Joyeux anniversaire Sonia ! (Antoinette Fouque écrit un poème dans le livre « La femme Rykiel »)

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La femme Rykiel a 40 ans. Si jeune, elle entre dans la légende. Bon anniversaire Maman ! Nathalie Rykiel

Accusée, levez-vous.
Vous êtes la première robe que j’ai inventée, « La Divine ».
Comment avez-vous aidé ce mouvement naissant (le MLF) ?

Je cherchais un style de vie non plus lié à l’image
mais à la politique du moment,
une manière de bouger plus androgyne, plus moderne,
une sensualité du quotidien qui convenait plus
à la vie que les femmes menaient.

J’ai retourné les vêtements ; je ne les ai pas finis ;
j’ai fait des trous, des superpositions ;
j’ai décidé que l’habit c’était la liberté.

J’ai mis des mots sur les pulls, des dessins ;
je les ai attachés sur les fesses en insistant.
Désormais l’érotisme, c’était ça.
J’ai gommé l’inutile et explosé la beauté.
Je lui ai donné un rôle de comédienne
et je lui ai mis un drapeau bleu-blanc-rouge dans la main.

Sonia Rykiel, 1968-2008

*****

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FR, Femme Rykiel ou Féministe Révolutionnaire ?
Guérillère, Rouge en Mai ou Continent Noir ?
C’est Sonia tout entière à sa robe vouée.

De Gravida en Gradiva, mille e tre, toutes pour une,
elles avancent, de collection en collection,
terminée et inachevable :
Métaphore, métamorphose,
insistance incessante de la Recherche,
Métonymie, récit, oeuvre accomplie,
existence prégnante de l’Energie noire :
Elément insolite de notre Univers,
monstre, mystère, merveille, mouvement,
Galaxie matricielle, lumière utérine,
ombre d’étoiles, espace-espèce,
Accélération du rêve, expansion géni(t)ale.

Textes, tissus, verbe et chair tricotés,
pièces cousues, mots rapportés,
Poète et couturière, Sonia se fait Rhapsode,
Une femme s’enfante et le Temps se dilate…

Rhapsody un black
Antoinette Fouque, 1968-2008

Pour un Grenelle des Femmes

Communiqué du 31 octobre 2008

40 ans du MLF, suite

L’année 2008 se termine sur de forts contrastes. Deux exceptions distinguent la France : la double performance des femmes et la laïcité.
– Les femmes françaises sont les championnes européennes de la fécondité et de l’engagement professionnel : 80% des Françaises travaillent et font plus d’enfants que la moyenne européenne (2 par femme).
– Cette victoire est précaire puisque la situation économique et sociale est à la crise. Les femmes, représentant 80% des familles monoparentales, ayant les emplois les plus précaires, seront les premières victimes de la récession et de la dépression. Face à ce danger, la vigilance est nécessaire.
– Le Grenelle de l’environnement a exprimé une volonté politique pour l’écologie. Le premier environnement de l’être humain est le corps d’une femme. La place faite aux femmes dans la société doit en tenir compte. Population ressource, les femmes sont les actrices principales et forces dynamiques des processus de démocratisation. L’autre exception française, la laïcité – modernisée par l’intégration des droits des femmes – donne à ces processus toute leur dimension éthique. Pour conserver et améliorer nos acquis et arrêter les régressions qui nous menacent – du retour des femmes à la cuisine à leur retour à la religion – Antoinette Fouque, Présidente de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, propose une mobilisation nationale sous la forme d’un Grenelle des femmes.

Contact : Jacqueline Sag de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie : alliance.des.femmes@orange.fr
ou Guilaine Depis, attachée de presse d’Antoinette Fouque (06.84.36.31.85)

Pépita Dupont fait « le jour où » d’Antoinette Fouque dans Paris Match !!

AF.jpg« Je rêve maintenant d’un Grenelle pour les femmes.. », dit Antoinette, photographiée ici en 1988.

