Maison des Babayagas : l’idée de départ

therese_clerc_200.jpgLa Maison des Babayagas… ou comment monter sa maison de retraite autogérée
Kit militant Ecorev dimanche 11 juillet 2004

http://1libertaire.free.fr/maisonderetraiteautogeree.html

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Un des effets de la canicule meurtrière de l’été 2003 aura été l’heure de gloire qu’ont connue les maisons de retraite dans les médias… Une occasion inespérée de prendre conscience de la misère de ces lieux où se trouvent claquemurées les personnes âgées. L’occasion de voir aussi que ces lieux connaissent des alternatives fleurant les expériences communautaires des années 70.
Animée par l’envie de vivre leur vieillesse tout en prolongeant leurs vies personnelle et militante, et par la volonté de ne pas être une charge pour leur entourage sans être pour autant coupées du monde, une poignée de femmes a décidé de créer une maison de retraite communautaire, solidaire et autogérée à Montreuil (Seine Saint-Denis) : « la Maison des Babayagas », du nom des vieilles grand-mères russes. Un peu sorcières sur les bords, les Babayagas vivaient – selon les légendes russes – dans des maisons faites de pain d’épices et de pâte d’amande, soutenues par des pâtes de poules. Elles y racontaient des histoires aux enfants qui en profitaient pour grignoter leurs maisons. Les Babayagas, fâchées de cette effronterie, dévorèrent tout crus les garnements…

Si elles ne croquent guère les enfants, les trois femmes à l’origine de ce projet – Thérèse Clerc (77 ans), Monique Bragard (72 ans) et Suzanne Goueffic (73 ans) – sont restées engagées et actives : l’une dirige la Maison des femmes de Montreuil, l’autre est peintre, la dernière aide à l’alphabétisation en qualité d’orthophoniste. Voici en quelques étapes le kit de fabrication d’une Maison de Babayagas, à l’exemple de celle de Montreuil.

Le sol, les murs : dénicher un lieu et profiter de l’ « effet canicule »

Le projet d’une maison de retraite autogérée émerge dès 1997 dans l’esprit de Thérèse Clerc, à la mort de sa mère. Mais les pouvoirs publics font la sourde oreille et estiment que cela ne saurait entrer dans leur agenda politique. Toutefois, le projet mûrit et l’hécatombe de la canicule rend les oreilles plus attentives : les Babayagas convainquent en 2003 la mairie de Montreuil d’attribuer un terrain en centre ville pour la construction de la maison. Celle-ci sera prise en charge par l’office des HLM et subdivisée en plusieurs studios autonomes loués par les résidentes. Chaque logement privatif sera d’une surface de 35m2 pour un prix n’excédant pas (a priori) 300 euros (avec possibilité de profiter des APL…). Parce qu’une maison solidaire et autogérée se doit d’être un minimum écologique, des panneaux solaires se chargeront de chauffer l’eau et l’utilisation de matériaux écologiques sera privilégiée pour la construction. Pour ce qui est de l’aspect communautaire, des pièces collectives sont également prévues (bassin d’hydrothérapie, salle polyvalente, etc.).

Les résidentes : l’hiver venu, la ruche congédie ses mâles

La maison des Babayagas est une maison de femmes. Les hommes peuvent venir y passer l’après-midi ou une nuit à l’occasion (lits accueillants d’1m40), mais ne peuvent s’y installer. Fatiguées d’une vie passée à subir les oukases des hommes ou au contraire à être à leurs petits soins, ces veuves, célibataires ou divorcées préfèrent rester entre elles et n’ont que faire des reproches de sectarisme qu’elles doivent essuyer de ce fait. Leur démarche s’inspire notamment de l’expérience du béguinage, ces femmes (les béguines) qui réfutèrent dès le XIIe siècle l’idée de toute autorité religieuse ou maritale et vécurent entre elles.

Une maison active et engagée

L’idée de la Maison des Babayagas a circulé dans la presse et les lettres ont afflué : à l’heure actuelle 50 femmes ont postulé pour seulement 16 places… Le caractère engagé du projet a naturellement orienté les candidatures : les postulantes ont un passé associatif, syndical ou politique, à l’image des initiatrices qui ont usé leurs semelles au PSU. Une fois débarrassée la vaisselle des repas collectifs, les pièces collectives laisseront donc la place à des activités culturelles ouvertes aux adhérents de la Maison des Babayagas, mais seront aussi le lieu d’activités citoyennes (alphabétisation, accueil de jeunes femmes en difficulté, échange de savoirs, etc.).

Une médiatrice extérieure pour calmer les vieilles bourriques

« Ne jamais se coucher fâchées » est un principe (qui émanerait de Saint-Augustin) que les Babayagas montreuilloises aiment à citer. La vie en communauté, le partage et la rotation des tâches n’engendrent pas seulement paix et amour… et pour éviter que les Babayagas ne se jettent à la figure leur verveine-menthe, une médiatrice extérieure leur rendra visite tous les quinze jours pour aider à une résolution des conflits non-violente. Une période probatoire de six mois laissera la liberté à celles qui le souhaiteront de quitter la Maison. Quant aux femmes qui seront touchées par une maladie dégénérative ou par la démence, elles seront orientées vers un centre médicalisé.

