Pour la Métropole, Youri Fedotoff a donné une histoire à l’Histoire

Le testament du Tsar de Youri FEDOTOFF par Marie Desjardins

Plus de cent ans sont passés depuis l’assassinat du tsar Nicolas II et de sa famille.

Ici et là dans le monde, des passionnés du destin tragique des Romanov continuent d’étudier, de chercher. Y aurait-il eu des survivants ? La question a été examinée sous tous ses angles. Mais encore… Parmi de très nombreuses rumeurs et suppositions, l’une d’elles voudrait que, du trésor impérial — notamment celui des bijoux — un inestimable trésor, de nombreuses pièces auraient disparu. En novembre 2018, StelleneVollandes, journaliste de Town and Country, rappelle ce dossier des joyaux, mentionnant divers catalogues existants, et qu’elle a consultés. Oui, il y a des pièces manquantes. Vols ? Héritages secrets ? Saccages ? Les enquêtes suivent leur cours… depuis un siècle

En France, un auteur du nom de Youri Fedotoff publie, en 2019, un bien étrange roman tenant de l’épopée, etqui pourrait en partie expliquer ce qu’il est advenu de certains de ces bijoux — et plus particulièrement desdiamants. Fedotoff, lui-même descendant d’un Russe blanc et d’une comtesse hongroise, est, par le cœur et l’âme, appelé par le parcours de ces monarques disparus. Comme de nombreux compatriotes, descendants d’émigrés de la révolution russe, il n’a pas oublié. Ceux qui aiment le tsar sans même l’avoir connu ; ceux qui vouent un culte à l’ancienne sainte Russie sont comme cet écrivain : en dépit du passage de décades, maintenant, l’allégeance est la même — on vénère, même en secret, cette famille dont la fin a frappé les imaginations.

Cependant, Fedotoff a quelque chose, disons de plus, qui l’autorise à s’éprendre de cette grande page humaine : son propre père, à la veille de sa mort, lui a livré un secret. Fedotoff en fait le sujet même du roman conséquemment intitulé Le testament du Tsar : au moment de son abdication, Nicolas II confie à son filleul, Michel Trepchine, une fortune en diamants, mais également le rôle de régent de toutes les Russies. Tout un programme, alors que les bolchéviques ont envahi le pays, massacrant les blancs afin d’ériger un système libéré des entraves — supposément — du régime implacable qui a régné pendant des siècles dans ce coin du monde.

Fedotoff a l’imagination féconde, mais également des connaissances extrêmement précises sur l’époque qu’il nomme le chaos 1917-1945. Au fil des chapitres transportant le lecteur en Russie, en France, en Allemagne, aux États-Unis, en Hongrie, etc., Trepchine, un héros, s’il en est, met tout en œuvre pour reconquérir la Russie, qu’en cas de réussite, il régirait. Bien sûr, on connaît le fin mot de l’histoire. Pas un Romanov, frère, neveu, oncle ou filleul n’a retrouvé ce pays comme autrefois. La révolution a été accomplie dans tous les sens du terme. Pourtant, la diaspora existe, comme le bien filtre le mal, et, dans le secret des êtres, le tsarisme n’est pas mort, Nicolas n’est pas mort — avec sa famille, de l’au-delà, il veille sur ses fidèles qui, eux, veillent sur les legs de cette dynastie.

Et si cette histoire était vraie ? Le roman, une sorte de plongée dans ce passé chaotique revisité par Fedotoffpropose des éclairages aussi généraux que particuliers sur une kyrielle de thèmes — guerre, conflits, amour, fuites, intrigues de tout acabit. Par exemple, l’auteur reproduit des conversations intimes qui auraient décidé du cours des choses, et décrit avec brio les interventions de familles influentes se retrouvant dans des palaces européens ou des manoirs à l’île des Monts Deserts — plus jamais on ne parcourra le Maine avec les mêmes yeux. Le lecteur a l’impression que l’auteur les a connus intimement, qu’il était là par un étrange voyage de l’esprit vers ce qui n’existe plus. Dès le début, on assiste à l’enfouissement des diamants dans un endroit du monde des plus improbables, et donc possible. On fait partie du secret.

Le roman, contrairement à la biographie, donne toutes les libertés. Ce laissez-passer permet des révélations ;même si relevant de l’interprétation, celle-ci sont un chemin vers la vérité. Tout au long de ces pages saluées par Patrick Poivre d’Arvor, l’auteur fait revivre les deux guerres de divers points de vue. Le lecteur amateur de curiosités historiques se trouvera dans ce tourbillon comme dans un musée sans gardien ; il peut toucher à tout, tout écouter, tout voir — c’est un exercice fascinant.

Le Testament du Tsar, ce travail colossal montrant clairement l’érudition et la passion de son auteur, aurait toutefois mérité une édition plus attentive. C’est souvent le lot des romans d’envergure, complexes, tissés, riches, denses ; ils ne trouvent pas preneurs dans les maisons qui mènent le bal des publications. Cela est à déplorer. Car l’auteur qui en vaut la peine est souvent celui qui n’est pas soutenu. Cependant, comme il a le feu sacré (ce lieu commun qui dit bien les choses), il s’arrange lui-même pour que son cri silencieux soit entendu, même dans la steppe balayée par le blizzard. Il faut féliciter Youri Fedotoff d’avoir donné une histoire à l’Histoire. La sienne est à lire pour qui vibre à l’évocation d’un passé toujours vivant pour ceux qui voient autrement.