PARIS MATCH du 01 Novembre 2008 – 12:09
Le jour où… le MLF est né dans un petit studio. Par Antoinette Fouque
Récit. J’étais heureuse dans ma vie d’épouse et de mère mais je me sentais transparente dans la vie publique. Le 1er octobre 1968, nous nous sommes réunies dans un appartement prêté par Marguerite Duras pour « vider notre sac »…

Le jour où… Propos recueillis par Pépita Dupont

Je suis une jeune intellectuelle de 31 ans, prof de lettres,en thèse avec Roland Barthes et j’écris un peu pour « La Quinzaine littéraire ». Mariée depuis neuf ans, je suis mère d’une petite Vincente, âgée de 4 ans, que j’ai désirée. Jusqu’à sa naissance, je croyais que nous étions égaux, filles et garçons, mais à l’occasion de cette grossesse je me suis aperçue que c’était moi qui avais fabriqué cette enfant. J’ai une santé fragile, et j’ai passé neuf mois à lutter contre l’angoisse. Celle de toutes les ­futures mères, car à l’époque il n’y avait pas d’échographie. J’ai accouché d’une très jolie petite fille mais je sais que si on met au monde un garçon, dans la culture méridionale à laquelle j’appartiens, on ­entre dans le patriarcat. On fait partie de la société du père et du fils, on est la Vierge Marie. Quand on met au monde une fille, c’est différent. Alors je m’interroge : « Qu’est-ce qu’une femme ? »

En janvier 1968, Josiane Chanel, une de mes amies, me présente ­Monique Wittig dans un bar de l’Odéon. C’est déjà un écrivain reconnu, elle a reçu en 1964 le prix Médicis pour « L’Opoponax ». Elle est en train de traduire « L’homme unidimensionnel » de Marcuse. Elle m’avoue qu’elle souffre terriblement de se sentir disqualifiée. Jamais elle n’apparaît sur les photos des auteurs du Nouveau Roman. Il n’y en a que pour les hommes. Monique me dit : « C’est pas possible, il faut qu’on se révolte. » Ça tombe bien, je suis d’accord. Nous partageons la même colère contre la misogynie ambiante.

Dans le milieu intellectuel que je fréquente, je me sens transparente. A la maison, j’ai un mari merveilleux, mais à l’extérieur je cherche ma vérité, dans la philo, la psychanalyse. Or Freud dit dans ses textes qu’à 30 ans une femme est vieille. Je me sens pourtant très jeune, très dynamique. Je veux comprendre pourquoi il n’y a pas de femmes sur les bancs de l’Assemblée nationale. Et puis 1968 arrive. Le 13 mai, avec Monique, Josiane et d’autres amies, nous créons un comité révolutionnaire d’action culturelle. Bulle Ogier, Danièle Delorme, Nathalie Sarraute, André Téchiné, Marguerite Duras, Michèle Moretti, Umberto Eco, Maurice Blanchot viennent nous soutenir. Il y a aussi Agnès Varda. Imaginez-vous qu’à l’époque elle était la seule femme cinéaste !

Le 1er octobre, jour de mon anniversaire, on se réunit dans un petit studio prêté par Marguerite Duras rue de Vaugirard. Nous sommes une trentaine de femmes de 16 à 33 ans. Chacune à tour de rôle prend la parole. Et apparaissent des choses qui ne peuvent se dire qu’en l’absence des hommes. Une avocate parle de sa mère qui a été battue par son père, une autre de son oncle, un photographe célèbre, qui l’a violée. Monique, elle, dénonce le culte de la virginité. Cela ressemble un peu aux « Monologues du vagin » avant l’heure. Par la parole, nous faisons tomber des tabous. Nous ne ­voulons plus avorter de manière sanglante, ni accoucher dans la douleur, faire des enfants que nous ne désirons pas, que l’on nous interdise d’entrer à Polytechnique, ou ceci ou cela. Il y a des rires, des larmes, une liberté d’adolescence.

C’est dans cette effervescence enivrante qu’est né le MLF. Au début, nous étions trois, puis on a été vingt. On nous traitait de folles mais, lorsque nous avons été des milliers, certains ont commencé à avoir peur et à se méfier. Evidemment, tous les hommes de cœur sont venus avec nous. La lutte que nous avons menée au MLF, je le dis, n’était pas contre nos compagnons, c’était une révolution des mœurs. Mon mari m’a toujours soutenue car pour lui cela allait de soi. Ma mère aussi venait à toutes nos manifs. Elle était analphabète.

Bio express
1936 Naissance le 1er octobre à Marseille.
1968 Cofondatrice avec Monique Wittig et Josiane Chanel du MLF. Animatrice du groupe Politique et Psychanalyse.
1973 Créatrice et fondatrice des éditions Des femmes.
1994 Députée européenne.
2008 Auteur de « Génération MLF. 1968-2008 », éditions Des femmes.

