Le Monde diplomatique a bien lu Pablo Daniel Magee
Mois : octobre 2020
Actualités du Jour repère Pierre Ménat
Argoul sensible à l’immense travail de recherche de l’auteur décrit une « évocation captivante » de Martin Akmada
Ce livre est un « roman vrai » et raconte l’histoire de Martin Almada, rencontré en mai 2010 lors d’une mission au Paraguay pour l’ONG Graines d’énergies par un journaliste français d’alors 25 ans formé à Londres. Martin jouait pieds nus à 6 ans dans la boue avec les petits indiens Chamacoco de Puerto Sastre. Il aimait l’école et apprendre, vendant les beignets de sa grand-mère aux lycéens avant d’écouter les cours sous leurs fenêtres puis de réussir des études. Il deviendra le premier docteur (en sciences de l’éducation) du Paraguay, formé à l’université nationale de La Plata en Argentine à 37 ans. Mais il reste du peuple, axé vers la pédagogie, seul moyen de sortir de l’esclavage moderne des patrons et des militaires.
Ce sera son chemin de croix. Contestataire marxiste version Fidel Castro, qu’il rencontrera tard dans sa vie, il éduque ses enfants et ses élèves à l’esprit critique dans le meilleur des Lumières. Il fonde une école, l’institut Juan Baustista Alberdi à San Lorenzo, dont la pédagogie conduit la plupart de ses élèves au bac. Il poursuit ses études de droit et devient avocat en 1968, à 31 ans. Mais il évite le dictateur Alfredo Stroessner, omniprésent président depuis 1954 de ce petit Etat enclavé du Paraguay, et le titre de sa thèse sur l’éducation dans son pays le fera soupçonner de « communisme ». Or on ne badine pas avec cette peste rouge depuis l’arrivée au pouvoir sans aide extérieure de Castro à Cuba. Les Etats-Unis mettent en place en 1975 un cordon sanitaire idéologique, financier et militaire pour contenir la gangrène. C’est l’opération Condor qui vise, sous l’égide de la CIA, à coordonner les renseignements de six Etats latino-américains dictatoriaux : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay et Uruguay.
Alfredo Stroessner a utilisé Condor à des fins de politique intérieure pour faire arrêter et torturer ses opposants. Le dictateur a été élu et réélu sans qu’aucun citoyen ni aucun intellectuel ne s’en émeuve vraiment, sauf ceux de l’extérieur qui voulaient imiter Che Guevara. Seul ou presque, Martin Almada a fait front.
Ce roman se lit très bien. Martin Almada sera arrêté, torturé un mois puis détenu trois ans dans les prisons et les camps de Stroessner avant d’être libéré en 1977 sur pression d’Amnesty International et alors que le monde change. Le Mur communiste va bientôt tomber en révélant la face sombre du communisme : une « vérité » révélée qui ne supporte pas qu’on la contre. Martin s’établira au Panama puis en France à Paname, où il travaillera pour l’UNESCO. Lorsqu’il pourra revenir au Paraguay, une fois le dictateur renversé, ce sera pour découvrir en 1992 cinq tonnes d’archives de la terreur, enterrées sous un bunker de la dictature, et les révéler au public.
Le concept de Condor a toujours obsédé Martin Almada et l’a poussé à en savoir plus, à recouper les informations de la revue de la police, à interroger des témoins ou à recueillir des confidences. Pour son combat pour les libertés, il reçoit en 2002 le prix Nobel altermondialiste, le Right Livelihood Award fondé en 1980 pour récompenser ceux qui trouvent des solutions concrètes aux défis écologiques, d’éducation et de justice dans notre monde.
Au total, une évocation captivante qui romance la geste peu connue de Martin Almada, humble demi indien du Paraguay, sur les années sombres de la lutte anticommuniste durant la guerre froide.
Pablo Daniel Magee, Opération Condor – Un homme face à la terreur en Amérique latine, 2020, préface de Costa Gavras, édition Saint-Simon, 377 pages, 22.00 €
Pierre Ménat dans Le Point par Emmanuel Berretta
Un nouveau traité européen, pourquoi pas ?
Telle est la proposition de Pierre Ménat, ancien diplomate et conseiller de Jacques Chirac, qui publie « Dix Questions sur l’Europe post-covidienne. »
Entre les éructations d’Erdogan et la crainte d’un reconfinement, y a-t-il encore de la place pour la réflexion européenne ? C’est parce que nous le croyons que le livre de Pierre Ménat Dix Questions sur l’Europepost-covidienne (L’Harmattan, 97 pages) mérite d’être lu. Cet ancien conseiller aux affaires européennes du président Chirac pose 10 questions « entre défiance et puissance » (tel est le sous-titre) au moment où tous se demandent si l’Europe est capable tout à la fois de protéger les Européens, de bâtir des stratégies industrielles, de défendre une monnaie forte face au dollar, de contrer le retour des grands empires ou s’il ne vaudrait pas mieux revenir au « chacun chez soi »…
Pierre Ménat propose, in fine, un nouveau traité. On entend déjà les sceptiques s’indigner d’un nouveau transfert de souveraineté. La source d’inspiration de ce diplomate retraité est puisée dans l’œuvre inachevée d’un grand homme : le général de Gaulle, promoteur d’un plan Fouchet mort-né. On ne fera pas de l’Europe une puissance respectée et respectable sans se choisir des partenaires fiables et susceptibles d’affirmer une position dans le monde.
Le retour du plan Fouchet
Revenons donc à la source : le général de Gaulle distinguait nettement le marché commun de la souveraineté en matière de défense et de politique étrangère. Il jugeait du reste la seconde plus impérieuse que le premier. Le plan Fouchet a été rejeté au début des années 1960, car, comme le rappelle Pierre Ménat, les Belges et les Néerlandais ne le trouvaient pas assez atlantiste et souhaitaient y inclure le Royaume-Uni. Ils redoutaient l’hégémonie de la France, surtout entre les mains du général…
Or, Pierre Ménat fait l’inventaire des obstacles révolus : le Royaume-Uni est entré, puis sorti de l’Union ; les États-Unis se désengagent ou le prétendent de la sécurité européenne ; le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, créé dans les années 1970, a pris un essor considérable, conformément à ce que souhaitait de Gaulle… L’auteur y voit donc une opportunité : « Rassembler, écrit-il, ceux des États européens qui auraient la volonté de s’engager dans une Union étroite mais respectueuse des identités nationales. Mettre sur pied un Conseil de sécurité européen, indépendant des institutions de l’UE, qui traiterait des affaires étrangères et de la défense, mais qui pourrait élargir son action à d’autres domaines non couverts, ou insuffisamment, par les traités actuels, comme la santé, la culture ou la recherche. Bien entendu, un lien s’établirait entre cette Union politique et l’Union européenne. »
Josep Borrell, vaillant mais peu écouté
D’abord, on notera que la Commission et le Parlement n’en sont pas. Les institutions de l’UE ont été édifiées un peu au petit bonheur la chance des ouvertures politiques en ratant plusieurs fois le coche de l’approfondissement au moment des élargissements successifs. On se retrouve au bout du compte avec un ensemble qui poursuit plusieurs logiques sans jamais les rattraper : un bout de fédéralisme par-ci, un morceau de confédération par-là, une couche d’organisation internationale qui n’accueillerait pas seulement ses membres à part entière mais en associerait d’autres (Suisse, Norvège…) selon les compétences, les terrains de jeu… L’architecte de l’Europe n’existe pas. Ou plutôt, ils sont plusieurs, ont vécu à plusieurs époques, sous l’influence de divers courants. Imaginons une cathédrale commencée au XIe siècle, poursuivit dans le style Bauhaus, retouchée par Le Corbusier et dont l’emballage final aurait été confié à Christo et vous aurez une image assez exacte du monument européen. Pierre Ménat sollicite donc un dernier coup de main : celui du général de Gaulle pour achever l’Europe politique. Il faudrait aussi décider du sort de l’Otan, dont la Turquie est membre, ce qui laisse songeur… Là, l’auteur ne tranche pas.
