Noicolas Gorodetzky écrivain remarqué par Actualitté pour « La Limite de Hayflick »

La Limite de Hayflick : ce que la science ne dit pas

En ressuscitant l’Épopée de Gilgamesh à l’ère des biotechs, Nicolas Gorodetzky signe un thriller scientifique qui met les pieds dans le plat : et si notre époque, lassée de la mort, s’apprêtait à la contourner ? La Limite de Hayflick de Nicolas Gorodetzky, aux éditions Yanat. 

Publié le :

04/12/2025 à 10:51

À Stockholm et dans la mystérieuse serre de Covergarden, le roman suit Stanislas Verlaine, jeune étudiant en criminologie, embarqué malgré lui dans les recherches du généticien Anders Marküssen sur l’immortalité cellulaire. 

Autour d’eux gravitent Margarita, la tante de Stanislas ; Luka, assistant scientifique ; un commando de tueurs impitoyables ; et un réseau secret d’Astérias, femmes mystérieuses qui œuvrent dans l’ombre pour protéger la clé de la vie éternelle.

Quand l’immortalité devient une prétention, non plus un mythe

Il fallait oser. Dans une époque où l’on ne peut plus évoquer la vieillesse sans que surgissent des promesses de « régénération cellulaire », La Limite de Hayflick tombe comme un pavé dans la mare.

Le roman reprend un vieux rêve — la vie éternelle — mais, loin de l’enrober de spiritualité, il le plonge dans les tubes à essai et les séquences génétiques. Là où Gilgamesh apprenait que « l’immortalité d’une personne n’est pas envisageable », Gorodetzky montre que le XXIᵉ siècle est en train de contredire les Anciens, souvent avec une inconscience désarmante.

Le récit frappe là où ça fait mal : dans le fantasme ultime de l’homme moderne, sa démesure face à la finitude. Comme le souligne Stanislas après la découverte de la clé : « Nom de dieu, Anders ! Tu es un génie. Jamais je n’aurais imaginé ce que tu as trouvé ». Le roman illustre la panique et l’obsession qui suivent lorsqu’on touche à la vie éternelle. 

Car l’auteur s’appuie sur un fait biologique précis : la fameuse limite de Hayflick, ce nombre de divisions cellulaires au-delà duquel la sénescence nous rattrape. Une frontière naturelle. Une barrière symbolique. Pour notre époque technophile, une provocation. Leonard Hayflick écrivait lui-même que « la vie a des limites, et la science ne doit pas jouer les démiurges sans mesure ». Alexis Carrel, par contraste, croyait aux cellules immortelles — une erreur scientifique qui sert ici de contrepoint dramatique et philosophique à la fiction.

Anders explique à Stanislas : « Il y a différents types de cellules dans le corps humain ; elles ont le pouvoir de se diviser un certain nombre de fois au cours de la vie, mais dans une certaine limite, qu’on appelle la limite de Hayflick… Au-delà de ce nombre de divisions, celles-ci meurent. » La science devient ici une révélation tragique et fascinante à la fois.

Un étudiant perdu dans les nuits de Stockholm

Le héros, Stanislas Verlaine, n’est pas un savant, ni un héros tragique : c’est un jeune homme de 2025, désorienté au milieu d’une société où le désir s’est transformé en consommation. « Où est la joie lorsque le corps s’expose avant le cœur ? », s’interroge le roman, évoquant ses errances sexuelles, sa plongée dans « la violence sadomasochiste » et « la pornographie ».

Cette entrée en matière n’a rien d’anecdotique : elle décrit l’état moral d’une civilisation qui ne sait plus quoi faire d’elle-même. Comme l’écrivait Philippe Muray, « le monde moderne est devenu un parc d’attractions morbides ». Stan s’y promène, lucide et écœuré. Puis, brusquement, il se reprend : Retour sur la planète. Un sursaut. Une volonté de sens. Un réveil — à la veille de La nuit des tueurs.

On pourrait aussi convoquer Georges Bataille, qui voyait dans l’excès de jouissance et la transgression des limites physiques une métaphore de l’angoisse de la finitude : Stanislas expérimente cette collision entre plaisir et danger.

TTAGGG : six lettres qui valent un manifeste

Le roman prend feu le jour où Stanislas découvre un mystérieux acronyme : TTAGGG. Il comprend qu’il s’agit des télomères, ces petites structures placées à l’extrémité de nos chromosomes. La clé du vieillissement. Et peut-être — qui sait ? — la porte vers son abolition.

