Actualitté, le site de référence, recommande « Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll

Un drôle de goût ! : un thriller sous le signe d’une cyber-attaque

Thriller hyperréaliste, Un drôle de goût ! fait suite à La tentation de la vague, roman publié chez L’Harmattan en 2019, et ressorti chez Cigas SAS en 2022. Les deux volumes peuvent toutefois se lire indépendamment l’un de l’autre, comme le précise Alain Schmoll sur le quatrième de couverture. Chronique par Étienne Ruhaud.

Remettant en scène les figures de Werner Jonquart et de Julia, l’auteur construit une intrigue pleine de suspense, mettant en scène divers réseaux. 

Un thriller international…

Issu de la grande bourgeoisie genevoise, Werner Jonquart adhère, encore étudiant, aux thèses d’extrême-gauche. À cette occasion, l’homme rencontre Julia, future avocate brillante avec laquelle il voyage, notamment à Cuba.

Ayant finalement repris l’affaire familiale, soit la fromagerie Jonquart, Werner s’éloigne peu à peu de Julia, fidèle à l’idéal révolutionnaire, et qui désormais ne voit en lui qu’un homme d’affaires. S’étant choisi un autre destin, Julia sort finalement avec un avocat bordelais, et donne naissance à une fille, Léna. Célibataire, donc, mais homme à femmes, Werner mène l’entreprise avec brio, signant de nombreux contrats. Et c’est là que les soucis arrivent.

Un « drôle de goût » apparaît effectivement dans les produits phares de la marque, tel le « Vieux Prioux ». Parallèlement deux sociétés proposent de racheter le groupe. L’une est dirigée par Matthew McFermack, tycoon américain particulièrement brutal, et dont le comportement n’est pas sans rappeler celui de Donald Trump. L’autre, Tofenum, est dirigée par des Chinois, et donc liée au parti communiste, et… aux Triades.

Toutes deux offrent un montant mirobolant, ce qui semble d’emblée suspect. Outre-Atlantique, Werner découvre un McFermack grossier, sinon menaçant, secondé par un certain Jason, lui aussi insistant. Faisant monter les enchères, il finit par vendre aux Chinois, mettant McFermack en fureur.

De nouveaux problèmes se font jour, toutefois. Un des cadres, le pentester (nommé justement pour découvrir les failles et déjouer les pièges) Dany Schlechter, meurt subitement, mystérieusement. Parallèlement, le groupe subit de plus en plus de cyberattaques, et Werner est physiquement menacé. Outre les Américains et les Chinois, l’ultra gauche, qui voit en Werner une incarnation polymorphe du Mal, détruit littéralement son appartement parisien, sur l’île-Saint-Louis.

L’homme d’affaires, qui s’est entre temps remis en couple avec Julia, craint également de voir sa belle-fille, la petite Léna, massacrée par un commando. Américains comme Chinois sont effectivement liés à des groupes mafieux particulièrement violents, pratiquant torture et assassinat. Werner peut toutefois compter sur le soutien d’une amie d’enfance, devenue major chez Interpol, Stéphanie.

La fin du livre est assez inattendue, et se déroule sur une île, au Sud de la Floride…

Un récit réaliste et haletant

Ayant lui-même eu d’importantes responsabilités, Alain Schmoll maîtrise parfaitement la culture d’entreprise, son vocabulaire et ses codes, ainsi que les notions économiques.

Nous sommes ainsi surpris par la précision des termes, par le réalisme balzacien propre à Schmoll, qui connaît vraiment ce milieu… Réalisme qui se trouve encore renforcé par le préambule, rédigé en… mai 2029 par un mystérieux (et fictif) écrivain public, censé avoir aidé Werner Jonquart dans la rédaction du livre !

Dans un premier temps, il [Werner Jonquart] avait voulu raconter lui-même ces péripéties troublantes, telles qu’elles se produisaient, au moment où il leur était confronté. Il avait commencé à en écrire les chroniques. (…) Puis tout s’est aggravé. (…) Écrire ne lui a plus été possible.

 

– Extrait d’Un drôle de goût !

Réalité et imagination se mêleraient donc, ici.

Le suspense est également maintenu, l’histoire étant riche en rebondissements, souvent inattendus. Il s’agit ainsi d’un roman très actuel, parfaitement intégré au présent. L’entreprise Jonquart est par exemple victime de cyberattaques, comme il est hélas d’usage aujourd’hui.

L’action se situe également en mai 2024, juste avant les Jeux Olympiques, dans la confusion des travaux d’aménagement. Tout semble donc pensé pour que le lecteur adhère au propos, pour maintenir la vraisemblance.

À travers les discussions, parfois animées, de Werner et Julia, se dessinent les contours d’une authentique réflexion politique : demeurée marxiste, Julia souhaite un changement brutal, global, quand Werner désire maintenir une forme de capitalisme social-démocrate. Julia évoluera avec le temps.

Quelle est clairement la pensée d’Alain Schmoll ? La question reste ouverte. En tous cas, Un drôle de goût ! n’est pas qu’un banal thriller un peu primaire, sans qu’on puisse, pour autant, parler d’essai théorique. Par moments, Schmoll paraît également se laisser aller au lyrisme. Plusieurs passages sont ainsi très poétiques, écrits dans une langue sobre mais élégante :

L’après-midi tire à sa fin. La température a un peu fléchi. Le soleil, éblouissant, descend sur la Seine, irradiant ses eaux filantes d’une lumière presque blanche.

 

– Extrait d’Un drôle de goût !

Trop ambitieux ? 

La critique qu’on pourrait adresser à Schmoll, c’est peut-être d’en avoir voulu trop faire. Malgré les efforts pour maintenir le réalisme, et la vraisemblance, on ne peut que difficilement croire dans le caractère rocambolesque des aventures de Jonquart, homme menacé de partout.

De surcroît, on pourrait également reprocher à Schmoll d’user de certains clichés : le dirigeant américain est nécessairement trumpiste, égocentrique et libertarien, proche des cartels colombiens… Les Chinois sont proches des triades…

Toutefois, et en dépit de ces quelques réserves, Un drôle de goût ! demeure un roman cohérent, assez bien construit, et qui tient le lecteur en haleine. 

« Un roman qui titille la morale » : Tribune Juive a aimé « Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll

La Chronique estivale de Jérôme Enez-Vriad- “Un drôle de goût !” : le nouveau roman d’Alain Schmoll

Un drôle de goût ! : le nouveau roman d’Alain Schmoll

Alain Schmoll est de retour avec un roman à suspense. Son titre : Un drôle de goût ! L’intrigue se profile dans un monde inquiétant au sein duquel on reconnaît le nôtre par analogie. La seule limite de l’histoire est l’imagination fertile de son auteur. Voyons donc… 

Après son étonnant La tentation de la vague (L’Harmattan, 2019 ; Cigas, 2022) Alain Schmoll revient avec un thriller des plus haletant. Il s’agit d’une plongée dans les méandres d’un univers qui ressemble beaucoup au nôtre, où les problèmes quotidiens apparaissent au format d’une fable contemporaine en frontière avec la réalité. Inspiré de faits imaginaires que le lecteur est invité à croire réels, Alain Schmoll offre avec Un drôle de goût ! bien davantage qu’une simple histoire à suspense. 

