Plan de l’exposition de Yiming MIN à l’ESPACE CARDIN (13 au 16 décembre 2014)
Mois : janvier 1970
P
Dandy solitaire, hypocondriaque, rongé par les manies, aux prises avec d’insurmontables problèmes sexuels, Samuel Rosen vit reclus dans son hôtel particulier du VIIe arrondissement de Paris, entouré de ses livres et de ses œuvres d’art, dans le regret de ne pas être entré en analyse avec Lacan lorsqu’il avait vingt ans. Sur le point de faire publier un « livre-événement » qui fait sa fierté tout en nourrissant ses doutes et ses angoisses, Rosen cherche à apaiser ses conflits intérieurs en s’évadant par la peinture, la musique, la littérature, une ascension du mont Ventoux sur les traces de Pétrarque, un pèlerinage à Rocamadour dans les pas de Francis Poulenc… sans succès, jusqu’au jour où, à l’occasion d’une retraite chez les moines trappistes, tout bascule…
Extrait : III DIVAN
(…) Douce rêverie ! Je me revois jeune étudiant à la fin des années 60, après que la grande aventure de Mai 68 a de façon indélébile imprégné mon esprit. Des problèmes de vertige, dont je ne me suis jamais départi, ruinaient alors mon quotidien. J’aspirais profondément à devenir un pensionnaire attitré du divan de Lacan. Et pour me familiariser avec le personnage dont la légende m’attirait, j’allais jusqu’à observer ses allées et venues depuis le trottoir situé en face de son domicile. Parfois, gêné de faire le guet durant de longues heures, je feignais d’attendre un ami à la sortie de l’École des langues orientales. Que serait devenue ma vie si j’avais eu du cran à l’âge de vingt ans ? Que se serait-il passé si j’avais eu le courage de pousser la porte… cette porte du 5 rue de Lille ? Lacan m’aurait reçu dans son cabinet saturé de l’odeur âcre de ses cigares « culebras ». À coup sûr, le jeune homme que j’étais aurait été impressionné par le regard inquisiteur, perçant à travers ses lunettes. Après l’échange des quelques mots nécessaires au service minimum d’une prise de contact, le célèbre analyste se serait contenté de m’indiquer d’un geste le chemin du divan. J’aurais pris l’habitude d’y venir deux fois par semaine. Muet comme une carpe, le Dr Lacan ne m’aurait qu’écouté. Face à un mur de silence, j’aurais vécu la redoutable épreuve de l’analyse. Ma dépendance à l’endroit du médecin serait devenue de plus en plus grande au fur et à mesure que, tombant de Charybde en Scylla, j’aurais fini par atteindre le tréfonds de mon désespoir. Puis un jour, je serais tout simplement remonté à la surface. Transformé. Libéré. Mes blocages auraient trouvé leur terme. En adoptant la formule du thérapeute : « Il ne faut jamais céder sur son désir », j’aurais assouvi mes besoins de défoulement. J’aurais pris le pouvoir sur mes maux, domptant puis annihilant leurs pouvoirs ravageurs. Mon quotidien aurait alors cessé d’être une épreuve sans arrêt renouvelée. J’aurais constaté que le monde avait décidé de ne plus m’être hostile. La peur m’aurait quitté, mes craintes se seraient dissipées. J’aurais appris à gérer mon ego, à profiter des satisfactions que procurent l’échange, le partage, la générosité, l’amour. Mes doutes auraient fini de gripper le moteur de mon existence. J’aurais accepté de pouvoir être jugé et cela m’aurait permis de devenir homme d’action. Je ne serais plus ce vieux fils de famille, replié sur ses collections, vivant dans l’opulence grâce à son héritage. J’aurais peut-être même créé une famille. En tout état de cause, j’aurais cessé d’être l’esclave de mes angoisses, la victime de mon enfermement. Mon extrême susceptibilité, mes perpétuelles contrariétés seraient devenues des prétextes à sourire, des obstacles transformés en tremplins. Mes vertiges se seraient limités à la peur de tomber. J’aurais entrepris, modelé mon avenir, fabriqué mon destin. Mon ouverture au monde m’aurait tout simplement tracé la voie d’un bonheur possible. (…)
L’Oreille de Lacan
Auteur : Patrice Trigano
Genre : Roman
Collection : Littérature
Date de parution : 2015
Editeur : La Difference
Pen-Club (28 avril 2010)
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S.O.S. Chômage – (ceci est une bouteille à la mer)
S.O.S. : Je suis furieusement à la recherche d’un nouvel emploi (communication, rédaction, études, relations presse et publiques, événementiel) dans l’un des domaines que je connais (édition, politique, arts, culture, média) depuis le 8 juillet 2010, date à laquelle j’ai perdu mon emploi aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque, licenciée pour motif économique – C’est un poste que j’occupais avec les résultats en matière de communication que l’on peut observer sur ce blog que j’avais créé seule le jour de mon embauche, le 17 avril 2007. (iie 3 ans 3 mois)
Les temps étant comme chacun sait très difficiles pour les chômeurs (et spécialement pour les chômeuses, comme diraient mes anciennes employeuses), je serais heureuse d’étudier n’importe quelle piste ou proposition de travail. Mon CV sur simple demande à guilaine_depis@yahoo.com, j’accepte tout rendez-vous.
