André Malraux aussi aurait aimé « Monsieur Albert – Cossery, une vie »

« Monsieur Albert. Cossery, une vie » par Frédéric Andrau

malraux.jpeg(recopié du site Amitiés internationales André Malraux)

Albert Cossery, auteur francophone d’origine égyptienne, s’est éteint en 2008, à l’âge de 95 ans. Il vécut l’essentiel de sa longue existence à Paris, rue de Seine, dans une chambre de l’Hôtel La Louisiane. Son œuvre, rééditée intégralement fin 2005 chez Joëlle Losfeld, se compose de sept romans et d’un recueil de nouvelles. Une voix rare, qui sut cultiver l’art de se faire attendre, sans pourtant jamais se départir d’une profonde cohésion. En effet, entre Les Hommes oubliés de Dieu (1941) et Les Couleurs de l’infamie(1995), il semble que peu de choses aient changé ici-bas ; que la crapule soit bien à sa place, c’est-à-dire au pouvoir ; que, malgré les soi-disant avancées du progrès, l’homme demeure un loup pour l’homme.

Frédéric Andrau, Monsieur Albert. Cossery, une vie, Éditions de Corlevour, février 2013

Le Figaro littéraire annonce « Monsieur Albert – Cossery, une vie »

Le Figaro littéraire a annoncé jeudi 17 janvier l’événement majeur dans le paysage éditorial de 2013 que représente la publication d’un récit biographique sur Albert Cossery par Frédéric Andrau aux Éditions de Corlevour 

740157_339530176161090_820395748_o.jpgLE RETOUR D’ALBERT COSSERY
Écrivain mythique de Saint-Germain-des-Prés, dandy fauché, Albert Cossery l’Égyptien aurait eu100 ans en 2013. À cette occasion, Frédéric Andrau va publier un récit biographique de l’auteur de « Mendiants et orgueilleux ». Une gageure quand on sait que Cossery a passé sa vie pour l’essentiel entre le Jardin du Luxembourg, la Brasserie Lipp, le Flore et les Deux Magots. Parution le 28 février, aux Éditions de Corlevour.

Frédéric Andrau nous conte la vie d’Albert COSSERY dans ActuaLitté

photo.jpegÀ l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain


Cette année 2013 consacre le centenaire de la naissance de l’écrivain francophone Albert Cossery. Egyptien né au Caire, il s’installa à Paris dès 1945 pour continuer la carrière d’écrivain qu’il avait embrassée durant les années 30, croisant notamment la route d’Henry Miller. Avec Monsieur Albert Cossery, une vie (Éditions de Corlevour, 280 pages, 19,90 €), Frédéric Andrau nous permet de mieux appréhender la destinée de cet auteur disparu en 2008.

 

L’ouvrage, qui sortira à la fin du mois de février, rend hommage à l’écrivain égyptien qui obtint en 1990 le Grand Prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre. Frédéric Andrau nous entraîne dans la peau d’un narrateur qui interroge l’auteur de Mendiants et orgueilleux. Le lecteur est alors plongé au cœur de Saint-Germain-des-Près, avec l’écrivain qui, en l’espace d’une vie, publia moins de dix livres.  

 

L’argumentaire officiel de « Monsieur Albert – Cossery, une vie » de Frédéric ANDRAU

CouvCossery.jpgÉDITIONS DE CORLEVOUR

AUTEUR FRÉDÉRIC ANDRAU 

TITRE : MONSIEUR ALBERT

COSSERY, UNE VIE 

Récit biographique 280 p

14,5×20,5 cm

ISBN : 978-2-915831-79-5

PRIX : 19,90 €

DATE DE PARUTION : 28 / 02 / 2013 (1er office de mars).

Diffusion : CDE / Distribution : SODIS Code SODIS : 7662508 

 

Frédéric Andrau a collaboré pendant plusieurs années dans la presse écrite. Il est l’auteur de deux romans, À fleur de peaux (Le Sémaphore 2005) et Quelques jours avec Christine A. (Plon 2008). 

