Actualités (NON EXHAUSTIF)

« quatre contes légers et longs en bouche » de Jean-Jacques Dayries sur Saint Barthélemy

Jean-Jacques Dayries, Petits contes philosophiques de Saint-Barthélémy

Quand un homme d’affaires prend l’avion pour passer d’un continent à l’autre, le temps lui paraît long. Après avoir épuisé ses messages, ses rapports à lire, son courrier, il ne lui reste plus que les films insipides de la culture globish. Certains préfèrent utiliser leur temps de cerveau disponible à plus utile : par exemple écrire des contes ou des nouvelles.

L’auteur, administrateur de sociétés après en avoir dirigé une, s’y essaie avec bonheur dans ce petit recueil, publié par amusement. Le plaisir à les écrire se ressent à leur lecture, soutenu par les aquarelles fraîches de Caroline Ayrault.

Ce sont quatre contes légers mais dont la profondeur ne se ressent qu’après lecture. Ils sont « longs en bouche », comme on le dit d’un cru. Le premier évoque le baptême de l’île caraïbe de Saint-Barth, le second l’acculturation d’un iguane par la délicieuse nourriture importée jetée par un modèle femelle de luxe venue retrouver sa taille anorexique qui fait si bien sur les photos, le troisième est la vision du futur d’une tortue îlienne, le quatrième sur un caillou blanc porte-bonheur.

Cristoforo voulait épater le monde et ne pas faire comme tout le monde. Ce pourquoi il a cherché les Indes ailleurs : vers l’ouest et non vers l’est. Savait-il que la terre était ronde ? Il n’a trouvé la première fois que des îles, pas d’or ni d’épices. La seconde fois, en 1493, il s’est émancipé de son maître roi d’Espagne pour nommer une île du nom de son frère Bartolomeo. Lequel est « un fainéant de première classe [qui] y serait parfaitement heureux ». Une île au sol sec où les plantations ne sauraient prospérer, mais où une anse protège les bateaux, aujourd’hui port franc au carburant détaxé. Ainsi fut nommée Saint-Barth, 10 000 habitants dont l’ex-doyenne de l’humanité Eugénie Blanchard – et l’auteur. Cette collectivité d’outre-mer des Antilles françaises est aujourd’hui un paradis de milliardaires (dont Laurence Parisot, Harrison Ford, Beyoncé, Mariah Carey, Bill Gates, Warren Buffett, Paul Allen, la famille Rothschild – et Johnny Hallyday, en son temps). La température y oscille toute l’année entre 22° et 31° mais la fiscalité y est plus douce. Comme quoi d’un mal (pas d’or) peut surgir un bien (attirer l’or)…

Delicatissima fait référence à un saurien des Antilles, l’iguane nommé ainsi pour ses probables qualités gustatives. L’auteur retourne le compliment en faisant de l’animal un gourmet. Il est hélas soumis à la tentation de la nourriture mondialisée via une touriste de passage qui jette les fraises et les pains au chocolat cuisinés pour elle et qu’elle ne mange pas, pour maigrir. Ce gaspillage de la belle profite à la bête, laquelle se languit néanmoins de ces mets au point de délaisser la production locale. Comme quoi la mondialisation est un mal qui fait désirer ce qu’on n’a pas et qu’on est incapable de trouver localement ou de produire.

Autre réflexion écologique sur le futur de l’île, avec Carbonaria, une tortue philosophe. En observant les gens, les nantis qui viennent se poser sur l’île, elle imagine ce que sera Saint-Barth dans cinquante ans : une horreur. De grands immeubles, de gros bateaux, un essaim d’hélicos, une piste de jets rallongée. « Mais avec un grand souci de protéger la nature », ironise l’auteur. Des réserves de faune endémique préservées et nourries pour les touristes, un court de tennis au-dessus de Shell Beach, un grand champ d’éoliennes pour l’électricité indispensable aux 80 000 habitants prévus… Ou comment changer un paradis en clapier, en l’enrobant des vertes paroles du greenwashing.

Quant au caillou blanc, il fait rêver, comme tout porte-bonheur. Mais le petit Arawak qui l’a le premier donné, en échange d’une lame de fer, a préféré le réel au rêve, un instrument utile à un objet fétiche. L’Arawak est l’indigène premier de l’île : il pratique l’utilitarisme sans le savoir, préférant le rot au fumet, comme Rabelais.

