit de terrorisme intellectuel”, Almada a survécu à quatre ans dans les geôles du dictateur paraguayen Alfredo Stroessner. En 1978, il a été libéré grâce à la pression internationale et s’est exilé en France, où il a travaillé à l’UNESCO.

À la fin de l’année 1992, avec l’aide d’un juge paraguayen et de sa propre épouse, María Stella Cáceres, actuelle directrice du Musée des Mémoires d’Asunción, Almada a réussi a mettre au jour les ”Archives de la Terreur” sur le plan perpétré conjointement par les forces militaires de plusieurs pays, principalement du Cône Sud-américain, appuyés par la CIA à partir du milieu des années 1970.

“Ceci est grand !”, avait fait remarquer sa femme après cette découverte historique.

Pablo Magee (Paris 1985), un intellectuel français qui réside au Paraguay depuis longtemps, a rencontré Almada et créé un lien fort avec lui, lien qui s’est traduit par un livre auquel il a dédié sept années et qui est aussi atypique que fondamental pour interpréter ces années de terrorisme d’État.

“La nuit où j’ai rencontré Martín chez lui, nous avons parlé six ou sept heures sans interruption. Il m’a raconté son histoire personnelle et sa découverte des archives”, qui ont intégré l’Archive de Mémoire du Monde de l’UNESCO, a rapporté Magee à l’AFP.

Depuis lors, Almada et lui ont parcouru le monde et, entre autres, Almada a convaincu le Pape François d’ouvrir les archives du Vatican concernant le Plan Condor.

Magee avait trouvé une raison idéale pour écrire. Ce n’est pas le hasard si ce n’est autre que l’écrivain républicain espagnol Jorge Semprún, survivant des camps de concentration Nazis, qui lui a inculqué “l’obsession du devoir de conserver la mémoire”, lorsqu’il était étudiant au Lycée Frédéric Mistral d’Avignon, en France.

– “Sur écoute” –

La vocation de Magee ne se limite pas à sa relation avec Semprún. Lorsqu’il étudiait à Londres, il a eu comme professeure une personne qui avait travaillé pour le Secrétaire d’État Henry Kissinger (Prix Nobel de la paix 1973), lorsque la CIA collaborait au coup d’État contre Salvador Allende , et qui avait démissionné et était partie pour le Royaume-Uni en découvrant la ligne suivie par son pays en matière de politique extérieure.

“Elle m’a inoculé le virus d’essayer de comprendre le fonctionnement des dictatures en Amérique Latine”, affirme l’auteur. Mais l’investigation au Paraguay pour écrire “Opération Condor” (Éditions Saint-Simon, Paris 2020) “a été tout sauf facile”, confesse-t-il encore.

“J’ai vite pris conscience que j’étais sur écoute et qu’on me surveillait de très près. Puis sont arrivées les menaces et les attaques informatiques sur ma boîte de courrier électronique. Un jour, tous les mails en relation avec mon enquête ont été effacés. Tout cela a été difficile à surmonter, mais je suppose que cela fait partie de cet univers”, explique-t-il.

Pour Magee, “la défense des droits de l’Homme et de la mémoire n’est un terrain neutre nulle-part, encore moins en Amérique latine où ces sujets sont très récents, voir actuels.”

Dans ce sens, Martín Almada affirme pour sa part que ce Condor “vole toujours”, en vertu des évènements politiques en Amérique latine, citant l’essor de l’extrême droite.

Le livre de Magee a été préfacé par Costa Gavras, cinéaste très intéressé par le thème des dictatures en Amérique latine, avec des films comme “Missing” (ou ”État de siège”). “La touche ultime de ce cycle”, commente Magee.

Selon l’auteur, la publication en espagnol de “Opération Condor” est prévue à Buenos Aires à une date encore indéterminée.