Youri Fedotoff, Le testament du Tsar, Chaos 1917-1945, Y & O éditions, 2019, 420 pages

 

« Noblesse clandestine » : Youri FEDOTOFF sur Critiques libres ! Vive François Martini

Le testament du Tsar : Chaos 1917-1945 de Youri Fedotoff

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Romans historiques

Étonnant roman comme surgi d’un autre temps que ce Testament du Tsar. Il s’annonce comme le premier volet d’une trilogie, laquelle débute en 1917 et traverse le XXème siècle, son début au moins pour ce premier volume.


On s’en doute, le titre est clair, il est question du Tsar, de la révolution russe, bolchévique, puis soviétique. L’intrigue est mouvementée, complexe, très russe, pourrait-on dire tant les personnages abondent (et l’auteur a eu la délicatesse d’en proposer un index en fin de volume) mais elle est de notre temps, et l’on ne se perd jamais en descriptions ou en narrations détaillées. Cela avance à grand pas, toujours. Il faut toutefois se consacrer pleinement à la lecture qui ne pardonne pas la rêverie. Heureusement l’auteur présente l’action en courts chapitres datée et situés. C’est une chronique.

À peine a-t-on le temps de suivre les personnage de Saint-Petersbourg à Sébastopol ou Irkoutsk que l’auteur nous en propose d’autres, à Paris, Genève ou à Vienne. Le temps passe vite, les années défilent. Le style est nerveux et le lecteur, pas plus que les héros ne peuvent se laisser aller à la nonchalance : il faut suivre. De grands hôtels en stations de ski, de bivouacs improvisés dans l’Himalaya aux aérodromes de Sibérie, l’auteur nous déplace sans cesse, comme au sein d’un puzzle immense dont nous visitons les pièces dans un désordre apparent savamment maîtrisé.

C’est que, plus que testament encore, il y a un trésor que, bien sûr, il faut sauver des bolcheviks. Tout une aristocratie en détresse, héroïque malgré tout ses malheurs, s’active, qui à sauver sa peau, qui à aider les autres, qui a survivre au sein de l’enfer révolutionnaire… ou des salons genevois.


Ces Russes blancs, il s’agit donc d’eux, croient en la Russie, mais celle-ci disparaît progressivement, fondue au fur et à mesure dans l’Union soviétique qui se construit. Parmi eux, deux personnages extrêmement attachant, le héros, héritier du Tsar et son amie eurasienne, la sublime princesse siamoise Soraya Tin, que l’auteur nous laisse imaginer toute de séduction et de passion, se trouvent, se perdent, se retrouvent, au hasard des tribulations de Michel Trepchine, porteur de l’inestimable secret du trésor tsariste, et de son ami Sacha Bouganov. 


C’est un roman sérieux, qui demande de l’attention. Farci d’indications historiques souvent méconnues du public, il donne envie sans cesse d’aller lire ailleurs le détail des événements indiqués, puis de revenir participer, d’ambassades en grands hôtels, puis en biplan volé ou en Spitfire soviétique, de refuges de montagne en camps de concentration, à l’aventure de la Russie clandestine.


Le volume s’achève au printemps 1945, dans une Allemagne enfin libérée, sans que tout ne soit révélé. Nous attendons le tome 2.

Breizh info succombe au charme slave de Youri FEDOTOff, merci à Christian de Moliner !

Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945, de Youri Fedotoff

Voilà un thriller de 412 pages que vous lirez d’une traite, intitulé Le Testament du Tsar.

Son héros, Michel (Micha) Trepchine, filleul du Tsar, reçoit de ce dernier, juste avant son abdication, la régence de l’Empire ainsi qu’une fortune en diamants. Dans la réalité historique, le Tsar aurait préféré abdiquer et qu’un de ses frères ou un des grands-ducs le remplace, mais personne dans la famille impériale ne s’est proposé ou avait les capacités nécessaires. Quant au Tsarévitch, hémophile du fait de sa grand-mère la reine Victoria d’Angleterre, il était inapte à régner. Trepchine va d’abord lutter contre les Bolcheviques au côté de l’amiral Koltchak, le seul des leaders blancs qui a eu une réelle chance de renverser les communistes. (Son armée a été à un moment aux portes de Moscou). L’auteur explique l’échec de l’amiral par son alliance avec les forces de gauche (les socialistes révolutionnaires de droite qui avaient remporté les élections législatives de 1918) et parce qu’aucun membre de la famille impériale n’était à la tête des insurgés.

Trepchine, réfugié en Europe de l’Ouest après la fin de la guerre civile, bâtit un empire financier et industriel. Il est en contact avec toutes les monarchies, que ce soient celles de l’Extrême-Orient ou de l’Angleterre. Il noue également des relations avec les milieux nazis, se trompe au départ sur leur nature profonde. Rapidement désabusé, il s’allie avec l’amiral Canaris et, à sa demande, crée un gouvernement provisoire russe qui s’apprête à être investi à Kiev juste après la prise de la ville par les Allemands. Je ne dévoilerai pas la suite, ni les nombreux rebondissements de ce roman picaresque qui fait songer à Alexandre Dumas.