Anders clarifie : « Les chromosomes de chaque cellule disposaient à leurs extrémités d’une sorte de capuchon, appelé télomère, qui module l’usure progressive du chromosome… Ceci se fait grâce à une enzyme, la télomérase, qui régénère ces petits capuchons au fur et à mesure du temps. Ce sont comme des gardes du corps pour chaque cellule. »

Luka ajoute, épuisé après le décryptage : « Nom de dieu, Anders ! Tu es un génie. Jamais je n’aurais imaginé ce que tu as trouvé. » Le roman montre que la science moderne n’est plus seulement un outil : c’est une théologie. Une religion de remplacement. Hannah Arendt n’aurait pas renié cette lecture : l’homme « veut devenir maître de la vie elle-même ».

Les références scientifiques et anthropologiques abondent : Margaret Mead sur la peur de la fin de vie, Hayflick et Carrel sur les limites biologiques, et même les analyses de Robert Sylverberg sur l’obsession humaine de prolonger l’existence.

Quand le fantasme technologique rejoint l’effroi archaïque

« Et si tout cela était vrai ? » La question finale n’est pas un gadget. C’est un diagnostic. Car oui, une partie de la communauté scientifique rêve bel et bien de « médecine vers l’éternel » : télomérase, manipulations génétiques, allongement artificiel de la vie.

Mais le roman rappelle que l’obsession d’immortalité est presque toujours le symptôme d’une société qui refuse de transmettre. Un monde sans enfants, sans héritage, sans mémoire — mais où chacun veut vivre 200 ans. Philippe Ariès aurait parlé de la peur moderne de la mort, Gorodetzky la rend palpable et violente.

Le point de bascule : quand la clé tourne

On ne dévoilera pas la nature exacte du secret scientifique découvert par Anders Marküssen, mais il est clair que le roman met le lecteur face à une angoisse que notre modernité évite soigneusement. Jonas, dans Le Principe responsabilité, appelait cela « l’heuristique de la peur » : le devoir de se méfier de ses propres pouvoirs.

Les personnages vivent une confrontation extrême : « Marko et Boris s’étaient jetés à quatre pattes dans l’ouverture et firent irruption dans la cour… Les deux tueurs avaient vu le mouvement et comprirent que les jeunes femmes n’avaient plus aucune chance de leur échapper. » Les Astérias agissent dans l’ombre, rappelant les sociétés secrètes décrites par James Frazer dans Le Rameau d’or et la puissance des rites initiatiques face aux connaissances interdites.

Faut-il lire La Limite de Hayflick ? Oui — et surtout pas pour se rassurer. Parce que c’est un roman qui ne caresse pas dans le sens du poil. Parce qu’il montre ce que nos biotechnologies soulèvent de plus dérangeant.

Parce qu’il ose dire, sans fracas idéologique, ce que beaucoup pensent tout bas : l’obsession d’immortalité est le dernier luxe d’une époque qui ne croit plus à rien.

Alors oui, il faut lire Gorodetzky. Non pour y trouver la promesse de vivre plus longtemps. Mais pour comprendre pourquoi, peut-être, nous mourons déjà de ne plus vouloir mourir.

Yves-Alexandre Julien 

« La Limite de Hayflick » de Nicolas Gorodetzky : de la belle ouvrage, percutante !

Nicolas Gorodetzky, La limite de Hayflick

Nicolas G. n’en est pas à son coup d’essai. Ce thriller passionnant et bien découpé, qui mêle mythe de la vie éternelle, savant éthique et mafias diverses, est son sixième roman. Médecin pneumologue, ex-urgentiste, musicien de rock (groupes Weekend Millionnaire de 1978 à 1991, Dr Rock and the Famous Merengo), manageur médical de la sécurité (coupe du monde de foot 1998, du rugby 2007, Euro 2016 de foot) – et père d’un fils adulte, Yan et d’une fille Nathalia – ce touche-à-tout dynamique réussit à vivre à cent à l’heure sans pourtant se disperser. Comme les aventuriers (ou les chats) il a eu plusieurs vies et sublime son expérience dans ses fictions.

Imaginez : la science a découvert que les cellules humaines peuvent se diviser jusqu’à un certain point limite. Le microbiologiste américain Leonard Hayflick l’a montré en 1965. Cette sénescence réplicative pourrait être contrée si – et là on aborde le domaine de la fiction – l’on découvrait comment manipuler les télomères, ces capuches des brins d’ADN qui permettent la réplication. Dans le roman, un savant l’a réussi, ouvrant la voie à la vie éternelle des cellules. Malheureusement les bonnes cellules comme les mauvaises (par exemples les cancéreuses). Mieux : le savant a réussi à sélectionner les bonnes cellules. Dilemme : offrir cette découverte à l’humanité, ou la taire ? Car des questions éthiques se posent aussitôt : si chacun peut vivre éternellement (ou du moins très très longtemps), qu’en est-il de la démographie galopante, des ressources limitées, de la pollution inhérente à un excès d’humanité ? Dès lors, cette découverte engendrera-t-elle de la contrainte sur le le fait de donner naissance à des enfants ? Sera-t-elle réservée aux riches et aux puissants ? Utilisée à de mauvaises fins de chantage ? Vaste abîme de réflexion… Ce pourquoi le professeur « disparaît ».