Me contacter au 06 84 36 31 85. Je vous remercie de votre attention et de votre aide car j’en ai besoin. Il fut démontré dans plusieurs soirées-débats à l’Espace des Femmes combien cette odyssée de l’emploi était RUDE (la violence de la crise économique frappant tout le monde doublée de la violence des hommes sur les femmes en situation de faiblesse) pour les femmes aspirant pourtant à travailler et à gagner leur vie en toute indépendance. G.D.
Natalie Mei
« Le fil et la main », « les tapis minuscules » et « autres fils de la pensée »
NATALIE MEI
Née le 17 octobre 1948
Diplômée de l’Université de Vincennes, en philosophie et sociologie.
Restauratrice de tableaux depuis 1980.
Première exposition de dessins à l’encre de Chine, en 1978, au Centre Buref, La Défense 2, avec Christian Vallerin et Thomas Stern.
Deuxième exposition en 1989, de portraits, collages et travaux sur papier, à la galerie de Dona Levy à Paris.
Collaboratrice et area revue)s(, des premiers jours de la création de la revue, jusqu’en 2009.
Six livres faits de textes et d’entretiens, avec des artistes, Claude Yvel, Christian Sabas, Hervé Half, Marianne Le Vexier, Benjamin Lévêque, Bruno Durieux.
Troisième exposition de broderies à l’Espace des femmes-Antoinette Fouque, 35 rue Jacob à Paris en juin et juillet 2010.
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Skoura, le Haut-Atlas marocain 1948-1952
Les étendues fictives, premier souvenir
…De la terrasse de la casbah, j’ai vu un homme s’éloigner. L’air brûlant traversait son corps, en dessinait les contours. Son vêtement flottant disparaissait dans le paysage. Au-delà de la perspective, je tendais les bras vers lui. Un son proche, sourd et strident m’affolait. Derrière les murs de la maison, des femmes chantaient et dansaient l’houache, balançaient leurs corps et leurs visages encerclés de bijoux d’argent.
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Casablanca 1953-1957 Cendrillons. Taffetas, soieries, dentelles et broderies. Nos jeunes mères créent des robes merveilleuses, sous la direction de l’une d’entre elles, créatrice de haute-couture.
Corse 1976-Paris 1978
Les infinis minuscules, que d’alvéoles dans les encres et les mères de Chine !
La dessinatrice mise à nu par sa quasiment épouse même
Je suis donc sa future, songeait-elle, ignorant qu’elle s’était quelque part prise au pied de la lettre et que, future, elle le resterait toujours. Médusée, il lui fallut pourtant reconnaître assez vite qu’elle ondoyait et girait entre deux eaux autour d’un commandement émanant directement du Grand Agitateur des Flots. Ce commandement, en forme de tourbillon vertigineux, n’énonçait rien – le Grand Agitateur des Flots négligeait la parole – mais il rayonnait d’une lumière suffisamment aveuglante pour conférer à toute présence, fût-elle passionnée et dense, une consistance opaline.
En deça des banquises, la petite marquise. Peut-on crier terre quand lèvres, gorge, langue et dents n’engendrent qu’évanescentes échappées de bulles, chenilles cristallines, bousculades d’éboulis miriphiques et diaphanes, vermine transparent et sans suite – à peine éclose, déjà usée et disparue ? Toujours promise, la reine mère automatique de l’aphasie amoureuse fait pulluler le silence de l’onde qui gonfle et soulève la corolle blanche de la robe nuptiale. L’engouffrement sous elle du courant liquide la métamorphose à contre temps ; dénudée jusqu’au ventre, la voici papillon puis encapuchonnée de la taille aux cheveux, semblable à celle qui garantit, immense et blême, la fécondité des termites.