 

Frédéric Andrau nous livre ici un récit biographique fourmillant de détails et d’anecdotes, à la fois libre et vivant, de l’écrivain Albert Cossery, l’une des figures littéraires les plus étonnantes du XXsiècle. Le narrateur s’adresse à Cossery qui lui raconte la vie qu’il a menée. Une vie faite de peu, immobile, à Paris, et, pour l’essentiel, au coeur de Saint-Germain-des-Prés, entre le jardin du Luxembourg, les brasseries Lipp, Flore et Les Deux Magots. Et, sur une vie longue de presque un siècle, seulement 8 livres… mais quels livres, dont le plus célèbre reste certainement Mendiants et orgueilleux

 

Des quartiers populaires du Caire où Cossery est né en 1913, jusqu’à l’hôtel «La Louisiane», au cœur de Saint-Germain-des-Prés, où il vécut près de 60 ans dans la même sobre et petite chambre ; de l’école des Frères de La Salle aux cafés de Flore et des Deux Magots ; des virées nocturnes de fêtes et de dragues, avec, entre autres, Camus, au jardin du Luxembourg où il aimait contempler les jeunes et jolies femmes, des premières publications en revues aux hommages tardifs des prix littéraires, cet homme en marge, sans jamais un sou en poche — il s’est toujours refusé de travailler ! — mais toujours habillé avec une parfaite élégance, est comme ressuscité par Frédéric Andrau. Celui-ci nous relate dans le détail ses relations avec les écrivains de son temps, les hommes de théâtre et de Cinéma, son éditrice de prédilection, Joëlle Losfeld… Cossery était un solitaire qui ne manquait d’amis.

 

Frédéric Andrau n’idéalise pas pour autant son personnage : il pointe sans détour les caprices insupportables de l’écrivain, sa mauvaise foi, son manque de tact avec celle qui fut un temps son épouse, la comédienne Monique Chaumette — à qui est dédié le livre.

Ce livre, souvent drôle et touchant, se fait plus profond et émouvant encore quand vinrent les dernières journées, les dernières heures de Cossery.

 

2013 est le centenaire de la naissance de Cossery dont toute l’œuvre est disponible aux Editions Joëlle Losfeld.

 

Lancement du livre au Flore le 4 mars


Attachée de presse : guilaine_depis@yahoo.com

portable 06 84 36 31 85

 

ÉDITIONS DE CORLEVOUR 

Rédaction : 26, Rue Alphonse Hottat B-1050 BRUXELLES Belgique 

Siège social : 97, rue Henri Barbusse 92110 CLICHY France

Tél : 0032 473 89 84 01 / reginaldgaillard@aol.com 

Site internet : http://www.corlevour.fr 

Albert COSSERY, un livre pour le centenaire de sa naissance en 2013

CouvCossery.jpgÀ l’occasion du centenaire de la naissance d’Albert Cossery, figure essentielle de la littérature, en 2013 les Éditions de Corlevour publieront le 28 février un récit biographique de Frédéric Andrau : 


Monsieur Albert 

Cossery, une vie


D’origine égyptienne, Albert Cossery, ce grand écrivain singulier aux admirateurs très fervents avait entre autres obtenu en 1990 le Grand Prix de la Francophonie pour l’ensemble de son oeuvre intégralement rééditée par Joëlle Losfeld.


Une soirée de lancement de Monsieur Albert – Cossery, une vie est d’ores et déjà prévue au Café de Flore à Paris le 4 mars, où les Éditions de Corlevour seront ravies de vous rencontrer. 