Il existe bien cependant un « haut représentant pour les Affaires extérieures » au sein de l’UE. Il a même statut de vice-président de la Commission et jouit d’une administration volumineuse. Depuis que l’Espagnol Josep Borrell occupe le poste avec l’instauration de la Commission von der Leyen, le Catalan ne manie pas la langue de bois, mais, pour son plus grand malheur, il ne dispose que d’une épée… de bois. Ses analyses sont fameuses, mais ses moyens d’action inexistants. Appeler à des cessez-le-feu sans être en mesure de faire peser la moindre menace sur les belligérants est un exercice déprimant dont Josep Borrell s’acquitte non sans une certaine abnégation. Quand il ne dit rien, on enrage de l’impuissance de l’Europe. Quand il parle, on se moque de son impuissance à être écouté des puissants.
À quoi va servir la Conférence sur l’avenir de l’Europe ?
Pour faire cesser cette comédie, Pierre Ménat propose donc de passer aux choses sérieuses : quelques États européens – et pas les 27 – sautent le pas d’une vraie politique étrangère commune. Ce Conseil de sécurité serait composé idéalement de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, de la Pologne et… du Royaume-Uni. Londres, en effet, ne serait pas obligé de réadhérer à l’UE puisque ce traité serait indépendant des institutions. Angela Merkel avait formulé l’idée d’un Conseil de sécurité, mais elle le situait au sein de l’UE avec des membres tournants. Tant que la règle de l’unanimité demeurera, l’UE ne sera jamais à l’abri d’une prise d’otage par l’un des siens pour obtenir gain de cause sur un tout autre sujet. Pour passer cet obstacle, un nouveau traité de défense qui ne regrouperait que les États vraiment motivés.
« On objectera qu’il serait vain de créer une structure supplémentaire alors qu’il en existe déjà tant. Mais face aux immenses enjeux de la souveraineté européenne, qui peut prétendre que les structures actuelles sont adaptées ? Il faut donc essayer, le jeu en vaut la chandelle », conclut l’auteur. Le seul dirigeant capable de porter ce projet est par définition français : en l’occurrence, Emmanuel Macron ou la personne qui lui succédera. Macron reprendra-t-il le flambeau tombé à terre du général de Gaulle ? Et qui trouvera-t-il à Berlin, Londres, Rome, Madrid ou Varsovie pour l’aider dans cette entreprise jadis gâchée… La Conférence sur l’avenir de l’Europe qui doit, en principe (sauf reconfinement général), s’ouvrir avant la fin de cette année et s’étaler jusqu’au printemps 2022 est le lieu pour débattre et trancher cette immense question. Osera-t-on, à la fin, en cas de nouveau traité, quel qu’il soit, faire voter les peuples ? Difficile d’imaginer que l’Europe puisse se passer de cette assise populaire pour se projeter avec force dans les grands défis du siècle. Il faudrait accepter que ceux qui n’en voudront pas s’écartent pour laisser passer les autres.
Dix Questions sur l’Europe post-covidienne, Entre défiance et puissance, de Pierre Ménat, L’Harmattan, éditions Pepper
Christian de Moliner réagit sur Causeur à la décapitation de Samuel Paty
Danièle YZERMAN – La vie, envers, contre et pour tout. La vie à l’envers
La vie, envers, contre et pour tout. La vie à l’envers
Témoignage de vie, un livre de Danièle YZERMAN
Parution aux Editions Les 3 Colonnes à l’automne 2020
Contact presse guilaine_depis@yahoo.com 06 84 36 31 85
Voici l’histoire de Danièle Yzerman. Petite fille meurtrie et démolie par une enfance sordide, adolescente anorexique, elle n’a pas d’autre issue que le suicide face à des parents apparemment indifférents à sa détresse. A son réveil à l’hôpital, un « miracle » se produit : destinataire d’une parole venue d’ailleurs, la jeune fille veut « réapprendre à vivre ». Commence alors son combat insensé pour redevenir une femme, une mère, et prendre sa revanche sur tous les hommes machistes etc les femmes soumises à l’image de ses parents.
Derrière les mots de ce récit, se cache quelque part la volonté secrète d’adresser un message d’espoir à tous les grands blessés de la vie : Rien n’est impossible à condition de ne pas se considérer comme une victime. Tout est possible à condition d’y croire et de ne jamais se trouver des excuses pour renoncer.
A travers ce livre bouleversant, l’auteure signe la fin de son parcours du combattant.
Sur la couverture du livre : l’image de la funambule qui a triomphé des épreuves pour rejoindre la Vie (ci-contre une photo récente de Danièle Yzerman avec son fils et sa petite fille) :
« Tel un funambule avançant pas à pas sur un fil tendu au-dessus d’un océan,
J’ai suivi le chemin de ma vie et dessiné les méandres de mon destin,
Trébuchant sur chaque vague et risquent de m’y noyer, j’ai appris avec le temps
A surmonter ma peur et puiser au plus profond de mes ressources,
La force de devenir ce que je devais être et de faire ce qui me semblait vain.