« Que d’alvéoles sans larve ! », s’exclame, sidérée l’étoile des mers de Chine. « Bois l’encre pesante de nos seiches, armes-toi de l’acier des grands axes, hérisses et métallises les canules innombrables de ta longue chevelure, tu gagneras la chance de te désengloutir… »
De sa nacelle, la demoiselle déploie vers la terre le faisceau de tiges souples et creuses qui orne désormais sa tête. Un foisonnement trouble, identique au frisson, parcourt le système quand l’encre s’écoule dans chacune des seringues qui tracent toutes ensemble des cercles et des lignes, aux dimensions multiples. Mais gardez-vous de convoler ou de solliciter la caresse, même passagère, d’une telle chevelure. Ces aiguilles refoulantes peuvent choisir d’aspirer : en matière de globules, elles ne laissent que les blancs.
On dit pourtant qu’au sol ils ont, depuis longtemps, secoué l’arbre ancien. Le goût du sang leur revient parfois à la bouche, qu’ils parlent ou qu’ils se taisent. Mais d’aimables taureaux leur ont enseigné l’art de l’esquive. Nul mammifère n’ignore en effet que la danseuse doit, fût-ce à coup de cornes, se trouver pour danser, délivrée du diamant.
Juin 1978 Thomas Stern
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Paris 1982
Court-métrage « Le théâtre de Salomé »
Mise en scène et réalisation Natalie Mei, Déa Villarreal, Bernard Henriot.
Découverte de l’Amérique – 1985
…Rien, absolument rien ne nous sépare. Derrière cette façade d’indifférence, peut-être suis-je un monstre de tendresse et elle un monstre de sensualité ? Ou l’inverse. Qui sait ? Ceci s’achèvera peut-être dans un autre monde, ou dans une vie antérieure, par une orgie ou un délicieux chaos sentimental. Mais pour l’instant nous sommes plutôt Tristan et Yseult, entre nous Dieu a placé une épée en signe de chasteté.
Etant partie dix heures avant, elle en sort déjà du côté de l’Islande. Ainsi, en ce moment même, l’espace géographique d’une nuit nous sépare. Bien d’autres nuits nous ont séparés, qui n’avaient rien de géographique. Cette dernière séparation nocturne par les fuseaux horaires, elle, heureusement, est poétique et rachète les autres. Cette nuit-là, fut la dernière, nous l’avons réussie. Jean.
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< span style="font-size: small;">Paris 1989 – galerie de Dona Levy
Portraits de papiers collés de… Arthur Rimbaud, Fernando Pessoa, Samuel Beckett, Delphine Seyrig, Van Gogh, Malévitch et… d’autres…
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Paris 1990-1991-1992
Les espaces intérieurs monochromes
Commandes de grand format, trois couleurs
Traversée de la mer rouge
L’être aimé dans le bleu
La maison en feu
…La vieille dame disait, le Rouge perdure, le Jaune évolue, le Vert disparaît. Assise sur la margelle d’un puits, coiffée d’un chapeau de paille, habillée d’une robe grise d’écolière, ô nolches, ô nolches, chantait-elle…
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Texte de Dona Levy, 14 mai 1992
L’âme animale aime le lin
La liane et le matin
Aime le lit et la taie
Le miel et le lait
Le malt et la mie
L’amante en a manie
Même l’amie et la lie
A l’Italie la Mei
Ni ment, n’imite
Ni mante ni natale
Latine
En mai
L’an mil le lien
A l’intime amant
Mâtiné malien-anamite
Il lit l’âme en ta main
Laminant, minant
Lame en main
Le malin, l’âne
Ta mine nie le mal
Tel le mien, tel le mien
Animé, la mâle
Entâme net la mâne
Natalie, ne te lie,
Anti-mite matinale
A la lente mite alitée
Aimant la laine
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Paris 1993
Autres portraits de papier et exercices de disparition, dans les blancs.
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Paris 2001-2003
Textes
… « une femme doit restaurer un inédit de Blanchot. Une peinture, un texte, des pierres précieuses incrustées dans la toile. Elle lave le tout. Le texte s’efface. La peinture disparaît. Le papier est devenu glacé, vierge…
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Paris 2008-2009-2010
Le fil et la main.