Le Testament du Tsar rappelle une vérité implacable : dans les guerres, des anonymes qui ne se connaissent pas s’entre-tuent allégrement au profit de personnes qui eux se connaissent très bien, voire sont amis. Pendant le second conflit, de nombreux contacts existaient entre belligérants, entre le hongrois Horthy et les Britanniques, entre les Roumains et les alliés, entre nazis et soviétiques. Des responsables du Troisième Reich ont créé la RDA. Jusqu’en mai 1945, le nazi Schellenberg a négocié en Suède on ne sait quoi avec les services secrets occidentaux et malgré ses crimes a échappé à Nuremberg.

M. Fedotoff a adapté de nombreux faits historiques vérifiables. Mais lorsqu’on referme ce gros livre, on s’interroge : et si l’histoire racontée dans ce thriller était vraie ou tirée de faits véridiques ? Comme le fils du héros du livre, l’auteur est l’enfant d’un Russe blanc et d’une comtesse hongroise. Le Testament du Tsar est sûrement pour une grande partie une œuvre de fiction, néanmoins peut-être parle-t-il d’événements qui ont réellement eu lieu. Au lecteur de résoudre cette énigme !

Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945 – Youri Fedotoff – Y&O Edition – 23 €

Crédit photo : DR
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Souvenirs du Salon du Livre Russe où Youri Fedotoff était à l’honneur de la table ronde « La Russie et les Russes » présentée par Guilaine Depis (débat avec l’intellectuel Alain Sueur)

Souvenirs du Salon du Livre Russe où l’écrivain Youri Fedotoff était à l’honneur de la table ronde « La Russie et les Russes » présentée par Guilaine Depis (débat avec l’intellectuel Alain Sueur) – Ici Youri FEDOTOFF est à côté de Irina Rekchan, organisatrice du Salon du Livre Russe. Plus bas, entre son attachée de presse et son éditrice Olivia Petrucci.

Youri Fedotoff au 10ème Salon de l’Histoire (et sélectionné pour le Prix du Guesclin 2019 !)

Un message des éditions Y et O :

Et pour clore ce mois de décembre riche en événements, au lendemain du Salon du Livre Russe, le Testament du Tsar et son auteur seront présents le 9 décembre au 10e Salon de L’histoire qui se tiendra au Cercle National des Armées pour la remise du Prix du Guesclin de l’Histoire 2019.

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le roman est sélectionné parmi les ouvrages finalistes du prix du Guesclin 2019 !

 

Pour le Salon de l’Histoire, l’inscription préalable est obligatoire par mail disponible à cette adresse.

Merci de votre enthousiasme pour le roman et son aventure éditoriale !
Si au fil des mois, depuis sa sortie en avril, il fait un si beau parcours, c’est grâce à ses lecteurs, grâce à vous qui le faîtes connaître avec passion.

Au plaisir de vous rencontrer au Salon du Livre Russe et/ou de l’Histoire et à bientôt pour la suite des aventures épiques du Testament du Tsar et de son auteur !

Olivia et Youri

Youri Fedotoff à l’honneur au Salon du Livre Russe

Un message des éditions Y et O : 

Chers ami(e)s,

Après un bel été et un automne riches en bonnes nouvelles pour le roman, Le Testament du Tsar et son auteur seront présents à l’occasion du Salon du Livre Russe, Russkaya Literatura qui se tiendra les 6/7/8 décembre 2019 au Centre Spirituel et Culturel Orthodoxe Russe à Paris.

Nous avons le plaisir de vous y convier.

Une belle occasion de se rencontrer, d’échanger et de faire dédicacer le roman !

Lors de ce salon qui se déroulera dans un lieu exceptionnel, vous pourrez visiter, si ce n’est déjà fait, la Cathédrale Orthodoxe de Paris, admirer ses merveilleuses icônes et également découvrir ou re-découvrir des auteurs russes de premier plan !

Le 6 décembre à 18h, jour d’ouverture du Salon du Livre Russe,
l’auteur participera à une table ronde en compagnie d’Alain Sueur, docteur en Sciences Politiques de l’Université Paris I et auteur d’une thèse :
URSS et mythologie avant la Perestroïka.
Le débat sera animé par Guilaine Depis, fervente russophile
et sémillante attachée de presse !

« La vie épique du filleul du Tsar » par François Cardinali dans « Le Dit des Mots »

François Cardinali offre une très belle critique du « Testament du Tsar »

C’est dans le chaos mondial du siècle dernier, entre 1917 et 1945, que nous convie Youri Fedotoff dans Le Testament du Tsar où, sur le prétexte du vol d’une fortune en diamant, il a imaginé un roman épique dans lequel, fidèle à la tradition du roman russe, il fait se croiser une foule de personnages.