Sauf que les mafias diverses, agissant pour le compte de commanditaires puissants, dont la paranoïa permet de croire qu’ils s’entendent pour régenter la planète, veulent mettre la main sur la découverte. Elle est contenue dans une petite clé USB cousue dans une couture du pantalon du savant, protégé par une légion « d’amazones », des femmes initialement kurdes, en guerre ouverte contre l’obscurantisme islamiste, mais qui ont agrégé autour d’elles toutes les dominées qui veulent résister à la puissance du mâle.

Il se trouve que le savant a une fille qui termine médecine. Ida doit encore soutenir sa thèse et officie comme interne au grand hôpital de Stockholm, ville où justement notre héros, Stanislas Verlaine, déjà rencontré dans les romans policiers précédents, se remet d’un choc amoureux, sa femme chérie étant morte, le laissant orphelin une fois de plus après la perte de sa mère étant enfant. Devant se mettre au vert après ses déboires avec le Mandarinia, où il a fait ami avec les abeilles, il a décidé de se perfectionner en criminologie dans le master spécialisé internationalement reconnu de l’université suédoise. Pour cela, il se fait héberger par sa tante, qui a épousé un Suédois aujourd’hui décédé, et qui habite une grande maison avec jardin dont une serre exotique où elle cultive des fleurs et élève des abeilles (ces petites bêtes joueront un rôle dans le thriller). Elle loue le sous-sol aménagé en studios à des étudiants. Il y a là Ida, mal fagotée et enlaidie, souvent de garde de nuit, et Erik, beau footeux suédois grand, beau, musclé, etc. Stan se lie d’amitié avec lui.

Mais il cherche un complément de revenus à sa maigre bourse universitaire et Erik lui parle d’un petit boulot que lui a proposé Ida récemment. Il ne convient qu’aux beaux gosses, jeunes et bien faits. Suspense. Suit alors un chapitre délicieux d’érotisme aux limites, sans jamais dépasser la bienséance. Les Suédois ont la réputation depuis la fin des années soixante d’être spécialistes du plaisir des corps. Un comte et sa comtesse convient à des dîners privés dans leur manoir suédois des riches âgés triés sur le volet, afin de leur faire goûter les désirs. Ils engagent pour cela une « reine » et un « roi » appelé le Phoenix, jeunes beaux, etc. pour s’exhiber en dévoilant lentement leurs corps, et se caresser, sans aller plus loin. Ce qui compte est la montée du désir, pas l’explosion, qui deviendrait pornographique. Après Le dieu du football, ce chapitre étonnant et, avouons-le, captivant tant il renverse les règles habituelles du jeu érotique, le lecteur plonge brutalement dans l’action.

Un commando lourdement armé fait irruption dans le manoir lors d’une soirée mensuelle, à laquelle Erik a décidé de ne pas participer, malgré Ida. Car Ida s’est révélée à Erik et son apparence habituelle n’est pas sa vraie nature. Erik en a été surpris, vexé ; bien que progressivement amoureux, il s’est éloigné pour y réfléchir. Tous les présents à la soirée sont tués, sauf trois filles qui ont pu se cacher, et deux autres enlevées – dont Ida.

Stan, dont les « exploits » s’étalent sur le net, est convié par le chef de la police à venir les épauler, car il a souvent des intuitions hors des procédures et connaît mieux que les autres Ida et Erik, qui lui a décrit le milieu. Un mystérieux sigle, TTAGGG, a été dessiné au sang sur un miroir ; une victime a commencé à écrire « Beati V » avant de mourir. Ce sont des signes que comprennent les initiés. Commence alors un jeu du chat et de la souris avec les tueurs sans scrupules, qui tiennent à ne laisser derrière eux rien ni personne, afin de lessiver toutes traces pouvant remonter à leurs commanditaires. Tout s’accélère, haletant, en chapitres courts. De la belle ouvrage, bien écrite, percutante.

Nicolas Gorodetzky, La limite de Hayflick2025, éditions Yanat, 249 pages, €20,00

(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés par amazon.fr)

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Bretagne actuelle recommande vivement « La limite de Hayflick » de Nicolas Gorodetzky

Le nouveau roman de Nicolas Gorodetzky raconte l’histoire d’une lutte redoutable pour la découverte des secrets de la vie éternelle. La limite de Hayflick s’intéresse à l’infiniment petit des grandes découvertes. Celles qui révolutionnent l’humanité.