Les tapis minuscules et autres fils de la pensée
Mes tableaux brodés sont tels de petits jardins clos dans lesquels, au fil des sentiments, au fil de la pensée, je brode à la main, point par point, du centre à la périphérie, de la périphérie au centre, les lignes et les courbes, les arabesques qui dessinent mes paysages mentaux, allusions à des lieux d’apparition, lieux de méditation active.
Comment faut-il faire advenir ce qui peut rester invisible ?
J’ai adopté le travail à la main, du fil et de l’aiguille, parce qu’il oblige à la lenteur, la patience, la réserve, le silence.
Recluse entre mes quatre murs, je scrute par la fenêtre le
s ouvertures de l’immeuble qui me fait face et suis les envolées de mouettes parisiennes entre le canal et la gare de l’Est…
Recluse entre les quatre murs de Jeanne que j’accompagne depuis quatre ans, en son très grand âge, jusqu’à son dernier sourire qu’elle m’a esquissé en mai…
Je choisis les couleurs des fils qui s’enrouleront en points les uns dans les autres pour former les dessins qui me sortiront de l’obscurité d’où l’on vient et feront découvrir les joies qui nous donnent vie.
Je recherche assidûment ce qui peut m’ouvrir à la réflexion, sans précipitation.
L’utilisation que je fais librement du fil et de l’aiguille, sans machine, rejoint sans doute chez moi un goût certain pour le paradoxe qui me semble nécessaire et vital en cette époque si agitée.
Reportage sur les îles en Bretagne dans Télé 2 semaines, citant celle de la Fondatrice du MLF, Antoinette Fouque
Brillant, le Golfe du Morbihan par Sophie Denis (reportage dans Télé 2 semaines du 15 au 28 août 2009)
Bretagne. Semis d’îles, ports colorés, sites mégalithiques… Le mor bihan, ou petite mer en breton, fait partie du club des plus belles baies du monde. (…)
Un tumulus vieux de 8 000 ans (…) On compte une quarantaine de « vraies » îles (Île-aux-Moines, île d’Arz…) et des semis de gros rochers et d’îlots, certains privés (Yves Rocher et Antoinette Fouque, fondatrice du MLF, ont les leurs), d’autres habités par les seuls cormorans. (…)
Mariage Fabienne Servan-Schreiber + Henri Weber (Présence d’Antoinette Fouque), « Monde » du 3.10.07 par Ariane Chemin
Monde du 3 octobre 2007 : La Gauche à la noce (la phrase importante est en rouge surligné !!!!)
Gare aux trompettes de la renommée. Par un bouche-à-oreille très parisien, le mariage de Fabienne Servan-Schreiber, productrice de cinéma et de télévision, et d’Henri Weber, héros trotskiste devenu député socialiste européen, s’est transformé en quelques jours en un petit happening politique, échappant malgré eux à ses organisateurs. Restes d’une belle lucidité soixante-huitarde, génération qui aime tant se raconter ? Nombre des 800 invités de la fête ont éprouvé l’envie de rapporter, les jours suivants, leur soirée du samedi 15 septembre, sentant confusément que, sous les rampes du Cirque d’hiver, s’était dessiné un tableau allégorique. Ou devinant que, dans ces retrouvailles de la gauche arrivée, s’était écrite, volens nolens, une petite fable.
Quand ils ont trouvé le carton d’invitation dans leur boîte aux lettres, grâce au carnet d’adresses impeccablement tenu de « Fabienne », certains se sont d’abord demandé : « Comment ? Ces deux-là ne sont pas encore mariés ? » Beaucoup ont souri sans méchanceté : « Ce vieux soixante-huitard d’Henri souscrit même au rite bourgeois et passe la bague au doigt devant monsieur le maire ! » Le dernier samedi de l’été, jour de ciel bleu, de Vélib’ et de Technoparade, ce couple star de Mai 68, en présence de ses trois grands enfants, s’est donc dit « oui » devant Bertrand Delanoë, avant d’être accueilli par les clowns du Cirque d’hiver. Une adresse fameuse, entre République et Bastille, là où, au XXe siècle, quand elle gagnait encore les élections présidentielles, la gauche fêtait ses victoires, fidèle au Paris ouvrier et rebelle.
