Le testament du Tsar de Youri FEDOTOFF par Marie Desjardins
Plus de cent ans sont passés depuis l’assassinat du tsar Nicolas II et de sa famille.
Ici et là dans le monde, des passionnés du destin tragique des Romanov continuent d’étudier, de chercher. Y aurait-il eu des survivants ? La question a été examinée sous tous ses angles. Mais encore… Parmi de très nombreuses rumeurs et suppositions, l’une d’elles voudrait que, du trésor impérial — notamment celui des bijoux — un inestimable trésor, de nombreuses pièces auraient disparu. En novembre 2018, StelleneVollandes, journaliste de Town and Country, rappelle ce dossier des joyaux, mentionnant divers catalogues existants, et qu’elle a consultés. Oui, il y a des pièces manquantes. Vols ? Héritages secrets ? Saccages ? Les enquêtes suivent leur cours… depuis un siècle
En France, un auteur du nom de Youri Fedotoff publie, en 2019, un bien étrange roman tenant de l’épopée, etqui pourrait en partie expliquer ce qu’il est advenu de certains de ces bijoux — et plus particulièrement desdiamants. Fedotoff, lui-même descendant d’un Russe blanc et d’une comtesse hongroise, est, par le cœur et l’âme, appelé par le parcours de ces monarques disparus. Comme de nombreux compatriotes, descendants d’émigrés de la révolution russe, il n’a pas oublié. Ceux qui aiment le tsar sans même l’avoir connu ; ceux qui vouent un culte à l’ancienne sainte Russie sont comme cet écrivain : en dépit du passage de décades, maintenant, l’allégeance est la même — on vénère, même en secret, cette famille dont la fin a frappé les imaginations.
Cependant, Fedotoff a quelque chose, disons de plus, qui l’autorise à s’éprendre de cette grande page humaine : son propre père, à la veille de sa mort, lui a livré un secret. Fedotoff en fait le sujet même du roman conséquemment intitulé Le testament du Tsar : au moment de son abdication, Nicolas II confie à son filleul, Michel Trepchine, une fortune en diamants, mais également le rôle de régent de toutes les Russies. Tout un programme, alors que les bolchéviques ont envahi le pays, massacrant les blancs afin d’ériger un système libéré des entraves — supposément — du régime implacable qui a régné pendant des siècles dans ce coin du monde.
Fedotoff a l’imagination féconde, mais également des connaissances extrêmement précises sur l’époque qu’il nomme le chaos 1917-1945. Au fil des chapitres transportant le lecteur en Russie, en France, en Allemagne, aux États-Unis, en Hongrie, etc., Trepchine, un héros, s’il en est, met tout en œuvre pour reconquérir la Russie, qu’en cas de réussite, il régirait. Bien sûr, on connaît le fin mot de l’histoire. Pas un Romanov, frère, neveu, oncle ou filleul n’a retrouvé ce pays comme autrefois. La révolution a été accomplie dans tous les sens du terme. Pourtant, la diaspora existe, comme le bien filtre le mal, et, dans le secret des êtres, le tsarisme n’est pas mort, Nicolas n’est pas mort — avec sa famille, de l’au-delà, il veille sur ses fidèles qui, eux, veillent sur les legs de cette dynastie.
Et si cette histoire était vraie ? Le roman, une sorte de plongée dans ce passé chaotique revisité par Fedotoff, propose des éclairages aussi généraux que particuliers sur une kyrielle de thèmes — guerre, conflits, amour, fuites, intrigues de tout acabit. Par exemple, l’auteur reproduit des conversations intimes qui auraient décidé du cours des choses, et décrit avec brio les interventions de familles influentes se retrouvant dans des palaces européens ou des manoirs à l’île des Monts Deserts — plus jamais on ne parcourra le Maine avec les mêmes yeux. Le lecteur a l’impression que l’auteur les a connus intimement, qu’il était là par un étrange voyage de l’esprit vers ce qui n’existe plus. Dès le début, on assiste à l’enfouissement des diamants dans un endroit du monde des plus improbables, et donc possible. On fait partie du secret.
Le roman, contrairement à la biographie, donne toutes les libertés. Ce laissez-passer permet des révélations ;même si relevant de l’interprétation, celle-ci sont un chemin vers la vérité. Tout au long de ces pages saluées par Patrick Poivre d’Arvor, l’auteur fait revivre les deux guerres de divers points de vue. Le lecteur amateur de curiosités historiques se trouvera dans ce tourbillon comme dans un musée sans gardien ; il peut toucher à tout, tout écouter, tout voir — c’est un exercice fascinant.
Le Testament du Tsar, ce travail colossal montrant clairement l’érudition et la passion de son auteur, aurait toutefois mérité une édition plus attentive. C’est souvent le lot des romans d’envergure, complexes, tissés, riches, denses ; ils ne trouvent pas preneurs dans les maisons qui mènent le bal des publications. Cela est à déplorer. Car l’auteur qui en vaut la peine est souvent celui qui n’est pas soutenu. Cependant, comme il a le feu sacré (ce lieu commun qui dit bien les choses), il s’arrange lui-même pour que son cri silencieux soit entendu, même dans la steppe balayée par le blizzard. Il faut féliciter Youri Fedotoff d’avoir donné une histoire à l’Histoire. La sienne est à lire pour qui vibre à l’évocation d’un passé toujours vivant pour ceux qui voient autrement.
Youri Fedotoff, Le testament du Tsar, Chaos 1917-1945, Y & O éditions, 2019, 420 pages
Le testament du Tsar : Chaos 1917-1945 de 
Voilà un thriller de 412 pages que vous lirez d’une traite, intitulé Le Testament du Tsar.