Le Testament du Tsar(*) commence dans les bouleversements de la Révolution de 1917. À la veille de son abdication, le Tsar confie secrètement à son filleul Michel Trepchine la régence et une fortune en diamants d’une valeur inestimable. Cet  héritier va s’employer à reconquérir la Russie tombée sous le pouvoir bolchévique. Dans une Europe déchirée par l’iniquité des traités de paix qui ont mis fin à la Première Guerre mondiale et précipitent le monde dans la suivante, les nouveaux maîtres du Kremlin éliminent leurs opposants tout en tentant de récupérer le précieux héritage…

Il serait injuste de résumer l’intrigue du roman de Youri Fedotoff a cette histoire de trésor perdu, tant l’auteur sait multiplier les pistes, promenant son lecteur de continent en continent, en faisant vivre de très nombreux personnages qui se croisent, s’aiment, se trahissent… On sent que l’auteur, né à Paris en 1959,  descendant d’un russe blanc, Dimitri, et  d’une comtesse hongroise, Borbala Nadasdy, a mis beaucoup de souvenirs familiaux dans cette fiction bien documentée.

Tour à tour saga romantique et tragédie historique, ce roman nous fait passer des coulisses du pouvoir soviétique avec la prise du pouvoir par Staline à celles du pouvoir d’Hitler, dont la folie grandissante fait basculer le monde dans le conflit sanglant que l’on sait. Son personnage principal, Michel Trepchine est un aventurier aristocrate que les circonstances poussent à parcourir le monde en risquant bien souvent sa vie. Un homme qui semble avoir neuf vies comme les chats et qui parvient à changer d’identité comme de chemise, ce qui lui permet de surmonter bien des périls et des trahisons. De mourir pour mieux renaître sous une autre identité. Ce qui donne quelques pages saisissantes quand Trepchine, excellent pilote, utilise la voie des airs pour se faire la belle. Ou qu’il parvient à échapper à l’exécution des SS, paradoxalement sauvé par une agent des services secrets soviétiques. Vivant deux grands amours, Michel Trepchine voit ses enfants basculer dans les guerres qui vont embraser le monde et qui, dans les passes les plus difficiles, vont tout mettre en œuvre pour le sauver.Au centre de l’intrigue, il y a cette Russie qui bascule d’un monde à l’autre faisant vivre de terribles souffrances à son peuple. La princesse Tin, avec laquelle Trepchine connaît une passion foudroyante, déclare, pas vraiment adepte, on s’en doute, des révolutionnaires  : « La Russie ne peut exister sans une puissante aristocratie. Sans cette puissance, la myriade des peuples qui la compose se disloquera comme son territoire. Le problème fondamental de la Russie, c’est d’être installée à cheval entre l’Europe et l’Asie. Elle ne sait ni ne peut choisir entre saint Paul et Confucius. Et puis… elle est si jeune ! Songez que cela ne fait que quatre cent ans qu’elle s’est débarrassée des Mongols. La Chine unifiée a plus de deux mille deux cents ans… Même mon « petit » Siam a plus de sept siècles. »

Roman d’aventure doublé d’une belle histoire d’amitié entre deux anciens aristocrates dont l’un soutient les troupes blanches et l’autre, Sacha Boulganov, devient compagnon de route de Trostki, Le Testament du Tsar fait ainsi se télescoper l’Histoire et les petits histoires individuelles et permet à l’auteur de croquer quelques portraits saisissants de figures du conflit de 39-45, de  l’amiral Wilhelm Canaris, responsable de l’ Abwehr , le service de renseignements de l’armée allemande, durant la Seconde Guerre mondiale,  au  général  américain George Patton, aussi célèbre pour ses coups de colère que pour son sens tactique.

Si, finalement, le dénouement compte peu dans ce récit épique, il a le mérite de tenir le lecteur en haleine de bout en bout tant l’auteur sait user d’habiles rebondissements. Et a un sens certain de la description juste des lieux et des êtres.

(*) Editions Y & O

« Le Testament du Tsar » à l’honneur sur Atlantico, un précieux regard franco-russo-hongrois sur la géohistoire de l’Europe orientale

GEOPOLITICO-SCANNER

Un regard d’Est en Ouest : géohistoire de l’Europe orientale contemporaine

Ainsi qu’on peut l’observer depuis les élargissements successifs de l’Union européenne à des pays d’Europe orientale et centrale jadis soumis au joug soviétique et libérés depuis la chute du Mur de Berlin et de l’ex-URSS, l’Europe est loin d’être réunifiée. Plus que jamais, un double rideau de fer géopolitique, idéologique, sociologique et historique divise les pays du Continent européen: tout d’abord la « ligne de front civilisationnelle » (pour paraphraser Samuel Huntington) qui sépare et souvent oppose, l’Europe atlantiste-occidentale et la Russie, et ensuite la ligne de haute tension qui oppose politiquement et sépare psychologiquement les pays de l’Europe orientale et centrale (entrés dans l’UE depuis 2004, marqués par le populisme « illibéral » à la Orban), attachés à leur identité chrétienne et marqués par un fort anti-communisme, et, de l’autre côté, une Europe de l’Ouest historique engluée dans son politiquement correct, hostile à l’identité assimilée aux vieux démons. Malgré ce constat, force est de reconnaître que les lignes bougent. Alexandre del Valle a rencontré pour s’en convaincre l’écrivain, publiciste et stratège franco-russo-hongrois Youri Fedotoff, fin observateur géopolitique qui incarne par ses origines ces divisions continentales et qui vient de publier un roman épique (« Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945″*), où la fiction et le fait historique se conjuguent  pour nous offrir un éclairage historique d’Est en Ouest aux origines de l’Europe orientale contemporaine.