Alors que tant d’années passées à ce combat m’amènent sur l’autre rive,
Alors que ma vie rejoint son crépuscule et que l’heure est au souvenir,
Alors que tout me porte à vouloir que mes traces en ce Monde me survivent,
Je voudrais que toutes ces pages écrites se gravent comme un dernier sourire
Laissé à ceux qui, par leur regard, m’ont permis d’exister et de devenir. »
Présentation de l’auteure Danièle Yzerman :
Un jour, je fis un rêve ancré au plus profond de ma mémoire. Je me trouvais debout, perchée et marchant sur un fil tendu au-dessus d’un Océan de mer si immense que je n’en percevais pas les limites. Alors que je n’étais qu’au début du chemin, j’entendis une voix venue d’ailleurs qui me disait qu’il était totalement impossible de franchir cet Océan. Malgré cette évidence, tout en moi m’obligea à continuer et, pas à pas, j’avançai avec précaution et me rattrapai à chaque chute, jusqu’au moment ou l’angoisse et la peur de tomber définitivement dans les profondeurs de la mer me réveillèrent. Si j’ai le sentiment aujourd’hui que ce rêve n’a jamais quitté mon esprit, je réalise aussi tout simplement que c’est l’histoire de ma vie. Ma vie, qui avec l’âge, s’est aujourd’hui malheureusement suspendue après plus de 40 ans de combat pour vaincre cet impossible. C’est sans doute pourquoi, alors que je suis parvenue de l’autre côté de la rive, le besoin de faire exister par des mots mon « chemin de vie » s’est imposé à moi.
Danièle Yzerman a travaillé dans le domaine de la communication stratégique et publicitaire et a exercé in fine en qualité de présidente France et vice-présidente Europe du pôle santé du groupe international Ogilvy/WPP. Dotée d’un grand esprit de synthèse, elle a toujours aimé écrire et apprécié la musique des mots. Poussée par un besoin impérieux de « laisser une trace » de son parcours peu banal et de son combat pour la vie, l’auteure, aujourd’hui retraitée, présente ici son premier ouvrage.
Qui est François de Coincy ? l’auteur du livre d’économie « Mozart s’est-il contenté de naître ? »
François de Coincy, né en 1945 (75 ans)
2020 – auteur d’un livre d’économie : « Mozart s’est-il contenté de naître ? »
1977 – 2018 PDG de la Compagnie de Chemins de Fer Départementaux. Redressement de la société et transformation en holding solide et diversifié.
1976 – 2000 Création et développement d’un groupe immobilier en association avec un ami.
1970 – 1976 Groupe Hachette (diverses fonctions gestion finance) .
1970 Diplomé ESC
Je suis entré dans une école de commerce (ESC de Bordeaux) parce qu’à l’époque, il n’était pas nécessaire d’avoir le baccalauréat pour se présenter au concours d’entrée. J’avais dépensé toute mon énergie intellectuelle à assouvir ma passion boulimique pour la lecture et passé beaucoup de mes après-midi au cinéma plutôt qu’au lycée.
Ma première expérience d’entreprise a été lors de ma dernière année d’études (que j’ai faite à l’ESC Pau). J’avais eu l’idée de créer un journal gratuit sur les loisirs à Pau entièrement payé par la publicité (Ce concept état très nouveau en 1969). Un de mes camarades s’occupait de la publicité et un autre de la distribution. Après avoir eu mon diplôme j’ai revendu mes parts à celui qui s’occupait de la publicité qui a préféré continuer cette activité plutôt que de terminer ses études. J’avais appelé ce journal Play-Time, je ne me rappelle plus si il était hebdomadaire ou bimensuel. Il existe peut-être encore car j’en ai vu un exemplaire paru en 2016, 47 ans après sa création.
Hachette m’a embauché en 1970 au Contrôle central de gestion. Ce service nouveau mettait en place un système d’information devant permettre à la Direction Générale de piloter la myriade d’entités et de baronnies qui composait le groupe ( C’était l’époque de Ithier de Roquemaurel, puis Simon Nora et Gérard Worms). J’ai ensuite occupé des fonctions dans la distribution, puis comme directeur financier d’une filiale, puis dans la division qui supervisait les filiales étrangères.
Fin 1973 j’ai cherché à racheter avec un ami une société : Il s’agissait de la concession Porsche, Alfa-Romeo, de Tomaso, de Montpellier. Nous avons monté le financement, obtenu l’accord du vendeur qui n’avait pas de successeur et ne voulait pas voir l’œuvre de sa vie disparaitre. Puis la crise pétrolière de 1974 est arrivé et les banquiers nous ont annulé l’accord de prêt, « puisque désormais avec l’augmentation du prix du pétrole, les voitures de luxe ne se vendront plus ».
Je suis donc resté chez Hachette, lorsque l’opportunité de reprendre une entreprise s’est présentée en 1976. Le beau-père d’un ami avait à Bordeaux une entreprise de second œuvre du bâtiment au bord de la faillite et n’était plus en état psychologique d’assumer la situation. Nous avons décidé de la reprendre pour un franc et j’ai donc démissionné de Hachette. La situation de cette entreprise de 150 personnes était extrêmement dégradée, nos finances propres insuffisantes et après avoir restructuré l’entreprise, nous avons dû jeter l’éponge. Une partie de l’entreprise a été reprise par une grande entreprise et une autre a été purement fermée.
Après cette expérience peu fructueuse mais très intense, mon ami et moi avons créé la société GIMCO ayant pour objet social la transaction et la gestion immobilière. Cette activité s’est développée régulièrement et la société est devenue un acteur connu de l’immobilier de l’ouest parisien. Nous avons vendu en 2010 la société au fils de mon ami, (l’argent de cette vente m’a permis de renforcer ma position d’actionnaire dans CFD). La société qui s’appelle aujourd’hui GIMCOVERMEILLE est composée d’une centaine de collaborateurs.
Dans le même temps, la Compagnie de Chemins de Fer Départementaux (CFD) qui était dans ma belle-famille depuis 1881, se trouvait dans une situation financière très difficile. Depuis la mort de l’oncle de mon épouse quelques années auparavant, la société n’était plus gérée correctement et les banques ne voulaient plus accorder de nouveaux crédits. J’ai accepté en 1978 d’en devenir le PDG.
CFD, PME de deux cent personnes, avait des activités d’exploitant ferroviaire, de transport routier et de fabrication de matériel ferroviaire. Seul le transport ferroviaire avait une petite rentabilité, le reste était nettement déficitaire. Une première restructuration a permis un répit, mais l’arrivée de la Gauche au pouvoir avec un blocage des prix conjugué à une hausse du cout du travail a rendu nécessaire des mesures encore plus drastiques. Ce ne fut qu’au bout de huit années que la situation financière fut rétablie après des tensions constantes avec les banquiers et des nuits sans sommeil à chercher des solutions pour couvrir les échéances.
Au cours de cette période nous avons eu des initiatives fortes pour amener de nouvelles activités. Il y eut des réussites comme la reprise des activités Moyse et il y eut l’échec de la création de la société Biopresse avec la Lyonnaise des Eaux. Ce fut une période très tendue avec l’impression d’avoir son temps et son énergie consommés par les problèmes de trésorerie.
Une fois les problèmes financiers réglés, j’ai pu réaliser des choses plus constructives. Le contrat de réalisation de locomotives par une entreprise algérienne sous licence CFD a été notre première affaire d’importance qui a marqué notre vrai retour dans l’industrie ferroviaire.
