France 3 Grand Est met à l’honneur « Xavier Dolan, l’indomptable » de Laurent Beurdeley

France 3 Grand Est met à l’honneur « Xavier Dolan, l’indomptable » de Laurent Beurdeley avant même sa parution en France annoncée au 18 avril 2019.
Retrouvez l’interview de Laurent Beurdeley dans le 12/13 du 22 mars : https://www.youtube.com/watch?v=qg1g2qikUiM

attachée de presse pour le recevoir/interviewer l’auteur guilaine_depis@yahoo.com / 06 84 36 31 85

Par Florence Morel

Réactif et passionné. Tels sont les mots qui pourraient définir Laurent Beurdeley, maître de conférence à l’Université de Reims. Après un mail envoyé dans la matinée, l’universitaire rappelle immédiatement : « Si c’est pour parler de Xavier, je suis dix fois disponible. » Ce lundi, ce n’est pas d’Union européenne que nous voulons discuter avec lui, mais de Xavier Dolan, le cinéaste québécois, qui a occupé quatre années de la vie de Beurdeley.

Le 13 mars prochain, jour de la sortie française du dernier film du cinéaste, Ma vie avec John F. Donovan, sortira Xavier Dolan, l’indomptable aux éditions Du Cram à Montréal. Pour les Français, il faudra patienter jusqu’au 18 avril. L’occasion de se pencher sur la personnalité du Québécois, que le juriste appelle « Xavier ».

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Xavier Dolan ?
Laurent Beurdeley : Comme beaucoup de cinéphiles, je suis complètement estomaqué par le travail de Xavier. D’abord parce qu’il n’est pas simplement acteur, scénariste et réalisateur, mais qu’il rédige lui-même ses dossiers de presse, avec une précision extrême, et réalise ses bandes annonces.

Ce qu’on relève moins, et qui est encore plus étonnant, c’est qu’il crée lui-même les costumes. Et même Charlie Chaplin par exemple, qui créait lui-même sa propre musique, ne touchait pas aux costumes. Pour Xavier, le costume est très important.

François Barbeau, qui est une sommité du costume [il a travaillé notamment sur Laurence Anyways de Xavier Dolan, et Juste la fin du monde, sorti en 2016 lui est dédié, NDLR], a dit de Xavier qu’il avait un véritable sens du costume, ce qui est très rare. Xavier est persuadé que le costume d’un acteur peut influencer son jeu.

A ce propos, dans l’émission « Pop pop pop » sur France Inter, Kit Harrington dit, avec humour, qu’il a mal vécu le fait de changer trois fois par jour de costume sur Ma vie avec John F Donovan
L. B.: Je ne savais pas que Kit Harrington avait fait cette remarque, mais c’est marrant, car Melvil Poupaud, l’acteur principal de Laurence Anyways, a dit de Xavier Dolan : « Il a joué à la poupée avec moi. » Il a dû enfiler un nombre incalculable de costumes. Il le dit sous la forme d’une boutade, mais je pense qu’il a, au fond de lui-même, senti que ça allait un peu loin ce sens du costume.

Souvent sur un plateau, il peut discuter pendant des heures de détails avec le comédien. Car ce n’est pas Xavier qui décide seul, il a ce souci d’associer ses comédiens à ses choix.

Qu’est-ce qui vous touche dans le cinéma de Xavier Dolan ?
L. B.: Ce qui m’a toujours ému, c’est la place qu’il donne (enfin) aux femmes dans son cinéma. Xavier a toujours regretté que les femmes au cinéma, d’une manière générale, soient battues, névrosées, prostituées… toujours dans la victimisation. Or les femmes chez Xavier, les femmes sont des battantes au caractère bien trempé. Son combat, c’est de faire gagner les femmes.

En plus, il a donné des rôles à des femmes de plus de 50 ans. Rares sont les réalisateurs qui, à Hollywood ou en Europe, distribuent de tels rôles, une telle force, à des femmes.

Il donne aussi la parole à des gens « différents ». Xavier est interpellé par tous ceux qui sont « à la marge » et qui essaient de trouver une place dans la société. Ses films sont aussi une ode à cette différence. C’est ce qui fait la modernité de son cinéma : il arrive à pétrir des références littéraires, picturales et cinématographiques. Il parvient à les brasser et à créer une vision nouvelle.F3 : Combien de temps avez-vous travaillé sur ce livre ?
L.B.: 
Cela a demandé quatre années de travail sans discontinuer. Je connaissais très mal le Québec et n’avais jamais écrit sur le cinéma. Cela m’a demandé un travail important parce que je me suis basé exclusivement sur les déclarations de Xavier, qui sont très nombreuses et que je devais réinsérer dans leur contexte. Cela impliquait de mieux connaître la scène montréalaise, ainsi que le contexte politique du pays.