Le constat de cette double division du continent européen reste valable et se vérifie chaque jour. Cependant, force est de constater que rien n’est fixe en géopolitique et que les « temps longs de l’Histoire » chers à Fernand Braudel et aux stratèges restent prégnants. C’est ainsi que depuis la visite du président russe Vladimir Poutine au président français Emmanuel Macron au Fort de Brégançon, en août dernier, le dialogue entre la France et la Russie a semblé se confirmer après des années de mésentente, en particulier sous le quinquennat du très atlantiste et « moraliste » François Hollande entouré de russophobes. Les échanges, cette semaine entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine rapportés à la presse au sujet du conflit Syrien et de l’éventualité de la tenue prochaine d’une conférence sur la question ukrainienne renforcent l’impression que le président français est bien plus pragmatique et adepte des temps longs de l’Histoire de la France, allié traditionnel de la Russie. Ce changement d’orientation de la politique étrangère française semble aussi s’étendre à l’Europe centrale, avec la réception de M. Viktor Orbán, premier ministre de Hongrie à l’Élysée le 11 octobre dernier. Le pragmatisme indispensable à la diplomatie semble prendre le pas sur les incantations idéologiques. Mais cette tendance est-elle durable? Seul l’avenir le dira. Notre expert-romancier russo-hongrois continental a son mot à dire à ce sujet, éclairé qu’il est par l’histoire, outil du passé incontournable pour comprendre le présent et envisager les scénarios d’avenir.

Alexandre Del Valle : Dans votre roman, saga épique qui se déroule sur trois continents, et qui traverse une révolution puis deux guerres mondiales, la fiction et le fait historique se conjuguent et les  personnages dont nous suivons les aventures paraissent servir un véritable éclairage historique concernant une Europe orientale encore très mal connue de l’Occident. Dans votre roman géohistorique, conservateurs, libéraux et révolutionnaires incarnés par les familles Trepchine, de Villeneuve et Boulganov, s’affrontent tout au long de cette période tragique du début du XXe siècle. Quelle est l’originalité de votre point de vue d’Est en Ouest ?

Youri Fedotoff : A l’origine, il y a une interrogation universelle qui perdure encore et qui a été soulignée à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale avec le succès considérable de l’essai de Christopher Clarck «Les Somnambules » : Comment l’Europe relativement en paix, pénétrée des espérances du progrès et qualifiée de « belle époque », a-t-elle pu sombrer dans le plus meurtrier des conflits que l’on ait connus depuis les guerres de religions?… 

ADV : Mais votre livre ne se déroule pas seulement sous la Première Guerre mondiale et la révolution russe ?

YF : Non, et c’est sur ce point que ce regard d’Est en Ouest est différent. Outre-Rhin et jusqu’en extrême orient, le conflit né en 1914 s’est poursuivi jusqu’en 1945 et au delà. A l’Est, l’armistice du 11 novembre 1918 n’a pas ramené la paix civile comme en Occident. Il n’y a pas eu de récréation entre les deux guerres. Les sociétés allemandes, d’Europe centrale et de la Russie, ont été totalement déstabilisées. Elles ont ainsi connu la guerre civile, le chaos économique, la famine puis une insécurité permanente. 

ADV : Vous ne semblez pas prendre un parti idéologique, ni glorifier une nation en particulier, même si l’on ressent parfois une certaine nostalgie des anciennes monarchie russe et austro-hongroise ?

YF : Mes parents russes et hongrois ont été acteurs de cette époque. Je suis dépositaire de leur témoignage vivant. Cela me place dans une situation différente de mes compatriotes français. Je n’ai pas un point de vue clinique occidental sur cette époque. La volonté de me dégager du chagrin de la névrose et de l’acrimonie qui sont propres à l’exil et au déracinement m’a porté, en tout cas je l’espère, au-delà des idéologies et des nationalismes. 

ADL : Pourtant, vos personnages sont des incarnations idéologiques puissantes ?

YF : Les deux confits totalisent environ cent millions de morts. Il faut bien qu’il y ait eu quelques forces idéologiques pour arriver à ce résultat monstrueux. 

Selon le camp des vainqueurs ou des vaincus, naturellement, chacun a ses raisons. Trepchine, le filleul du Tsar, veut rétablir la monarchie en Russie. Son ami Boulganov, adjoint de Trotsky, combat pour le triomphe de la révolution rouge. 

Les de Villeneuve, associés de la banque Morgan, sont des ardents militants pour la démocratie libérale. Ce qui m’a intéressé ici, c’était par conséquent de placer chacun de ces personnages face à l’Histoire et à leurs contradictions en écartant tous manichéismes et tout lieux communs. 

ADL : Identifiez-vous des ressorts historiques fondamentaux ?

YF : Après le chaos de la première guerre mondiale, la nécessité de rétablir un ordre civil précaire au delà du Rhin a finalement entraîné la dictature Stalinienne en Russie puis Hitlérienne en Allemagne. Le totalitarisme rouge ou brun n’est pas tombé de la lune. Impuissant à vaincre la Russie bolchévique, l’Occident a fini par la reconnaître en 1924 et a commercé avec elle. Après les échecs des démocraties libérales en Allemagne, l’Occident a même un temps considéré Hitler comme un pis allié pour contenir la menace d’une extension bolchévique et n’a pas hésité pas à le soutenir. 