(A noter pour une réédition que taureau ne s’écrit pas « toreaux » p.22 lorsqu’il s’agit d’animaux pour la corrida)

Jean-Jacques Dayries, Petits contes philosophiques de Saint-Barthélémy, 2018, Roche / Fleuri éditeur, 65 pages, €17,96

(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés Amazon partenaire)

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Jean-Philippe Bozek séduit « Le Contemporain » avec sa trilogie sur les Dubrule-Mamet

Une épopée familiale au cœur de l’Histoire : « Paul et Suzanne » de Jean-Philippe Bozek

■ Jean-Philippe Bozek.
 
Par Yves-Alexandre Julien – Journaliste Culturel.

Jean-Philippe Bozek nous offre avec Paul et Suzanne : Histoire de la Famille Dubrule-Mamet, Tome 1 – Les Aïeux 1800-1931 une fresque historique ambitieuse qui plonge le lecteur dans l’intimité d’une famille d’industriels français, du début du XIXe siècle jusqu’à la Grande Dépression. Consultant en entrepreneuriat, coach de dirigeants et biographe d’entreprises, Bozek met à profit son expérience de plus de trente ans dans le domaine entrepreneurial pour détailler les dynamiques internes et externes qui ont façonné cette lignée entrepreneuriale.

Titulaire d’un Master II en sciences de gestion, option entrepreneuriat, il a consacré toute sa carrière professionnelle à l’entrepreneuriat. À 39 ans, il est devenu coach de dirigeants et d’entrepreneurs, formé à l’école Transformance fondée par Vincent Lehnardt. Son expertise, centrée sur l’identité profonde et intime des chefs d’entreprises et la façon dont leur univers psychotique personnel influence leur appréhension du monde, transparaît dans chaque page de cet ouvrage. Parmi ses publications précédentes chez Eyrolles, on compte Coacher les entrepreneurs, transformer leur rêve en réalité et Le Bonheur d’Entreprendre, de Novotel à Accor, une formidable aventure humaine. Ces ouvrages témoignent de son engagement à partager son savoir et ses expériences pour inspirer et guider les entrepreneurs de demain. C’est avec cette même passion et cette même rigueur que Bozek aborde l’histoire de la famille Dubrule-Mamet.

I. Une saga industrielle captivante

Comparé à d’autres œuvres de même acabit, telles que Les Thibault de Roger Martin du Gard, Paul et Suzanne se distingue par son ancrage dans la réalité industrielle et son approche didactique de l’histoire économique. Là où Martin du Gard explore les dilemmes moraux et philosophiques d’une famille bourgeoise, Bozek se concentre sur les défis et les triomphes d’entrepreneurs visionnaires.

II. Les racines d’une dynastie

Le prologue « Deux frères en voyage » et la première partie intitulée « Les Ancêtres » jettent les bases de cette épopée familiale. Bozek décrit avec minutie les origines de la famille, depuis la Révolution française jusqu’au début du XXe siècle. Les chapitres « De la fonderie au peignage », « La filature de Bruges », et « Le tissage du Canteleu » retracent les débuts modestes mais prometteurs des Dubrule-Mamet.

Ces sections rappellent les écrits de Pierre Bourdieu dans Les Héritiers, où l’auteur examine comment les ressources économiques et culturelles se transmettent et se transforment au fil des générations. Bozek, cependant, adopte une perspective plus narrative et moins théorique, rendant son récit accessible et engageant pour un large public.

III. Le tournant des grands-parents

La deuxième partie, « Les Grands-Parents », constitue le cœur de l’ouvrage. Elle commence avec « Exposition Internationale des Industries Textiles », marquant l’entrée de la famille sur la scène internationale. Bozek explore ensuite les effets dévastateurs de la Première Guerre mondiale dans « La Grande Guerre », montrant comment le conflit a bouleversé les vies et les fortunes des Dubrule-Mamet.

Le chapitre « De père en fils » met en lumière la succession et la transmission des valeurs et des savoir-faire, un thème central également exploré par Honoré de Balzac dans La Comédie Humaine. Là où Balzac se penche sur les intrigues et les ambitions individuelles, Bozek préfère souligner la persévérance collective et l’adaptation face aux adversités.

IV. La question mémorielle au XIXe siècle

Bozek ne se contente pas de relater les événements historiques et économiques ; il s’attarde également sur la question mémorielle, essentielle pour comprendre l’identité et la continuité des Dubrule-Mamet. Au XIXe siècle, la mémoire collective et individuelle joue un rôle crucial dans la formation de la conscience nationale et familiale. Les commémorations des grandes batailles, les monuments aux morts, et les récits familiaux sont autant de moyens par lesquels les générations successives s’approprient et réinterprètent leur passé.