Le sifflement du serpent

Alain Schmoll signe un cinquième roman ambitieux, mieux ! audacieux, surprenant par sa construction dans laquelle se superposent Feuillets et Chroniques intercalées, sorte de mise en abîme de l’auteur qui, dans le préambule, affirme être collaborateur du travail d’écriture de son héros, un certain Werner Jonquart. « Mon nom ne dira rien à la plupart d’entre vous. Il arrive pourtant que votre œil s’arrête sur mes mots, qu’il suive le fil de mes phrases. J’écris sur toutes sortes de sujets, importants ou mineurs, graves ou futiles, passés ou futurs ; j’écris pour des journaux, pour des magazines, pour des éditeurs. » Et. Un peu plus loin. Dans l’introduction. Nous apprenons ceci. « Tout a commencé de façon diffuse, impalpable. Comme le murmure introductif des cordes, avant que l’orchestre n’emplisse en force l’espace sonore. Comme le souffle éthéré d’une brise tiède annonciatrice de tempête. Comme le sifflement d’un serpent méditant une attaque sournoise. » De quoi diable ! s’agit-il donc ? D’une intrigue financière sur fond de contamination alimentaire et… Stop ! Ne dévoilons pas le complot, car c’est bien de cela dont il est question, et rien n’est plus frustrant pour le lecteur que d’en trop connaître avant d’entamer l’histoire. Disons qu’il y a du Robin Cook (on pense à Toxine) et du John Grisham dans ces pages. Alain Schmoll joue avec les nerfs de ses lecteurs comme le bourreau s’amuse à repasser le scalpel sur la plaie. 

Une étrange maladie

Un drôle de goût ! se lit comme une médication qui vous fait trembler de l’intérieur, à la manière d’un exorcisme horrifique accentué avec la dose supplémentaire du chapitre suivant ; nul ne prononce d’ordinaire le nom de cette étrange maladie méconnue par la nouvelle génération, pas même les professeurs qui semblent ne plus la connaître, elle se résume pourtant en quatre petits mots : le plaisir de lire. Au fil des pages, Alain Schmoll réussit à nous faire regretter une journée sans lecture, telle est l’étonnant pouvoir de son livre : si singulier, si étrange que l’on se fait d’une construction romanesque classique, puisque ses Chroniques et Feuillet intercalés transfigurent l’équilibre de son texte autant qu’ils en refondent l’agencement sans lourdeur ni maladresse. 

Chapitre 9 de la 1ère partie (page 134) : « Le soleil s’étendait en un vaste halo blanc, plus puissant que le bleu du ciel, qui lui cédait en intensité. Frappée par des rayons impitoyables, la neige prenait l’aspect d’une nacre éblouissante. » ; chapitre 13 de le 2ème partie (page 296) : « Marcher, tout seul. Une bonne méthode pour s’oxygéner l’esprit, pour tenter de réfléchir fructueusement à une solution aux problèmes qui se posent. » ; et, un peu plus loin : « À l’angle du pont et du quai, à une cinquantaine de mètres de l’entrée de leur immeuble, Werner s’arrête, s’accoude au parapet et contemple distraitement les flux de navigation montants et avalants. » Trois extraits qui donnent envie de renier ce que l’on vient de lire en poursuivant sa lecture. Je m’explique. Toute avancée romanesque est animée par le souffle paradoxal des contraires. Alain Schmoll exploite la fadeur de l’angoisse comme personne, grâce à des phrases et des images simples qui nourrissent un suspense construit sur une intrigue où s’entrecroise la primauté de deux imaginations fertiles : la sienne et celle du lecteur. 

Avant que l’histoire ne s’achève 

Du baptême au dernier verre de rhum, la vie est un livre ouvert dont nous refermons les pages sans toujours avoir eu le temps de les lire. Certains les parcours en diagonal… D’autres les dévorent de la première à la dernière ligne… Werner Jonquart, héros de notre histoire, ne laisse personne lire aucune page à sa place, et nous incite à en faire de même… S’il fallait deux bonnes raisons pour lire Un drôle de goût ! , la première serait de glisser un roman d’été instructif dans son sac de plage ; la seconde relève d’une intrigue qui ne vous glace pas seulement le sang, elle vous titille aussi la morale dans ce qu’elle a de plus géométriquement variable lorsqu’elle est davantage soucieuse de profit que d’éthique. 

Un drôle de Goût

Roman d’Alain Schmoll

Éditions Cigas – 325 pages – 13,90 €

Jérôme Enez-Vriad

© Juillet 2024 – Tribune Juive & J.E.-V. Publishing

« Un cheminement de thriller passionnant » pour « Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll

Alain Schmoll, Un drôle de goût !

L’auteur reprend les personnages de La tentation de la vague, paru en 2020, pour distiller un nouveau thriller financier à la manière de Sulitzer (et de ses nègres) jadis. C’est plutôt réussi, avec les mêmes défauts que dans le roman précédent : un début poussif, trop long, qui s’étale sur la vie privée passée sans enclencher l’action. La « préface » (datée de « mai 2029 »!) d’un faux rédacteur qui aurait connu les personnages est inutile et alourdit l’intrigue, d’autant qu’elle n’ajoute rien. Mais, une fois parti et passé le premier quart, c’est passionnant.

Werner Jonquart est fils de famille entrepreneur, patron depuis sept ans d’une multinationale familiale suisse du fromage de bonne réputation. Il sait déléguer et il finit par s’ennuyer. Alors, pourquoi ne pas vendre ses parts ? Il en possède assez peu, conservées dans une holding de tête qui elle-même possède des participations qui… au total une fraction du capital, mais suffisant pour assurer la direction.

Une fois cette idée instillée en lui, il est approché par deux groupes, l’un américain et l’autre chinois. Tous deux sont des fauves redoutables du capitalisme. Le premier en égocentré libertarien qui n’hésite pas à user de tous les moyens pour parvenir à ses fins, y compris les alliances troubles avec les mouvements extrémistes de droite trumpiste et les cartels colombiens. Le second en mandataire de l’Etat-parti chinois qui a le temps et les moyens pour lui et qui n’hésite pas à manipuler les banquiers des Triades qui font du trafic en tous genres ; des malversations tolérées par le régime s’il affaiblit l’Occident.

Werner a la fatuité de vouloir lui-même fixer les règles du jeu : une date et heure précise pour les offres ultimes, la possibilité de refuser, le cautionnement de 90 % du prix proposé à l’achat qui sera ferme et définitif une fois l’offre acceptée, le tout scruté et bardé par une bataillon d’avocats. Comme si les requins de la finance allaient obéir à des règles…

D’ailleurs, un drôle de goût survient dans certains fromages du groupe, pas partout et pas tout le temps. C’est un hacking habile qui a introduit un cheval de Troie dans le système informatique régissant les dosages. Le pentester (je ne connaissais pas ce métier neuf !) mandaté pour trouver les failles est curieusement retrouvé mort peu après s’être vanté de pouvoir remonter à la source ; il aurait succombé à une overdose dans sa baignoire, lui qui ne prenait aucune drogue… Cette déstabilisation ne serait-elle pas opérée pour faire baisser les cours de bourse et disposer d’un moyen de pression sur le « deal » ?

Comme la pression ne fonctionne pas, objectif sa vie privée. Werner est un homme à femmes depuis tout petit, mais l’homme d’une seule femme depuis son adolescence attardée lorsqu’il fut gauchiste à Cuba. Julia est son alter ego, avocate vouée aux causes libératrices, des femmes battues aux écolos anti-pollution. Elle est restée idéaliste, lui devenu réaliste. Ils se voient, se quittent se remettent, s’ennuient et se séparent, se regrettent et se remettent : drôle de goûts… Julia est mère d’une petite fille qu’elle a eu avec un avocat de Bordeaux, duquel elle s’est séparée, et qui a refait sa vie avec une autre en lui enfournant quatre enfants, elle qui en avait déjà deux. L’auteur s’amuse.

