Actualités (NON EXHAUSTIF)

« lire Coupry peut être plaisant tant ses personnages sont loufoques et ses contes (im)moraux » (Argoul)

François Coupry, L’agonie de Gutenberg 2

Voici la suite de L’agonie de Gutenberg 1 – Vilaines pensées 2013/2017, chroniquées en 2018 sur ce blog,et que tout le monde attendait (bien-sûr) avec impatience (si ! si !). Nous sommes dans la suite, donc rien n’a changé que je que je disais il y a trois ans (même si les ânes peuvent changer d’avis aussi). Un blog ne fait pas un livre, ce qui s’écrit au jour le jour est distrayant, ce qui se lit en continu ennuie. La dispersion est d’actualité, pas d’éternité. De plus, « un livre » est antiécologique lorsqu’il n’apporte aucune valeur ajoutée.

L’auteur le reconnaît dès la p.92, dans une « vilaine pensée » du 3 avril 2019 : « Il faut se rendre à l’évidence, de moins en moins de gens aiment lire, de nos jours. Surtout parmi les ignares et les jeunes, mais pas seulement. En revanche, on écrit de plus en plus, notre siècle du twitter et du texto sera épistolaire. Il y a davantage d’auteurs que de lecteurs, ce qui signifie que l’on ne communique plus, que l’on crée pour soi-même à tire-larigot ». Comme c’est bien vu ! Dès lors, pourquoi rajouter un écrit de plus à l’écrit qui prolifère ?

Reste qu’à petite dose, lire Coupry peut être plaisant tant ses personnages sont loufoques et ses contes (im)moraux. Ce qui fait (devrait faire) réfléchir. Mais si l’on peut penser à petite dose, une dose massive tue l’effort. Un conte par jour suffit à sa peine. Le lecteur assidu (il en existe sans aucun doute) retrouvera le vieux Piano dont les notes s’évadent de plus en plus, son petit-fils ado Clavecin qui crécellise en ludion de BD, déguisé en toutes les formes (tiens, c’était la définition du Malin aux temps médiévaux…), sans compter FC lui-même et quelques animaux comme l’aigle Xi, l’âne von Picotin et le chien Tengo san (outre quelques extraterrestres aux noms indicibles et imprononçables). L’ado, l’avenir du monde qui vient, est particulièrement réussi dans son inanité de mode : p.133. Un vécu de l’auteur à l’âge d’être grand-père ?

Avec cela, gambadez dans l’actualité déjà oubliée et sortez du chapeau des paradoxes. Plus quelques remarques judicieuses souvent bien trempées sur « l’air du temps », chanté par le piano plan-plan ou le clavecin angoissé et grinçant. « Beaucoup de citoyens de la Franchimancie s’étaient réfugiés dans les époques passées, par peur des énormités de la modernité », dit l’auteur des réactionnaires qui tournent en gilets jeunes contre « les patrons forcément méchants » p.32. Pourtant, un jardin doit être sans cesse entretenu car tout pousse, les feuilles tombent, il faut tailler, « il faut recommencer, la nature est épouvantable » p.48. Mais ce n’est pas grave, la pente est inéluctable, « l’abêtissement global des individus, la confusion entre publicités souriantes et aguichants programmes politiques, engendreront des dictatures qui feront le ménage, coups de balai facilités par le désespoir commun de constater que les objets quotidiens se détraquent, tout devenant du toc sans consistance » p.136.

Rendez-vous au prochain numéro pour le suicide final ?

François Coupry, L’agonie de Gutenberg 2 – Vilaines pensées 2018/2021, FCD Livres 2021, 223 pages, 23.00€ 

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Plantes et santé a reconnu un grand homme dans Assossa

Assossa Soumouna  « La forêt est ma pharmacie »

Assossa Soumouna

Initié aux rites sacrés traditionnels du bwiti dans la forêt primaire du Gabon, Assossa est un homme médecine puvi-pygmée. Héritier d’une lignée millénaire de chamanisme africain, il soigne les maux du corps et de l’esprit grâce à sa maîtrise de la pharmacopée sylvestre, riche de plus de mille espèces de plantes et autant d’arbres. Il est exceptionnellement de passage en France afin de récolter des fonds pour son projet d’école de la forêt.