En 1993, nous avons repris l’ancienne division ferroviaire de l’entreprise Soulé à Bagnères de Bigorre qui avait déposé son bilan. Nous reprenions seulement 20 personnes sur 80. L’usine de Bagnères pouvait accueillir 400 ouvriers et c’était pour nous dans une vision à long terme car la taille trop réduite de notre usine de Montmirail ne nous permettait pas de répondre aux appels d’offres trop important.
Nous avons pris des contrats significatifs (face à Alstom notamment) et lorsque nous avons revendu notre usine au groupe espagnol CAF, l’effectif était de 170 personnes.
Nous avons vendu en 2008 parce que la taille que nous avions atteinte commençait à excéder nos capacités financières et il aurait fallu arrêter l’expansion. La grande plus-value obtenue nous a permis de lancer d’autres investissements et le repreneur de l’usine de Bagnères en a accéléré le développement (le vendeur et l’acheteur ont fait chacun une bonne opération qui a été aussi profitable aux salariés de l’usine).
En 1994, nous avons créé la société Transmontagne avec la participation d’autres professionnels du secteur. La société voulait exploiter des stations de sports d’hiver sur un modèle de gestion déléguée.
La société a pris la gestion de plusieurs sites, dont Val Frejus, Super Lioran, Pra- Loup, La Foux d‘Allos Chamrousse, Super Devoluy. Rapidement elle a atteint une taille significative avec un effectif de 200 permanents et 400 saisonniers.
Pour se développer encore, le Directeur Général de cette société dont j’étais le Président a voulu engager une stratégie basée sur des financements importants et l’appel à des fonds de capital-risque. Je n’étais pas d’accord avec cette stratégie qui accroissait les risques de l’entreprise ( c’était une aversion due sans doute aux années de galère que j’avais passées à faire face à des problèmes de trésorerie). Les autres actionnaires étant d’accord avec la stratégie du Directeur Général ont racheté nos actions dans Transmontagne. Le développement a été très important les années suivantes mais ensuite deux années avec peu de neige ont entraîné malheureusement la faillite de Transmontagne trop endettée. Nous nous en étions heureusement dégagé en réalisant une belle plus-value.
A partir de 2008, du fait de la vente de l’usine de Bagnères, la compagnie CFD s’est retrouvée avec très peu d’activités et une trésorerie importante. Plutôt que de récupérer les capitaux, les actionnaires (dont mon épouse et moi représentent 47% soit une majorité de fait) ont choisi de les laisser dans la société qui réinvestirait et ainsi perpétuer l’esprit d’entreprise qui y existe depuis plus de cent ans.
C’est ainsi que nous avons créé une branche ferroviaire à partir du bureau d’études roumain que nous avions créé en 2000 à Bucarest, développé une branche logicielle important à partir d’une petite sous-filiale de 3 personnes que nous avions dans le sud de la France et acquis une société de capteurs qui complète une petite branche de produits industriels que nous avions en Belgique. CFD a aujourd’hui un effectif global de 200 personnes.
En 2019, un de mes fils qui a développé avec succès une affaire de vente sur internet a accepté de prendre ma succession à la tête de CFD, malgré tous les problèmes que pose la prise en charge de deux sociétés différentes. Ainsi s’assure la pérennité d’une entreprise familiale.
Christophe Bourseiller consacre sa chronique de France Inter aux « Anges de l’Histoire », le roman de Frederika Abbate aux Nouvelles Editions Place.
Christophe Bourseiller consacre sa chronique de France Inter aux « Anges de l’Histoire », le roman de Frederika Abbate aux Nouvelles Editions Place.
Réécoutez l’émission ici :
Afrique Midi s’est penché sur le Projet de Constitution pour l’Algérie nouvelle
Une Constitution pour une Algérie nouvelle ?
Le livre de Lachemi Belhocine et de Reza Guemmar, « Projet de Constitution de l’Algérie nouvelle», a fait l’objet d’un débat riche et passionnant lors de la rencontre organisée par le réseau Algériens sans frontières (ASF) le 10 octobre dernier à l’Académie de la diplomatie et des relations internationale à Genève. Compte-rendu.
L’Algérie, un des grands pays Africains pour ne pas dire dans le monde, qu’on appelait il y a quelques années la « Mecque des révolutionnaires », aujourd’hui titube, vacille et n’arrive plus, parait-il, à retrouver son chemin en tant que : « République algérienne démocratique et populaire », projetée par le Congrès de la Soummam magistralement conduit par le duo Abane Ramdane et Ben M’hidi ! Est-ce une fatalité ?
Les crises successives, en l’occurrence la Crise de l’été 1962, le Printemps berbère, les Evènements d’octobre 88, le Terrorisme des années 1990, le Printemps noir et le Mouvement populaire de 22 février 2019 ne sont-ils pas autant d’indicateurs qui renseignent à plus d’un titre que le système politique algérien, né depuis l’indépendance à ce jour, grogne dans tous ses rouages ?
Mais comme le soulignait si bien Me Mabrouk Belhocine, une des mémoires de l’Algérie colonisée et décolonisée : « on doit écrire l’histoire même avec ses pages noires ». Son compagnon de lutte Ferhat Abbas, premier président Gouvernement provisoire de République algérienne, prononce la sentence : « Un Etat « confisqué » est un Etat « mort-né ».
Que se passe-t-il avec l’Algérie, 58 ans après son indépendance ? Sommes-nous un troupeau de moutons qui donnera naissance à un gouvernement de loups, pour reprendre Agatha Christie ? Montesquieu n’avait-t-il pas raison dans sa sentence dans son œuvre L’esprit des lois : « toute nation a le gouvernement qu’elle mérite » ?
Les Algériennes et Algériens peuvent-ils se concilier et se réconcilier et marcher comme un seul homme et prendre conseil de son histoire et discuter de son présent pour projeter son futur ? Pouvons-nous débattre d’un modèle institutionnel et constitutionnel à la hauteur de nos aspirations et de notre histoire, autrement dit d’une Algérie nouvelle que le peuple ne cesse de revendiquer ?
Le Mouvement populaire, appelé « révolution du sourire » ou « Hirak », aboutira-t-il à la mise en place d’un système politique tenant compte des spécificités algériennes ? Un système qui s’articulera autour de la souveraineté du peuple, adapté à la société et à ses valeurs et tenant compte de règles pragmatiques capables de donner naissance à une démocratie algérienne est-il possible ?
La réponse est évidente mais encore faut-il définir et puis avoir le courage de partager ce meilleur. C’est ce qu’a été débattu lors d’une rencontre organisée par le réseau Algériens Sans frontières (ASF) le 10 octobre dernier à l’Académie de la diplomatie des relations internationale à Genève, autour du livre de Lachemi Belhocine et de Reza Guemmar, « Projet de constitution de l’Algérie nouvelle».