Michèle Fitoussi félicite Antoinette Fouque pour son oeuvre !! (Télégramme de Brest)

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« Face à l’universalisme qui prône que la femme est un homme comme les autres, j’ai toujours défendu la différence des sexes qui joue sur un point essentiel : le fait de créer un enfant. Dans le monde entier, les femmes sont martyrisées parce qu’elles font des enfants. En
France, les entreprises les disqualifient à cause de ça. On marche sur la tête ».

Antoinette Fouque, qui a été députée au Parlement européen, rêve d’un Grenelle des droits de la femme « où on remettrait tout à plat en évitant de traiter la question des femmes par morceaux ».

Michèle Fitoussi

Le Télégrame de Brest , 22 octobre 2008

La Marseillaise reconnaît la Mère !! (Quatrième de couverture par Emmanuelle Barret, 19 octobre 08)

port-marseille-vierge-coucher-soleil-ag.jpgLa mère du MLF

Peu de temps après les première réunions en 1968, Antoinette Fouque, qui suit les Séminaires de Jacques Lacan et démarre une analyse
avec le «maître », mène le groupe de réflexion « Psychanalyse et politique » au sein du mouvement. « L’inconscient prend une place énorme
dans l’engagement »
, estime-t’elle en soulignant que « chacune devait bien se connaître avant de s’engager ». Il s’agissait de « penser en femme d’action et d’agir en femme de pensée ».
C’est précisément cette articulation de l’action et de la pensée, de l’inconscient et de l’histoire qui a fait la spécificité du MLF.

Premier fait marquant dans l’histoire du mouvement : la dépénalisation de l’avortement en 1975. «À cette époque, nous avons compris que le droit des femmes posait des questions éthiques et que nous sortions de l’idée de révolution pour entrer dans la phase de démocratisation», raconte Antoinette Fouque. Loin d’être gagnée, la partie ne faisait que commencer.

« C’est quand les droits sont légaux que les luttes commencent », éclaire la militante qui veut dénoncer la maltraitance des femmes dans le monde.

Antoinette Fouque affirme qu’ « il y a deux sexes », titre de son premier recueil de référence.
Elle crée la féminologie, « un champ qui résulte de la question de la femme à l’intérieur du champ des sciences humaines ». Portant sur la condition féminine et la place des femmes dans notre société, la féminologie signe une rupture.

Dans son dernier ouvrage, Gravidanza-Féminologie II, Antoinette Fouque, qui rend par ailleurs hommage à sa grand-mère italienne – gravidanza signifiant grossesse – poursuit son questionnement sur ce qu’est une femme à travers la question du corps maternel, lieu primordial « d’altérité et d’accueil ».

À l’heure où la crise financière fait des ravages aux quatre coins du globe, Antoinette Fouque suggère « une alternative à la guerre et au profit pour une économie altruiste ». Dans la sphère politique où la représentation féminine fait encore cruellement défaut, la voix des femmes constituerait une chance de faire émerger « une philosophie de l’hospitalité, de l’accueil et de la générosité ».

Emmanuelle Barret

Antoinette Fouque sur la quatrième de couverture de La Provence !! (07.10.08) Bravo à Dominique Arnoult !

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La Provence
Société / Dans le sillage de mai 1968, quelques femmes, dont la Marseillaise Antoinette Fouque, se mobilisaient.
Celle qui a fait naître le MLF
Par Dominique Arnoult

Que reste-t-il de mai 1968 ? « Rien d’autre que le mouvement des femmes ! C’est ce que me disent Cohn-Bendit, Kouchner, Debray… » Militante de la cause des femmes, bien plus que féministe – un mot qu’elle n’aime pas – Antoinette apprécie cette reconnaissance. « J’ai pensé en femme d’action et agi en femme de pensée », confie celle qui a fait naître le Mouvement de Libération des Femmes.
Si avec quelques autres, cette jeune Marseillaise, sa thèse sur l’avant-garde littéraire bouclée, a levé le poing en mai 1968, c’est l’été qui suit, dans la maison de famille qu’elle songe à créer un mouvement pour les femmes.
« A cette époque, nous étions transparentes. Les romancières sont mal traitées, disait Monique Wittig, prix Medicis. Et c’est vrai qu’il n’y avait jamais un mot sur Sarraute ou Duras ». Mère d’une fillette de 4 ans, Antoinette mesure combien la maternité semble, pour les hommes, incongrue quand on se veut intellectuelle. « Je fréquentais Roland Barthes, Lacan, des modèles de la république des Lettres, et quand je disais que j’avais un enfant, on me regardait comme si j’étais handicapée. » Au quotidien, ce n’était pas mieux. « J’étais l’égale de mon mari, mais je n’avais pas le droit de percevoir les allocations familiales. » Née à Marseille, quartier Saint-Laurent, « en face de la Bonne Mère » dans une ville où « l’on était maman ou putain, j’ai voulu comprendre ».