Je mets également à votre disposition des photos © Laurent Vaulont en basse et en haute définition de mon auteur Frédéric Andrau dont l’ouvrage de 2008 sur Christine Angot chez Plon avait connu un fort succès médiatique

 

Attachée de presse : guilaine_depis@yahoo.com

portable 06 84 36 31 85 

« Albert Cossery, utopiste anarchiste » par Nadia Agsous (Le Huffington Post)

2013-01-23-Capturedcran2013012310.42.54.png2013 est l’année du centenaire de la naissance d’Albert Cossery. Nouvelliste et romancier francophone d’origine égyptienne, l’auteur est né au Caire, 1913. Il est décédé en 2008 à Paris, dans sa chambre de l’hôtel La Louisiane, à Saint – Germain – Des- Près où il avait élu domicile depuis plus de 60 ans

En 1995, A. Cossery a reçu le Grand prix Audibert pour l’ensemble de son œuvre qui évoque la sérénité, la quiétude et la plénitude. Et nous entraîne dans un univers « misérable », « impitoyable, poussiéreux, poisseux et, pourtant, profondément humain et tendre, des quartiers populaires d’El Kahira, Oum El Dounia (la mère du monde). Ce vaste espace qui prend l’allure d’une « Cour des miracles » où des êtres que l’auteur a rencontrés et côtoyés vivent dans le dénuement le plus total.

L’écriture d’Albert Cossery met en perspective une philosophie et un « way of life » qui séduisent, déstabilisent, questionnent et viennent inévitablement bousculer les évidences et nos préjugés. La vision cossérienne incite à une remise en question des valeurs qui dominent notre monde et conditionnent nos représentations. C’est une incitation à « dépoussiérer » notre sens commun pour renouveler notre rapport au monde.

De roman en roman, l’auteur met en scène des personnages fragiles, sensibles, courageux, fascinants, attachants et libres. D’histoire en histoire, des êtres se rencontrent, se regardent, se reconnaissent, se lient d’amitié et s’unissent autour de valeurs et d’objectifs communs pour marquer leur opposition à un monde où le matériel est érigé en dogme.

Rafik (« les Fainéants de la vallée fertile »). Samantar (« Une ambition dans le désert »). Haykal. (la Violence et la Dérision). Medhat (Un complot de saltimbanques). Gohar (Mendiants et orgueilleux) et tous les personnages qui gravitent autour des héros cossériens sont décrits comme des êtres marginaux, indépendants et libres de tout engagement. Des êtres qui véhiculent la croyance selon laquelle « faire un métier, n’importe lequel, est un esclavage ». Non conformistes, autonomes, affranchis, ces personnages émergent comme des individus qui ont « une tête, c’est-à-dire une liberté et capables de calculs et de manipulations… ». Ils sont des acteurs à part entière qui définissent leurs propres valeurs et choisissent leur propre style de vie en déployant deux types de stratégie.

Gohar, Rafik, Galal, Hafez et bien d’autres vont recourir à la stratégie de la non-conformisation par l’oisiveté qui se décline sous forme de paresse et de sommeil. Aussi, loin d’être improductive et négative, la paresse, « cette oisiveté pensante » revêt sous la plume d’Albert Cossery une connotation positive puisqu’elle est appréhendée comme une forme d’oisiveté indispensable à la réflexion et à la maturité.

Cette posture est illustrée par Gohar, professeur de lettres et de philosophie à l’université. Après avoir pris conscience que son enseignement était basé sur le mensonge et l’hypocrisie, il décide de renoncer à son capital économique, social et culturel pour vivre dans la peau d’un « mendiant », dans un quartier pauvre du Caire. De temps à autre, il met son savoir-faire rédactionnel au service de Set Amina en écrivant des lettres aux femmes qui résident dans son bordel.

Gohar est fasciné par ce lieu qu’il assimile à un espace où « la vie se montre à l’état brut, non dégénéré par les conformismes et les conventions établies ». Pour ce personnage formidablement sympathique qui nous prend aux tripes, l’oisiveté est le symbole de la liberté. C’est le moyen par lequel il affirme son individualité et son choix de vie qui prend la forme d’une existence simple, sereine, authentique et dépouillée d’artifices et de faux semblants.

Le sommeil renvoie à l’idée du retrait de la société. Les personnages qui animent l’histoire des « Fainéants de la vallée fertile », Galal, Rafik, Hafez, considèrent le sommeil comme une « valeur suprême » car synonyme de refuge et de protection du monde des hommes. C’est un rempart contre l’ennui, l’exploitation, l’avilissement et l’esclavage.