L’avez-vous rencontré ?
L. B.: Non, je ne l’ai jamais rencontré, ni son entourage (équipe technique ou acteurs), car je voulais préserver mon indépendance et faire un travail le plus objectif possible. Et puis j’avais peur de perdre un peu de magie. J’avais besoin de garder cette part de magie et cette indépendance pour écrire ce livre.

Votre travail a donc été de remettre en contexte l’œuvre de Dolan…
L. B.: Oui, son œuvre et ses déclarations car Xavier est un artiste très engagé au Québec. En France, on connaît plus son côté glamour dans les magazines de mode. Il a pris beaucoup de positions personnelles qui lui ont valu des attaques personnelles et des quolibets.

Outre ses engagements pour les femmes, politiques (notamment les carrés rouge, ces étudiants montréalais qui s’insurgeaient de la hausse de leurs frais de scolarité, qui ont valu beaucoup de critiques au réalisateur), qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?
L. B.: Sa trajectoire. Il décroche du système scolaire, il a à peu près 16 ans. Il n’a jamais fait d’école de cinéma… il réalise directement un long métrage. Au Québec, les cinéastes font, à 99%, une école de cinéma et commencent par des courts-métrages.

Sa véritable force, c’est de croire en ses rêves. Quelques semaines avant le tournage de J’ai tué ma mère, son premier film, il disait à l’actrice Nadia Choukri : « Tu verras, on ira à Cannes et Anne Dorval remportera le prix Jutra, sorte de César québécois, de la meilleure actrice. » Et il se donne les moyens d’y arriver.

Vous dîtes qu’il était en décrochage scolaire, mais son père faisait partie de la scène québécoise…
L. B.: Xavier n’a pas fréquenté d’école, mais ce qui a été son « école de vie », c’est que son père l’a emmené sur de nombreux doublages. C’est d’ailleurs une activité qu’il continue à exercer, malgré son emploi du temps très chargé.

Pourquoi avoir choisi le mot « indomptable » pour qualifier le cinéaste ?
L. B.: Il y a la fougue, l’énergie dévorante que son entourage (les comédiens, les techniciens) dit de lui. Le fait qu’il ne pose aucune limite à ses rêves. Il est devenu une icône pop.

Il y a une formule que l’on retrouve trop souvent et que Xavier ne doit plus supporter, c’est celle de « l’enfant terrible ». Ce n’est pas du tout un enfant terrible, car son entourage souligne souvent qu’il a « une vieille âme », c’est comme s’il avait vécu plusieurs vies. Il a une maturité et une connaissance des sentiments incroyables pour un homme qui n’a même pas 30 ans [il les aura le 20 mars prochain, NDLR], voire même 20 lors de son premier film.

C’est quelqu’un qui va au bout de ses rêves mais qui doute aussi énormément. C’est un aspect qu’on ne met pas assez en valeur. On dit de lui qu’il est orgueilleux. Certes, il l’est pour ses films, mais il reste dans le doute. Il écoute beaucoup ses équipes. Il est très directif sur un plateau, mais il a toujours cette modestie de dire qu’il a encore beaucoup à apprendre.

Si vous deviez être en désaccord avec lui ?
L. B.: Il faut qu’il finisse par accepter les critiques dont il fait l’objet. Il ne peut pas faire l’unanimité. Il le sait lui-même, qu’il est à fleur de peau. Il n’a pas été épargné après la sortie de Juste la fin du monde, ou à Toronto lors de la présentation de Ma vie avec John F. Donovan.

Maintenant que votre livre est terminé, voulez-vous le rencontrer?
L. B.: Oui et une des questions que j’aimerais lui poser, c’est : « Quel va être son cinéma maintenant ? »

Dans des interviews d’il y a deux ou trois ans, il avait laissé entendre qu’il était intéressé par le petit écran, que c’était un média qui l’intéressait. Il était question qu’il tourne l’adaptation d’un jeu de société pour la chaîne américaine Fox TV.

Il avait aussi un autre projet avec une célèbre troupe de comédiens montréalais, Les appendices, pour écrire un spectacle comique Un show la nuit, pour la télévision. Xavier a toujours regretté de ne pas laisser plus de place à l’humour dans ses films, bien qu’il y en ait !

J’aimerais beaucoup le rencontrer, et il faut lui laisser le temps de lire le livre. Il dit toujours qu’il lit systématiquement ce qui est écrit sur lui, je serais donc très flatté qu’il le fasse et qu’on se rencontre.

Retrouvez l’interview de Laurent Beurdeley dans le 12/13 du 22 mars : https://www.youtube.com/watch?v=qg1g2qikUiM

Laisser un commentaire