Mais Julia fréquente à Paris des gauchistes attardés de plus en plus radicaux depuis qu’ils voient que ça ne marche pas et que la jeunesse se détourne de leurs idéaux utopistes et irréalisables. De quoi être prêts au terrorisme de type Brigade rouge ou Action directe. De dangereux « insoumis » qui provoquent et paradent, agitateurs professionnels pour bouter le chaos dans la politique, l’économie, la société. Bizarrement, pour un auteur très au fait de l’actualité, la connexion islamiste n’apparaît jamais dans ces dérives sectaires à la Mélenchon, pourtant elles existent dans les mentalités. Reste que le gauchisme activiste est aussi un ennemi pour Werner, outre l’extrême-droite affairiste yankee et les Triades du parti communiste chinois.

De quoi s’en inquiéter, d’autant que l’affaire traîne à se faire. D’ailleurs, une question se pose : pourquoi diable un conglomérat américain et une entreprise chinoise veulent-ils à tout prix acheter une entreprise familiale suisse de fromages ? Certes, elle est installée à Genève, certes, elle a une excellente réputation auprès des banques, certes, elle est à proximité des Ports-francs et Entrepôts de Genève, zone peu réglementée qui abrite très souvent des œuvres d’art stockées comme en banque en dépôt sous douane illimité – parfois volées ou pillées. Est-ce la raison ? Mais la Fromagerie Jonquart ne loue aucun entrepôt dans les Ports-francs.

L’Américain mandate un commando de Colombiens pour zigouiller les Chinois, lesquels tentent d’enlever au GhB en plein Paris une Julia trop confiante. L’affaire se corse, si l’on ose dire. Werner va tout d’abord se rapprocher dune amie d’enfance devenue major à Interpol, puis, comme les enquêtes sont lentes et les menaces de plus en plus précises, il va devoir actionner ses petites cellules grises pour trouver une parade. Il s’agit de sauver sa vie, celle de sa compagne et de leur fille (il a adopté celle de Julia, dont son père biologique se désintéresse), et celle de son entreprise.

Il va trouver… et c’est plutôt original même si l’on se dit (mais après coup) que « bon sang, mais c’est bien sûr ! » Je ne vous en dis rien, ce serait ôter le suspense, même si c’est le cheminement du thriller qui passionne plutôt que la fin.

Alain Schmoll, Un drôle de goût !, 2024, éditions CIGAS SAS, 333 pages, €13,90, e-book Kindle €4,49 (mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés Amazon partenaire)

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Les romans d’Alain Schmoll déjà chroniqués sur ce blog

« Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll : L’enquête vérité sur les cyberattaques, les narcotrafiquants et les secrets entrepreneuriaux

« Un drôle de goût ! »: L’enquête vérité sur les cyberattaques, les narcotrafiquants et les secrets entrepreneuriaux

■ Alain Schmoll
 

Par Yves-Alexandre Julien – Journaliste Culturel

Dans son cinquième roman, Un drôle de goût !, Alain Schmoll tisse une toile complexe où se mêlent intrigues entrepreneuriales, cyberattaques et réseaux de narcotrafiquants. Le retour de Werner Jonquart, personnage central de La tentation de la vague, ajoute une dimension riche en suspense et en réflexions sur les défis contemporains. Ce roman, ancré dans l’actualité de 2024 en amont des Jeux Olympiques, plonge le lecteur au cœur des enjeux économiques et societaux majeurs de notre époque.

I. Le monde entrepreneurial : Entre opportunités et menaces

Werner Jonquart, héritier et dirigeant du groupe laitier Jonquart basé à Genève, se retrouve face à des propositions de rachat alléchantes mais inquiétantes. Dans un contexte où les entreprises sont souvent des cibles privilégiées pour des conglomérats internationaux, Schmoll illustre avec brio les tensions et les pressions subies par les dirigeants modernes.

Les offres mirobolantes reçues par Werner soulèvent des questions sur la mondialisation et la consolidation des marchés. Comme le souligne Joseph E. Stiglitz dans La grande désillusion, “la mondialisation a conduit à une concentration de pouvoir sans précédent, où quelques multinationales dominent des secteurs entiers, souvent au détriment de la diversité et de la résilience économique” . Cette réflexion trouve un écho parfait dans les péripéties de Werner, qui doit naviguer entre opportunités économiques et risques systémiques.

II. Cyberattaques : La nouvelle arme des conflits économiques

Quelques semaines après la signature du protocole d’accord de vente, un Drôle de goût apparaît dans les produits du groupe, déclenchant une série de cyberattaques dévastatrices. Ces attaques, orchestrées par des conglomérats industriels en lien avec des narcotrafiquants, montrent à quel point la cybersécurité est devenue cruciale pour les entreprises modernes.

Comme l’affirme Bruce Schneier dans Data and Goliath, “les cyberattaques sont devenues un outil essentiel de l’espionnage industriel et de la guerre économique” . Schmoll illustre cette réalité avec une précision terrifiante, rendant palpable l’insécurité numérique à laquelle sont confrontées les entreprises.

Les entreprises doivent désormais faire face à des menaces cybernétiques croissantes, souvent soutenues par des États ou des organisations criminelles. La manière dont Werner et son équipe tentent de contrer ces attaques reflète les stratégies réelles employées par les entreprises pour protéger leurs actifs numériques et leur réputation.

III. Narcotrafiquants et blanchiment de capitaux : Une alliance Inquiétante

Le roman dévoile également les connexions obscures entre les conglomérats industriels et les réseaux de narcotrafiquants. Les menaces pesant sur Werner et Julia, kidnappée et utilisée comme monnaie d’échange, illustrent la brutalité de ces interactions.

Dans Narcotráfico, el gran desafío de América Latina, ( Narcotrafic , le grand défi de l’Amerique Latine) Ioan Grillo explique que “les narcotrafiquants cherchent constamment à légitimer et à blanchir leurs gains, et les entreprises internationales sont souvent des cibles idéales pour ces opérations” . Alain Schmoll dépeint cette réalité avec une acuité troublante, montrant comment les criminels utilisent les structures économiques légitimes pour leurs activités illicites.

Les Ports Francs et entrepôts de Genève, souvent associés à des activités de stockage d’œuvres d’art et autres biens de valeur, sont ici présentés comme des lieux stratégiques pour le blanchiment de capitaux. Cette utilisation détournée des infrastructures économiques montre à quel point le système financier global peut être vulnérable aux infiltrations criminelles.