ADL : Malgré le constat de l’échec du traité de paix à la fin de la première guerre mondiale, vous n’accablez pas les figures libérales de votre roman.

YF : Le banquier Julius Bauman et son associé Pierre de Villeneuve, le diplomate américain, sont des figures mercuriennes. Bauman ne fait pas l’Histoire, il la traverse. Depuis la nuit des temps, sous tous les régimes, aux côtés du souverain, vous trouverez toujours un banquier. Dans le roman, l’optimisme de Villeneuve et la neutralité de Bauman sont bousculés par la contradiction entre leur vision matérialiste angélique du progrès et la réalité du chaos. Ce roman est aussi une interrogation sur le progrès qui reste entière à nos jours. 

ADL : Comment expliquez-vous l’échec de la révolution russe ?

YF : Le paradoxe c’est qu’en réalité l’échec de la révolution communiste est apparu très tôt, du vivant même de Lénine. Mon parrain, qui était d’une famille d’artistes bien vus par les Bolchéviques, l’a vécu personnellement. Ils étaient restés en Russie. Il m’expliquait qu’il n’y avait rien à manger et que, dans les villes, on était contraint de bruler les meubles pour se chauffer l’hiver… En 1921, face à la famine, Lénine chef du parti bolchévique, a été obligé de recourir à la NEP (Nouvelle Economie Politique). Il s’agissait tout simplement du rétablissement du commerce qu’il avait initialement supprimé par principe en tant que ressort fondamental du capitalisme. Du jour au lendemain, les étals des marchés se sont couverts de victuailles.  

ADV : Vous faites un parallèle entre les dictatures Staliniennes et Hitlériennes ?

YF : Le fait est que les deux régimes ont collaboré. Dans l’Entre Deux guerres, l’armée allemande s’exerçait en Russie. Par la suite, cette collaboration a été renforcée par le pacte germano-soviétique. Durant deux longues années, de 1939 à 1941, Hitler et Staline se sont partagés l’Europe. Outre les exactions commises de concert en Pologne et en Lituanie, la tentative désastreuse de conquête de la Finlande par Staline a coûté la vie à environ 400.000 soldats russes. Ce pacte a en outre évidemment contribué à faciliter l’invasion de l’Europe de l’Ouest par Hitler. Pour les citoyens d’Europe orientale, les plaidoyers pro domo, qui subsistent encore à propos de ce pacte, sont incompréhensibles. Il s’agit d’une fracture historique et idéologique majeure entre l’Europe de l’Ouest traumatisée par le seul hitlérisme et l’Europe de l’Est traumatisée par les deux, car alors prise en sandwich, d’où l’anticommunisme bien plus viscéral d’un Orban (ou de son homologue polonais Jarosław Aleksander Kaczyńsk) inexistant parmi les dirigeants ouest-européens politiquement corrects.

ADL : En 1939, votre héros Michel Trepchine rencontre un personnage à Paris qui ressemble fort à Arthur Koestler.

YF : Koestler est un témoin inestimable de cette époque. Juif Hongrois, ancien communiste, journaliste, légionnaire, écrivain. Il ressemble au personnage de Zekely dans mon roman. Je souligne que les juifs ont aussi été des combattants et des acteurs importants de cette époque pas seulement en tant que victimes. On croise aussi Joseph Roth et Stéphan Zweig qui avec Romain Rolland font partie du cercle pacifiste d’Antoinette, la mère de Trepchine. Zekely incarne aussi les origines et les valeurs du sionisme de cette époque. Rappelons qu’en France surtout, l’intelligentsia de gauche, à commencer par les adeptes de Sartre, a complètement occulté l’oeuvre et les témoignages concrets et vécus de Koestler, notamment dans son ouvrage majeur, Le zéro et l’infini.

ADL : La Seconde Guerre mondiale vous permet d’élaborer un scénario stupéfiant mais dont les faits reposent sur des faits historiques réels.

YF : L’opposition d’une partie de l’état major allemand à Hitler est connue. La faiblesse de l’armée rouge au début du conflit aussi. En revanche, peu de gens savent que les Etats-Unis ont aidé matériellement et économiquement la Russie durant le conflit contre l’Allemagne. Cette contribution a été déterminante pour le succès de la Russie soviétique qui, en contrepartie, a payé le plus lourd tribu humain.  Je rappelle à ce propos qu’il existe de réels intérêts objectifs inavoués entre l’Occident et les Soviétiques, dont l’Europe de l’est n’a subi hélas que les conséquences négatives, ce que l’Europe de l’Ouest a du mal à comprendre.

ADL : Vous ne portez pas de jugements moraux ?

YF : Qui sommes nous pour juger nos parents ? Il m’a semblé plus intéressant de révéler les contradictions dans la politique ou la psychologie des personnages de tous bords que de prendre la posture d’un « procureur de vertu » (pour reprendre la belle expression de Robert Badinter). Dans mon roman, la morale est un domaine réservé au sacré dont j’exprime, du reste, plusieurs  manifestations. Elle n’est pas de nature profane, même si mes héros sont, je l’espère, vertueux au sens antique du terme. Les diamants du Tsar, cachés par Trepchine, servent l’intrigue d’une chasse au trésor tout au long du roman. Ils incarnent la figure morale du caractère à la fois sacré et incorruptible d’une Russie éternelle. 