Plantes & Santé : Quel est votre rôle en tant que chamane au sein de votre communauté puvi-­pygmée du Gabon ?

Assossa Soumouna : Mon nom occidental est Soumouna Ngoto Hervé, mais lorsque j’ai été initié aux rites de passage du bwiti (tradition initiatique la plus connue du Gabon, ndlr) par la famille de ma mère, j’ai reçu le nom d’Assossa. Le bwiti est une voie spirituelle animiste millénaire liée à la pratique de la plante sacrée iboga (Tabernanthe iboga). Sa consommation rituelle permet au maître initié de voyager entre les mondes physique et spirituel. Je suis donc chamane, maître nganga de ces rites bwiti car je suis garant de la santé de la forêt et de ma communauté. Ce chamanisme ancestral est très différent de l’approche des marabouts. Être chamane dans ma famille est inné, cela m’a été transmis par mes grands-parents maternels et mon oncle. Mon père, issu d’une autre tradition, m’a légué le rôle de juge coutumier, qui règle les litiges dans les familles ou entre voisins de la communauté. Enfin, je suis consulté pour soigner les maux physiques ou mystiques, pour nettoyer les mauvaises énergies grâce à ma connexion spirituelle avec la forêt.

P. & S. Comment avez-vous acquis cette connaissance des plantes et des arbres de la forêt primaire du Gabon ?

A. S. Je suis né au milieu de la forêt primaire des Abeilles, près de Koulamoutou, c’est un lieu important pour les Pygmées. On y trouve l’iboga, la plante maîtresse des rites bwitis, des arbres sacrés comme le kezavingo ainsi que du miel sauvage. Dès mon plus jeune âge, j’ai reçu de ma famille l’enseignement des rites bwitis et la pratique de la plante sacrée iboga. Tout petit, j’ai également servi auprès de vieux chamanes de différentes tribus qui m’emmenaient en brousse pour répondre à toutes mes questions. Parallèlement à ces initiations, j’ai acquis le savoir médicinal des différentes espèces de plantes et d’arbres en suivant mes grands-parents pendant des années. Toute la transmission se fait de manière orale, j’enregistre les informations dans mon cerveau et dans mon cœur. Je pratique cette pharmacopée depuis l’âge de 10 ans, je connais à ce jour plus de deux mille plantes et arbres. On peut te montrer une plante, mais si tu ne la pratiques pas, tu ne peux pas l’attraper et l’utiliser comme il faut.

La forêt primaire du Gabon

P. & S. Dans votre tradition chamanique du bwiti, intimement liée à l’animisme, en quoi les arbres sont-ils particulièrement importants et sacrés ?

A. S. Cette forêt est tout pour moi, c’est ma maison, c’est le ventre de ma mère. Ces milliers de plantes sont mes sœurs, ma famille. La forêt contient tout ce qui est essentiel, elle nous donne à manger, à boire, et permet aux animaux d’y vivre. Les arbres vivent, respirent, parlent et dansent comme nous. Et ils rechargent les êtres humains en leur fournissant aussi des remèdes. Ce sont des arbres sacrés, des arbres médecins. Nous les honorons dans nos rites en les nourrissant d’offrandes, comme du vin de miel ou de palme. On ne peut pas se séparer de la nature car nous sommes arbres, nous sommes animaux… C’est de cette façon que l’humanité peut continuer à exister.