« c’est devenu un petit peu plus compliqué pour les simples comptes bancaires. Une partie de l’argent sale passe maintenant par les Ports Francs, après avoir été blanchi en or, en bijoux, et surtout en œuvres d’art , en objets archéologiques, dont le trafic illicite a pris une ampleur considérable. » ( page 139)

IV. Débats sociétaux : Entre exigences professionnelles et vie personnelle

Au-delà des intrigues économiques et criminelles, Un drôle de goût ! explore également les dynamiques personnelles et les débats sociétaux. La relation entre Werner et Julia, compliquée par les événements tumultueux, illustre les défis de maintenir une vie personnelle stable face aux pressions professionnelles et aux dangers extérieurs « …quand de rares circonstances, nous mettaient face-à-face, Julia détournait les yeux .Etait ce par mauvaise conscience à mon égard? Était-ce pour ne pas me faire de mal sachant le pouvoir de son regard sur mon affectivité?Elle faisait en sorte de ne pas se trouver seule avec moi, comme si elle craignait que des pulsions sentimentales de ma part ou de la sienne ne prennent le dessus. C’était en tout cas ce que je m’imaginais… » ( page 87)

Les tensions entre les aspirations personnelles et les responsabilités professionnelles sont un thème récurrent dans les discussions sur l’équilibre travail-vie privée. Dans The Overworked American, Juliet Schor discute de l’impact des exigences professionnelles croissantes sur la vie personnelle, notant que “les individus sont souvent pris dans un tourbillon où les limites entre travail et vie privée deviennent floues” . Werner et Julia en sont des exemples poignants, illustrant comment les crises professionnelles peuvent exacerber les tensions personnelles.

V. Une œuvre rythmée et chronistique

Alain Schmoll utilise une structure narrative innovante, superposant des “feuillets” et des “chroniques” qui s’entrecroisent dans le temps. Cette technique donne au récit un rythme dynamique, permettant une immersion totale dans les événements. Le fait que Schmoll se présente comme collaborateur de son propre héros, ajoute une dimension méta-textuelle intéressante, brouillant les frontières entre réalité et fiction.

Malgré une mise en place initiale un peu longue, le roman capte rapidement l’attention du lecteur dès que les menaces se précisent. Les retournements de situation et le dénouement inattendu maintiennent une tension constante, rendant la lecture addictive.

VI. Un recit équilibré et inclusif pour aller au-delà des grands mouvements revendicatifs contemporains

Dans une époque où les mouvements comme #MeToo et le mouvement woke monopolisent souvent l’attention médiatique pour des causes de justice sociale, Un drôle de goût ! d’Alain Schmoll révèle une dichotomie insensée en mettant en lumière des problèmes profondément enracinés tels que les cyberattaques, les narcotrafiquants et les secrets d’entreprise. Tandis que les débats sur le sexisme, le racisme et l’égalité des genres sont absolument cruciaux et méritent une attention soutenue, ce roman nous rappelle que des menaces systémiques et souvent invisibles, comme les cyberattaques et le blanchiment d’argent par les narcotrafiquants, restent sous-traitées par les discours publics.

Les cyberattaques représentent une menace croissante et pernicieuse pour les infrastructures critiques et les entreprises, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour l’économie mondiale et c’est en lanceur d’alerte que Schmoll nous informe fictionnellement .

Dans son ouvrage Click here to kill everybody, Bruce Schneier explique que « les cyberattaques sont la nouvelle frontière du conflit économique et géopolitique, où les victimes ne sont souvent pas en mesure de se défendre adéquatement » . Cette menace, bien que moins visible et moins médiatisée que les questions de justice sociale, a des implications profondes pour la sécurité et la stabilité économiques.

Par ailleurs, le narcotrafic et le blanchiment d’argent représentent des défis colossaux qui sapent les fondements mêmes de l’économie légale et de la sécurité publique. Ioan Grillo, dans son livre El Narco: inside Mexico’s criminal insurgency, souligne que « les cartels de drogue et les réseaux de blanchiment exploitent les failles des systèmes financiers globaux, renforçant leur pouvoir et leur influence à un niveau inquiétant » . En se concentrant uniquement sur les problèmes immédiats et visibles, la société risque de négliger ces menaces insidieuses mais tout aussi destructrices.

« on parle couramment de cartel colombien et de triades Chinoise… ce sont des organisations criminelles dont les affaires génèrent des fortunes phénoménales et qui sont prêtes à tout même au meurtre et à la torture pour défendre leurs intérêts , des mafias au même titre que la Cosa Nostra ou la Camorra en Amérique du Nord et en Europe, des gens qui n’ont pas la moindre considération pour la vie des personnes… » ( page 250)

Alain Schmoll, à travers son récit haletant, pousse les lecteurs à reconnaître la nécessité d’un débat plus équilibré et inclusif. Il suggère que l’attention médiatique et sociétale doit également se tourner vers ces enjeux profonds, souvent éclipsés par des luttes plus visibles mais tout aussi importantes. Ainsi, Un drôle de goût ! ne se contente pas d’être un thriller captivant; il sert aussi de révélateur des priorités sociétales, nous invitant à une réflexion plus large et plus inclusive sur les menaces contemporaines.

En mêlant des intrigues entrepreneuriales, des cyberattaques et des réseaux criminels, Alain Schmoll offre à travers ce cinquième roman une réflexion interrogeant les interactions complexes et souvent dangereuses entre économie et criminalité. Les thèmes y étant abordés, font de ce roman de fiction une œuvre pertinente et captivante à promouvoir à la hauteur des enjeux majeurs de notre époque.

Francine Keiser et Alain Schmoll racontent leur reconversion professionnelle réussie sur Radio Notre Dame

Réécoutez l’émission : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/13-06-2023/

Comment gagner le pari de la reconversion professionnelle ?

13.06.23

Francine KEISER, ancienne avocate, elle a fondé et créé « Francini_K », une marque de prêt à porter de luxe conçue au Luxembourg, produite en Europe.

Alain SCHMOLL, après avoir mené une carrière de dirigeant et de repreneur d’entreprises, il a créé un blog littéraire et publie des critiques sur Babelio sous le pseudonyme d’Archie. Il a écrit des ouvrages de fiction : « La trahison de Nathan Kaplan » est son quatrième roman.

Thierry DUBOIS, s’intéresse depuis plus de 30 ans à l’évolution de l’être humain depuis les origines ainsi que les découvertes sur le fonctionnement du cerveau. Coach de cadres et dirigeants depuis 20 ans, il développe sa compréhension de la réussite par son travail sur les talents qu’il utilise comme clé de succès dans ses accompagnements. Il a édité chez Eyrolles, en 2015, et réédité chez Gereso en 2022 « A la découverte de mes talents »

Entreprendre met à l’honneur Alain Schmoll : de dirigeant d’entreprise à écrivain auto-publié

Alain Schmoll, de dirigeant d’entreprise à écrivain auto-publié

On dit qu’aujourd’hui, excepté dans certaines niches, le livre se vend mal. On dit aussi que les romans à chaque rentrée littéraire, sont de plus en plus nombreux, excepté à la rentrée de l’automne 2022.

Les éditeurs, depuis le confinement, reçoivent des records exceptionnels de manuscrits sauvages envoyés par la poste. Pourtant, les mauvais chiffres de vente et la profusion de livres n’empêchent pas certains écrivains sur le tard, d’écrire passionnément des romans, et de les publier à compte d’auteur, après une vie professionnelle bien remplie, loin de la littérature et du petit cercle germano-pratin. C’est le cas d’Alain Schmoll, qui a déjà quatre livres autoédités à son actif, et qui bâtit, lentement mais sûrement, une œuvre dont il est à la fois l’auteur et l’éditeur. Rencontre avec cet écrivain en herbe, dans un monde éditorial nouveau, où des auteurs sans éditeurs parviennent tout de même à diffuser leurs livres grâce aux évolutions des techniques de l’impression et du livre numérique.

Marc Alpozzo : Votre place dans le monde des lettres est atypique, c’est le moins que l’on puisse dire. Vous avez d’abord mené une carrière de dirigeant et de repreneur d’entreprises, puis vous avez commencé à écrire sur le tard. Vous êtes l’auteur déjà de quatre romans, dont le dernier La trahison de Nathan Kaplan, est un roman que vous auto-publiez, comme les trois précédents. Par quel chemin êtes-vous arrivé à la littérature et à l’autoédition ?