Le sens du combat
Les vacances dans le Midi terminées, les réunions se font quotidiennes à Paris. « On se voyait dans un petit studio rue de Vaugirard que nous prêtait Marguerite Duras. Nous étions entre 10 et 20 ». La règle : des filles rien que des filles. « Seules entre nous, on parlait autrement, et puis on avait envie de retrouver quelque chose de l’adolescence. » Au fil des confidences apparaissent les violences conjugales, le viol, l’inceste, els questions de virginité. « On a fait tomber les tabous », résume Antoinette. Le petit comité d’action culturelle qui s’est formé en 1968 à la Sorbonne, a essaimé. Mais deux ans plus tard, au cours d’un colloque à l’université de Vincennes, alors que le mouvement s’officialise, Antoinette Fouque s’interroge. Premières fissures. Monique Wittig et quelques autres arrivent avec un tee-shirt barré d’un « Nous sommes toutes des mal-baisées ». « Je me suis dit : qu’est-ce que c’est que cette mascarade ? » Elle n’apprécie pas davantage un happening devant le tombeau du soldat inconnu. « Sur une banderole, elles avaient écrit : Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme. »
« Moi je voulais une université populaire, ni médiatisation à paillettes, ni théâtralisations des corps. » Peu à peu, les chemins des unes et des autres s’éloignent. « Dans le mot féminisme, j’avais le sentiment qu’elles voulaient éliminer le mot femmes, celui sur lequel se fondait tout notre mouvement. Nous sommes toutes féministes comme nous sommes tous des capitalistes, parce que nous vivons dans un système. S’il y a dans un stade 300 000 femmes et un chien, tout le monde est mis au masculin ! »
L’égalité, « oui, dit-elle, mais dans la différence ». Aux antipodes d’une Simone de Beauvoir, « qui disait ne faites pas d’enfant, faites des livres et ne cherchait qu’à avoir le Nobel », Antoinette affirme : « Notre libido à nous, c’est de créer. Chaque œuvre d’art ou d’être vivant enrichit l’humanité ».
Femmes de lettres, éditrice, psychanalyste, politologue, Antoinette Fouque n’a pas de préférence pour une étiquette. « Ce qui me satisfait c’est de m’être questionnée sur ce qu’est une femme et de n’avoir jamais lâché. » La légalisation de l’avortement, les poursuites pénales en matière de viol, le travail des femmes … « Il y a eu plus d’acquis en 40 ans qu’en 4000 », se félicite-t-elle. Avant de citer Marx : « C’est quand les droits sont légaux que les luttes commencent ».

Elle n’oublie pas le MLF !! (Catherine Robin)

6 octobre 2008

Elle

MLF 40 ans, et tant à faire ?

Elles étaient une quinzaine, âgées de 17 à 33 ans, bien décidées à ne plus s’en laisser conter. C’était en octobre 1968. Réunies dans un petit studio de la rue de Vaugirard, à Paris, elles posaient les bases d’un mouvement qui allait faire avancer les droits des femmes à pas de géant. Elles s’appelaient Antoinette Fouque, Monique Wittig… et venaient de fonder le Mouvement de libération des femmes. Quarante ans après, le MLF est toujours là en dépit des attaques et il a accompagné toutes les conquêtes des femmes : de l’IVG à la parité en passant par l’égalité au travail. « Nous avons plus fait en 40 ans qu’en 4000 ans », déclarait récemment Antoinette Fouque. Aujourd’hui, la relève est-elle assurée ? « Oui, répond Jacqueline Sag, militante de la première heure. Mais c’est plus difficile. Les jeunes femmes qui ont bénéficié de nos acquis sont beaucoup moins politisées. Elles n’utilisent pas forcément les mêmes armes. En tous cas, il y a encore fort à faire. » Catherine Robin

A lire : « Génération MLF » (Editions des Femmes). Sortie le 16 octobre.