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Contact babayaga
Thérèse CLERC – 1, rue Hoche – 93100 Montreuil – 01 48 58 80 53 – hypatie93 chez wanadoo.fr

« Thérèse Clerc, une Antigone aux cheveux blancs » de Danielle Michel-Chich

les-babayagas.jpgThérèse Clerc, une Antigone aux cheveux blancs (titre provisoire)
Danielle Michel-Chich

ISBN : 978-2-7210-0572-4
Environ 160 pages – 16 €

Office 29/11/2007

Danielle Michel-Chich entreprend de faire la biographie de Thérèse Clerc, célèbre militante féministe, récemment initiatrice d’un projet novateur de maison de retraite autogérée pour les femmes : la Maison des Babayagas, une sorte de colocation entre femmes, avec un projet écologique et citoyen. La première de ces maisons ouvrira à la fin de l’année 2007, et c’est notamment pour accompagner cette inauguration que paraît ce livre.

L’auteure part de cette formidable création pour parler de celle qui n’a cessé, toute sa vie, de lutter pour les droits des femmes. Thérèse Clerc, née en 1927 à Paris, issue d’une famille bourgeoise et catholique de droite, mariée à vingt ans, mère de quatre enfants, prend progressivement conscience de sa situation de dépendance et de soumission à l’égard de son mari. Cette prise de conscience est rendue possible d’abord par la découverte, dans sa paroisse, d’un catholicisme progressiste et social ; en 1968, une hospitalisation de plusieurs semaines la place dans une solitude forcée qui lui permet d’adopter une distance critique à l’égard de sa situation conjugale ; enfin, mai 68 achève sa conversion intime. En 1969, elle divorce, et « commence à vivre vraiment ».

La seconde vie de Thérèse Clerc a donc commencé en 1968. Une vie remplie de projets originaux et généreux. Participant au Mouvement de Libération de Femmes, elle devient une féministe active. Militante à la CGT et au PSU, elle fonde également un groupe de contestation féministe au sein de l’Église. Elle crée notamment à la fin des années 90 la Maison des Femmes de Montreuil, une structure destinée à aider les femmes à retrouver un rôle dans la société, en leur proposant une aide juridique, des conseils d’orientation et toutes sortes d’ateliers ; mais c’est surtout un lieu très convivial et très ouvert. Car Thérèse Clerc ne veut pas faire du « social martyre », elle préfère le « social ludique ».

Cette biographie s’appuie largement sur les récits animés, vivants et colorés de Thérèse Clerc, qui a le sens de la formule. Regard subjectif sur une femme d’exception, ce livre parvient à mettre le lecteur en présence de son objet, une présence bien vivante, et même véritablement vivifiante.

Danielle Michel-Chich est journaliste, essayiste et traductrice. Auteure d’articles et de documentaires sur la famille, l’éducation et l’école, elle a publié plusieurs essais, dont Déracinés. Les Pieds-Noirs aujourd’hui (1990), Viens chez moi, j’habite chez mes enfants (1996), et, en 2005, Réussir notre école avec Gérard Aschieri. Elle donne de nombreuses conférences sur la littérature féminine française et américaine contemporaine.

Interview Thérèse Clerc (www.capcampus.com)

06.jpghttp://www.capcampus.com/mode/mode-et-marques/therese-clerc-une-femme-d-exception-a6186.htm

Thérèse Clerc : une femme d’exception !
Elle nous livre son regard sur la société , les jeunes et la mode du haut de ses bientôt 80 ans !

Capcampus

Madame Clerc, après avoir créée la Maison des femmes, vous ouvrirez bientôt la maison des Babayagas. D’où et depuis quand vous est venue cette volonté de vous engager pour les femmes ?

Thérèse Clerc

Cela remonte à un bon moment maintenant. Mai 68 fut un vrai déclic pour moi. C’est à ce moment que j’ai véritablement pris mon avenir en main. Je n’étais pas heureuse dans mon mariage, alors après 20 années de vie commune, j’ai décidé de m’en aller. Ce fut une véritable libération pour moi. J’ai réalisé combien les femmes étaient oppressées, discriminées, dans une société qui ne les laissait pas vivre libres et dont le seul but était de prendre le contrôle sur leur corps.
Dès cet instant, je me suis plongée dans la lecture d’œuvres féministes, ai assisté à des débats et à des groupes de paroles de femmes. Je n’aimais pas l’école, reflet d’une éducation faite pour les hommes, alors je me suis formée toute seule

Capcampus

En quoi consiste la maison des femmes, quels en sont les objectifs ?

Thérèse Clerc

Il s’agit d’une association d’aide aux femmes. Nous leur apportons un véritablement soutient moral et les aidons à s’insérer dans la société en leur apprenant les bases de la législation. Nombre d’entre elles sont issues de l’immigration et ne sont pas informées des démarches administratives les plus rudimentaires. Souvent il s’agit de femmes opprimées par leur mari et enfermées dans des croyances que l’on leur a imposées depuis des millénaires. Alors nous essayons tant bien que mal de leur ouvrir les yeux et de leur faire prendre conscience de leur place dans la société. Ce qui compte en priorité est qu’elles acquièrent la joie de leur corps.