Alain Schmoll : J’ai achevé mon premier roman quelques semaines avant mes soixante-dix ans, sur le tard, comme vous dites. Écrire des romans n’avait jamais fait partie de mes objectifs ni même de mes rêves. Ce sont les circonstances qui m’y ont amené. J’ai toujours aimé écrire et j’ai beaucoup écrit tout au long de ma carrière de dirigeant dans le BTP, un secteur dont vous conviendrez qu’il est très éloigné de la littérature. Mais écriture ne signifie pas forcément littérature. Quand vous managez une entreprise, vous devez partager vos projets et vos stratégies avec des collaborateurs, des clients, des partenaires, des financiers. Il faut les séduire, les faire adhérer, obtenir leur engagement. J’ai alors pour habitude d’écrire, en cherchant les mots les plus justes et les plus percutants, pour donner vie à ces projets, à ces stratégies. J’ai ainsi beaucoup écrit, avec quelque succès et toujours avec du plaisir… Revenons à la littérature. J’aime les romans, mais j’avais peu de temps pour en lire, seulement pendant les vacances. Afin de rattraper le temps perdu, je lisais alors trop et trop vite, sans donc en profiter pleinement. Pour y remédier, je me suis mis, après chaque roman, à en écrire la critique, puis à la publier sur un blog. J’y ai pris goût et je le fais sans discontinuer depuis huit ans, avec aujourd’hui plus de trois cents critiques à mon actif. Ce faisant, j’ai pu observer les bonnes pratiques et les moins bonnes dans l’écriture d’un roman. Un jour, j’ai eu envie d’essayer moi-même. C’est ainsi que je me suis mis à écrire mon premier roman, La tentation de la vague. Je précise qu’il a été édité de façon traditionnelle, à la différence des trois suivants, pour lesquels on peut parler d’autoédition, un mot que je n’aime pas trop. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.

M. A. : Votre nouveau roman s’inspire d’un fait divers, qui a été publié en février 2021 dans l’hebdomadaire Marianne, par Laurent Valdiguié, et qui risque fort de rebondir dans l’actualité de 2023 quand l’enquête sera terminée. Or, précisément, cela porte sur des révélations sur les barbouzes de la DGSE et de la franc-maçonnerie et sur le projet d’assassinat d’une coach de Créteil. Pourquoi avez-vous choisi de vous inspirer d’un fait divers pour votre nouveau roman ?

A. S. : Les événements que j’imagine dans mes romans prennent tous place dans un quotidien contemporain ou récent. J’ai pris l’habitude de les mêler à de vrais événements de l’actualité. Dans La tentation de la vague, je m’étais inspiré des affrontements sur les ZAD, ainsi que des mésaventures d’un grand groupe laitier. Pour Les moyens de son ambition, j’avais été choqué de découvrir l’existence de réseaux mettant en relation des étudiantes désargentées et des hommes d’affaires d’âge mûr. Il y a quelques mois, je tombe sur ce fait divers incroyable, où le burlesque côtoie le tragique, ce qui est le propre même du romanesque. Une affaire où des pieds-nickelés se font arrêter par la police dans des conditions rocambolesques, déclarent qu’ils sont des agents de la DGSE et racontent une histoire improbable d’espion du Mossad. Les révélations qui s’en suivent dans la presse sont elles aussi sidérantes. J’ai eu l’envie immédiate d’en utiliser quelques épisodes, autour desquels j’écrirais ma propre fiction, qui deviendra La trahison de Nathan Kaplan.

M. A. : Vous êtes un auteur auto-publié. Or, vous savez que dans le milieu littéraire, c’est assez mal vu. Pourtant, vous assumez parfaitement ce choix. Avez-vous tapé toutefois à des portes de grandes maisons d’édition avant de vous lancer dans cette périlleuse entreprise ?

A. S. : Mon premier roman, La tentation de la vague, a été publié par un éditeur. Je dois dire que c’est gratifiant pour l’ego, c’est une forme de reconnaissance. C’est aussi l’entrée dans une zone de confort. L’éditeur s’occupe de tout, vous tient au courant avec déférence. En même temps, il y a comme une dépossession. Par exemple, ce n’est pas vous qui déterminez le prix de votre livre. Le mien a été fixé à 23 €. Absurde ! C’est le prix auquel sont vendus les romans des auteurs de grande notoriété. Aucune chance pour un néophyte d’en diffuser beaucoup à ce prix-là ! A l’égard des amis qui l’achètent pour vous faire plaisir, c’est même gênant. Évidemment, mon livre s’est très peu vendu, d’autant qu’il avait été publié sans communication. L’année suivante, j’ai à nouveau sollicité des éditeurs pour un deuxième roman, Les moyens de son ambition. C’était en avril 2020, en plein confinement Covid. Rappelez-vous, les gens aspergeaient les colis de désinfectant et les ouvraient avec des gants. Je croyais bien faire en adressant mon tapuscrit par mail. Un éditeur, l’un des plus grands, m’a répondu qu’il ne le lirait pas, parce qu’il restait attaché au manuscrit papier, et de toute façon, sa maison n’aurait pas d’activité tant que durerait le confinement… Passons, c’était juste une anecdote cocasse. Je n’ai rien contre les éditeurs. Ce sont des professionnels, ils ont des objectifs de rentabilité. Pas évident pour eux de les atteindre en publiant des auteurs pas ou peu connus. Même chose pour les libraires. Ce sont des commerçants, ils doivent vendre et leur intérêt est de privilégier dans leurs boutiques les ouvrages qui ont le plus de chance de faire du chiffre. Mais moi, écrivain néophyte, il faut bien que j’avance, même si la filière édition-librairie ne m’est pas favorable ! Alors je n’oublie pas que je suis au départ un entrepreneur. Pour reprendre le thème final de mon premier roman, La tentation de la vague, je ne me rebelle pas contre le système, j’adopte juste une solution innovante en décidant d’éditer moi-même mes romans. Tant pis si ça me fait mal voir par ceux qui cherchent à protéger des positions établies.

M. A. : Comment passe-t-on d’une vie de dirigeant accompli à celle d’un écrivain auto-publié ? J’imagine que votre lectorat est encore assez confidentiel ? Comment faites-vous pour toucher votre public ? Est-ce que vous proposez votre roman en plusieurs formats, papier, numérique, etc ? Quel est le quotidien d’un écrivain auto-publié ?

A. S. : J’ai la chance de voir aujourd’hui mon entreprise dirigée avec talent par mes deux fils, ce qui m’a permis de me replier peu à peu dans un rôle de président non exécutif, avec du temps pour l’écriture et l’édition de mes livres. J’avais d’abord choisi une plateforme d’autoédition proposant d’accompagner les auteurs tout au long du processus de confection du livre : son format, sa mise en page, sa couverture, sa communication de lancement. Aujourd’hui, je maîtrise seul toutes les étapes du processus, pour le livre broché comme pour le livre numérique, puisque mes romans paraissent dans les deux formats. Je travaille sur une plateforme Amazon, dont je manie moi-même les outils. Je m’assure juste la collaboration d’une graphiste pour la couverture et d’une attachée de presse. J’utilise aussi le système proposé par Amazon pour mettre en valeur mes livres sur son catalogue en ligne, une démarche marketing très ciblée, puisqu’elle s’adresse spécifiquement à des personnes qui cherchent à acheter des livres. J’ai une excellente attachée de presse, qui m’aide à être présent sur les réseaux sociaux et les blogs littéraires. Pour un auteur comme moi, il est toutefois difficile d’élargir son public, car il est malheureusement presque impossible d’avoir accès aux pages littéraires des grands médias. Mais je suis patient, persévérant, obstiné. Je prends beaucoup de plaisir à écrire et à éditer mes livres. Je vais donc continuer.