(Source AFP)

l’AFP consacre tout un article à l’Opération Condor grâce au livre de Pablo Daniel Magee

Agencia AFP

Libro de investigador francés arroja luz sobre el Plan Cóndor en América Latina

París, 19 Nov 2020 (AFP) -La lucha del abogado y defensor de los derechos humanos paraguayo Martín Almada, que desembocó en el hallazgo de toneladas de documentos del siniestro Plan Cóndor, es el eje de un libro que acaba de publicar en Francia el escritor y periodista Pablo Magee.

Almada, acusado de « delito de terrorismo intelectual » sobrevivió a cuatro años en las cárceles del dictador paraguayo Alfredo Stroessner. En 1978 fue liberado gracias a la presión internacional y se exilió en Francia, donde trabajó en la Unesco.

A fines de 1992, con la ayuda de un juez paraguayo y de su propia esposa, María Stella Cáceres, actual directora del museo de Las Memorias en Asunción, Almada logró sacar a luz los ‘Archivos del Terror’ sobre el plan perpetrado conjuntamente por fuerzas militares de varios países, sobre todo del Cono Sur americano, apoyadas por la CIA a partir de mediados de la década de 1970.

« íEsto es grande! » había destacado la mujer tras aquel hallazgo histórico.

Pablo Magee (París, 1985), un intelectual francés que reside en Paraguay desde hace tiempo, conoció a Almada y creó un vínculo poderoso que se tradujo en un libro al que dedicó siete años y que es tan atípico como fundamental para interpretar aquellos años de terrorismo de Estado.

« La noche en que conocí a Martín en su casa hablamos durante seis o siete horas sin parar. Me contó su historia personal y su descubrimiento de aquellos archivos », que integran el Archivo de la Memoria del Mundo de la Unesco, contó Magee a la AFP.

Desde entonces, Almada y él recorrieron medio mundo y, entre otros, éste convenció al papa Francisco para que abriera los archivos del Vaticano sobre el Plan Cóndor.

Magee había encontrado una razón ideal para escribir. No es casual que fuera nada menos que el escritor republicano español Jorge Semprún, sobreviviente de los campos de concentración nazis, quien le inculcara « la obsesión por el deber de hacer memoria », cuando era estudiante en el liceo Frédéric Mistral de Aviñón, en Francia.

La vocación de Magee no se limita a su relación con Semprún. Cuando estudiaba en Londres tuvo como profesora a una persona que trabajó para el secretario de Estado estadounidense Henry Kissinger (premio Nobel de la paz en 1973), en momentos en que la CIA colaboró en el golpe de Estado en Chile contra Salvador Allende, y que renunció y partió al Reino Unido al descubrir la línea de la política exterior de su país.

« Ella me inoculó el virus por intentar comprender el funcionamiento de las dictaduras en América Latina », afirma.

Pero la investigación en Paraguay para « Opération Condor » (Éditions Saint-Simon, París 2020), « no fue nada sencilla », confiesa.

« Advertí que estaba bajo escucha y que era vigilado desde muy cerca. Luego llegaron las amenazas y ataques informáticos contra mi correo electrónico. Un día, todos los e-mails vinculados a mi investigación fueron borrados. Todo aquello no fue fácil de sobrellevar pero, supongo, forma parte de ese universo », explica.

Para Magee, « la defensa de los derechos humanos y de la memoria no es terreno neutral en ninguna parte y menos aún en América Latina donde estos asuntos son muy recientes o actuales ».

En ese sentido, Martín Almada afirma por su parte que aquel cóndor « todavía vuela », en virtud de los últimos acontecimientos políticos en América Latina, citando el auge de la extrema derecha.

El libro de Magee fue prologado por Costa Gavras, cineasta muy interesado en el tema de las dictaduras en América Latina, con películas como « Missing » (o « Estado de sitio »). « Un broche de oro para este ciclo », destaca Magee.