« Projet de constitution de l’Algérie nouvelle»
Le Projet de constitution de l’Algérie nouvelle est le résultat d’une étude comparative de 130 constitutions en vigueur à travers le monde. Il faut ajouter à cela un travail minutieux mené sur le terrain et à travers les quatre coins du pays. « Nul besoin de système politique importé », lit-on dans l’avant-poste de l’ouvrage « Projet de constitution de l’Algérie nouvelle ». Toute loi fondamentale est perfectible. Celle figurant dans cet ouvrage a plusieurs mérites, notamment ceux de la stabilité et de la modernité, attachés notamment aux principes de jurisprudence et aux mécanismes juridiques qui ont fait leurs preuves depuis très longtemps.
A l’ouverture des interventions, Me Lachemi Belhocine, présidant du ASF, avait dans sa plaidoirie décortiqué la question : C’est quoi une Algérie nouvelle ? Est-ce le retour aux racines avec un nouveau départ ? N’est-il pas temps que l’Algérie retrouve son chef historique et signataire de son extrait de naissance, en l’occurrence Karim Belkacem à Evian ?
L’Algérie nouvelle, celle qui nous fait combattre et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui, est sans nul doute « celle qui se tournera vers la modernité mais équipée d’un matériel et d’un outillage local, mais surtout celle qui fera la jonction entre son passé lointain et son présent ».
Il s’agit là, relève le président du ASF, d’une initiative qui s’inscrit dans le cadre d’une démarche citoyenne personnelle et collective, insufflée par une nécessité vitale de changement de mode d’organisation et de fonctionnement sociétaux.
Me Lachemi Belhocine soutient que « ce besoin de changement exprimé par tout un peuple est l’émanation d’un sursaut et d’une prise de conscience que connaît l’Algérie ». C’est dire enfin que si Jean Jacques Rousseau, le premier à avoir conféré la souveraineté au peuple, avait attendu l’assentiment de quelqu’un, il n’aurait certainement pas écrit Du Contrat Social !
Le peuple est seul maître de son destin
L’exercice du pouvoir se fait par les élus choisis par le peuple, qui forment le gouvernement, et qui ont la légitimité pour gouverner. C’est ce qu’on appelle une démocratie dont le fonctionnement repose sur un consensus social. « La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », disait Abraham Lincoln.
Le peuple est la source de tout pouvoir selon l’article 7 du Projet de constitution de l’Algérie nouvelle proposé par Me Lachemi Belhocine et Reza Guemmar. Les co-auteurs ajoutent dans l’article 8 que le pouvoir constituant appartient au peuple et ce dernier est garant de la Constitution.
Le peuple exerce sa souveraineté par voie de referendum et subsidiairement par l’intermédiaire de ses représentants élus. Mettant en évidence le pouvoir du peuple, Me Lachemi Belhocine assure que l’Etat, avec ses institutions, puise sa légitimité et sa raison d’être dans la volonté du peuple.
Faisant références aux valeurs de la culture algérienne et à l’esprit du Congrès de la Soummam, Me Lachemi Belhocine énumère les préalables posés par le Projet de constitution de l’Algérie nouvelle :
– La neutralité et l’impartialité de l’Etat dans le domaine des cultes
– Une égalité parfaite entre la femme et l’homme
– Une démocratie participative (souveraineté du peuple).
– Une indépendance du pouvoir judiciaire (avec une autonomie organisationnelle et budgétaire)
– Une réforme de l’État (décentralisation du pouvoir exécutif, autonomie communale, mise en place d’une armée républicaine et protection de l’Institution militaire de tout clivage politique, mise en avant du référendum). Il s’agit là de Constitution idéale, rêvée, décrite dans l’ouvrage de Me Lachemi Belhocine et de M. Reza Guemmar.
L’écrivain Lyazid Benhami dira dans son intervention, tout en paraphrasant Aristote : « le commencement est plus que la moitié de l’objectif », donc osons être ambitieux pour l’Algérie, en invitant au débat constructif et salvateur mais sans exclure aucune sensibilité.
Décortiquant le statut du président tel qu’il est défini dans les articles énoncés dans « le Projet de constitution de l’Algérie nouvelle », en l’occurrence l’article 82, le président du ASF préconise entre autres : « La révocation du mandat du président de la/ du Président (e) de la République peut être demandée par la voix de référendum moyennant cent-mille signatures, valablement recueillies », « La révocation du mandat du président de la/ du Président (e) de la République est validée par la Cour constitutionnelle si le taux de participation est d’au moins 50 % du corps électoral ».
Catégorique Me Lachemi Belhocine confirme que : « seule la Cour constitutionnelle est habilitée à révoquer le mandat du président de la/ du Président (e) de la République si le taux de participation est inférieur à 50 % du corps électoral mais supérieur à 40% », « La révocation du mandat du président de la/ du Président (e) de la République est acquise à la majorité absolue des suffrages exprimés et validés dans 15jours par la Cour constitutionnelle », « La révocation du mandat du président de la/ du Président (e) de la République par voie de référendum peut être demandée au maximum deux fois durant le mandat présidentiel, espacé d’une durée d’au moins 12 mois ».
Pierre Zwahlen, député au parlement Vaudois et président de la commission des affaires étrangères, a, quant à lui, salué le Hirak algérien mené et représenté par le peuple, qui durant plus d’un an maintient encore sa révolution du sourire. « Ce souffle nouveau, puissant, profondément populaire et démocratique soulève encore aujourd’hui le plus grand pays d’Afrique : L’Algérie », souligne le député helvétique.
Il fait remarquer que l’ouvrage « Projet de constitution d’une Algérie nouvelle » « donne une substance programmatique au mouvement social né le 22 février 2019 en Algérie. La démarche est mûrement réfléchie, approfondie, fondée sur la comparaison de nombreux textes d’autres constitutions ». M. Pierre Zwahlen n’est pas étranger à l’Algérie, il y va régulièrement.
« Je suis moi-même reconnaissant à l’Algérie de m’avoir donné l’une des plus belles et orgueilleuses de ses filles, dont j’ai eu deux enfants magnifiques. J’admire le peuple Algérien, par sa constance, sa ténacité, son humour, son rassemblement. Je l’admire en tant que citoyen Suisse qui a trouvé en Algérie sa 2e patrie, mais aussi en tant qu’élu, député au Parlement vaudois », témoigne M. Pierre Zwahlen.
Le député helvétique ajoute: « J’en ai lu les meilleures pages avec intérêt, j’ai aussi été, en tant que Suisse, surpris de cette passion déterminée pour l’entreprise démocratique qu’il reflète. La souveraineté du peuple, les libertés fondamentales, la séparation du pouvoir, le contrôle populaire des élus ouvrent le champ des possibles, à l’Algérie qui est le plus avancé du continent. »
L’indépendance de la justice
L’indépendance de la Justice n’est pas un slogan, mais un énorme combat, avec son lot de sacrifices et de résistances. Les chaines sont-elles si fermées ? Justice de nuit, appels téléphoniques, langue de la matraque et tribunaux aux ordres, sont malheureusement autant de qualificatifs employés pour décrire l’ampleur de l’injustice infligée au pays et aux citoyens. Il serait temps de briser les chaines des tribunaux pour se soustraire définitivement de l’emprise du pouvoir exécutif et à son administration pour le pouvoir d’influence qu’elle exerce.