ADL : Votre roman n’est pas seulement un récit martial, vos personnages incarnent une transition brutale entre le passé et la modernité.

YF : Il faut bien comprendre que toute la société européenne se délite. La Russie sort de la féodalité, la transition compromissoire entre l’aristocratie terrienne et la bourgeoisie « Biedermayer » patiemment construite par les Habsbourg en Europe centrale s’écroule. Les rêves de puissance de Bismarck aussi. 

En France, la troisième république, pourtant si prodigue, s’effondre lamentablement. Les hommes et les femmes qui ont vécu cette époque ont tous dû affronter de terribles changements. Ils sont écartelés entre des traditions désuètes et des espérances irréalistes. Antoinette est pacifiste mais elle soutient le combat de son fils. La princesse Tin incarne une hyperpuissance féminine revêtue d’une armure guerrière. Les femmes combattent dans l’armée rouge, tel Marina et Irina. A l’inverse, Ilona la pianiste, tente de s’évader dans la musique avec son amant chef d’orchestre mais est rattrapée par l’enfer concentrationnaire. 

ADL : En quoi se roman peut-il aider à comprendre l’Europe orientale et la Russie d’aujourd’hui ?

YF : Les cents millions de morts des deux guerres du XXe siècle, sans compter les guerres coloniales, sont le produit d’affrontements idéologiques. La politique, comme le rappelait Talleyrand, doit répondre aux nécessités. L’Europe orientale et la Russie en particulier sont fatiguées du messianisme idéologique de l’Occident pour lequel elles ont payé un tribu incomparable au XXe siècle. La Russie et l’Europe orientale sortent d’un très long parcours douloureux. Elles ont davantage besoin de considération que de leçons. Pour cela, il faut d’abord étudier l’histoire des pays européens et leur culture. C’est l’effort nécessaire pour éviter des lieux communs et des jugements excessifs. Il faut d’abord apprendre à dialoguer, il est urgent d’arrêter d’insulter les leaders de l’Europe orientale, le terme de « populisme » étant selon moi une insulte.

Youri Fedotoff vient de publier un ouvrage majeur : Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945 (Editions Y&O).

Un critique sévère et exigeant est conquis par Youri Fedotoff

Youri Fedotoff, Le testament du Tsar

C’est un véritable roman d’aventures que nous livre ce descendant d’un Russe blanc et d’une comtesse hongroise né à Paris en 1959, arrière-petit-fils du général Hyppolite Savitsky, dernier commandant de l’armée blanche du Caucase. Honneur, panache, courage, le lecteur se retrouve dans Le prince Eric, version adulte.

Nous rencontrons dans les premières pages Michel Trepchine à 22 ans et déjà commandant. L’auteur n’aime pas parler des enfants ni vraiment des adolescents ; il préfère ses personnages adultes pour les faire jouer aux échecs. Et des échecs, il y en a, tant les réactionnaires refusent de voir que l’histoire ne régresse jamais et qu’il faut s’y adapter ou périr. C’est le destin de Michel et de Sacha que d’en montrer les deux faces. Michel est fils d’un comte exilé par erreur sur ordre du tsar Nicolas II, adopté comme filleul à la mort de son père. Un filleul est un fils choisi, couvé et éduqué comme le fait un vrai père. Le tsar a engendré un jeune Alexis hémophile et reporte sur Michel, parfaitement sain et vigoureux, les espoirs qu’il forme pour la dynastie.

Mais la révolution survient, la bolchevique, due surtout au conservatisme et aux lâchetés de l’aristocratie de cour. Elle est menée de main de maître par le stratège Lénine (qui n’est pas « juif » comme le dit l’auteur incidemment, malgré les accusations hitlériennes) et par le tacticien Trotski (qui est sans conteste juif et sans attaches nationales). Michel, bien jeune et à peine sorti du Corps des pages comme son ami Sacha, s’engage dans l’armée blanche. Mais pas plus celle-ci que la précédente n’est apte à faire régner l’ordre. Il manque une volonté politique et des hommes au caractère assez affirmé pour l’incarner.

Convoqué à Irkoutsk par son tuteur conseiller de la cour, le marquis de Villeneuve, un noble périgourdin descendant de chirurgien de la Grande armée laissé en Russie par Napoléon, Michel se voit confier un précieux parchemin scellé, secrètement délivré par le tsar : son testament. Il désigne Michel Trepchine comme « régent » de l’empire, faute de Romanov qui ait des couilles. Sont adjoints à ce testament deux coffrets emplis de diamants patiemment amassés au fil des siècles, une part du fameux « trésor du tsar » jamais retrouvé.