La publicación en español de « Opération Condor » está prevista en Buenos Aires en una fecha aún por determinar, según el autor.

age/mar

AFP

Côté Magazine a su reconnaître la qualité admirable et l’exigence de rigueur historique de Pablo Daniel Magee

Dévorez le livre « Opération Condor » de Pablo Daniel Magee

Lorsque nous échangeons un clin d’œil complice en guise de bonjour, nous savons que ce dernier café partagé au soleil d’une terrasse saint-rémoise en ce jeudi 29 octobre sera le dernier d’un long moment. Nous savourons notre chaud breuvage en nous rappelant que plus que jamais la lecture est notre compagne de prédilection en ces jours à venir. Et quelle lecture ! L’écrivain que nous rencontrons nous apporte son premier ouvrage… Une pépite. 7 années d’enquêtes, des rencontres inoubliables, des risques quasi quotidiens pour rendre visible le pacte secret de coopération criminelle anti-communiste et contre-révolutionnaire entre les dictatures du Chili, de l’Argentine, du Brésil, de la Bolivie, de l’Uruguay et du Paraguay avec le concours de la CIA du temps d’Henry Kissinger. Baptisée « Plan Condor » cette conspiration aurait engendré un demi-million de morts sur le continent sud-américain et ailleurs dans le monde. Pablo Daniel Magee, journaliste et écrivain, nous livre sur quelques 400 pages (à l’origine le manuscrit en comptait 1200) la découverte effarante des archives de la terreur par l’avocat Martin Almada. 5 tonnes de documents top secret, preuves de cette terrifiante machination géopolitique sur fond de guerre froide. Ce livre se dévore, mêlant les genres de la littérature, à la fois roman non fictionnel, policier, recueil de témoignages, histoire humaine sur fond de biographie.

C’est au cours d’un voyage au Paraguay, pour le compte de l’ONG Graines d’énergies, que le jeune Pablo Daniel Magee (il n’a pas trente ans) rencontre l’avocat. Assis à sa table, à sa gauche, il découvre avec passion la vie de cet homme, torturé 1000 jours durant dans les prisons du général Stroessner pour crime de terrorisme intellectuel, évadé des mêmes geôles pour traquer le « Condor ». « Rentré à Saint-Rémy-de-Provence, nos 6 heures d’échanges sont gravées en moi. Je cogite, je me lance et lui demande si je peux écrire un livre sur sa vie. À sa réponse, oui je vous attends, j’ai compris que ma vie allait être bouleversée. » nous raconte le jeune écrivain. Mesurait-il à quel point ? En 2012, départ au Paraguay, au cœur de l’Amérique Latine, pour 7 années sur les traces de Martin Almada et du Condor. Téléphone sur écoute, boîte mail piratée, suivi, menacé (de mort), la vie du jeune français prend des tournures d’agent secret. Il consulte des mois durant les archives de la terreur, fait le tour du monde avec le héros de son livre, rencontre le pape François et autres chefs d’états. « À travers la vie de Martin Almada, prix Nobel Alternatif, je peux tout raconter de dizaines d’années de géopolitique ! À chaque fois que j’ouvrais une porte des dizaines m’attendaient derrière ! Je les ai poussées avec passion, j’ai dévoré toutes les informations recueillies pour en faire cet ouvrage, qualifié par le journal du Monde Diplomatique comme l’un des 3 livres à lire sur l’Amérique latine »

Vous croyez aux coïncidences ? Lisez ce propos de Pablo qu’il nous confie le regard pétillant. « J’ai vécu très fortement avec la rédaction de ce livre ce que l’on appelle en littérature sud-américaine le « réalisme magique ». Par exemple, la veille de sa découverte des archives, une vieille femme offre à Martin une sauterelle en bois sculpté, qu’il met dans sa poche. Avec émotion car il se revoit en prison. À chaque fois qu’une sauterelle entrait dans sa cellule, un prisonnier était libéré… Lorsqu’il pénètre dans la salle où les 5 tonnes d’archives sont là, 170 000 feuillets jetés par terre dans un amas incroyable et sur lesquels il est obligé de marcher, la sauterelle tombe de sa poche. Il veut la ramasser. Sur quel document a t’elle atterri ? Son dossier, son archive… Magique non ? »
Préfacé par son ami Costa Gravas, cet ouvrage vous transportera.
Un futur prix littéraire ?