M. A. : Sur le plan économique, j’imagine que cela demande de se monter en auto-entrepreneur ? Est-ce que vous parvenez à rentrer dans vos frais ? La partie technique et administrative ne pèse-t-elle pas trop sur l’auteur que vous êtes ? Généralement on voit l’écrivain comme un homme qui écrit. On le voit moins en éditeur, commercial, etc ? Quels conseils donneriez-vous à un auteur qui voudrait s’auto-publier ?  

A. S. : Voilà pourquoi je n’aime pas le mot autoédition, il ramène à celui d’autoentrepreneur, avec ses connotations d’amateurisme, de précarité, d’illégitimité. Oui, c’est un statut juridique qu’on peut adopter pour éditer ses livres, mais il y a d’autres possibilités. A chacun de voir selon sa situation personnelle. Il faut surtout être clair sur ses objectifs. Moi, j’écris des romans, des ouvrages destinés à apporter du divertissement, des sensations, des émotions, des surprises aux personnes qui les liront, et accessoirement à passer quelques messages. Puis, en tant que romancier qui édite ses propres ouvrages, je m’astreins à considérer le futur livre dans sa globalité, un « produit fini » à fabriquer à partir de feuilles de papier de format à déterminer, sur lesquelles sera imprimé un long texte affiné avec rigueur, à mettre en page harmonieusement, sans oublier des images de couverture, etc. Je devrai aussi en fixer le prix de vente, en prenant en compte à la fois les prix du marché et les coûts de production. Même raisonnement pour le livre numérique. Ça parait complexe, c’est assez passionnant. Maintenant, est-ce que je rentre dans mes frais ? Non, mais j’espère bien un jour y parvenir. Je considère que j’investis à long terme.

M. A. : Est-ce que votre statut d’auteur auto-publié a été bien reçu dans votre entourage ? Les gens ne vous reprochent-ils pas finalement de vous publier de manière illégitime ? Je me souviens d’une époque, bien révolue aujourd’hui, où l’on moquait les auto-publications, ou les écrivains édités à compte d’auteur, dans une maison d’édition aujourd’hui disparue qui s’appelait La Pensée Universelle. Ce qui représentait une belle arnaque, souvent.

A. S. : Dans les milieux littéraires, il est probable qu’on ignore mon existence et peut-être ne me jugerait-on pas digne d’en faire partie. Dans mon entourage, j’explique ma démarche et on semble la comprendre. J’explique aussi que mon système permet de proposer un roman de trois cents pages comme La trahison de Nathan Kaplan à moins de 12 €. S’il était publié par un éditeur, on le trouverait au double ou presque. Je présente la version numérique à moins de 4 €, les éditeurs proposent les leurs autour de 15 €. J’ai des lecteurs qui apprécient mes livres et qui les lisent systématiquement. Des amis sont contents de me signaler de bonnes critiques sur les réseaux sociaux et sur les blogs. Après la publication de quatre romans, je n’ai pas le sentiment qu’on me trouve illégitime. Je précise que mon système n’est pas ce que l’on appelle l’édition à compte d’auteur. Celle-ci est la pratique de maisons qui proposent d’éditer votre livre moyennant finances, à payer d’avance, avec parfois, dit-on, des résultats décevants ou inachevés. Ça peut en effet prêter à sourire. Encore que Proust lui-même ait publié Du côté de chez Swann à compte d’auteur.

M. A. : De plus en plus de gens écrivent, au point de submerger les éditeurs de manuscrits qu’ils ne parviennent même plus à lire. Amazon propose des publications en ligne dans son catalogue, avec des conseils techniques pour transformer son fichier en format e-pub. Vous utilisez vous-mêmes Amazon, dites-vous. Ne croyez-vous pas que ce soit un danger pour le livre à terme ? Cette profusion de titres ne met-elle pas en danger la pérennité du livre ? Est-ce que ce n’est pas un risque dans l’avenir, de ne trouver que des gens qui écrivent et trop peu qui lisent ?

A. S. : La plupart des gens qui écrivent lisent assidûment. En revanche, les lecteurs sont très peu nombreux à écrire. Il y aura donc toujours plus de lecteurs que d’écrivains. Mais c’est vrai que les éditeurs sont submergés par les manuscrits. Bien sûr qu’ils ne peuvent pas tous les publier ni même les lire. Les libraires se plaignent eux aussi de la surproduction de livres. On a donc un système éditeurs-libraires qui assume de ne pas pouvoir absorber tout ce qui s’écrit. Il fait un tri et élimine une partie de ceux qui écrivent. Mais ces derniers ont le droit de s’exprimer et c’est mieux de s’exprimer en écrivant un livre qu’en jetant des mots à l’emporte-pièce sur les réseaux sociaux. Il existe plusieurs plateformes d’autoédition, dont Amazon que j’utilise. Elles n’ont pas de stratégie éditoriale, mais elles bloquent les publications qui ne cadrent pas avec leurs règles éthiques et leur politique de qualité. Alors je ne vois pas le danger, surtout en ces temps de concentration financière dans l’édition. D’ailleurs, le système actuel de l’édition fait-il le maximum pour développer l’accès à la lecture ? Je trouve choquant que les éditeurs publient les e-books avec un discount moyen de 25 % sur le prix du livre broché, par exemple à 15 € au lieu de 20 €. C’est beaucoup trop cher. Car si un livre broché est coûteux à fabriquer et à acheminer, le coût de réalisation et de transmission d’un livre numérique est proche de zéro. Les versions numériques de mes romans sont en vente entre 3 et 4 €.

M. A. : Pour Roger Chartier, le texte électronique pourrait signer un repli définitif, car ce ne sont plus les lecteurs qui vont au livre mais le livre qui va aux lecteurs (avec le livre électronique, on peut désormais lire sans sortir de chez soi). Ne pensez-vous pas que cette liberté nouvelle que confère le texte électronique ne brouille néanmoins les rôles ? 

A. S. : Le livre évolue, la lecture poursuit son histoire. On peut voir la publication numérique comme un moyen d’introduire clandestinement dans les esprits des informations justes ou fausses, des idées bonnes ou mauvaises, des incitations à l’action pertinentes ou déplacées. C’est déjà le cas avec les blogs, les réseaux sociaux et la presse numérique. Les programmes politiques distribués sur les marchés disparaîtront au profit d’e-mails, avec les antivirus comme seuls filtres. L’invention de l’imprimerie avait probablement suscité le même genre de craintes.

M. A. : Quel est votre sentiment sur ce monde qui se profile, et dans lequel on trouvera peut-être bientôt une édition sans éditeurs, selon la formule d’André Schiffrin ?