À l’instar des travaux de Maurice Halbwachs sur la mémoire collective, Bozek montre comment les Dubrule-Mamet ont intégré les événements marquants de leur époque pour forger leur identité et justifier leur position sociale. Chaque succès industriel et chaque épreuve surmontée devient un élément constitutif de leur récit familial, légitimant leur place dans l’histoire nationale.

V. Une rencontre déterminante

Le dernier chapitre, « La rencontre », se concentre sur l’union de Paul Dubrule et Suzanne Mamet en 1931, scellant le destin de deux lignées industrielles. Bozek excelle dans la description des dynamiques personnelles et professionnelles qui ont conduit à cette alliance stratégique. Cette approche rappelle les travaux de Simone de Beauvoir, notamment Les Mandarins, où les relations personnelles sont indissociables des ambitions politiques et intellectuelles.

Bozek nous offre ici une conclusion provisoire riche en promesses pour les tomes suivants, où l’on peut anticiper la poursuite de l’exploration des défis de l’entrepreneuriat familial à travers les bouleversements du XXe siècle.

VI. Une destinée exceptionnelle : Paul Dubrule fils

Paul Dubrule, fils de Paul Dubrule et Suzanne Mamet, né en 1934, est le cofondateur avec Gérard Pélisson de Novotel, devenu le groupe Accor en 1967. Cette entreprise est aujourd’hui un des plus grands groupes hôteliers au monde. Le succès de Paul Dubrule fils témoigne de l’héritage entrepreneurial transmis de génération en génération, évoqué avec profondeur par Bozek. Cette success story moderne s’inscrit dans la continuité des valeurs et de la vision initiées par ses ancêtres, illustrant parfaitement la persistance et l’adaptation familiale à travers les siècles.

VII. Une leçon d’histoire et de persévérance

Paul et Suzanne 
est un ouvrage remarquable par la richesse de sa documentation et la fluidité de son écriture. Jean-Philippe Bozek réussit à rendre vivants les enjeux économiques et sociaux de plusieurs générations, tout en offrant un panorama saisissant de l’histoire industrielle française.

En comparaison avec d’autres œuvres historiques ou familiales, Bozek se distingue par son approche pédagogique et son souci du détail. Paul et Suzanne n’est pas seulement un livre sur une famille ; c’est une véritable leçon d’histoire et de persévérance, qui trouvera sans doute une place de choix dans les bibliothèques des passionnés d’histoire et d’économie.

Avec ce premier tome, Bozek pose les bases d’une trilogie qui s’annonce déjà comme un incontournable pour comprendre les dynamiques entrepreneuriales et familiales à travers les âges. À l’instar des Buddenbrook de Thomas Mann, Paul et Suzanne capture l’essence d’une époque tout en offrant des enseignements universels sur la transmission, l’innovation et la survie face à l’adversité.

Microbiote : ce trésor invisible à préserver pour notre santé future – avec le docteur Patrick Houlier

Microbiote : ce trésor invisible à préserver pour notre santé future

Par Yves – Alexandre Julien

L’intestin, longtemps relégué à un rôle purement digestif, est aujourd’hui reconnu comme un organe central dans la régulation de notre santé globale. Dans Maman, j’ai rétréci mon microbiote, publié chez Librinova, Patrick Houlier, Docteur en Pharmacie et ancien interne à l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris spécialisé en écologie digestive, nous plonge au cœur de ce monde fascinant et invisible. Après vingt ans d’activité dans la Recherche, l’Enseignement et l’Industrie, Patrick Houlier s’investit désormais dans la santé  naturelle, mettant en avant le rôle essentiel de l’écosystème intestinal dans notre capital sante . Il est également membre de la Fondation Catherine Kousmine, qui défend l’alimentation comme première médecine.

Un bébé guide dans le monde du microbiote

Dans Maman, j’ai rétréci mon microbiote, Patrick Houlier choisit un narrateur surprenant et attachant : un bébé. Ce bébé, observateur et curieux, nous emmène avec lui dans sa découverte de son propre microbiote dès la conception. Cette perspective originale, qui pourrait paraître naïve, est en réalité un formidable outil pédagogique. Grâce à ce point de vue infantile, des sujets complexes deviennent plus accessibles, avec une touche d’humour et de légèreté. Le narrateur, tout petit mais déjà bien éveillé, vulgarise la science pour captiver le lecteur, à l’instar des ouvrages de vulgarisation scientifique comme Le Charme discret de l’intestin de Giulia Enders.