Le second type de stratégie concerne la non-conformisation par l’amusement et la dérision. Samanta,r Heykal, Medhat, Heymour et Imtaz vivent dans la gaieté, la joie et la liesse tournant en dérisoire tout ce qui les entoure, et notamment la dimension oppressive des dirigeants qui les gouvernent.

A la lumière de cette approche, la dérision, cet « instrument » de non-violence et de plaisir poursuit un double objectif. Primo, elle prend le sens d’une attitude contestatrice et de remise en cause de l’ordre politique et social établi. Quelques-unes de leurs tactiques pour ridiculiser davantage le pouvoir oppressif du gouverneur concernent la rédaction de tracts à la gloire du gouverneur et le projet d’ériger une statue en son honneur.

Secundo, la dérision revêt une dimension positive dans le sens où c’est un moyen d’affirmation de soi et de développement personnel qui permet à ces individus de rire de tout, de se détacher du monde matériel, de se distraire, d’être soi-même et de vivre libres. Et à la lumière de cette conception, Samantar nous apparaît comme « l’homme du moment présent et des plaisirs terrestres », comme un homme qui « avait déjà fait sa révolution tout seul et jouissait avec orgueil de sa suprématie sur un monde d’esclaves ».

Heykal, Samantar. Rafik. Taher. Imtaz. Medhat. Gohar. Heymour émergent comme des personnages qui rient de la vie. Jouissent du présent. Conçoivent la dérision comme une alternative à la violence. Ces êtres ont fait le choix d’une vie marginale libérée des considérations matérielles et du poids du conformisme et de l’aliénation.

Les figures cossériennes ont fait leur propre révolution. Et nous incitent à notre tour à faire notre propre révolution. Car chaque protagoniste, chaque scène, chaque parole est une invitation à une remise en question du monde dans lequel nous végétons. C’est une incitation à une remise en question de soi afin de s’approprier le cours de sa vie, de son histoire et rompre avec la domination, les hypocrisies, les leurres, les faux semblants. Car pour A. Cossery, « un grand livre vous donne une puissance extraordinaire. Vous pouvez être pauvre, misérable, malade, désespéré, la lecture d’un grand chef-d’œuvre vous fait oublier tout ça ».

Alors, lisez et relisez A. Cossery ! Et laissez vous emporter par le flot des vagues du monde merveilleux de la sagesse orientale d’où se dégage un appel incessant et pressant à la libération. Notre Libération !

Oeuvres complètes, Albert Cossery, T 1, T 2, Editeur : Joëlle Losfeld, 2005

Albert Cossery par Bernard Fandre sur Culture & Revolver (2010)

861338_10151349917618995_1285605854_o.jpgLa dernière sortie d’Albert Cossery ou le règlement à la française

Extraits du film de Sophie Leys « Une vie dans la journée d’Albert Cossery (2005)

Le G.R.E.C. présente Une vie dans la journée d’Albert Cossery 

Un film de Sophie Leys (2005)

 

Avec Albert Cossery, Claire Labarbe / Scénario : Philippe Cardinal
 
et l’aimable participation de Michel Piccoli, Joëlle Losfeld, Robert Solé, Edouard Baer, Luc Barbulesco, Georges Moustaki, Salim Jay, Frédéric Beigbeder, Roger Grenier, Albert Fahri
 

Paroles d’Albert Cossery décryptées :
 