Et pour clore ce mois de décembre riche en événements, au lendemain du Salon du Livre Russe, le Testament du Tsar et son auteur seront présents le 9 décembre au 10e Salon de L’histoire qui se tiendra au Cercle National des Armées pour la remise du Prix du Guesclin de l’Histoire 2019.

Chers ami(e)s,
Le 6 décembre à 18h, jour d’ouverture du Salon du Livre Russe,
C’est dans le chaos mondial du siècle dernier, entre 1917 et 1945, que nous convie Youri Fedotoff dans Le Testament du Tsar où, sur le prétexte du vol d’une fortune en diamant, il a imaginé un roman épique dans lequel, fidèle à la tradition du roman russe, il fait se croiser une foule de personnages.

Ainsi qu’on peut l’observer depuis les élargissements successifs de l’Union européenne à des pays d’Europe orientale et centrale jadis soumis au joug soviétique et libérés depuis la chute du Mur de Berlin et de l’ex-URSS, l’Europe est loin d’être réunifiée. Plus que jamais, un double rideau de fer géopolitique, idéologique, sociologique et historique divise les pays du Continent européen: tout d’abord la « ligne de front civilisationnelle » (pour paraphraser Samuel Huntington) qui sépare et souvent oppose, l’Europe atlantiste-occidentale et la Russie, et ensuite la ligne de haute tension qui oppose politiquement et sépare psychologiquement les pays de l’Europe orientale et centrale (entrés dans l’UE depuis 2004, marqués par le populisme « illibéral » à la Orban), attachés à leur identité chrétienne et marqués par un fort anti-communisme, et, de l’autre côté, une Europe de l’Ouest historique engluée dans son politiquement correct, hostile à l’identité assimilée aux vieux démons. Malgré ce constat, force est de reconnaître que les lignes bougent. Alexandre del Valle a rencontré pour s’en convaincre l’écrivain, publiciste et stratège franco-russo-hongrois Youri Fedotoff, fin observateur géopolitique qui incarne par ses origines ces divisions continentales et qui vient de publier un roman épique (« Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945″*), où la fiction et le fait historique se conjuguent pour nous offrir un éclairage historique d’Est en Ouest aux origines de l’Europe orientale contemporaine.
Alexandre Del Valle : Dans votre roman, saga épique qui se déroule sur trois continents, et qui traverse une révolution puis deux guerres mondiales, la fiction et le fait historique se conjuguent et les personnages dont nous suivons les aventures paraissent servir un véritable éclairage historique concernant une Europe orientale encore très mal connue de l’Occident. Dans votre roman géohistorique, conservateurs, libéraux et révolutionnaires incarnés par les familles Trepchine, de Villeneuve et Boulganov, s’affrontent tout au long de cette période tragique du début du XXe siècle. Quelle est l’originalité de votre point de vue d’Est en Ouest ?
ADL : Pourtant, vos personnages sont des incarnations idéologiques puissantes ?
ADL : En 1939, votre héros Michel Trepchine rencontre un personnage à Paris qui ressemble fort à Arthur Koestler.