A. S. : En matière de diffusion des savoirs et des idées, il est certain que l’éditeur et sa politique éditoriale sont essentiels. Le principe peut être mis à mal lorsque les actionnaires cherchent à imposer une autre politique éditoriale ou exigent des rentabilités maximalistes à court terme. C’est déjà largement le cas dans les médias. Pas sûr qu’il y ait menace pour le genre de romans que j’écris. Les critiques littéraires des blogs et des réseaux sociaux s’exprimeront et feront le tri. De toute façon, le risque de l’entreprise sans entrepreneur existe partout. Dans ma vie professionnelle, j’ai toujours privilégié la notion de développement dans la durée, qui exige d’arbitrer entre d’un côté l’évidente obligation de rentabilité, garante de l’indépendance, et de l’autre les ambitions qualitatives, sociales, sociétales, environnementales, citoyennes, dont l’entrepreneur idéaliste et optimiste que je suis estime qu’elles seront profitables à long terme.

Propos recueillis par Marc Alpozzo

Lettres capitales fait un grand entretien d’Alain Schmoll sur son inspiration littéraire

Interview. Alain Schmoll : Je revendique avoir imaginé en partie ce que je raconte dans « La trahison de Nathan Kaplan »

 

Comme le laisse bien l’entendre son titre, le roman d’Alain Schmoll La trahison de Nathan Kaplan (CIGAS, 2022) promet une action trépidante et un suspens à la mesure d’un promesse narrative construite avec aisance et une agilité bien marquées. Les personnages bien esquissés ne manquent pas de retenir l’attention du lecteur habitué à ce type de polars qui mélangent avec aisance des réalités du monde diplomatique, politique, de la sureté de L’Etat, de l’espionnage et de la concurrence ardue des affaires.

Avant même d’ouvrir votre roman, une chose retient notre attention sur le genre dont fait partie votre roman. Vous l’identifiez dès la première de couverture comme un livre « imaginé d’après un fait divers récent ». Plus loin, cette fois dans la Mise au point de la fin, vous parlez « d’articles publiés dans les magazines d’information ».  Compte tenu de ces détails, pourriez-vous nous dire comment avez-vous réussi comme auteur à passer de ces informations brutes, venant du quotidien, à la rédaction de ce roman dont vous ne niez pas l’existence d’une partie fictionnelle concernant l’intrigue, par exemple ?

Loin de le nier, je revendique avoir imaginé en partie ce que je raconte dans La trahison de Nathan Kaplan, qui est mon quatrième roman. Trouver l’inspiration dans un fait divers n’est pas une innovation. C’est un procédé courant auquel nos grands auteurs du XIXe siècle avaient eux-mêmes eu recours dans des romans célèbres. Ce qui varie d’un ouvrage à l’autre, c’est la ligne de frontière entre la fiction et la réalité. Vous avez le cas Truman Capote et son enquête minutieuse afin de reconstituer, dans De sang-froid, un fait divers criminel au plus près de la vérité. Parmi les romanciers actuels, vous avez Pierre Lemaitre, qui installe ses fictions dans des contextes de faits divers oubliés, un trafic de cercueil au lendemain de la Première Guerre mondiale, le scandale des piastres en Indochine à la fin des années quarante, les tempêtes de décembre 1999. L’affaire d’où je suis parti illustre parfaitement un propos de Barthes sur le sujet : « Voici un assassinat : s’il est politique, c’est une information, s’il ne l’est pas, c’est un fait divers ». Tout commence par l’arrestation rocambolesque en banlieue parisienne de deux individus, qui déclarent être des agents de la DGSE, le service secret français de renseignement ; ils auraient eu pour mission d’éliminer un agent du Mossad, le fameux service secret israélien. Alors, événement politique ? Après des révélations sidérantes dans la presse, il s’avère qu’il ne s’agit que d’un authentique fait divers, où se côtoient le sordide, le burlesque et le tragique, ce qui est le propre même du romanesque. J’ai eu aussitôt l’envie d’écrire une intrigue fictive autour des éléments factuels de cette affaire, tels qu’ils ont été révélés.

Qu’en est-il cette fois de vos personnages ? Comment sont-ils nés, selon quels critères dramatiques – des bons et des méchants, des durs et des fragiles, etc. –, pour qu’ils puissent incarner ce que l’on appelle dans le cinéma des « caractères », capables d’incarner des typologies humaines ?    

Tous mes personnages sont fictifs. L’ossature du fait divers réel, conservée dans le roman, reposait sur la rencontre de deux réseaux s’étant trouvé des intérêts mutuels et ayant pris l’habitude de contracter. D’un côté des commanditaires, de l’autre des exécuteurs. D’un côté des notables prêts à débourser des sommes importantes pour se débarrasser de personnes en travers de leur chemin, de l’autre des militaires subalternes affectés à un établissement de la DGSE, prêts à jouer les hommes de main moyennant finance. Pour mon intrigue, il me fallait un meneur dans chaque réseau, un personnage disposant de crédibilité, de charisme, capable de convaincre les autres de s’engager avec lui. C’est ainsi que j’ai créé Sylvain et Tiburce. En même temps, pour la vaste intrigue sentimentale que j’envisageais autour du fait divers, il me fallait un homme et une femme. Comme il avait été question d’un espion du Mossad, j’ai imaginé un personnage susceptible d’incarner une ambiguïté : Nathan Kaplan. Le personnage de Virginie est plus neutre, au début du roman en tout cas.

Passons, si vous le permettez, à l’intrigue de votre roman. Plusieurs lignes traversent son récit. Essayons de les analyser ensemble. La première est celle du monde des affaires, un milieu dur où la réussite se conjugue avec le courage, les compétences et le risque. Deux générations semble se retrouver face-à-face : celle des anciens patrons comme Michel Déclair (vous parle même d’une « époque Michel Déclair !), et celle de la nouvelle génération, de Virginie Déclair et de Nathan Kaplan. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet qui vous fournit de par sa nature un excellent matériau romanesque, n’est-ce pas ?

Pour élaborer l’intrigue et afficher Nathan Kaplan comme un homme lié à l’Etat d’Israël, il m’a fallu remonter à près de trente ans en arrière, à la décomposition de l’Union soviétique et à une émigration massive des Juifs russes en Israël, avec à la clé, un vaste programme de construction de logements. J’ai fait de Nathan Kaplan un jeune ingénieur ayant alors saisi l’opportunité de participer activement à ce programme. J’ai ensuite profité de ce que, depuis cette époque, certains professionnels du BTP ont considérablement évolué et intégré des technologies numériques de plus en plus complexes ; ils sont aujourd’hui des opérateurs internationaux maîtrisant la réalisation et l’exploitation d’unités industrielles sophistiquées, comme des infrastructures militaires. Nathan Kaplan avait habilement développé son activité en ce sens et cela l’éloignait de l’entreprise de ses débuts, dont le savoir-faire se trouvait menacé d’obsolescence.

Mais dans les affaires, il n’y a pas que les bons patrons. Il y a, par exemple, un François Gurnier qui est loin de suivre cette voie. Que veut dire ce modèle dont il est inutile de souligner le caractère antagonique, atypique même, à moins qu’il ne soit pas un cas isolé dans ce monde cruel ?

Il y a des profils dominateurs et péremptoires. Ces hommes ou ces femmes estiment que tout leur est dû, ne doutent jamais de rien, se croient tout permis. Leur aplomb confine à l’irresponsabilité. Il en existe dans tous les milieux sociaux et, pour répondre à votre question, aussi chez les patrons. Ils n’anticipent pas les aléas susceptibles de survenir et quand ils sont confrontés à des obstacles imprévus, ils cherchent à les franchir en force, en usant d’expédients dont ils n’évaluent pas les conséquences. Ils ont raison sur tout, ne mettent jamais en cause leur responsabilité, voient des complots partout et tout est toujours la faute des autres. Vous en connaissez certainement…

Et puis, il y a les affaires louches dans lesquelles trempent plusieurs de vos personnages, comme ceux du Club des Milles Feux. N’entrons pas trop en détails – laissons aux lecteurs le plaisir de faire leur connaissance. Une question, quand même pour savoir comment les situer dans l’échelle de la corruption ? Franchement, ils ont l’air un peu ignorant, voire idiot, vous ne trouvez pas ?