« Opération Condor »
De Pablo Daniel Magee
Éditions Saint-Simon
Prix 22€
À commander auprès de vos libraires « clik & collect » locaux
(voir rubrique librairie)

Argoul sensible à l’immense travail de recherche de l’auteur décrit une « évocation captivante » de Martin Akmada

 

Préambule de Guilaine Depis :
Passons outre la bassesse d’un critique vulgaire et politiquement hostile et hâtons-nous de plonger dans le travail élevé et digne de Pablo Daniel Magee.
Un journaliste comme un blogueur, même pas payé pour passer du temps à lire un livre, a certes le droit d’en écrire ce qu’il veut. Si on veut uniquement des articles positifs, il faut mettre son argent dans l’achat d’encarts publicitaires, là on peut y écrire ce qu’on veut, c’est beaucoup plus sûr que d’engager une attachée de presse qui ignore quand elle envoie le livre si le journaliste ou blogueur en écrira du bien ou du mal.
C’est impossible à savoir avant d’avoir lu, même pour le journaliste ou le critique.
Toutefois, je ne peux qu’être consternée de lire comme une « vengeance » politique un article récent d’Argoul, blogueur de centre droit, allergique au combat humaniste de mon auteur Pablo Daniel Magee, dont la passion de la vérité a motivé la démarche de défricheur du plan Condor. 
Les faits sont têtus ; et si cela ne fait nul doute que Pablo Daniel Magee est animé de bons sentiments (d’ailleurs la planète serait davantage paisible et juste si elle était peuplée de davantage de gens comme lui ; ce n’est quand même pas un crime d’être animé de bons sentiments, n’inversons pas la culpabilité entre les tortionnaires et les idéalistes !), ce qu’il écrit est avéré, prouvé, officiel à un point tel que plusieurs universités du monde entier sont en train de commander son livre et de le considérer comme « thèse d’histoire ».
S’il y a bien un chercheur sérieux (je l’ai rencontré, et son souci des détails et de la rigueur des faits m’a fortement impressionnée), animé par l’exigence de la vérité historique, c’est bien Pablo Daniel Magee, qui a réalisé en 2020 et comme pionnier un livre majeur sur la torture en Amérique latine, équivalent de toute la littérature concentrationnaire sur notre continent.
Il y a eu des négationnistes sur la Shoah. J’espère qu’il n’y en aura pas sur la torture infligée aux opposants de l’Amérique latine durant la Guerre froide.
C’est parce que le critique littéraire Argoul a osé railler avec des termes grossiers qui font mal l’ignominie de ces comportements des dictateurs, a osé douter de l’implication de l’administration Kissinger, que je mesure davantage encore la tâche qui m’incombe de faire connaître et lire ce livre admirable, de militer pour la mémoire et le rétablissement de la vérité.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de Nuremberg en Amérique latine que la torture n’a pas existé ; les archives découvertes par Martin Almada sont éloquentes.
Par la plume de Pablo Daniel Magee, enfin ce travail émerge ; il est de notre devoir d’humains, si nous sommes des Hommes (Primo Levi) de nous en souvenir afin d’en tirer des leçons pour l’avenir.
Les temps sont troublés, « Opération Condor » doit nourrir notre réflexion sur ce qui nous menace.
Voilà un aspect essentiel du livre, le plus important pour l’humanité et les générations futures, mais on y prend surtout un plaisir immense de lecture, car c’est aussi un roman qui nous révèle plusieurs secrets insolites et méconnus. La plume est admirable, et cela même Argoul, l’admet. Passons outre la bassesse de ce critique vulgaire et politiquement hostile et hâtons-nous de plonger dans le travail élevé et digne de Pablo Daniel Magee. Guilaine Depis