La limite de Hayflick renvoie à l’un des plus anciens mythes de l’humanité : l’Épopée de Gilgamesh. Si l’homme veut toucher l’immortalité, doit-il l’envisager ici-bas ou ailleurs ? La réponse des Anciens est sans appel : l’immortalité d’une personne elle-même n’est pas envisageable, mais celle de ses traces : actes, œuvres, gestes par lesquels elle aura marqué l’histoire, est le lot commun de tout immortel. La limite de Hayflick atteste du contraire : la vie éternelle ici-bas sera (peut-être) bientôt envisageable.

En guise d’introduction

Afin de bien comprendre les subtilités médicales du roman, quelques brèves explications s’imposent au sujet de la limite de Hayflick qui, au-delà d’un excellent un titre, est avant tout un phénomène biologique évoquant le nombre de fois qu’une cellule humaine normale se multiplie avant d’arrêter sa fragmentation. Plus exactement, le biologiste américain Leonard Hayflick a démontré en 1961 qu’une population cellulaire humaine se divise entre quarante et soixante fois lors d’une culture avant d’entrer en phase de sénescence. Cette découverte réfuta l’affirmation d’un autre biologiste de renom, le prix Nobel Alexis Carrel, selon lequel les cellules saines seraient immortelles. Le concept de la limite de Hayflick pose ainsi les bases explicatives du vieillissement humain.

Mardi 29 avril 2025

Stanislas Verlaine s’installe à Stockholm afin de suivre un cursus universitaire de master en criminologie. Erik et Ida sont ses colocataires. Avec le premier il développe une amitié sportive ; Ida est en revanche davantage taciturne et moins disponible. Le début du roman illustre la vie ronronnante, néanmoins distrayante, et parfois peu banale de Stanislas. Ses rencontres, pour le moins libertines, légitimisent le mot « jouissance » venant du latin Gaudere qui signifie « joie ». Mais où est la joie lorsque le corps s’expose avant le cœur lors de plaisirs éclair et multiples ? Stan n’apprécie guère être regardé comme un objet à posséder que l’on jette après usage. La violence sadomasochiste. La pornographie. Il suffit. A partir du neuvième chapitre, notre héros effectue un Retour sur la planète*, considérant avoir des activités plus conformes à ses aptitudes que celles auxquelles ils s’adonnent par soucis alimentaires ; ce qui mène le lecteur au mardi 29 avril 2025, veille de La nuit des tueurs*.  

L’intrigue commence alors véritablement. Stanislas rassemble les éléments en sa possession et traque le secret d’un étrange acronyme : TTAGGG, jusqu’à en découvrir le sens : il s’agit des télomères à l’extrémité de nos chromosomes. Raconté ainsi, cela paraitra technique, il n’en est toutefois rien, au contraire, chaque éclaircissement est d’une simplicité passionnante. Au fil de chapitres courts, Nicolas Gorodetzky engage des situations qui laissent le lecteur imaginatif longtemps après avoir clôturé sa lecture. On s’enfonce dans l’histoire en sachant presque par avance ce qui nous attend, et pourtant ! l’on est chaque fois surpris avant d’être ballotté par des rebondissements sans ennui ; jusqu’au moment où la clef de l’énigme pénètre dans la serrure, page 184.

Et si tout cela était vrai

Plusieurs incontournables références nous reviennent en mémoire. Barjavel, bien entendu, avec Le grand secret ; également Le livres des crânes, de l’immense Robert Sylverberg ; mais aussi certains romans du maitre ès polar médical : Robin Cook. De la littérature, donc, mais pas seulement, car le livre de Nicolas Gorodetzky est en outre profondément musical, cadencé, rythmique, sans aucun temps mort. Les chapitres vont à l’essentiel au fil d’une accélération soutenue et addictive. Et puis ! Peut-être le plus intéressant. L’on découvre ce qu’est l’une des arborescences (possible) de la « médecine vers l’éternel ». Nul essoufflement donc. Au contraire. Le lecteur halète d’excitation à chaque fin de page en amorce de la suivante. Alors ! Faut-il lire La limite de Hayflick ? Évidemment. Parce que ce livre relève du mariage de la science et de l’imaginaire. Il déborde… Il rutile… Il bouillonne… Il ressemble à la vie, celle qui entretient son feu et renouvelle ses flammes, mais aussi et surtout celle qui passe de plus en plus vite à mesure qu’elle avance. N’oublions toutefois pas qu’il s’agit d’un roman. Et pourtant ! Si tout cela était vrai… Si l’Épopée de Gilgamesh s’avérait un jour prémonitoire.

* Les phrases en italique sont chacune tirées du titre d’un chapitre.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Octobre 2025 –Esperluette Publishing & Bretagne Actuelle

La limite de Hayflick, un roman de Nicolas Gorodetzky aux éditions Yanat – 249 pages – 20,00 €