Le Monde rend hommage à Antoinette ! (5 octobre)

Le Monde TV et Radio

Vendredi 10 octobre

20 h 35 France 5

ANTOINETTE FOUQUE

Documentaire Empreintes

Julie Bertuccelli (France, 2008)
Rediffusion : dimanche 12 octobre, 9 h 35

Les commémorations prolifiques de Mai 68 et de ses suites ont gentiment cédé le pas au demi-siècle de la Vème République. Parmi les bénéfices de cette vaste rétrospective des bouleversements sociaux, intellectuels et politiques qui ont secoué l’Occident, on retiendra la mise en perspective qu’autorisent quarante ans de distance. A l’heure où d’aucuns appelaient à la « liquidation » de l’héritage soixante-huitard, les témoignages des protagonistes et le travail des historiens ont oeuvré à l’inverse.

La rencontre avec la psychanalyste Antoinette Fouque, cofondatrice du Mouvement de libération des femmes, procède de cette démarche. Anne Andreu est à l’origine de ce portrait de la collection « Empreintes » (coproduit avec Cinétévé) réalisé par la cinéaste Julie Bertuccelli, elle-même tout juste âgée de 40 ans.

L’évocation du parcours de cette militante chevronnée, fondatrice du courant « Psychanalyse et Politique » et des Editions des femmes, députée européenne, engagée dans la plupart des luttes féministes à travers le monde, est nourrie d’un corpus d’archives abondant. Mais le récit de ce passé, où l’histoire individuelle ne cesse de se vriller à l’histoire collective, sert avant tout le présent. Les combats d’hier éclairent ceux qui restent à mener. Il en ressort une rencontre bien vivante, énergique et souvent joyeuse, exemptée des polémiques et des errements qui ont jalonné l’histoire du mouvement des femmes dans les années 1970.

Formée aux avant-gardes littéraires au côté de Roland Barthes, éblouie par l’intelligence enchanteresse de Lacan, mais viscéralement allergique aux « ne-que » (noeuds-queue »), souligne t-elle) du « commandeur ».

Les images rappellent qu’il y a à peine quarante ans tout était à obtenir pour les femmes : la parole, l’autonomie sociale et financière, et surtout la liberté de son corps – « Un enfant si je veux, quand je veux », scandaient-elles. Aujourd’hui l’affaire se joue sur le terrain de la parité dans les pays les plus dotés. Mais ailleurs, relève Antoinette Fouque à propos des femmes et des petites filles soumises à la loi des hommes, des luttes fondamentales continuent de s’engager.

Valérie Cadet

La quatrième de couverture de Ouest France !! (03.10.08)

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vendredi 03 octobre 2008
Antoinette Fouque, une vie de féministe

Diplômée de lettres modernes, psychanalyste, politologue, députée au Parlement européen de 1994 à 1999 (élue sur la liste Tapie), Antoinette Fouque a fondé la maison d’édition des Femmes en 1973, des librairies, un observatoire de la misogynie, un club de la parité en 1990. : Claude Stefan

Le 1er octobre 1968, dans un petit appartement de Paris prêté par Marguerite Duras, Antoinette Fouque et deux amies fondaient le MLF, le Mouvement de libération des femmes. Rencontre, quarante ans après, avec une sacrée « mersonnage ».
De la courte histoire du féminisme, à l’échelle des hommes, le grand public retient en général Olympe de Gouge la révolutionnaire, Flora Tristan l’initiatrice des clubs féminins en 1840, Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir, les combats de Gisèle Halimi pour le droit des femmes. Il cite moins Antoinette Fouque.

Sa bouille, pourtant, est reconnaissable entre mille: des yeux frondeurs sous un casque de cheveux désordonnés de la même façon depuis toujours. Mais son discours brillant est plus difficile d’accès : il faut connaître un peu la pensée de Roland Barthes avec qui elle a étudié, celle de Lacan qui l’a formée à la psychanalyse. Il est moins médiatique, en tout cas, ce discours, qu’une action coup d’éclat. Comme le dépôt de la gerbe « à la femme inconnue du soldat inconnu » sous l’Arc de triomphe, en août 1970, ou le slogan « Une femme est un homme comme les autres ».