Capcampus

Vous n’êtes donc pas en accord avec leurs croyances ?

Thérèse Clerc

Pour dire simple, je déteste toutes les religions patriarcales. Il s’agit une fois de plus d’un moyen mis en place par les hommes pour prendre le pouvoir sur la Femme, et pour la rabaisser. Mais il n’y a pas que la religion ! Le pouvoir électoral en fait de même, ainsi que le corps médical. Tout est bon pour nous contrôler. Pour moi, le couple est le tombeau de la femme et la famille son cimetière.

Capcampus

Quels types d’activités proposez-vous alors à ces femmes?

Thérèse Clerc

Il existe différents ateliers : des cours d’alphabétisation, de français, de droit, mais aussi des cours de théâtre, de sport, etc. Nous tenons tout particulièrement à permettre à ces femmes de mieux comprendre ce qui les entoure pour qu’elles puissent enfin se libérer. Ainsi, nous les emmenons chaque semaine visiter les institutions et administrations. Notre dernière sortie était à la poste où un employé à généreusement accepter de leur enseigner les bases pour ouvrir un compte, remplir un chèque, etc. Chaque visite est un émerveillement pour nous comme pour elles !

Capcampus

Et n’importe quelle femme peut adhérer à votre association ?

Thérèse Clerc

Bien sûr ! Au début les femmes venaient peu nombreuses, aux environs de 3 ou 4. Aujourd’hui notre association a un tel succès que nous sortons parfois à 25 !

Capcampus

Comment parvenez-vous à gérer votre vie de famille et votre vie privée ?

Thérèse Clerc

C’est vrai qu’entre les interviews, les associations et la création d’autres projets ça n’est pas évident. Je n’ai pas une minute de libre. J’ai 14 petits enfants et je ne les vois pas très souvent. Mais je sais qu’ils sont fiers de leur grand-mère. Récemment j’ai tourné un film sur la sexualité des vieux. Je décolle d’ailleurs la semaine prochaine pour Montréal où nous avons été sélectionné au festival. Alors que certains passent leurs journées devant leur poste de télé, de mon côté, j’ai à peine le temps de l’allumer.

Capcampus

Mais à bientôt 80 ans, comment faites-vous pour être toujours si dynamique ?

Thérèse Clerc

C’est l’espérance qui me maintient en forme. J’ai l’impression que chaque jour est un pas de plus pour parvenir à mon rêve. Certaines choses me révoltent, comme les lois qui ne sont pas appliquées, et je me bats chaque jour pour que cela évolue.

Capcampus

Que pensez-vous de la jeunesse d’aujourd’hui ?

Thérèse Clerc

Malheureusement je constate aujourd’hui un manque d’engagement certain chez les jeunes. Les intellectuels se font de plus en plus rares, les réflexions sont trop peu nombreuses ou mal orientées.

Capcampus

Et les manifestations contre le CPE. N’était-ce pas là une forme d’engagement de la part des jeunes ?

Thérèse Clerc

Je pense que le débat sur le CPE n’a pas été assez mûri. Les jeunes ne se posent pas les bonnes questions. J’ai le regret de constater qu’ils s’accrochent à de vieilles lunes alors qu’il est grand temps qu’en arrive une nouvelle. Mille interrogations restent encore en suspend quand elles daignent être soulevées d’ailleurs. C’est pour cette raison que je souhaiterais créer un café intergénérationnel, qui ouvrirait le débat entre jeunes et seniors sur le travail, le temps choisi, les 35 heures, l’identité, la citoyenneté, etc.

Capcampus

Et concernant les femmes plus particulièrement qu’en pensez-vous ?

Thérèse Clerc

Les femmes restent encore naïves face à leur environnement. Elles n’ont pas conscience d’être manipulées. C’est regrettable mais je ne perds pas espoir que cela change un jour.

Capcampus

Et du point de vue de la mode quel regard y portez-vous ?

Thérèse Clerc

C’est un sujet qui me passionne. J’ai longtemps travaillé dans le textile et je pense que cela manque d’innovations. Pour nous les vieilles, il n’y a que très peu de choix et il en va de même pour les femmes rondes. Je réfléchis actuellement à travaillé sur de nouvelles matières plus amples. Le stylisme est un art qui m’intéresse véritablement. D’ailleurs nous organisons régulièrement des défilés de mode avec les femmes de l’association. Chacune vient habiller dans sa tenue traditionnelle. Cela donne lieu à de magnifiques défilés de boubous et djelabas. Un régal pour les yeux !

Capcampus

Pour finir quel message souhaiteriez-vous délivrer à nos lectrices ?

Thérèse Clerc

Tout simplement : méfiez-vous des hommes. Sachez lire entre les lignes. La grammaire même est un signe de notre invisibilité. Combien de noms n’ont pas de féminins ? Souvent l’anonymat du langage est le reflet de l’effacement de la femme, et cela jusqu’aux comptes les plus populaires.