L’appareil judiciaire est l’un des piliers les plus importants et efficaces dans toute démocratie et État de droit. Ceux qui n’en possèdent pas vivent principalement dans la corruption, les assassinats politiques et la répression.
A la question de savoir la place de la Justice dans son Projet de Constitution de l’Algérie nouvelle, Me Lachemi Belhocine répond : « Notre projet prévoit une justice indépendante car les juges et les procureurs seront sélectionnés par leurs pairs (Conseil national de la magistrature) et surveillés par les conseils de wilaya de la magistrature. Le ministère de la justice aura uniquement pour rôle de fournir la logistique (bâtiment du tribunal, fourniture de bureaux, etc.) »
Me Lachemi Belhocine décortique: « Le fonctionnement de la justice se trouvera de ce fait totalement autonome et indépendant. Ce qui signifie que la justice possédera son propre budget, négocié directement avec le Parlement sans passer par le ministre de la Justice. Ainsi, elle pourra directement se consacrer à la formation des juges, des procureurs, des personnes spécialisées dans la lutte anti-mafia, anticorruption… Mais également dans la cybercriminalité pour une police judiciaire spécialisée. Le citoyen et les avocats, quant à eux, auront leur mot à dire : lors des comités de magistrature de wilaya et de plainte citoyenne, pour tout ce qui concerne la surveillance pour des juges et des procureurs ».
Me Lachemi Belhocine reprend l’article 166 du Projet de Constitution de l’Algérie nouvelle : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif » et explique que « le pouvoir judiciaire est exercé par les magistrats (e) et les procureur (e) s », « il est aussi exercé en matière constitutionnelle, administrative, civile et pénale ». Cela dit, soutient-il, « l’indépendance décisionnelle des magistrat (e) s et des procureur (e) s est garantie ». Peut-on en rêver ?
Pour une armée républicaine
Héritière de l’Armée de libération nationale, l’Armée nationale et populaire constitue la sacro-sainte dans la mémoire et le conscient collectif du peuple algérien. Néanmoins, comme dans tous les pays décolonisés, l’Armée est dans tous les centres des jeux et enjeux politiques, économiques, etc. Ses interférences dans des domaines outre les siens qui lui sont définis par la Constitution sont légions.
L’armée nationale est une institution apolitique qui a pour mission la sauvegarde de l’indépendance et la défense nationale, il s’agit là de l’article 28 du Projet de constitution de l’Algérie nouvelle. Toute mission spéciale de l’armée nationale, qui sort du cadre habituel, est soumise à l’approbation de l’Assemblée législative, lit-on encore. « Une armée républicaine et apolitique. Une armée qui serait garante de la sécurité du peuple, de l’intégrité territoriale et des intérêts du pays », défend l’écrivain Lyazid Benhami.
Plus précis, Me Belhocine rassure : « L’Armée nationale ne peut disposer d’une police que pour la gestion exclusive des affaires militaires », et « la/le ministre de la Défense ou le vice-ministre ne peuvent en aucun cas être des militaires en exercice ». Tandis que M. Reza Guemmar a tenu, quant à lui, à rappeler que ce projet de livre vient de répondre aux attentes des Algériennes et Algériens qui aspirent à une Algérie meilleure, fidèle aux principes de novembre et du congrès de la Soummam, incarnée par le Mouvement populaire, le Hirak du 22 février.
Débattant la même question, Me Lachemi Belhocine rassure : « l’une des revendications fondamentales du peuple algérien en plein révolution pacifique est en l’occurrence le principe immuable de « la primauté du civil sur le militaire. Le juriste est catégorique : « l’Armée doit être républicaine et s’occuper rien que des missions qui lui sont définies par la constitution. Elle ne doit en aucun cas interférer dans les affaires politiques ».
Quant au principe de la primauté du politique sur le militaire qui ne cesse de faire du l’ancre et du sang, le président du ASF soutient que : « une armée doit-être républicaine. Elle sera en charge exclusivement du domaine purement militaire et non une armée qui mobilise ses effectifs pour persécuter les femmes et hommes politiques et qui rafle le foncier à des fins lucratives. Une armée républicaine est une armée qui retrouve ses lettres de noblesse ».
Cependant le haut commandement de l’armée algérienne, regrette Me Lachemi Belhocine, est depuis ces 20 dernières années, voire plus, chapeautée par certains hauts gradés, qui utilisent leurs relations personnelles pour nommer des copains. Les mêmes haut-gradés, constituent des groupes armés et les utilisent comme des milices. On se croirait dotés d’une armée de milice et non républicaine.
Dans le même contexte le Prof Addi Lahouari explique que : « La primauté du politique sur le militaire signifie que le politique désigne des représentants élus pour diriger la nation, à l’inverse des militaires qui accèdent aux grades supérieurs par ancienneté. Le militaire ne rend pas compte aux électeurs, il rend compte à ses supérieurs».
Abondant dans le même sens, le juriste Tahar Khalfoune fait savoir que : « la primauté du civil sur le militaire signifie, selon la charte de la Soummam, que la primauté dans la gestion de la révolution et le choix des décisions stratégiques est reconnue aux politiques. Les concepteurs de ces assises du FLN en 1956 avaient estimé que la réflexion sur la révolution et les choix politiques stratégiques à adopter pour libérer le pays sont une tâche trop sérieuse pour la confier à des militaires ».
L’Algérie demeure-t-elle encore otage des militaires et de la matraque ? « Plus de six décennies plus tard, ce principe conserve encore une validité politique certaine. Sa remise en cause à la réunion du Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) du Caire le 20 août 1957 a entraîné illico la militarisation des instances dirigeantes pendant la guerre et celle de tout le pays après l’indépendance. Depuis l’inversion des principes soummamiens du politique et du militaire, l’on ne se considère légitime que si l’on a la force militaire et non le droit avec soi, et c’est la force qui tient lieu de droit », répond le juriste.
Même constat du côté du politologue Bélaïd Abane qui atteste : « on ne peut évoquer la primauté du politique sur le militaire sans penser immédiatement à Abane. C’est lui en effet qui fait avaliser le concept au congrès du 20 août 1956, et l’inscrit dans la Plate-forme de la Soummam. Depuis, le principe est l’objet de diverses interprétations souvent polémiques, qui cristalliseront autour d’Abane moult griefs et animosités ».
Et Lyazid Benhami d’ajouter : « Un pays totalement indépendant est celui dont le destin est dicté par la volonté de son peuple, et non par celle d’une petite caste prenant en otage le Peuple et ses Institutions héroïques ».