Ce livre est un « roman vrai » et raconte l’histoire de Martin Almada, rencontré en mai 2010 lors d’une mission au Paraguay pour l’ONG Graines d’énergies par un journaliste français d’alors 25 ans formé à Londres. Martin jouait pieds nus à 6 ans dans la boue avec les petits indiens Chamacoco de Puerto Sastre. Il aimait l’école et apprendre, vendant les beignets de sa grand-mère aux lycéens avant d’écouter les cours sous leurs fenêtres puis de réussir des études. Il deviendra le premier docteur (en sciences de l’éducation) du Paraguay, formé à l’université nationale de La Plata en Argentine à 37 ans. Mais il reste du peuple, axé vers la pédagogie, seul moyen de sortir de l’esclavage moderne des patrons et des militaires.

Ce sera son chemin de croix. Contestataire marxiste version Fidel Castro, qu’il rencontrera tard dans sa vie, il éduque ses enfants et ses élèves à l’esprit critique dans le meilleur des Lumières. Il fonde une école, l’institut Juan Baustista Alberdi à San Lorenzo, dont la pédagogie conduit la plupart de ses élèves au bac. Il poursuit ses études de droit et devient avocat en 1968, à 31 ans. Mais il évite le dictateur Alfredo Stroessner, omniprésent président depuis 1954 de ce petit Etat enclavé du Paraguay, et le titre de sa thèse sur l’éducation dans son pays le fera soupçonner de « communisme ». Or on ne badine pas avec cette peste rouge depuis l’arrivée au pouvoir sans aide extérieure de Castro à Cuba. Les Etats-Unis mettent en place en 1975 un cordon sanitaire idéologique, financier et militaire pour contenir la gangrène. C’est l’opération Condor qui vise, sous l’égide de la CIA, à coordonner les renseignements de six Etats latino-américains dictatoriaux : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay et Uruguay.

Alfredo Stroessner a utilisé Condor à des fins de politique intérieure pour faire arrêter et torturer ses opposants. Le dictateur a été élu et réélu sans qu’aucun citoyen ni aucun intellectuel ne s’en émeuve vraiment, sauf ceux de l’extérieur qui voulaient imiter Che Guevara. Seul ou presque, Martin Almada a fait front.

Ce roman se lit très bien. Martin Almada sera arrêté, torturé un mois puis détenu trois ans dans les prisons et les camps de Stroessner avant d’être libéré en 1977 sur pression d’Amnesty International et alors que le monde change. Le Mur communiste va bientôt tomber en révélant la face sombre du communisme : une « vérité » révélée qui ne supporte pas qu’on la contre. Martin s’établira au Panama puis en France à Paname, où il travaillera pour l’UNESCO. Lorsqu’il pourra revenir au Paraguay, une fois le dictateur renversé, ce sera pour découvrir en 1992 cinq tonnes d’archives de la terreur, enterrées sous un bunker de la dictature, et les révéler au public. 

Le concept de Condor a toujours obsédé Martin Almada et l’a poussé à en savoir plus, à recouper les informations de la revue de la police, à interroger des témoins ou à recueillir des confidences. Pour son combat pour les libertés, il reçoit en 2002 le prix Nobel altermondialiste, le Right Livelihood Award fondé en 1980 pour récompenser ceux qui trouvent des solutions concrètes aux défis écologiques, d’éducation et de justice dans notre monde.

Au total, une évocation captivante qui romance la geste peu connue de Martin Almada, humble demi indien du Paraguay, sur les années sombres de la lutte anticommuniste durant la guerre froide.

Pablo Daniel Magee, Opération Condor – Un homme face à la terreur en Amérique latine, 2020, préface de Costa Gavras, édition Saint-Simon, 377 pages, 22.00 €