P. & S. Comment se passent vos « consultations » ? Vous pouvez tout soigner ?

A. S Je peux soigner beaucoup de maladies physiques, maux de ventre, infections aux poumons, problèmes d’enfantement, troubles liés à l’acoolisme ou la toxicomanie… ou des maladies mystiques comme des envoûtements, mais je ne soigne pas tout. J’adresse certaines personnes à l’hôpital. Et il arrive aussi que des docteurs en médecine occidentale m’envoient des malades dans mon lieu de soin, mon temple bwiti situé à 15 kilomètres de la capitale, Libreville. Je pense à cet homme dont la fracture à la cheville restait ouverte même au bout de huit mois avec des chairs qui pourrissaient. Je l’ai accueilli, j’ai détecté son mal par mes visions où je vois le corps de l’intérieur et suite à mes soins, sa blessure a séché en deux semaines. Pour traiter mes patients, je n’ai pas de plantes en bocaux ou préparées, j’utilise toujours des plantes fraîches à l’état brut, pour éviter la fermentation. Le jour de l’arrivée du patient, je pars en brousse le temps nécessaire. J’entre dans la forêt avec son prénom, son nom et celui de ses deux parents. Je m’adresse ensuite à l’arbre qui pourrait le soigner. Les arbres sont comme les humains, il faut les honorer. Donc je parle à cet arbre comme lorsque je visite un parent : « Bonjour, excuse-moi de te déranger, je viens pour telle personne. Si je la soigne avec ton écorce, ta force, ta bénédiction, cette personne va-t-elle guérir ? ». J’attends alors sa réponse par vision intérieure et en pratiquant un oracle avec son écorce. L’arbre me répond, car je l’ai respecté dans sa maison. Ma pharmacie à moi, c’est la forêt. Selon les besoins, je fais appel à l’iboga, associée aux rites mystiques, ou simplement à la pharmacopée. En cas de paludisme par exemple, j’utilise différentes écorces d’arbres afin de couvrir le corps du malade après un bain de vapeur pour faire sortir le mal. Ces écorces viennent notamment du moabi ou du kevazingo, des « arbres mères » très énergétiques qui renforcent les articulations, fortifient le sang et le taux de fer dans le corps. Ils sont aussi efficaces en cas d’insuffisance rénale.

L’iboga (Tabernanthe iboga), la plante maîtresse du rite bwiti

P. & S. Votre tradition d’homme médecine, transmise de génération en génération, est-elle perméable à la société moderne, aux évolutions technologiques ? Et cette modernité est-elle une menace pour votre médecine traditionnelle ?

A. S. Je pense que notre premier ordinateur est notre cerveau, mais je ne suis pas opposé aux évolutions. Je me définis comme un tradi-­moderne ! Et je pense plutôt en termes d’échanges de savoirs. Nous connaissons la forêt primaire et nous pouvons l’enseigner aux autres ; les Occidentaux, eux, ont développé de nouvelles technologies, des téléphones portables. Et moi-même, j’utilise mon mobile quand je suis en forêt pour assurer des consultations à distance, via WhatsApp. Ça fonctionne très bien, c’est un progrès très appréciable. Il est grand temps aujourd’hui d’élargir et de transmettre nos savoirs utiles aux autres. En tant que gardien de la forêt, je dois utiliser toutes les technologies pour enseigner comment aimer et préserver nos frères et sœurs, les arbres et les plantes. Car la plus grande menace pour ma médecine, c’est la déforestation, le braconnage et le pillage de notre patrimoine végétal sacré.

Parcours

1979 Naissance à Koulamoutou, au Gabon.

1989 Première initiation aux rites ancestraux du bwiti, un chamanisme millénaire pratiqué au Gabon.

1994 Vision en rêve d’une « école de la forêt ».

2017 Participation à la Grande Assemblée des peuples autochtones, organisée au Brésil par le cacique Raoni, le grand chef kayapo.

2019 Premier voyage en Europe et découverte de la France.

2021 Tournée et collecte de fonds en France pour son école de la forêt.

Un projet d’école pour « apprendre » la forêt

À l’âge de 15 ans, Assossa a « vu » en rêve une grande école dans son village puvi-pygmée, ayant pour vocation de protéger la forêt primaire gabonaise. En effet, celle-ci est de plus en plus menacée par les trafics illicites de bois et de plantes, dont l’iboga, et par la pollution des rivières au mercure due à l’extraction de l’or. Pour mener à bien son projet, le chamane bénéficie du soutien de la jeune revue trimestrielle Natives, qui donne la parole aux peuples autochtones et défend leurs droits. Elle organise avec lui une collecte de fonds en France afin de l’aider à acquérir un grand terrain dans la forêt des Abeilles. Sur ces terres, Assossa imagine déjà son école ouverte à tous pour enseigner le culte du bwiti, la médecine traditionnelle, la communication avec la forêt, et même une culture agricole plus vertueuse… Une véritable initiation, pour former une nouvelle génération de gardiens de la forêt.