Avec la Mutualité, le Cirque d’hiver demeure l’un des lieux de mémoire parisiens. C’est ici, sur la piste aux étoiles des Bouglione, qu’est né le MRAP, organisation antiraciste, en mai 1949. Là que se sont tenus quelques célèbres meetings de campagne de François Mitterrand, Lionel Jospin, puis Ségolène Royal. Là que s’est souvent réunie en messes unitaires la gauche partisane et syndicaliste. « On se fait une Mutu ? » « On se tente un Cirque ? », demandaient les responsables. La « Mutu » est moins chère – entre 12 000 et 15 000 euros la salle -, mais le « Cirque » est plus vaste. Or, a expliqué sur la piste Denis Olivennes, le patron de la FNAC, dans un compliment bien troussé : « Quand on se marie à 25 ans, on invite 50 amis ; à 35, 200. Quand on se marie beaucoup plus tard, on en reçoit 800. Et avec les connaisssances, il leur aurait fallu le Stade de France ! »
Durant la campagne présidentielle, Fabienne Servan-Schreiber, indéfectible soutien de la gauche, avait réuni artistes et intellectuels prêts à soutenir Ségolène Royal dans un gymnase parisien. A 63 an, le marié, lui, est un lieutenant fidèle de Laurent Fabius, comme son ami Claude Bartolone, y compris lorsqu’il lui a fallu dire non à la Constitution européenne. Foin des querelles entre ex-trotskistes, des oukases contre ceux qui lorgnent trop, depuis quelques mois, vers la droite : du groupe trotskiste lambertiste OCI aux hauts fonctionnaires centristes des Gracques, ce soir-là, Henri Weber réunissait gaiement tout le monde.
Lionel Jospin et son épouse, Sylviane Agacinski, dînaient à quelques tables de la présidente de la région Poitou-Charentes, venue avec ses enfants. « Il paraît qu’il a écrit un livre terrible et ignoble contre moi », confiait-elle à ses voisins (c’était deux jours avant que Libération ne publie les extraits chocs de L’Impasse – éd. Flammarion). Entre deux avions, Dominique Strauss-Kahn, alors futur patron du FMI, honorait les mariés de sa présence. « On le regardait déjà différemment, il est devenu international », s’amusait un convive.
Enfin, last but not least, la gauche sarko-compatible, des chargés de mission aux ministres, avait fait le déplacement en masse : l’ex-patron d’Emmaüs, Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner – une des vedettes de la fête. « Il est resté tard, pour montrer qu’il n’avait pas de problème avec sa famille politique, commente un invité. Quand on pense en revanche à tout ce qu’Henri lui a donné, Fabius aurait pu s’attarder. » Arrivé pour le cocktail, l’ancien premier ministre est reparti avant le dîner…
Est-ce la présence des banquiers – Bruno Roger, le patron de Lazard, Philippe Lagayette, de chez JP Morgan, ou Lindsay Owen-Jones, le patron de L’Oréal ? Celle des ténors du barreau, ou des patrons de télévision – Patrice Duhamel, Jérôme Clément, Patrick de Carolis ? « C’était comme si la gauche n’avait pas perdu les élections », sourit un membre de la noce. « Si on n’est pas invité ce soir, c’est qu’on n’existe pas socialement », souffle le psychanalyste Gérard Miller à ses camarades de table. Patrick Bruel, Carla Bruni ou Julien Clerc… Mélange des étiquettes et des genres provoquent toujours quelques scènes dignes du cinéma, comme l’arrivée spectaculaire de Georges Kiejman accompagné de Fanny Ardant, ou le compagnonnage du journaliste Jean-François Kahn, patron de Marianne, avec Alain Minc, ami du président de la République.
S’ils sont tous là, c’est parce que la petite histoire des héros de la soirée a rencontré celle de la gauche. Leurs vies militantes se sont emmêlées avec la grande politique, puis, une fois la gauche au pouvoir, avec la réussite. Avant de devenir sénateur à Paris puis député à Bruxelles, le fabiusien Henri Weber fut un enfant de Mai 68. Cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) avec Alain Krivine, il a dirigé Rouge, le journal de l’organisation trotskiste, qu’il a créé avec les droits d’auteur de son Mai 1968 : une répétition générale – réédité tous les dix ans en « poche ». Pour le mariage, Fabienne portait d’ailleurs une robe bustier écarlate, dessinée par Sonia Rykiel. Et c’est une ancienne claviste de Rouge, Sophie Bouchet-Petersen, devenue « plume » et amie de Ségolène Royal, qui prononça le deuxième discours de la soirée. « Les bonnes formations passent les années ! », applaudit en expert l’un des trotskistes de la fête au Cirque d’hiver.