Dans le chapitre “Le jour 1 de ma conception” (p.17), le bébé-narrateur commence par nous expliquer, avec une candeur touchante, que dès la conception, notre microbiote est influencé par les génomes de nos parents. Il nous apprend, avec des mots simples, que des phénomènes comme l’épigénétique et la “mémoire transgénérationnelle” modulent la composition de notre flore intestinale avant même notre naissance. Là où des ouvrages plus techniques auraient risqué d’éloigner le lecteur, ce bébé rend le sujet intrigant et ludique, tout en nous introduisant à des concepts aussi poussés que ceux explorés dans L’intestin, notre deuxième cerveau de Michael Gershon.

Un voyage digestif dès la naissance

Le narrateur nous entraîne ensuite dans un voyage fascinant : sa naissance, moment clé où son microbiote commence véritablement à se constituer. Dans le chapitre “Quand un cerveau rencontre un autre cerveau” ,ce bébé raconte comment, dès sa venue au monde, les bactéries présentes dans l’organisme de sa mère – et celles rencontrées lors de l’accouchement – colonisent son intestin. Cette colonisation, loin d’être effrayante, devient une aventure biologique passionnante racontée à travers le regard d’un nouveau-né.

Le bébé nous explique également, sans complexe, comment se met en place l’axe intestin-cerveau, un lien mystérieux que même certains adultes peinent à saisir. Ce lien, exploré par des chercheurs comme Emeran Mayer dans The mind-gut connection , est ici décrit de manière intuitive : son ventre envoie des signaux à son cerveau, et cela influence son humeur et sa santé globale. Grâce à cette approche simple et imagée, le lecteur comprend mieux l’importance de cette interaction entre intestin et cerveau, essentielle à la santé mentale.

L’alimentation moderne vue à travers les yeux d’un bébé

Au fur et à mesure qu’il grandit, le bébé-narrateur se questionne sur les effets de l’alimentation moderne sur son microbiote. Dans “L’alimentation ultra-transformée” (p.93), il partage ses découvertes avec la curiosité et l’innocence d’un enfant, mais sans pour autant épargner les travers de notre mode de consommation contemporain. Pourquoi les aliments ultra-transformés, si colorés et appétissants, sont-ils si mauvais pour notre flore intestinale ? Il explique comment ces produits, souvent remplis d’additifs, d’émulsifiants et de colorants, affaiblissent notre microbiote, le déséquilibrant progressivement. Ce point de vue rejoint les analyses d’auteurs comme Tim Spector dans The diet myth, qui expose comment la simplification de notre régime alimentaire affecte notre diversité microbienne.

Avec des anecdotes directes comme celles de “Mon allaitement” (p.167), le bébé décrit le lien entre une alimentation naturelle – comme le lait maternel – et la santé microbienne. Il nous apprend que ce premier lait, le colostrum, est un véritable « champagne » pour le développement de son microbiote. Cette partie du récit illustre à merveille l’importance de ces premières étapes nutritionnelles, alignées avec les thèses de chercheurs tels que Natasha Campbell-McBride dans Gut and psychology syndrome , qui explore comment un microbiote sain favorise le développement cognitif et émotionnel des enfants.

L’impact des médicaments sur le microbiote : une mise en garde infantile

Dans son exploration des dangers contemporains, le bébé-narrateur ne s’arrête pas à la simple alimentation. Il aborde également, avec une étonnante maturité, les impacts des médicaments. Dans le chapitre “Les ennemis du microbiote de Maman” (p.59), il liste certains des « voleurs de richesse » qui appauvrissent son microbiote, décrivant comment l’usage excessif de ces médicaments peut créer des déséquilibres majeurs dans cet écosystème fragile.

Il se demande, de manière espiègle : « Comment est-ce possible que quelque chose qui soigne en même temps tue mes petites bactéries ? ». Cette observation infantile, bien que simple, reflète une question essentielle abordée dans de nombreux ouvrages médicaux récents. Par exemple, Martin Blaser, dans Missing microbes, met en lumière les dangers d’un usage trop fréquent des antibiotiques, qui détruisent des bactéries bénéfiques tout en contribuant à la résistance antimicrobienne.

Un microbiote perturbé dès l’enfance : vers une santé en danger

L’ouvrage souligne également l’importance de protéger ce fragile équilibre dès les premiers jours de la vie, avec des conséquences à long terme. Le bébé nous raconte comment une perturbation de son microbiote à un stade précoce pourrait avoir des répercussions graves sur sa santé future. Dans le chapitre “Face à l’adversité : bébé maltraité, adulte en danger” (p.158), il explique comment les écrans de télévision peuvent être nocifs (p161) tout comme leur contenu jusqu’à à l’âge adulte.