Aidé par la princesse Tin, jeune et jolie Siamoise qui fut la compagne de Villeneuve, Michel s’évade de Russie en avion via le Tibet et rejoint, muni d’un faux passeport délivré par un parent anglais de sa famille, la Suisse (où il dépose le testament à la banque) puis Paris (où il œuvre à organiser l’émigration blanche). Il a caché les diamants en un lieu isolé du Tibet et n’en garde que trois à monter en bijou pour la princesse qui l’a aidé. Archibald Blunt, l’Anglais de l’Intelligence service, est qualifié de « saphiste », joli mot mais impropre, ne s’appliquant précisément qu’aux femmes. Il aimera Michel d’un amour jaloux, puis son fils Dimitri, avant d’errer entre plusieurs fidélités depuis Cambridge…

Michel est un cosmopolite de son siècle, parlant russe et français tout comme anglais et allemand, puis hongrois et italien, et peut-être une ou deux autres langues. Il a de la famille dans tous les pays séparés alors par des frontières, artificielles aux alliances matrimoniales des grandes dynasties aristocratiques (exclusivement blanches). Son père est russe et sa mère bavaroise, apparentée à la couronne britannique, avec un passeport suisse ; sa grand-mère est hongroise et le fils de son tuteur Villeneuve est devenu américain. C’était le melting pot libéral de l’Europe d’avant 14. Puis les nationalismes sont venus, cassant la globalisation…

Après la guerre, puis la guerre civile, Michel se marie et fait deux enfants, une fille aînée Julie et un fils cadet Dimitri. Il se découvre un autre fils, Nicolas, conçu avec la princesse Tin lorsqu’ils fuyaient de concert par-dessus l’Himalaya, une épopée rocambolesque aux commandes d’un Bréguet biplan. Michel avant 1940 est un homme comblé : père, époux, riche, actif, entouré. Il souffre cependant de l’exil. La Russie devient pour lui comme un Graal, le poussant à des plans extravagants. Les Russes ont comme les Anglais, dit l’auteur, « cette étrange schizophrénie dans laquelle se côto[ie] une intelligence pratique et la faculté de lâcher prise dans des exubérances parfois très excentriques » p.290.

Son ami d’enfance Sacha Boulganov, prince russe, est passé du côté bolchevique en raison des idées modernes de la philosophie occidentale sur l’égalité et le matérialisme comme de sa déception du milieu aristocrate incapable. Mais la pratique paranoïaque de Staline ne tarde pas à le faire déchanter. Il ne doit qu’à l’amitié du vulgaire et obtus Vorochilov de n’être pas emporté dans les « procès » pour trotskisme ou trahison et il s’exile en Sibérie, dans le village même des Samoyèdes (ou Nénètses que l’auteur semble confondre avec le village savoyard de Samoëns), où Michel a passé son enfance à cause de l’oukase d’exil de son père. C’est là que l’enfant au prénom d’archange a vu de près un tigre blanc, venu lui flairer le visage en le regardant droit dans les yeux. Le fauve ne l’a pas croqué et Michel est désormais surnommé par ceux qui l’admirent « le tigre de Sibérie ». Les chamanes y ont vu un signe d’élection.

L’inique traité de Versailles, imposé par les puissances victorieuses de la Première guerre mondiale, a redécoupé l’Europe en pays artificiels où les nationalités sont souvent irrédentistes. Ce placage abstrait sur la réalité humaine va engendrer inévitablement la Seconde guerre mondiale, chacun des pays monte aux extrêmes de la passion et appelle un dictateur exécutif. Ce chaos va-t-il permettre de rétablir l’ordre divin en sainte Russie ? Michel est loyal et volontaire, mais que peut-il contre les forces sociales du destin, les intérêts commerciaux yankees et le machiavélisme bolchevique ?

Le progrès technique emporte toute valeur morale et précipite l’efficacité avec l’avènement du type humain du Travailleur selon Ernst Jünger, le rouage sans âme de la Technique ; les anciennes pulsions libérales et humanistes, d’essence aristocratiques, sont balayées, engendrant les millions de morts des deux guerres mondiales et un chaos planétaire dont nous ne sommes pas encore sortis. Le monde matériel change trop vite pour que les humains adaptent leur mental ; ils n’ont pour réponse que la crispation intransigeante sur les idées d’hier et la violence jusqu’au massacre pour imposer leur droit. Seule peut-être la musique, dont l’épouse de Michel est experte, exprime la part des anges de l’humanité terrestre malgré la « médiocrité puérile des hommes » p.327 selon le chef d’orchestre Karvangler, une chimère de Karajan et de Furtwängler.

Ce beau roman d’aventures emporte et donne à réviser l’histoire tragique du XXe siècle. Il est parsemé de remarques fort justes sur la politique et les hommes, le régime de monarchie constitutionnelle et la démocratie, l’antisémitisme et le capitalisme libéral, le couple et les fils, le nazisme et le communisme. Il nous apparaît bien souvent la sagesse même parce que l’auteur, comme nous, connait la suite : l’histoire du passé se reconstitue aisément, celle du futur est plus aléatoire…

L’auteur laisse entendre que ce « testament du Tsar » pourrait être vrai, selon ce que lui a confié en 2004 son père en exil. Mais que nous importe ? Pas plus qu’un Bourbon ne règnera sans doute sur la France, un Romanov ne remontera désormais sur le trône de la Russie. Reste une aventure épique dans la lignée morale des scouts devenus aujourd’hui pères et grands-pères.

Le sous-titre du roman laisse entrevoir une suite, la période après 1945 étant à la fois plus délicate et plus proche, dédiée aux fils.

Youri Fedotoff, Le testament du Tsar – Chaos 1917-1945, 2019, Y&O éditions, 418 pages, €23.00 e-book Kindle €9.99

Le site de l’auteur

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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