C’est justement là, en juin 1973, que s’est nouée l’idylle. Avec la petite caméra qui ne la quitte jamais, une jolie étudiante filme, devant le bâtiment, la foule qui proteste contre la dissolution de la Ligue communiste, après les affrontements violents qui ont opposé ses militants à ceux du groupe d’extrême droite Ordre nouveau. A l’intérieur, Jacques Duclos, secrétaire général du PCF, s’indigne – grande première – des ennuis causés aux « gauchistes » par le ministre de l’intérieur, Raymond Marcellin. Perché sur un feu rouge, un jeune homme vocifère dans son mégaphone et tempête contre l’emprisonnement du camarade Krivine. Belle gueule, bel esprit. Dans le viseur de sa super-8, Fabienne Servan-Schreiber tombe amoureuse du fils d’immigré d’Europe de l’Est grandi à Belleville…
L’avantage, quand on devient célèbre et qu’on se marie tard, c’est qu’on échappe aux discours potaches et aux mauvaises vidéos amateurs. De sa maison de production, Cinétévé, Fabienne Servan- Schreiber, scénariste et réalisatrice du film de ses noces, a tout prévu. Côté archives, le fonds « maison » est large. On peut aussi puiser dans celui des invités : Romain Goupil et son Mourir à trente ans, les épisodes de Génération des historiens de Mai 68 Patrick Rotman et Hervé Hamon…
La mariée a confié les commentaires du film-souvenir, Trente-quatre ans de fiançailles, à l’un des plus solides amis du couple, celui des bons et des mauvais jours : Régi
s Debray. Devant Edgar Morin et un parterre d’intellectuels sexagénaires, le philosophe peut enfin commenter à sa sauce les fameux « événements » d’il y a presque quarante ans et… leur apothéose. Les Weber cabotant le long des côtes dans leur caïque turc à voiles plutôt qu’en croisière sur le Paloma, n’est-ce pas la dernière différence entre la droite et la gauche ? « Tendres sarcasmes », signe Régis Debray au générique.
Ont-ils trop vieilli, l’ont-ils trop aimée, la révolution ? Sur la piste, une fois le sirtaki de Bernard Kouchner et de Christine Ockrent fini, il n’y eut vite plus que les enfants des invités pour danser sur les « compil » du DJ déniché par « Fabienne » au festival du documentaire de Biarritz. Lionel Jospin est resté assis sur le bord de la piste. Le dernier carré des révolutionnaires est parti se coucher, après avoir exhumé, tristes et désolés, les jolis coups et les bons mots de l’ami Jean-François Bizot, grand absent de la fête, mort juste une semaine plus tôt.
Des convives présents, on n’a guère entendu que le chercheur Patrick Weil protester, les jours suivants, contre la politique d’immigration du nouveau gouvernement. Invité aux noces, Alain Krivine avait décliné l’invitation.
« Que le très fabiusien Henri Weber se marie, c’est son droit le plus strict, commentait Rouge d’une brève, le 21 septembre. Qu’il organise un dîner politico-mondain où se sont retrouvés, outre le panel des dirigeants socialistes, la députée UMP Françoise de Panafieu et Bernard Kouchner, le va-t-en-guerre, montre que nous ne vivons pas dans le même monde et que nous n’avons pas la même conception de la politique. » Cette fois-ci, c’est Krivine qui jouait les trouble-fête. Pour parfaire la légende, il faut toujours quelques absents au banquet de la jeunesse disparue.
Ariane Chemin
Article paru dans l’édition du 03.10.07.
Mariage bis par Anna Borrel dans « Marianne » du 11 octobre
Le mariage de Weber ou le portrait d’une gauche sans le peuple
En célébrant avec faste son mariage, Henri Weber est devenu le bouc émissaire de la mauvaise conscience de la gauche. Le reportage d’Ariane Chemin dans Le Monde met le PS dans l’embarras. Explications.
« Pour une fête, c’était une belle fête, huit cents invités qui se pressaient sur la piste et les grains au Cirque d’hiver, à Paris. » Ainsi commence un article d’Ariane Chemin, publié dans Le Monde du 2 octobre qui, depuis fait couler beaucoup d’encre. L’objet de son reportage : le mariage d’Henri Weber et de Fabienne Servan-Schreiber, une festivité à laquelle la journaliste n’avait pas été conviée, mais dont « on » (le tout Paris des patrons de presse, du show-biz, du monde des affaires et des personnalités politique de tout bord) lui a tellement parlé qu’elle a pu la décrire par le menu. Ariane Chemin met en scène la soirée qui a réuni l’élite parisienne autour d’un couple d’amoureux de la gauche. En creux, elle retrace le parcours d’Henri Weber, « idéologue du Parti », « fidèle lieutenant de Laurent Fabius », ex-trostkiste, et d’une productrice « indéfectible soutien de la gauche » qui a soutenu Ségolène Royal pendant la campagne. Entre dérive tectonique des socles idéologiques nés des années 68, strass de la jet set parisienne et réunion de famille politique, la description le cède à peine à l’analyse. Pourtant, un vrai malaise hante le PS depuis sa publication.