Cette notion rejoint les analyses récentes sur le rôle crucial du microbiote dans la prévention de maladies métaboliques, inflammatoires et même psychiques. Natasha Campbell-McBride, dans son ouvrage Gut and psychology syndrome, met également en lumière l’importance de soigner la flore intestinale pour prévenir des désordres neurologiques et psychologiques chez les enfants et adultes.

La biodiversité microbienne, un enjeu pour la planète et pour nous

L’un des messages forts que transmet ce bébé-narrateur concerne la diversité microbienne. Dans le chapitre “Les ennemis de ma planète” (p.137), il nous explique, avec des mots simples mais percutants, comment la destruction des écosystèmes environnementaux a son parallèle dans la destruction de notre biodiversité intestinale. Il compare la perte de biodiversité dans la nature à l’appauvrissement de son propre microbiote : tout se dérègle, et cela affecte son bien-être: «  Les menaces sur la biodiversité sont bien étayées : les trois-quarts des sols sont dégradés, presque la moitié des milieux marins sont atteints …La cause principale est également connue, en premier lieu les pressions exercées par l’activité humaine sur l’environnement… » ( p138)

Cette perspective fait écho aux travaux de Gérard Eberl dans La symphonie des bactéries, où la santé humaine est comparée à un écosystème qu’il faut protéger des agressions extérieures. Tout comme la planète subit les effets de la pollution et des changements climatiques, notre microbiote subit des perturbations dues aux choix de vie modernes : pollution, alimentation ultra-transformée et usage excessif de médicaments.

Un plaidoyer infantile pour un microbiote équilibré

À travers Maman, j’ai rétréci mon microbiote, Patrick Houlier, par la voix de son bébé narrateur, délivre un message simple mais puissant : notre santé future est intimement liée à celle de notre microbiote. Grâce à une approche infantile et ludique, il parvient à vulgariser des concepts scientifiques complexes, tout en sensibilisant le lecteur à l’importance de protéger cet écosystème fragile.

En miroir de références scientifiques solides comme celles de Tim Spector, Natasha Campbell-McBride, ou encore Michael Gershon, ce bébé éclaire le lecteur sur les choix à faire dès la petite enfance pour préserver ce trésor invisible. Il s’agit non seulement de repenser notre alimentation, mais aussi de limiter l’usage des médicaments et de respecter la diversité microbienne, tout comme nous devons protéger la biodiversité de la planète.

Ce livre, à la croisée entre science et pédagogie, montre que chaque geste compte pour maintenir un microbiote en bonne santé, et que même un bébé, avec ses explications parfois très simples, peut devenir un guide éclairé dans cette quête pour un mieux-être global.

Le Dit des Mots a lu « La Question interdite » de Valérie Gans

Une histoire de bons sentiments

Roman
Ancienne critique littéraire au Figaro Madame, romancière et aujourd’hui éditrice, Valérie Gans publie sous ses couleurs son nouveau roman, La Question interdite (*). L’odyssée d’un homme brisé par une rumeur d’agression sexuelle. Et un propos un peu attendu dans un contexte plutôt réactionnaire, elle retourne le mythe de la victime, pour ironiser sur l’époque #MeToo.

C’est l’histoire d’une agression. La Question interdite de Valérie Gans met « aux prises » un artiste vidéaste reconnu, Adam, une adolescente, Shirin, un peu paumée qui vit seule avec sa mère depuis le décès de son père, et les autres… : copains de collège, médias, policiers. Entre autres. Le jour où Adam est accusé de comportement interdit avec Shirin, sa vie vire au cauchemar, même si, pour autant, celle de Shirin ne va pas connaître d’apaisement.

On sent le métier chez Valérie Gans, qui sait écrire une histoire de manière efficace, décrivant avec aisance ses personnages principaux et les caractères. Très vite, on comprend ainsi que Shirin vit avec une mère envahissante et qui n’est pas peu fière de l’attention que l’artiste porte à sa fille dont il fait un de ses modèles favoris, y compris quand il s’agit de doubler pour une animation vidéo une cantatrice capricieuse devant interpréter La Force du destin, de Verdi, dont Adam assure la mise en scène. Car la jeune Shirin « explose » à l’écran. « Dès qu’on la filme, c’est comme si on la voyait flotter entre ces deux états de maturité. Elle exprime à la fois tout et son contraire. Fragilité, détermination, abandon, curiosité, mal-être, joie de vivre, gaminerie, séduction… Son corps peut rire quand ses yeux sont en train de pleurer. »

Actualitté, le site de référence, recommande « Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll

Un drôle de goût ! : un thriller sous le signe d’une cyber-attaque

Thriller hyperréaliste, Un drôle de goût ! fait suite à La tentation de la vague, roman publié chez L’Harmattan en 2019, et ressorti chez Cigas SAS en 2022. Les deux volumes peuvent toutefois se lire indépendamment l’un de l’autre, comme le précise Alain Schmoll sur le quatrième de couverture. Chronique par Étienne Ruhaud.