Si vous voulez soutenir le projet de l’école de la forêt : contacts.natives@gmail.com

Le philosophe Emmanuel Jaffelin sur le Don dans Radio fidélité

Philo & Co : La Charité Et Le Don Dans La Recherche Du Bonheur – Avec Emmanuel Jaffelin – 4/4

Philo & Co Société

Vendredi 19 novembre, Radio Fidélité à organisé son radio don ! Une journée spéciale qui permet à Radio Fidélité de rassembler les fonds nécessaires à son bon fonctionnement.

Tout au long de cette journée, les animateurs et les invités se sont succédé à l’antenne pour inciter les auditeurs à donner à la radio. Ce fonctionnement, qui permet à la radio de vivre grâce aux dons ses auditeurs, est plutôt rare dans l’économie des radios associatives. Justement, dans philo & co nous nous intéressons à ce qu’apportent la charité et le don dans la recherche du bonheur. Depuis le début du mois, Philo& co questionne la quête du bonheur avec Emmanuel Jaffelin, professeur de philosophie, auteur de nombreux ouvrages sur la gentillesse et tout récemment de « Célébrations du bonheur » chez Michel Laffon. Vous écouterez les podcasts des épisodes précédents sur notre site internet pour en savoir plus sur ce qui nous amène, ou non, à être plus heureux.Quel intérêt y a t’il à être gentil ? Pourquoi donner de façon désintéressée à l’autre ? Réponse avec Emmanuel Jaffelin.

Illustration : La Charité, d’Andrea D’AGNOLO DI FRANCESCO dit Andrea DEL SARTO – Crédit photographique : Cécile Clos/Musée d’arts de Nant

Le Progrès a rencontré Fiona Lauriol

« 101 ans, Mémé part en vadrouille » est paru

Par Le Progrès 26 nov. 2021 à 16:45 | mis à jour le 27 nov. 2021 à 15:12 – Temps de lecture : 1 min

Nous avions rencontré Fiona Lauriol en août, lors de son passage en Haute-Loire à bord de son camping-car. La jeune Vendéenne préparait la promotion de son livre 101 ans, Mémé part en vadrouille. Un ouvrage autobiographique qui raconte son histoire lorsqu’elle est allée chercher sa grand-mère à l’Ehpad pour s’occuper d’elle.

La folle aventure va aller bien au-delà et va durer jusqu’aux 103 ans de Dominique, une mémé au tempérament bien trempé. Ensemble, elles vont voyager en France, en Espagne et au Portugal. 101 ans, Mémé part en vadrouille retrace un road-trip extraordinaire et touchant, sous la plume efficace et pleine d’humour de Fiona Lauriol. Un livre qui parle d’espoir, d’amour et de liberté.

101 ans, Mémé part en vadrouille, Fiona Lauriol. Éditions Blacklephant. Octobre 2021. 16,90 euros.

Françoise Fesneau a lu « La Conversation » pour « Au plaisir de lire » 

Françoise Fesneau a lu « La Conversation » pour « Au plaisir de lire » 

Journaliste, éditeur de presse, passionné de voyage – il a fondé les Éditions Grands Voyageurs – Alexandre Arditti est également romancier. Depuis 2008, il dirige aussi le magazine Voyages et Hôtels de Rêve. La Conversation est son premier roman, paru aux éditions Les Presses Littéraires en Mai dernier.

Charlotte a 20 ans et sort de Sciences Po. Elle travaille pour un journal national en tant que rédactrice stagiaire. En clair, elle fait ce qu’on lui demande, n’a pas de bureau attitré et n’est pas rémunérée !

Au cœur de l’été, chacun se prépare à partir en vacances. Cependant, Charlotte, va devoir se résoudre à rester à Paris car elle se voit proposer l’interview d’un ancien président de la république.

Victor Esmenard, âgé de 90 ans, c’est de lui dont il s’agit, est également écrivain et vient de recevoir le prix Nobel de la Paix pour son œuvre.

Elle n’est pas très emballée mais comment refuser lorsque l’on est stagiaire ? Caroline, la directrice de la publication, femme dynamique d’une cinquantaine d’années, lui fait comprendre qu’elle n’a pas le choix…

Rendez-vous est fixé le 2 août, au Plaza Athénée, prestigieux palace parisien.