La religion et le politique
L’Algérie a été le berceau et le carrefour de toutes les religions monothéistes apparues dans l’héritage d’Abraham, soit le judaïsme, le christianisme et l’islam.
Or dans le texte de la révision constitutionnelle proposé par référendum le 1er novembre prochain, la construction de l’Etat algérien sur le modèle politique du Parti unique va tuer dans l’œuf tout projet constitutionnel basé sur la séparation du politique et du religieux. La bataille idéologique semble être gagnée par le mouvement conservateur. La religion va être utilisée comme principal pilier de l’identité culturelle et valeur suprême de la famille. Le socialisme spécifique va idéologiser la religion et reposer sur les piliers de l’Islam. L’Islam est religion d’Etat (article 2 de la Constitution).
Dans l’œuvre co-rédigée par M. Reza Guemmar, celui-ci assure que le ministre des affaires religieuses n’a même pas le droit d’être et ni surtout pas de se mêler des questions politiques et de la gestion de la cité. « La religion musulmane ainsi que les religions pratiquées par les minorités sont protégées par la Constitution », soutient-il. Et d’ajouter : « La neutralité et l’impartialité de l’Etat sont garanties. » Voilà des articles qui ne peuvent faire objet de révision dans une quelconque Constitution, a insisté M. Reza Guemmar.
La séparation du politique et du religieux : la Constitution algérienne consacre dans son article 2 l’Islam religion d’Etat. Cela implique qu’il existe bien une communauté de croyant.e.s en raison de la prédominance d’une croyance religieuse. Si un Etat prône la neutralité, l’impartialité, la liberté de culte, aucun article de la Constitution civile ne peut faire référence à l’appartenance religieuse d’un Etat.
A ce sujet, le co-auteur du « Projet de Constitution de l’Algérie nouvelle » relève : « La majorité des constitutions dans le monde sont tombées dans le piège infernal d’opposition Laïcité-Religion. Or, en Algérie, nous sommes au-dessus de ce type de débat réducteur. Notre identité est claire et ne pose aucun litige à ce sujet. La religion est une affaire sacrée de chacune et de chacun et ne doit pas se rabaisser comme un chiffon à la disposition des politiques pour cacher ou nettoyer leurs saletés. »
Le modérateur de la rencontre, Farid Ouadah, un militant du Hirak de la diaspora, est catégorique : « L’islam est certes une réalité sociale et historique en Algérie mais il ne faut pas que cette religion soit mélangée aux affaires politiques ». Et d’expliquer : « La religion doit-être séparée du politique sinon cette dernière servira d’instrument ». Comme dans toutes les dictatures nées des indépendances confisquées, la religion a été, ajoute-t-il, toujours le moyen idéal pour animer les peuples et les conduire dans des guerres sans nom.
Mme Soad Baba Aissa, militante féministe, assure lors de son intervention à propos de la Constitution algérienne que: « Maintenir comme condition d’être de confession musulmane pour présenter sa candidature à la présidence de la République algérienne est une atteinte au principe d’égalité citoyenne. Dans une société laïque, l’Etat n’exerce aucun pouvoir religieux et les Religions n’exercent aucun pouvoir politique ».
Aussi, il faut dire que la religion est une affaire privée. La laïcité est la condition institutionnelle de la neutralité confessionnelle, de la liberté de culte (croyant.e.s, non croyant.e.s), de la coexistence pacifique de chaque citoyen pour assurer les conditions concrète du débat laïc, pluraliste et démocratique.
La liberté de la femme
La femme algérienne mène une révolution sur plusieurs fronts ! Néanmoins, elle subit encore de nos jours les affres de la misogynie sévissant dans la société et des injustices du pouvoir qui, d’ailleurs, ne datent pas d’aujourd’hui. Doit-on et peut-on encore se permettre d’ignorer la place des femmes dans notre société alors qu’elles ont été présentes tout au long de notre histoire aux côtés des hommes, depuis Carthage jusqu’à nos jours.
Les Algériennes font face à une loi discriminatoire promulguée en 1984, le code de la famille. Ce texte va à l’encontre de l’égalité entre les femmes et les hommes alors que cette égalité fut promise dès l’Indépendance de l’Algérie. Cette égalité est même inscrite dans la Constitution (article 29).
Le co-auteur de l’ouvrage « Projet de Constitution de l’Algérie nouvelle », Me Lachemi Belhocine estime que le code de la famille considère la femme comme un bien immobilier. Pour lui : « l’égalité entre femme et homme est un principe indiscutable et immuable. La nouvelle Algérie est celle où femmes et hommes sont égaux dans les droits comme dans les devoirs ».
Mme Soad Baba Aissa, militante féministe, déplore dans son exposé que juste « au lendemain de la guerre d’indépendance, malgré leur pleine participation, les femmes vont être renvoyées à leur rôle traditionnel d’épouse et de mère mais surtout exclues des instances politiques et décisionnelles ».
Elle expliquera comment « l’entrée des femmes dans l’espace public va les pousser à remettre en cause les traditions et la famille traditionnelle patriarcale » et entrainer « un bouleversement dans les relations familiales et entre les femmes et les hommes ». « Les pères, les frères, les maris, les autorités religieuses sont dérangées par cette remise en cause de l’ordre social. De plus, le mode de production capitaliste va engendrer leur intégration croissante sur le marché du travail », estime Soad Baba Aissa.
Elle estime que « les mouvements progressistes et conservateurs vont se livrer une bataille idéologique dans laquelle les femmes sont un véritable enjeu politique, économique, social et culturel : l’éducation obligatoire, l’emploi des femmes, l’évolution des besoins économiques, le profil social de la main d’œuvre féminine ». C’est ainsi que les partis progressistes et islamo-conservateurs en arrivent à « considérer que l’émancipation des femmes et la modernité ne peuvent se construire que dans le cadre islamique pour ne pas être accusés de succomber à « l’hégémonie culturelle occidentale ».
Aussi, les mouvements conservateurs vont sacraliser les fondements de la famille traditionnelle patriarcale et soutenir « l’idée que l’émancipation des femmes dans la société algérienne est une conception importée de l’Occident et peut mettre en danger les valeurs culturelles issues des traditions islamiques ».
« Progressistes ou islamo-conservateurs, les partis politiques vont avoir une préoccupation commune : le contrôle des femmes. Elles sont assignées à devenir les gardiennes « symbolique » de l’identité nationale et des traditions de la culture arabo-islamique », déclare Soad Baba Aissa.
L’édification des fondements de la démocratie passe inévitablement par l’égalité des droits entre les femmes et les hommes et par la responsabilité de l’Etat qui doit faire face « au poids des mentalités qui pèsent sur l’évolution du rôle des femmes et leur place au sein de la famille et de la société ».