Remettant en scène les figures de Werner Jonquart et de Julia, l’auteur construit une intrigue pleine de suspense, mettant en scène divers réseaux. 

Un thriller international…

Issu de la grande bourgeoisie genevoise, Werner Jonquart adhère, encore étudiant, aux thèses d’extrême-gauche. À cette occasion, l’homme rencontre Julia, future avocate brillante avec laquelle il voyage, notamment à Cuba.

Ayant finalement repris l’affaire familiale, soit la fromagerie Jonquart, Werner s’éloigne peu à peu de Julia, fidèle à l’idéal révolutionnaire, et qui désormais ne voit en lui qu’un homme d’affaires. S’étant choisi un autre destin, Julia sort finalement avec un avocat bordelais, et donne naissance à une fille, Léna. Célibataire, donc, mais homme à femmes, Werner mène l’entreprise avec brio, signant de nombreux contrats. Et c’est là que les soucis arrivent.

Un « drôle de goût » apparaît effectivement dans les produits phares de la marque, tel le « Vieux Prioux ». Parallèlement deux sociétés proposent de racheter le groupe. L’une est dirigée par Matthew McFermack, tycoon américain particulièrement brutal, et dont le comportement n’est pas sans rappeler celui de Donald Trump. L’autre, Tofenum, est dirigée par des Chinois, et donc liée au parti communiste, et… aux Triades.

Toutes deux offrent un montant mirobolant, ce qui semble d’emblée suspect. Outre-Atlantique, Werner découvre un McFermack grossier, sinon menaçant, secondé par un certain Jason, lui aussi insistant. Faisant monter les enchères, il finit par vendre aux Chinois, mettant McFermack en fureur.

De nouveaux problèmes se font jour, toutefois. Un des cadres, le pentester (nommé justement pour découvrir les failles et déjouer les pièges) Dany Schlechter, meurt subitement, mystérieusement. Parallèlement, le groupe subit de plus en plus de cyberattaques, et Werner est physiquement menacé. Outre les Américains et les Chinois, l’ultra gauche, qui voit en Werner une incarnation polymorphe du Mal, détruit littéralement son appartement parisien, sur l’île-Saint-Louis.

L’homme d’affaires, qui s’est entre temps remis en couple avec Julia, craint également de voir sa belle-fille, la petite Léna, massacrée par un commando. Américains comme Chinois sont effectivement liés à des groupes mafieux particulièrement violents, pratiquant torture et assassinat. Werner peut toutefois compter sur le soutien d’une amie d’enfance, devenue major chez Interpol, Stéphanie.

La fin du livre est assez inattendue, et se déroule sur une île, au Sud de la Floride…

Un récit réaliste et haletant

Ayant lui-même eu d’importantes responsabilités, Alain Schmoll maîtrise parfaitement la culture d’entreprise, son vocabulaire et ses codes, ainsi que les notions économiques.

Nous sommes ainsi surpris par la précision des termes, par le réalisme balzacien propre à Schmoll, qui connaît vraiment ce milieu… Réalisme qui se trouve encore renforcé par le préambule, rédigé en… mai 2029 par un mystérieux (et fictif) écrivain public, censé avoir aidé Werner Jonquart dans la rédaction du livre !

Dans un premier temps, il [Werner Jonquart] avait voulu raconter lui-même ces péripéties troublantes, telles qu’elles se produisaient, au moment où il leur était confronté. Il avait commencé à en écrire les chroniques. (…) Puis tout s’est aggravé. (…) Écrire ne lui a plus été possible.

 

– Extrait d’Un drôle de goût !

Réalité et imagination se mêleraient donc, ici.

Le suspense est également maintenu, l’histoire étant riche en rebondissements, souvent inattendus. Il s’agit ainsi d’un roman très actuel, parfaitement intégré au présent. L’entreprise Jonquart est par exemple victime de cyberattaques, comme il est hélas d’usage aujourd’hui.