« Il était déjà là, et je le repérai tout de suite….. Je m’avançais pour le saluer, les jambes flageolantes et le sourire crispé. » page 24

Charlotte semble très impressionnée par cette rencontre : première interview, ancien président, nouveau prix Nobel de la Paix, on le serait à moins.

La conversation, une rencontre entre le passé et le futur

Un verre de Chablis et la conversation commence. Lui fait l’homme qui est arrivé là sans faire grand-chose, soi-disant en évitant de trop travailler, en fuyant les contingences et le train train quotidien.

Charlotte est rapidement à l’aise, incisive dans ses remarques, trop face à cet homme de carrure internationale. Lui est direct : « Je n’aime pas les gens. Dire que l’on aime tout le monde est vide de sens ».

Victor parle de sa carrière, de la mondialisation, du journalisme qui s’est passablement dégradé (chaînes en continu, disparition de la presse papier), des réseaux sociaux qui permettent à tous de s’exprimer sans rien connaître, sans filtre, de la violence qui sévit partout, des écolos qui veulent régenter la vie de tous.

Le politicien rusé, censé détester les journalistes, use de séduction, pratique l’art de la conversation avec un sens aiguisé du monologue, use de l’aphorisme, de la citation, sans en abuser, médit de l’époque, se gausse de ses contemporains, vante les vertus du vin et du cognac, de la bonne chère aussi, évoque la douceur de vivre et se défie de l’avenir. Bref, donne, sans y prendre garde, des leçons de sagesses.

L’homme est un ancien haut personnage politique, il est âgé et peut se permettre cette distance par rapport à sa vie, se positionner au-dessus de la mêlée. Mais elle, elle a 20 ans et s’adresse à lui comme si elle le connaissait, avec une aisance improbable.

Charlotte encaisse, réplique, ruse, et se trouve piégée en bout de course. On ne vous dira pas comment…

Alexandre Arditti livre un brillant exercice de style, échappant aux lieux communs

Les sujets abordés, les remarques sur la vie, l’humain en général, sont intéressants. On s’attend à un livre différent : un ancien président de la république, prix Nobel de la paix, qui a 90 ans… Des rencontres avec de hauts personnages du passé, des événements importants qu’il aurait détaillés, expliqués, des aventures croustillantes, les dessous de la République !!

Il n’y a rien de tout cela ! Au travers de ce dialogue intergénérationnel, l’auteur livre une réflexion générale sur le sens de la vie, celui à donner à la sienne quand on est au crépuscule de celle-ci. On se lâche, sans fard, sans ornement, sans tromperie. On se met à nu.

La construction du livre autour d’un dialogue et des chapitres courts font de ce roman de 120 pages un livre agréable et facile à lire. C’est une belle façon de faire le tour de sa vie que de donner sa vision du monde à la fin de ses jours, surtout lorsque l’on a quasiment un siècle !

Bonne lecture !

Françoise Fesneau

La conversation – Alexandre Arditi – Ed. Les Presses Littéraires – 05/2021 – 124 pages

Christine Bini fidèle et merveilleuse lectrice de François Coupry nous offre un nouvel article lumineux

François COUPRY

L’agonie de Gutenberg (2)
Vilaines pensées 2018/2021

François Coupry, que j’ai qualifié ailleurs d’ « ogre baroque » – et il n’a pas eu l’air de tiquer au compliment – est un observateur. Il a l’œil partout, son regard acéré, assassin, ne rate rien de nos travers contemporains, et s’il se revendique d’une inspiration swiftienne dans ce qu’il appelle joliment le « prélude » du tome 2 de ses Vilaines pensées, il est à l’évidence un analyste convaincant de la postmodernité. Voilà qui nous ramène au baroque : renversement des valeurs, entre autres. Dans un des contes de ce recueil, les ouvriers vivent dans un quartier pavillonnaire bourgeois et les ultra-riches dans des cités aux boîtes aux lettres éventrées. C’est le Carnaval. Ce que Coupry met en évidence, c’est que le carnaval contemporain ne dure pas qu’un maigre temps, il est permanent. Les chroniques de ce recueil sont aussi  politiques.
 