398829_10151349919783995_589793726_n.jpgJe suis né au Caire en 1913. Mon père pouvait lire le journal, mais il n’a jamais lu un livre. Ma mère était illetrée. Si ma mère me voyait aujourd’hui, elle ne me reconnaîtrait pas. Quand je me balade au Jardin du Luxembourg, je pense « Si ma mère me voyait au Jardin du Luxembourg ! » C’est pour elle quelque chose qui n’existait pas, elle ne savait pas où était la France, mais cela fait partie de ma vie. J’ai effectué toute ma scolarité dans une école française. À dix ans déjà, je voulais être écrivain, je savais exactement ce que je voulais être. Mais l’écriture, je ne sais pas comment ça vient. Dans mes premiers romans, mes personnages sont issus d’un milieu populaire et ils ont des idées révolutionnaires. Mais, petit à petit, ça évolue vers la dérision. C’est la révolution qui devient la dérision. J’ai toujours pensé qu’il était grotesque de prendre au sérieux n’importe quel dirigeant. Je ne suis pas le seul, puisqu’il y a de plus en plus de gens qui ne votent pas. Pourquoi ? C’est parce qu’ils pensent la même chose que moi : telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, ce n’est plus de la démocratie, elle ne profite qu’aux salauds, puisqu’on peut manipuler les foules – vous savez bien qu’on manipule les gens – sinon comment un Bush peut gagner les élections, s’il ne manipule pas, avec tous ses mensonges ? 

Serrer des mains de charretiers, de cochers, de fermiers ; embrasser des enfants morveux ; débiter des promesses aussi fausses qu’un orgasme de prostituée, tout cela dans l’espoir d’acquérir une infime parcelle d’un pouvoir lui-même domestique des puissances financières, il faut le faire. Pour rien, pour un petit truc, il faut vraiment ne pas aimer la vie.

(Sur Saint-Germain des Prés) Je suis venu ici en 45, invité avec mon éditeur Charlot. Il y avait beaucoup d’écrivains, de peintres qui venaient chaque soir, on allait danser à la Rose Rouge rue de Rennes, au Club Saint-Germain, il y avait Boris Vian. Il y a une rupture complète dans la clientèle depuis 65. Saint-Germain, c’est 15, 20 ans, de 45 à 65 à peu près. Dans aucun pays au monde, je n’aurais pu rencontrer tous les gens que j’ai rencontrés. Au Caire, lorsque je lisais des romans de Balzac, j’avais déjà envie de vivre à Saint-Germain.

(au Jardin du Luxembourg) Ici, c’est la campagne à cinq minutes du macadam. C’est là que je réfléchis à ce que je vais écrire. 

(à propos des chaises du Luxembourg) Oui, Madame. Ca, fallait payer. C’était mieux quand il fallait payer, parce qu’au moins tu trouvais une chaise.

Je hais les hommes. J’aime les femmes, parce que jusqu’à maintenant elles n’ont pas commis de massacres. 

Le luxe, c’est de ne rien posséder. Quand tu ne possèdes rien, tu es libre.

La télévision participe à un complot mondial destiné à éradiquer l’intelligence sur toute la planète. 

Mendiants et Orgueilleux 1971
réalisation et production
Jacques Poitrenaud
 
Adaptation de Mendiants et Orgueilleux
réalisation Asma El-Bakri 1991
Extrait : « Quand on a un beau cul, on n’a pas besoin de savoir écrire (…) Tu as parfaitement raison »

Joëlle Losfeld, Frédéric Beigbeder, Georges Moustaki, Michel Piccoli (film de Sophie Leys, 2005)

Le G.R.E.C. présente Une vie dans la journée d’Albert Cossery 

Un film de Sophie Leys (2005)


Trois témoignages décryptés : Joëlle Losfeld, Frédéric Beigbeder, Michel Piccoli

losfeld.jpgJoëlle Losfeld, éditrice (ses paroles dans le film, décryptage artisanal)