L’action se situe également en mai 2024, juste avant les Jeux Olympiques, dans la confusion des travaux d’aménagement. Tout semble donc pensé pour que le lecteur adhère au propos, pour maintenir la vraisemblance.

À travers les discussions, parfois animées, de Werner et Julia, se dessinent les contours d’une authentique réflexion politique : demeurée marxiste, Julia souhaite un changement brutal, global, quand Werner désire maintenir une forme de capitalisme social-démocrate. Julia évoluera avec le temps.

Quelle est clairement la pensée d’Alain Schmoll ? La question reste ouverte. En tous cas, Un drôle de goût ! n’est pas qu’un banal thriller un peu primaire, sans qu’on puisse, pour autant, parler d’essai théorique. Par moments, Schmoll paraît également se laisser aller au lyrisme. Plusieurs passages sont ainsi très poétiques, écrits dans une langue sobre mais élégante :

L’après-midi tire à sa fin. La température a un peu fléchi. Le soleil, éblouissant, descend sur la Seine, irradiant ses eaux filantes d’une lumière presque blanche.

 

– Extrait d’Un drôle de goût !

Trop ambitieux ? 

La critique qu’on pourrait adresser à Schmoll, c’est peut-être d’en avoir voulu trop faire. Malgré les efforts pour maintenir le réalisme, et la vraisemblance, on ne peut que difficilement croire dans le caractère rocambolesque des aventures de Jonquart, homme menacé de partout.

De surcroît, on pourrait également reprocher à Schmoll d’user de certains clichés : le dirigeant américain est nécessairement trumpiste, égocentrique et libertarien, proche des cartels colombiens… Les Chinois sont proches des triades…

Toutefois, et en dépit de ces quelques réserves, Un drôle de goût ! demeure un roman cohérent, assez bien construit, et qui tient le lecteur en haleine. 

« un polar en huis-clos » : Sur Alexandre Arditti dans « Le Dit des Mots »

Polar
Il ne manquait plus au patron de Facebook que d’être la cible d’un polar. C’est chose faite avec L’Assassinat de Mark Zuckerberg(*), de Alexandre Arditi, dont l’intrigue se passe dans un commissariat.

Ce polar est l’histoire d’un crime aux mobiles étranges. En plein Paris, un évènement vient secouer le monde : l’exécution en plein jour du PDG de Facebook Mark Zuckerberg, au sein d’une prestigieuse université parisienne.  Alors que la nouvelle fait l’effet d’une bombe, la police se lance dans une course contre la montre pour démêler les fils d’un complot qui semble impliquer bien plus que ce que l’on voit en surface. Pris dans la tourmente, le Commissaire Gerbier, figure emblématique de la persévérance et de l’intégrité. se trouve confronté à un suspect issu de la mystérieuse organisation Table Rase, plongeant dans un face-à-face tendu avec le coupable déclaré du meurtre.

Journaliste, éditeur, Alexandre Arditi signe un polar en forme de huit-clos qui se déroule essentiellement durant la garde à vue et l’interrogatoire de Franck Travis (en clin d’œil au héros de Taxi Driver) qui reconnaît avoir tiré sur le médiatique PDG connu du monde entier et semble regarder la situation avec une vraie distance. Tout en reconnaissant : « (…) je revendique cet acte on ne peut plus civique et héroïque »

Tribune Juive a lu les deux tomes de « Paul et Suzanne » de Jean-Philippe Bozek

La Chronique estivale de Jérôme Enez-Viard. “Paul et Suzanne” :  un livre de Jean-Philippe Bozek

Voici les deux premiers tomes d’une trilogie constituant la biographie de la famille Dubrule-Mamet, native de Lille et ses environs. L’auteur, Jean-Philippe Bozek, nous plonge au cœur d’aventures humaines et entrepreneuriales où chacun louvoie entre la félicité et les combats du quotidien.

Impossible de comprendre le destin d’un homme et de sa famille sans les replacer au préalable dans un contexte historique. Il est en effet essentiel d’avoir accès aux clefs permettant d’appréhender l’époque à laquelle ces gens-là vivaient, entendu que les soubresauts de la grande Histoire servent toujours de toile de fond aux protagonistes. Jean Philippe Bozek pose ainsi une loupe (bien entendu imaginaire) sur le monde d’hier afin de distinguer ce qui s’y passe au meilleur d’une compréhension confortable pour le lecteur.  