Antoinette Fouque est une intellectuelle, une penseuse. Elle incarne un courant réformiste du féminisme. Elle ne prône pas un égalitarisme qui voudrait s’absoudre du naturel : pour elle, la femme a un utérus et c’est elle qui donne la vie, « si elle veut ». Cette battante n’a jamais brûlé de soutien-gorge, méthode de « militante américaine ». Mais elle sait remettre un académicien à sa place, en l’occurrence Maurice Druon, lorsqu’il refuse, en 1994, toute féminisation des mots sous prétexte que le masculin est le genre neutre de la langue française. « C’est oublier que le masculin a absorbé le neutre qui existait en latin, rappelle celle qui se méfie de la neutralité. Ceux qui se disaient neutres en politique, pendant la guerre, c’était surtout des collabos. »

Lire du Antoinette Fouque dans le texte est compliqué. L’écouter, beaucoup plus simple. Elle est née à Marseille, dans la chaleur populaire du Vieux Port, en 1936. Née d’un berger corse qui désirait un troisième enfant, et d’une mère calabraise, « analphabète mais poète à sa façon », qui le souhaitait moins. Elle s’est mariée en 1959, a eu une fille, Vincente, en 1964. Pas de machisme à la maison, pas de divorce, pas d’avortement mais elle a milité pour. Un petit-fils, Ezequiel, « en CE1, qui sait déjà tout de la différence garçon-fille ». Antoinette Fouque a mis davantage de temps à la ressentir…

« Fille de prolétaires de tradition catholique », instruite à l’école de la République , elle s’est toujours sentie l’égale de ses copains de la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence. La naissance de sa fille va tout bouleverser. La voilà mère, enseignante, en pleine période révolutionnaire. En 1968, elle est à la Sorbonne de l’aventure du Comité révolutionnaire d’action culturelle avec André Téchiné, Umberto Eco, Nathalie Sarraute… mais s’aperçoit vite que la révolution de Mai, la lutte des classes, « a surtout conduit à la libération des hommes ».

Octobre 68 sera celle des femmes. Antoinette Fouque et ses amies Monique Wittig et Josiane Chanel se retrouvent dans un petit appartement de la rue de Vaugirard, à Paris, prêté par Marguerite Duras. Leur petit groupe de discussion sur le corps, la sexualité des femmes, s’agrandit. Sans homme, au départ. « Il fallait que la parole se libère, sans le poids de la domination et du discours masculin. » Et la dure réalité jaillit. « Des viols, des mères battues par leur mari »… Le MLF est lancé, entraînant dans son sillage d’autres mouvements pour les droits des femmes.

« En quarante ans, elles n’ont rien lâché », observe la Marseillaise , fière du résultat. Fière aussi de sa méthode, humaniste et sans arme, contestée par des courants plus radicaux. « Le mouvement n’a pas basculé dans le terrorisme et les Françaises, aujourd’hui, sont celles qui ont le plus fort taux de natalité et qui travaillent le plus. »

Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire. « Les femmes n’ont pas encore conquis les grands corps d’État et elles ne possèdent que 1 % de la richesse mondiale quand elles en produisent 80 % ». L’athée qu’elle est devenue observe aussi un retour du religieux. Elle l’analyse comme « une réaction violente à la libération des femmes de l’Occident », comme un soubresaut dans un mouvement en marche. « Le seul qui reste de 1968. »

La crise économique l’inquiète davantage. « Elle frappera d’abord et encore les plus faibles, c’est-à-dire les femmes. »

Ah !, encore deux ou trois choses sur Antoinette Fouque. Elle possède trois maisons, l’une sur la côte varoise, la deuxième sur une île du golfe du Morbihan (elle trouve les Bretons « courtois ») et la troisième à Paris, à Saint-Germain-des-Près. Elle adore causer avec une grande copine catholique, aristocrate et mère de douze enfants, de « sa fascination pour la procréation ». Elle est aussi très amie avec la créatrice Sonia Rykiel. Elle ne se maquille jamais.

Mercredi, c’était son anniversaire. 72 ans. Son petit chien est mort la veille. Elle est clouée sur un fauteuil roulant par une maladie invalidante. N’en parle jamais. Va jusqu’en Birmanie, soutenir la résistante Aung San Suu Kyi. « Tout va bien ». « Les femmes portent l’espèce humaine ». Et les nouvelles générations, croit-elle, en ont conscience.

Christelle GUIBERT.

Photo : Claude STEFAN.

40 ans du MLF. Un film de la série Empreintes, réalisé par Julie Bertuccelli, sera consacré à Antoinette Fouque le 10 octobre, à 20 h 35, sur France 5 (TNT, rediffusion le 12 à 9 h 30 sur les chaînes hertziennes). Le 16 octobre, sortie du livre Génération MLF, 1968-2008, aux éditions des Femmes. Rens. au 01 42 22 60 74 ou sur www.desfemmes.fr