Revenant sur les contradictions qui existent entre les textes de loi et la réalité sociale, Soad Baba Aissa dira que « le système algérien a toujours montré un côté pile avec une production du droit dans les textes et un côté face où ses textes sont sans effet dans le réel ».
« Les droits et les libertés existent dans le corpus juridique mais l’exercice de ces droits et libertés demeurent assujettis à des dispositions réglementaires inexistantes. Ces droits et libertés peuvent être aussi complètement réfutés à l’exemple du code de la famille (sous-citoyenneté). Les traités et conventions internationales sont ratifiés, mais avec des réserves au nom du respect des valeurs islamiques, des spécificités culturelles (CEDAW)», conclut Soad Baba Aissa.
La liberté de la presse
Trente ans après le début du pluralisme politique et médiatique en Algérie, le bilan reste regrettable, décevant pour la presse « indépendante » ou « privée », mais aussi pour l’audiovisuel, née de la dernière pluie. « Les médias, toutes catégories confondues, se retrouvent infestée par la police politique, et les opportunistes de tout bord », dénonce Me Lachemi Belhocine.
« Tout le monde sait aussi que la presse algérienne est gérée à partir d’un sombre bureau des « Services » algériens ! C’est là que tout se décide : qui sera « agréé » et qui ne le sera pas, qui aura de la pub et qui en sera privé, quelle est la ligne éditoriale et quelles sont les lignes rouges ! Aujourd’hui, les mêmes pratiques se poursuivent et à chacun sa presse », constate le journaliste Kamel Lakhdar Chaouche. Et d’ajouter : « les atteintes aux libertés de la presse se sont multipliées depuis la présidentielle du 12 décembre 2019. Les médias sont domptés. Ceux qui résistent sont constamment harcelés, privés de publicité et les journaux électroniques sont bloqués ».
Epargnée à un certain égard, la nouvelle génération de journalistes plongée dans le monde des nouvelles technologies que nous appelons communément les médias électroniques, les médias alternatifs, elle survit cependant au gré de l’emballement des évènements. Et jusqu’ici, c’est cette catégorie qui paye actuellement le prix cher. Ainsi, il compte au moins 2 journalistes en prison et d’autres sont poursuivis en justice comme c’est le cas du directeur du journal électronique et de radio Ihecen El Kadi. Aussi, y a lieu de souligner la fermeture d’accès en Algérie pour les journaux électronique comme Dzvid, Le Matin, l’avant-garde, Algérie 360, étant donné que ces derniers sont hébergés à l’étranger.
Déçu M. Mohamed Benchicou le souligne bien : « il ne restait plus personne dans les rédactions, les anciens journalistes étaient morts, blasés ou réduits au silence, les nouveaux n’avaient plus de modèles pour s’inspirer, personne pour leur apprendre que le journalisme n’est qu’insurrection et que la gloire d’une plume est d’être traitée d’insurgée ». Aujourd’hui on débute une carrière de journaliste, dans une espèce d’organisation bureaucratisée.
Le journalisme devient du fonctionnariat. Le journaliste a carrément perdu sa raison d’être. Résultat : les compromissions et l’allégeance aux tenants du pouvoir sont légions. Certaines figures de la presse algérienne profitent du métier de journaliste pour s’intégrer dans le milieu des affaires.
Selon Larbi Ounoughi, directeur général de l’agence nationale de l’édition et de la publicité (Anep), affirme le 4 mai dernier que « depuis 2012, 347 agréments de création des organes de presse. Parmi ces agréments, 40 titres appartiennent à des prête-noms, alors qu’ils n’étaient ni imprimés ni distribués et l’argent était transféré vers l’étranger. Cependant 107 autres ont fermé boutique faute d’argent, provenant de l’Anep. Le DG de l’Anep révèle à l’occasion que « 15 000 milliards de centimes ont été distribué aux différents titres durant ces 20 dernières années».
Qu’en est-il des sommes distribuées depuis 20 ans ? Aucune enquête n’est envisagée et aucune sanction n’est malheureusement opérée. Aujourd’hui, les mêmes pratiques se poursuivent et des « professionnels » de la presse s’échauffent pour prendre leur part du gâteau avec le nouveau pouvoir.
Mourad Fenzi, ancien cadre de la presse analyse : « la Presse Algérienne n’a jamais autant souffert que lorsque le secteur a été géré par ses propres enfants. C’est le cas avec Hamid Grine : ex-ministre de la Communication, qui en avait fait voir de toutes les couleurs aux rédactions. Pourtant, c’était un ex-journaliste de la sportive. C’est le cas aujourd’hui avec le ministre de la communication et le porte-parole au sein du gouvernement Abdelaziz Djerad, Amar Belhimmer dont le nom et les actes seront retenus par l’histoire ».
Le journaliste regrette : « c’est sous son règne que des sites d’informations ont été fermés, que des journalistes croupissent en prison, que la presse connaît son mauvais quart d’heure. Et décidément ce n’est que le début. Il a réussi à faire régner la terreur dans le secteur de la presse ».
Pourtant sur le plan juridique, la Constitution Algérienne adoptée en 2016 a décriminalisé les délits de presse. En théorie, aucun journaliste ne doit être condamné à une peine privative de liberté. Mais dans les faits, ce principe n’est pas respecté. Le cas du journaliste Khaled Drareni en est une preuve. Arrêté au moment où il filmait une marche à Alger Centre, il a été d’abord placé sous contrôle judiciaire. Puis après un appel du procureur, il a été placé en détention provisoire avant d’être condamné à 2 ans de prison ferme.
Le plus grave dans cette affaire est qu’il a été arrêté alors que la mise en détention préventive est une mesure exceptionnelle et non pas une règle générale répressive. Cela a été fait dans le seul but de démontrer à l’opinion internationale qu’il n’y a pas de journaliste emprisonné pour son travail. Il faut noter également que l’œuvre de Lachemi Belhocine et de Reza Guemmar insiste sur la liberté totale de la presse, et en fait un 4 ème pouvoir. A la lumière de toutes ces avancées et précisions constitutionnelles évoquées dans le Projet de constitution de l’Algérie Nouvelle, nous sommes contraints de constater que la proposition est ambitieuse et moderne en soi. Plus d’un pays pourrait en être inspiré.
Auteur : Kamel Lakhdar Chaouche
Source AFP : En France, la diaspora algérienne tente d’entretenir « la flamme du Hirak »
En France, la diaspora algérienne tente d’entretenir « la flamme du Hirak »
À quelques jours d’une grande mobilisation prévue le 1er novembre, qui coïncidera avec la date d’un référendum constitutionnel et avec l’anniversaire du début de la guerre d’indépendance en Algérie, la diaspora algérienne tente d’entretenir en France « la flamme du Hirak », mouvement massif de contestation du pouvoir algérien, mis sous l’éteignoir de l’autre côté de la Méditerranée par le confinement et une vague d’arrestations.