Argoul sensible à l’immense travail de recherche de l’auteur décrit une « évocation captivante » de Martin Akmada

 

Préambule de Guilaine Depis :
Passons outre la bassesse d’un critique vulgaire et politiquement hostile et hâtons-nous de plonger dans le travail élevé et digne de Pablo Daniel Magee.
Un journaliste comme un blogueur, même pas payé pour passer du temps à lire un livre, a certes le droit d’en écrire ce qu’il veut. Si on veut uniquement des articles positifs, il faut mettre son argent dans l’achat d’encarts publicitaires, là on peut y écrire ce qu’on veut, c’est beaucoup plus sûr que d’engager une attachée de presse qui ignore quand elle envoie le livre si le journaliste ou blogueur en écrira du bien ou du mal.
C’est impossible à savoir avant d’avoir lu, même pour le journaliste ou le critique.
Toutefois, je ne peux qu’être consternée de lire comme une « vengeance » politique un article récent d’Argoul, blogueur de centre droit, allergique au combat humaniste de mon auteur Pablo Daniel Magee, dont la passion de la vérité a motivé la démarche de défricheur du plan Condor. 
Les faits sont têtus ; et si cela ne fait nul doute que Pablo Daniel Magee est animé de bons sentiments (d’ailleurs la planète serait davantage paisible et juste si elle était peuplée de davantage de gens comme lui ; ce n’est quand même pas un crime d’être animé de bons sentiments, n’inversons pas la culpabilité entre les tortionnaires et les idéalistes !), ce qu’il écrit est avéré, prouvé, officiel à un point tel que plusieurs universités du monde entier sont en train de commander son livre et de le considérer comme « thèse d’histoire ».
S’il y a bien un chercheur sérieux (je l’ai rencontré, et son souci des détails et de la rigueur des faits m’a fortement impressionnée), animé par l’exigence de la vérité historique, c’est bien Pablo Daniel Magee, qui a réalisé en 2020 et comme pionnier un livre majeur sur la torture en Amérique latine, équivalent de toute la littérature concentrationnaire sur notre continent.
Il y a eu des négationnistes sur la Shoah. J’espère qu’il n’y en aura pas sur la torture infligée aux opposants de l’Amérique latine durant la Guerre froide.
C’est parce que le critique littéraire Argoul a osé railler avec des termes grossiers qui font mal l’ignominie de ces comportements des dictateurs, a osé douter de l’implication de l’administration Kissinger, que je mesure davantage encore la tâche qui m’incombe de faire connaître et lire ce livre admirable, de militer pour la mémoire et le rétablissement de la vérité.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de Nuremberg en Amérique latine que la torture n’a pas existé ; les archives découvertes par Martin Almada sont éloquentes.
Par la plume de Pablo Daniel Magee, enfin ce travail émerge ; il est de notre devoir d’humains, si nous sommes des Hommes (Primo Levi) de nous en souvenir afin d’en tirer des leçons pour l’avenir.
Les temps sont troublés, « Opération Condor » doit nourrir notre réflexion sur ce qui nous menace.
Voilà un aspect essentiel du livre, le plus important pour l’humanité et les générations futures, mais on y prend surtout un plaisir immense de lecture, car c’est aussi un roman qui nous révèle plusieurs secrets insolites et méconnus. La plume est admirable, et cela même Argoul, l’admet. Passons outre la bassesse de ce critique vulgaire et politiquement hostile et hâtons-nous de plonger dans le travail élevé et digne de Pablo Daniel Magee. Guilaine Depis

Ce livre est un « roman vrai » et raconte l’histoire de Martin Almada, rencontré en mai 2010 lors d’une mission au Paraguay pour l’ONG Graines d’énergies par un journaliste français d’alors 25 ans formé à Londres. Martin jouait pieds nus à 6 ans dans la boue avec les petits indiens Chamacoco de Puerto Sastre. Il aimait l’école et apprendre, vendant les beignets de sa grand-mère aux lycéens avant d’écouter les cours sous leurs fenêtres puis de réussir des études. Il deviendra le premier docteur (en sciences de l’éducation) du Paraguay, formé à l’université nationale de La Plata en Argentine à 37 ans. Mais il reste du peuple, axé vers la pédagogie, seul moyen de sortir de l’esclavage moderne des patrons et des militaires.

Ce sera son chemin de croix. Contestataire marxiste version Fidel Castro, qu’il rencontrera tard dans sa vie, il éduque ses enfants et ses élèves à l’esprit critique dans le meilleur des Lumières. Il fonde une école, l’institut Juan Baustista Alberdi à San Lorenzo, dont la pédagogie conduit la plupart de ses élèves au bac. Il poursuit ses études de droit et devient avocat en 1968, à 31 ans. Mais il évite le dictateur Alfredo Stroessner, omniprésent président depuis 1954 de ce petit Etat enclavé du Paraguay, et le titre de sa thèse sur l’éducation dans son pays le fera soupçonner de « communisme ». Or on ne badine pas avec cette peste rouge depuis l’arrivée au pouvoir sans aide extérieure de Castro à Cuba. Les Etats-Unis mettent en place en 1975 un cordon sanitaire idéologique, financier et militaire pour contenir la gangrène. C’est l’opération Condor qui vise, sous l’égide de la CIA, à coordonner les renseignements de six Etats latino-américains dictatoriaux : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay et Uruguay.

Alfredo Stroessner a utilisé Condor à des fins de politique intérieure pour faire arrêter et torturer ses opposants. Le dictateur a été élu et réélu sans qu’aucun citoyen ni aucun intellectuel ne s’en émeuve vraiment, sauf ceux de l’extérieur qui voulaient imiter Che Guevara. Seul ou presque, Martin Almada a fait front.

Ce roman se lit très bien. Martin Almada sera arrêté, torturé un mois puis détenu trois ans dans les prisons et les camps de Stroessner avant d’être libéré en 1977 sur pression d’Amnesty International et alors que le monde change. Le Mur communiste va bientôt tomber en révélant la face sombre du communisme : une « vérité » révélée qui ne supporte pas qu’on la contre. Martin s’établira au Panama puis en France à Paname, où il travaillera pour l’UNESCO. Lorsqu’il pourra revenir au Paraguay, une fois le dictateur renversé, ce sera pour découvrir en 1992 cinq tonnes d’archives de la terreur, enterrées sous un bunker de la dictature, et les révéler au public. 

Le concept de Condor a toujours obsédé Martin Almada et l’a poussé à en savoir plus, à recouper les informations de la revue de la police, à interroger des témoins ou à recueillir des confidences. Pour son combat pour les libertés, il reçoit en 2002 le prix Nobel altermondialiste, le Right Livelihood Award fondé en 1980 pour récompenser ceux qui trouvent des solutions concrètes aux défis écologiques, d’éducation et de justice dans notre monde.

Au total, une évocation captivante qui romance la geste peu connue de Martin Almada, humble demi indien du Paraguay, sur les années sombres de la lutte anticommuniste durant la guerre froide.

Pablo Daniel Magee, Opération Condor – Un homme face à la terreur en Amérique latine, 2020, préface de Costa Gavras, édition Saint-Simon, 377 pages, 22.00 €

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