J’avais repris les éditions qu’avaient créées mon père, qui s’appelaient Le terrain vague, Eric Losfeld et j’avais décidé de reprendre toute l’oeuvre d’Albert Cossery, qui était alors vacante. Et je l’ai rencontré, je l’ai appelé à la Louisiane, où il était toujours et où il est toujours d’ailleurs, et puis nous nous sommes fixés rendez-vous au Flore, qui est un lieu qu’il affectionne particulièrement. Et là-bas, au Flore, je lui ai dit, très simplement « Voilà, je voudrais rééditer vos oeuvres. Je trouve qu’il ne faut pas que vos livres manquent dans les librairies, c’est impensable » et il m’a dit « Ben très bien, j’accepte volontiers » et on a signé les contrats sur un bout de table au Flore, on a signé un accord qui s’est concrétisé par des contrats. Voilà, ça a été d’une facilité absolument déconcertante avec nous. Ca a toujours été emblématique pour moi de publier Albert Cossery. Il y avait chez Albert une telle détermination à dire les choses, une telle exigeance et une telle écriture que quand j’ai refondé ma maison d’édition, j’ai tenu à ce que ce soit le premier auteur qui paraisse au sein de cette maison. Il y a quelque chose de très très consolateur dans la lecture d’Albert Cossery – je ne sais pas si ce n’est pas un néologisme ce mot consolateur, peu importe – et qui fait que ça donne beaucoup d’espoir aux jeunes. « Retirez-vous de la vie mondaine, retirez-vous des richesses, de l’appât des richesses, mais enrichissez-vous intellectuellement et sachez réfléchir » C’est vraiment quelque chose qui a séduit un jeune public, et qui séduit d’autres – pas qu’un jeune public, moi-même, c’est un discours qui me séduit beaucoup.

(…)

Il y a des gens qui rejettent l’oeuvre d’Albert Cossery. Et tant mieux qu’il n’y ait pas de consensus d’ailleurs sur l’oeuvre d’Albert. Je pense que ça le chagrinerait assez que certaines personnes aiment son oeuvre. Mais quand on aime l’oeuvre d’Albert Cossery, on n’en ressort pas de la même manière qu’avant. Il y a l’avant lecture d’Albert et l’après lecture d’Albert. Et c’est réconfortant dans la mesure où ça ouvre effectivement un champ d’ouvertures et de pensées énorme et que n’ont pas tous les écrivains – non, plutôt que les écrivains ont, et pas tous les romanciers. 

(…)

Alores voilà une chose qui est particulièrement précieuse, en tous cas pour nous, c’est Une ambition dans le désert, c’est un manuscrit qui est assez extraordinaire. C’est vrai qu’Albert ne tape pas à la machine, et encore moins à l’ordinateur maintenant, et quand il a écrit Une ambition dans le désert on ne tapait pas à l’ordinateur de toute façon. C’est un cadeau qui m’émeut beaucoup parce que c’est un manuscrit, c’est un vrai manuscrit. Il vient signer à tous les salons du livre depuis très longtemps maintenant et il ne laisse personne indifférent quand il marche dans les travées, en tous cas je connais beaucoup d’éditeurs… Pour eux, c’est une espèce de bouée de sauvetage de se retrouver dans ce Salon du Livre, cet espèce de grand bazar, mais tout d’un coup, la personnalité d’Albert Cossery vient rendre sa dignité à ce grand bazar. Et pour eux c’est l’écrivain qui vient signer, et ce n’est pas tous ces gens qui ne sont pas écrivains, parce que ça s’est perverti comme ça, le Salon du Livre, mais au moins c’est le dernier écrivain de cette génération et c’est assez émouvant.

(…)

Sur son nouveau manuscrit, il y a deux mois à peu près, il m’a montré cinq pages de ce manuscrit. J’ai lu la première page, le premier feuillet.

Beigbeder.jpgFrédéric Beigbeder, écrivain (ses paroles dans le film, décryptage artisanal)

Entre Henri Miller et Albert Camus, je pense qu’on a deux parrainages qui expliquent l’importance de Cossery aujourd’hui, sans doute l’écrivain vivant en France pour moi le plus important, en tous cas depuis la mort d’Antoine Blondin.

(…)