Le schéma est pourtant assez courant. A la tête du club de tir, il y a des hommes qui savent très bien ce qu’ils font et qui n’ont pas de scrupules. Ils excellent à manipuler des personnes qui rencontrent des difficultés et qui se laissent entraîner dans des aventures qu’elles auraient dû avoir la jugeote d’éviter. C’est aussi le cas des petits sous-offs de la DGSE. Il est vrai que la naïveté et la crédulité sont toujours étonnantes, surtout chez des gens d’apparence respectable et responsable. Regardez, dans l’actualité, combien ils sont à se laisser tenter par des propositions d’investissements mirifiques, qui sont autant d’escroqueries. La répétition des exemples malheureux pourrait servir de mises en garde ; mais non, ça marche toujours.

La nouvelle génération d’hommes d’affaire fait preuve de beaucoup plus d’ingéniosité et de volonté d’entreprendre. À quoi son dus à la fois leur succès et leurs défaites ? Prenons ici deux exemples : celui de Virginie et de Nathan.

Sur tous les marchés, dans tous les métiers, la roue tourne. À chaque génération émergent de jeunes entrepreneurs avec un regard neuf, un talent original, de l’ambition, de l’imagination. Ils exploitent des opportunités auxquelles leurs aînés n’avaient pas pensé, pratiquent un mode de management dans l’air de leur temps. Puis ils vieillissent, sont à leur tour dépassés par des plus jeunes. A la fin du roman, Nathan explique d’ailleurs que le cycle est en voie de s’achever pour lui. A quoi doit-il sa réussite professionnelle ? Sans entrer dans les considérations d’un traité de stratégie d’entreprise, on imagine sa détermination permanente à se tenir au plus près des attentes de ses parties prenantes, une préoccupation qu’il a fait passer avant sa vie privée ; c’est son problème, à lui de l’assumer. Virginie, pour sa part, se sent prisonnière d’une sorte de devoir moral, mais son métier ne l’intéresse pas ; logiquement, elle a du mal, mais elle tient le coup ; c’est une femme de sa génération, mais elle a du ressort. Enfin Sylvain se place plutôt dans la filiation d’un Rastignac ou d’un Bel-Ami, un modèle qui ne se démode pas ; ce qui le motive, ce sont les coups d’éclat rapides et l’argent facile ; ses succès lui tournent la tête et l’amènent à se lancer aveuglément dans des projets qui ne sont plus à sa portée.

L’intrigue policière prend une telle importance que nous aurions pu commencer notre discussion avec celle-ci, autant dans l’évolution de l’enquête que dans la pertinence avec laquelle vous construisez leurs portraits. Quels ont été les codes que vous avez suivis/inventés pour créer vos personnages ?

Pour le processus de l’enquête, j’ai repris les codes de la réalité. Les policiers partent de données brutes, qu’ils constatent et entendent : une tentative de meurtre, l’implication de la DGSE. La hiérarchie est alertée. L’affaire passe du niveau local à la Brigade Criminelle régionale, puis met aux prises les ministères de l’Intérieur et de la Défense. Mes personnages de policiers sont totalement fictifs. Le rôle principal est tenu par un officier de police trentenaire d’origine algérienne. Il a pour adjointe une séduisante jeune femme qui le fait un peu fantasmer, comme toutes les femmes qu’il croise, mais c’est un homme intelligent, droit, équilibré ; il est marié, père de famille et il mène son enquête avec sang-froid et lucidité.

En face des bons personnages – polar oblige – il y a les méchants : des commanditaires et des hommes de main. Ne disons rien de tout cela. Juste vous demander pourquoi les avoir choisis de manière un peu surprenante dans la DGSE, ce qui crée une double intrigue entres des hommes aux mentalités différentes et des services différents, Police et Armée.

Les événements déclencheurs de l’affaire se sont déroulés comme je les décris, avec l’implication de militaires de la DGSE. Vous avez raison, c’est surprenant, parce que la DGSE, c’est la Direction générale de la Sécurité extérieure et elle n’est pas censée intervenir sur le territoire national. Mais les faits sont têtus et c’est ce qui rend la vérité romanesque. L’instruction judiciaire de cette affaire est toujours en cours et il est probable qu’elle n’est pas facilitée par les divergences entre les façons de faire de la Police judiciaire et celles des services de renseignement de l’Armée.

Comme dans tout polar qui se respecte, le problème de l’amour est très présent. La manière dont naissent et évoluent ces relations laissent ressortit une dose importante d’humanisme de votre part. Il y a une gravité qui entoure vos personnages, dans leur désir de bonheur et dans leur confrontation aux traditions – je pense par exemple à Nathan. Alors, l’amour pour vous, penche-t-il plutôt vers le bonheur retrouvé ou plutôt vers la quête d’un bonheur impossible mais nécessaire ?

Les histoires d’amour impossible ont été le terreau de nombreux romans, qui montrent qu’en général elles se terminent mal. Alors amour et bonheur sont-ils compatibles ? Je pense que des opportunités d’amour heureux se présentent un jour ou l’autre. Il faut savoir en reconnaître une et la saisir au bon moment, à l’encontre éventuel d’obstacles, de principes ou de programmes élaborés d’avance. En énonçant cela, j’ai une pensée pour le héros de Yasmina Khadra, dans son magnifique roman Ce que le jour vaut à la nuit ; adolescent, il gâche le reste de sa vie en n’osant pas enfreindre une promesse qui n’avait pourtant pas lieu d’être. Dans mon roman, Nathan laisse passer les années et quand il se libère, il est peut-être trop tard. L’histoire que je raconte s’arrête là. La suite appartient aux lectrices et aux lecteurs ; ils imagineront ce qu’ils voudront.

Et, enfin, pensez-vous qu’il est impossible de réussir dans la vie sans trahir ceux qui nous sont proches, par obligation parfois, souvent sans le vouloir ? Qu’est-ce que la réussite pour vous et jusqu’où peut-elle exiger de celui qui la veut, qui la rêve à faire des compromis, des choix douloureux, égoïstes ? Est-ce que cela justifie la violence ?

Réussir sa vie, pour moi, c’est mener à bien des projets, dans différents domaines, familial, professionnel, culturel, sportif, etc, à condition qu’ils soient suffisamment ambitieux pour être difficiles à atteindre, mais pas trop pour être irréalistes. Bien sûr, il faut parfois adapter ces projets en cours de route, par pragmatisme, lucidité, honnêteté vis-à-vis des autres et de soi-même. Est-ce trahir ? Quand j’entends des gens se plaindre d’avoir été trahis – c’est un message qu’on entend souvent dans les sphères politiques –, je me dis : peut-être ne trahissons-nous que ceux qui comptent abusivement sur nous, ou qui se font des illusions sur nous. A nous de mettre les choses au point en temps utile pour que ce ne soit pas le cas.

Propos recueillis par Dan Burcea

Alain Schmoll, La trahison de Nathan Kaplan (CIGAS, 2022), 300 pages.