L’agonie de Gutenberg (2) a un sous-titre : « Vilaines pensées 2018/2021 ». Et un sous-sous-titre : « Journal extraordinaire, fables & paradoxes ». Nous y voilà. Le journal est extraordinaire parce qu’il ramasse les motifs ordinaires du quotidien et les passe à la moulinette d’une réalité augmentée, celle de la fiction révélatrice. Les fables ont une morale. Les paradoxes sont le substrat de la postmodernité, on en a la preuve tous les jours – on est élu sur un programme de gauche et l’on fait une politique de droite, on prône le tout-électrique mais on refuse l’énergie nucléaire, on partage en deux les chaussées pour laisser de la place aux vélocipèdes en créant des embouteillages monstres qui asphyxient les vélocipédistes et augmentent la pollution ambiante, ad libitum… Sur ces paradoxes-là, Coupry fait œuvre de moraliste, bien loin de la moraline. Mais pas seulement. Parce qu’il est avant tout un écrivain de fiction fictionnante, il nous livre ses vilaines pensées sur le mode du conte et de la fable. Et parce qu’il se revendique diariste, il prend pour figure tutélaire Kafka et son journal. Cependant, malgré toutes ces références bien ancrées dans une culture classique ou en passe de l’être, Coupry s’inscrit aussi, sans qu’il sache ou le veuille, dans la pop culture. Dans l’une des histoires qu’il nous offre dans ce tome 2 de L’agonie de Gutenberg, intitulée « Je ne suis pas humain », le narrateur est un professeur enseignant au Centre romain des études des récits de l’imaginaire. Lors d’un de ses cours, il prend conscience qu’il a subi une métamorphose, son doigt pointé vers un étudiant dissipé est griffu et couvert d’écailles vertes, il est devenu « un être de fiction incarné », un « Martien d’opérette ». Le conte se retourne comme un gant, et l’on n’est pas loin de l’univers de J.J. Abrams – même si je doute fort que Coupry connaisse ce nom.
 
Ce renversement des valeurs et cette lutte contre le moralement correct ont beaucoup à voir avec l’imaginaire de la pop culture. La force de Coupry, c’est d’inclure cette modernité – cette postmodernité – dans une histoire littéraire parfaitement balisée, loin des canons de l’imaginaire collectif contemporain. Ce n’est pas un paradoxe, paradoxalement. Coupry se situe au carrefour des courants de l’imaginaire, voilà pourquoi il faut le mettre entre toutes les mains : chaque lecteur y trouvera son compte de références et de projections.
 
Ce deuxième tome des Vilaines pensées court jusqu’à 2021, autant dire jusqu’à l’inimaginable : le virus. Qui l’eût cru ? Ce que nous avions dévoré et savouré sur les écrans et dans les romans apocalyptiques ou post-apocalyptiques est devenu réalité. Rien à dire : la fiction a toujours raison, on se tue à vous le marteler. La pandémie permet à Coupry un aller-retour entre les XXIe et XVIIIe siècles, dans les pages d’une savoureuse correspondance :
 
« 31 mars : Mon ami Piano…
Au clair de la lune, je termine ce mot que je posterai pour le dix-huitième siècle dans la gueule de ton grand chien blanc, magique boîte aux lettres.
Ici, à San Fernando, la situation sanitaire s’aggrave. Mais on miaule dans tous les postes de télévision, et sur tous réseaux hypocritement sociaux, que le monde après la pandémie […] sera meilleur et différent du monde d’avant cette COVID !
On rêve par exemple à la fin de l’obligation de travailler, de gagner coûte que coûte de l’argent, de supporter les familles, même recomposées, on rêve de la fin de la nécessité prétendument humaine de la sociabilité, de la convivialité, du vivre-ensemble, niaiseries que l’on supporterait par essence depuis des siècles, amen. »
 
Il faut lire ces vilaines pensées. Ce tome 2 met en relief le basculement du monde, dans sa marche lente et sa soudaine accélération. Coupry l’observateur, le cuentista, devient fictionnaire réaliste – oxymore, paradoxe !  Il faut lire François Coupry. Nous sommes, nous, frères humains, tout entiers présents dans ces vilaines pensées. Des pensées pas si vilaines que ça : moralement incorrectes – ça, ça fait du bien – et humainement fraternelles – et ça, c’est bien l’essentiel.

Christine Bini 
(22/11/21)    
Lire d’autres articles de Christine Bini sur http://christinebini.blogspot.fr/