Malaise dans la section
Ariane Chemin a été étonnée par le nombre de réactions que son papier a suscitées : « De nombreux lecteurs m’ont appelée, beaucoup de confrères aussi ». Dès le lendemain de sa parution, la quasi totalité des revues de presse l’évoquent sur les grandes stations de radio. L’article n’échappe pas à Pierre Marcelle, dans Libération (le 08/10/07), et surtout se propage sur les sites et les blogs d’extrême-gauche. Cet instantané d’un PS festoyant quelques semaines après la cuisante défaite électorale présidentielle dérange, et pas seulement parce qu’il se clôt sur quelques paroles moralisantes d’Alain Krivine, invité, l’un des rares à ne pas s’être dérangé au motif qu’il n’appartiendrait « pas au même monde » que son vieux pote Weber. Ariane Chemin se défend d’ailleurs d’avoir voulu stigmatiser une quelconque « gauche caviar ». Interrogées sur l’image que cet article donne du PS, de nombreuses personnalités de gauche reconnaissent leur embarras mais refusent d’en dire plus. En off, les propos évasifs et hésitants se ressemblent, entre défense du marié (« Henri est quelqu’un de sympa », « il a vraiment bossé pour le parti »), condamnation du bout des lèvres (« c’est vrai que c’était très ostentatoire comme soirée »), et condamnation de l’article («c’était un événement privé»).
Sur ce dernier point, la journaliste répond : « c’était effectivement privé, mais c’est devenu un événement politique dès lors que tous les cadres du PS y étaient alors qu’ils n’étaient pas tous aux universités d’été de La Rochelle, dès lors que cela a donné lieu à une brève dans Rouge, le journal de la LCR, et dès lors que Lionel Jospin répond, lorsqu’on lui demande sur France Inter s’il a des contact avec Bernard Kouchner : « Oui, je l’ai vu au mariage d’Henri Weber. » ». Précisons qu’il y avait aussi ce soir-là d’autres transfuges de la gauche au gouvernement comme Jean-Pierre Jouyet et Martin Hirsch, et qu’étaient aussi présents la député UMP Françoise de Panafieu, et quelques hommes de médias peu suspects de gauchisme, tels Alain Minc ou Patrick de Carolis, dont il n’est pas dit que sa carrière ne bifurquera pas prochainement vers la politique…
Cristallisation du vide
Fort discrets sur cet évènement, les dirigeants du PS ont sans doute été gênés par la justesse et le cynisme de la phrase du psychanalyste Gérard Miller selon laquelle « Si on n’est pas invité ce soir, c’est qu’on n’existe pas socialement », phrase qui renvoie assez peu à une certaine idée que l’on se fait de la gauche. Plus courageux que les autres ? Seul Manuel Valls accepte de s’exprimer à voix haute sur le malaise général : « Le portait que dresse cet article n’est pas faux, même s’il est un peu caricatural, confie-t-il, en précisant qu’il n’était pas invité et que, lui aussi, apprécie beaucoup Henri Weber. Je ne suis pas pour une gauche de moines-soldats en cols mao, et ce n’est sûrement pas à la LCR de nous donner des leçons. La vision donnée par Ariane Chemin rappelle des éléments très positifs de ce qu’a construit cette gauche issue de mai 68 et des réseaux qui se sont fortifiés dans les années 70-80. Mais cet article nous rappelle aussi que, quand on est de gauche, il faut faire attention aux symboles. On a des responsabilités. Sans prôner l’ascèse, je dis juste qu’on ne peut pas critiquer les vacances jet set du Président sans faire nous-même un peu attention. »
Premier élément de réponse : le parisiannisme de la fête, le côté mondain, la peur d’apparaître trop bourgeois, fait peut-être encore partie des complexes de gauche. Mais pour le philosophe et sociologue Jean-Pierre Le Goff, le malaise vient de plus loin. « Ce qui est choquant, ce n’est pas le mariage d’Henri Weber. Les gens ont le droit de se marier comme ils le veulent et de rassembler leurs amis pour faire une fête. Ce papier fait en réalité très mal à cause du contexte dans lequel il s’inscrit. J’ai parlé avec de nombreux militants socialistes choqués par cet article. Ils ne s’y reconnaissent pas, et pour cause : le grand absent de cette soirée, c’est le peuple. Depuis les années 1980, le corps doctrinal du PS est en lambeau et, peu à peu, des classes populaires qui se sont mises à voter à droite. En fait, c’est le vide qui succède à la gauche de 68. Ces festivités illustrent le fossé qui sépare aujourd’hui ce Parti du peuple de gauche. » Le mariage du malheureux Henri Weber, qui ne souhaitait sans doute pas sa médiatisation, sert ainsi prétexte à la cristallisation d’un sentiment diffus, sur fond d’un PS plus que jamais en crise identitaire. Et la «photographie» que donne Ariane Chemin alimente un soupçon chez ceux dont le coeur bat à gauche : l’impression que, malgré d’apparents différends, la « famille » PS reste unie, mais qu’elle les a abandonnés.