Alors là je suis près d’une statue pharaonique, et ce qui est amusant c’est qu’on n’est pas du tout au Musée du Louvre, avec de vieilles momies. On est devant une statue assez kitsch rue de Sèvres et ça aussi, je trouve que ça ressemble bien à Albert Cossery. C’est à dire surtout pas de sérieux, pas de gravité, pas de prétention. Quand on doit le définir, on peut presque prendre tous les titres de ses romans et puis on a un portrait d’Albert Cossery, « un fainéant dans la vallée fertile », « mendiant et orgueilleux », c’est un peu lui. Il a une sorte de laconisme exotique, je ne sais pas comment on pourrait dire, un ton assez sarcastique parfois, et provocateur que j’aime bien. C’est vrai qu’il y a souvent des prostituées, il y a souvent des voleurs, il n’y a jamais de morale, il n’y a pas de jugement de valeur, ce sont des anti-héros, un peu comme justement le Meursault de l’Etranger. Dans un monde qui est de plus en plus un monde de consommation, de communication, de vitesse, de bruits, voilà un écrivain qui parle de tout le contraire. Qui parle de lenteur, de silence, de solitude, d’oisiveté, et au fond il nous donne un exemple. Je ne dis pas que ce soit un saint, mais c’est peut-être un modèle, en tous cas c’est peut-être un contre-exemple au monde tel qu’il va. 

(…) 

C’est quelqu’un qui a compris que le véritable hédonisme, le véritable plaisir de la vie, c’est de sélectionner ses besoins. Finalement, avec quelques livres, une ou plusieurs jolies femmes, un rayon de soleil et une chambre d’hôtel, on peut très bien se suffire à soi-même et passer une cinquantaine d’années tout à fait décentes sur cette terre.

georges_moustaki_reference_eom44444.jpgGeorges Moustaki, chanteur (ses paroles dans le film, décryptage artisanal)
 
J’étais pas content du film, un peu à cause de moi, un peu à cause des autres, et par contre Albert qui n’a pas été très présent sur le terrain, il est venu pour les repérages, pour la partie plaisante comme il sait le faire, et puis après quand on était dans le travail proprement dit il nous a abandonnés à notre sort et il a manqué parce que c’était intéressant de voir sa vision, scène après scène. J’étais fasciné par le talent, par la reconstitution concrète ou imaginaire d’un pays que j’aime, dont j’apprécie l’humour, dont j’apprécie l’art de vivre et des personnages aussi qu’il a très bien su restituer, et je trouve que ses livres sont très denses et racontent bien la vision de Cossery à propos de l’Egypte et qui ressemble très fort à la mienne.
 
Adaptation de « Mendiants et Orgueilleux » dessin : Golo 1991

piccoli_183.jpgMichel Piccoli, comédien (ses paroles dans le film, décryptage artisanal)

Il ne faut surtout pas rendre hommage à Albert Cossery de son vivant, parce qu’il est au-dessus des hommages. C’est un homme qui est tellement secret, tellement indépendant, tellement soit-disant solitaire. C’est peut-être le plus secret et l’homme dont on était tous le plus amoureux peut-être. Jamais aucune compétition avec lui, jamais d’affrontement, sauf quand il déteste les choses. Là, quand il se met à être virulent, violent, cet homme très élégant et très doux, ça peut aller très très loin. Il vit hélas très seul – je dis hélas pour ceux qui n’ont pas, comment je dirais ? je ne sais pas la grâce de l’avoir connu depuis très longtemps. Parce que si on fait sa connaissance de lui, maintenant, on ne peut pas comprendre à quel point c’est un homme de son vivant mythique, même quand il était jeune, un Égyptien mythique, un de plus. Il ne parle plus parce qu’il a été malade, mais il s’est habitué à ne plus parler, il sort des petits carnets et les personnes qui vivent très souvent avec lui le comprennent, parce qu’il y a des mouvements de lèvres et des sons qui apparaissent, qui sont tout à fait reconnaissables. Il vit dans un monde dans lequel il est né, il raconte la vie des personnages du monde dans lequel il est né. Il a vécu dans un autre monde et là il n’a jamais écrit sur le personnage dans lequel il vit. il vit dans une Alexandrie ancienne, dans une Egypte de rêve, dans une Egypte d’aristocratie, de tout le Moyen-Orient. J’aimerais beaucoup l’entendre parler égyptien.  Pourquoi je le lui ai jamais demandé ?

(…)
 
C’est une contiunuité de rêves, et pas d’abandon de la vie mais qui supporte avec beaucoup d’humour la vie qui l’abandonne. La vie qui l’abandonne, lui, Albert. Mais lui n’a pas abandonné la vie, pas du tout, absolument pas.