Tome 1 : Les Aïeux (1800 – 1931)

18 brumaire, an VIII de la Première République française – correspondant au 9 novembre 1799. À l’heure où débute ce récit, nous voici donc à cheval entre les XVIIIe et XIXe siècle ; le premier s’achève sur l’odeur du sang encore frais d’une révolution sordide, là où le second engage un Bonaparte – devenu consul à vie – rétablissant l’ordre et la paix à l’intérieur du pays. Bientôt la création de la Banque de France… Puis celle du Première Empire… Et la naissance le 5 messidor (mardi 23 juin 1800) à trois heures du matin, du premier héros de notre histoire, un certain Jean-Baptiste Paulus Joseph Dubrule, point de départ de cette biographie chorale, avec pour sujet principal l’ascension et les turpitudes sociales d’une famille sur deux siècles, de la révolution industrielle à la libération des mœurs, en passant par les années sombres des deux guerres mondiales. Jean-Philippe Bozek signe une magistrale saga économique et humaine dans un monde tantôt essoufflé (la fin du XIXe )puis ragaillardi (la Belle Époque et les Années folles) ; ce sont autant de voyages et rencontres au fil des visages qui prennent corps sous les yeux d’un lecteur comblé par une profusion de détails passionnants. 

Tome 2 : Guerre et Paix (1932 – 1950)

La deuxième partie commence à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Le lecteur est maintenant familier avec les personnages et les époques où sont plongées leurs racines avant d’en tirer le meilleur de la sève. Mais les premières décennie du XXe siècle, dont chacun envisageait le meilleur sans présager le pire, doivent faire face à l’invraisemblable d’un nouveau conflit que tout le monde prévoit redoutable puisqu’il sera « la plus violente déflagration que l’humanité ait connue. » Les temps de guerre… Le front de l’Est… La zone occupée… Le feu des alliés… La victoire puis la liberté… Il est ici avant tout question de Paul et Suzanne, dont les prénoms donnent son titre à la saga, et de leurs sept enfants, tous aujourd’hui encore vivants.

Bien que nous ayons affaire à une biographie familiale, le mot roman – pour la merveilleuse envolée qu’il représente – aurait pu se laisser imprimer sur la couverture des deux volumes ; si ce n’est que pas un des personnages ne relève de la pure invention. Les acteurs majeurs de cette histoire (et ils sont nombreux), ont tous véritablement existés ou existent encore ; ils ont été “créés” en amalgamant quantité de souvenirs dûment recherchés au cours d’une longue investigation familiale et historique. Chacun d’eux est l’indispensable abacule d’une mosaïque ici reconstruite en un portrait social issu d’une mémoire collective recouvrée en une seule. 

Esprit de famille

Chez Paul et Suzanne , la réalité quotidienne dépasse toujours – et de loin ! – la fiction romanesque ; c’est bel et bien de cela dont il est avant tout question dans ce texte : Jean-Philippe Bozek n’a rien inventé, il est même à supposer que ce qu’il raconte reste en-deçà de la vérité, car toute vie est intrinsèquement incohérente et désordonnée, en faire un livre revient à la minimiser pour qu’elle n’apparaisse pas invraisemblable et moi encore rocambolesque. C’est ensuite aux lecteurs d’ajuster en “lisant” entre les lignes ; ils sont à ce titre aidés par une remarquable iconographie : plus de deux cents photos et illustrations facilitent la projection (au sens propre) dans l’histoire. Alors ! Faut-il lire Paul et Suzanne ? Oui… Oui… Et oui… Trois fois oui…

… pour toutes les raison évoquées plus-avant, mais aussi parce que le texte est remarquablement écrit d’une plume académique ; elle se prête ô combien ! à la trame de l’histoire et correspond aux époques traversées. En outre, le conformisme d’un style aide à s’éloigner de la morale sociale et politique des sagas traditionnelles trop souvent asphyxiantes. Enfin, Paul et Suzanne rappelle que la filiation est avant tout une notion de sentiments plutôt que de gènes ; Jean-Philippe Bozek raconte bien entendu l’intimité d’une famille d’industriels et la mise en lumière des ressources qui ont contribué à leur prospérité, il n’oublie cependant pas la sensibilité des pères, des mères, ni celle des enfants grâce à laquelle s’agglomère l’esprit de famille dans lequel tout le monde aime à se projeter. En un mot : formidable !

Paul et Suzanne

Histoire de le Famille Dubrule-Mamet (en deux tomes)

Un livre de Jean-Philippe Bozek

Éditions Place des Entrepreneurs 

Environ 250 pages (x 2) – Nombreuses illustrations N&B et couleur – 25,00 € le tome

Jérôme Enez-Vriad

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