Jeudi 11 Octobre 2007 – 08:32
Anna Borrel
Claude Jetter
CLAUDE JETTER, Photographe
PRIX
1989 Lauréate de la Dotation AGFA/FORUM-PHOTO dans le cadre du XI° FESTIVAL « OFF » en Arles.
Primée par le Jury GALERIE D’ESSAI Dotation PHOTO-SERVICE aux RENCONTRES INTERNATIONALES DE LA PHOTOGRAPHIE en Arles.
1990 Primée par PHOTOGRAPHIE-CHRIST (thème « les bijoux »).
Primée par PHOTO-REPORTER (thème « l’émotion »).
1992 Primée par la BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN DES PAYS FRANCOPHONES de Sénart.
1994 Primée par LEICA (thème « fascination du noir et blanc »).
EXPOSITIONS COLLECTIVES
1988 ASSOCIACAO CULTURAL DE FOTOGRAFIA E CINEMA AMADOR de Braga (Portugal).
1991 MONAT DER FOTOGRAFIE à Kleve (Allemagne).
1993 GALERIE CONTRFJOUR à Paris.
1994 GALERIE XJH en Arles.
GALERIE D’ESSAI – R.I.P. d’Arles.
1994-95 BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE – GALERIE COLBERT à Paris.
« La matière, l’ombre, la fiction ».
1996 2ème MOIS « OFF » DE LA PHOTOGRAPHIE A PARIS.
1997 ESPACE QUARTIER LATIN à Paris.
BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE France – SAGA à Paris « De main de maître ».
EXPOSITIONS PERSONNELLES
1990 MOIS DE LA PHOTO à Paris
; Agnès b.
1991 ESPACE QUARTIER LATIN à Paris.
FOTOGALERffi IN DER SCHWANENBURG à Kleve (Allemagne) – « Babyportraits ».
1993 GLASHAUS GALERIE FUR NEUE FOTOGRAFIE à Singen (Allemagne).
COLLECTIONS
BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE
MAISON EUROPEENNE DE LA PHOTOGRAPHIE
ARTOTHEQUE DE SENART PRIVEES
PARUTIONS
1989 à 1998 Portfolios dans PHOTOGRAPHIE (Suisse, FOTOGRAPHY (Angleterre), FOTOMAGAZIN (Allemagne), FOTOGRAFIE (Tchécoslovaquie ), LA FOTOGRAFIA (Espagne), PHOTOBLATTER (Allemagne), Sh.I.N.C (Japon), ENFANTS MAGAZINE.
LA RECHERCHE PHOTOGRAPHIQUE, CAMERA INTERNATIONAL, PHOTO-REPORTER, PHOTOMAGAZINE, PHOTONEWS (Allemagne), COMMERCIAL PHOTO TOKYO (Japon).
LE MONDE, LIBERATION, ACTUEL, ENFANTS MAGAZINE, FORALDRAR & BARN (Suède), FRANKFURTER ALLGEMEINE ZETTUNG, L’ESPRIT LIBRE, LE MONDE DE L’EDUCATION.
Edition ABBEVILLEPRESS « Sourires ».
TRAVAUX
1988 à 1990 Photos de plateau de télévision A2 : « Du côté de chez Fred ».
1989-1993 Cartes postales ADMIRA.
1991 ENFANTS MAGAZINE.
1992 LIBERATION.
1993-1994 Photos de publicité.